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castorp

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À propos de castorp

  • Date de naissance 12/05/1981

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  • Sexe
    Homme
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    région lyonnaise
  • Intérêts
    >philosophie (Bergon et Kant, Kierkegaard et Heidegger, Wittgenstein, Nietzche, Schopenhauer et Platon... pour le peu que j'ai lu, et ce que j'espère avoir compris !)<br />littérature (parfois les classiques, en particulier Balzac, Stendhal et Dumas, Dostoïevski et Tolstoï, Borgès, Camus, Malraux et Gide... La science-fiction avec Asimov et Dick, Silverberg. Les policiers : Maigret, Poe, Conan-Doyle, Leblanc ; et de plus récent comme Grisham)<br />J'aime bien aussi la politique, l'économie et l'histoire. <br />Et j'aime bien jouer, aux échecs ou avec une console ou des cartes, et le cinéma ou quelques bonnes séries. <br />Mais si je ne suis pas seul, ce que je préfère c'est tout ce qui peut se faire entre amis...

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Réputation sur la communauté

  1. A ce sujet si je peux me permettre un conseil de lecture : Ludwig Witgenstein, éber Gewissheit, 1953 Trois jours avant sa mort, ce penseur considéré par les spécialistes comme le pendant d'Einstein dans le domaine philosophique, s'est interrogé sur les fondements et les mécanismes de la certitude. Malheureusement je ne croie pas que le texte soit traduit en français, donc il faut lire un peu l'Allemand... Néanmoins ça peut valoir le coup, notamment pour comprendre ce qui peut conduire au § 149 où émerge la notion de 'Wesen des Urteiles', soit 'l'être du jugement', que rien n'interdit de considérer comme une région de 'l'être de l'étant', le Dasein déjà-après-le monde ; et donc de tenter de prolonger l'effort de Heidegger, puisque étre et Temps ne devait être à l'origine que la première partie d'un projet qui aurait pu déboucher sur une anthropologie. Malheureusement il y eût la guerre. Néanmoins, en complétant via Wittgenstein - et sa théorie des jeux "ethique", je le signale pour faire plaisir à Titsta - le point de vue de Heidegger : à savoir en associant à [la préoccupation qui discerne], "le goût de la recherche, pour le plaisir ou parce qu'on veut en avoir le coeur net", c'est à dire sans que le souci détermine la Meinung, ce qui permet d'être parfois un peu feignant, enfin... ...on se sent mieux armé pour tenter ontiquement de fonder ontologiquement le discours, de clarifier 'l'être du discours', afin de Kritiquer, en s'inspirant de la méthode de l'illustre Kant, la notion de 'Voile de Maya'. Et en étant optimiste, si cette clarification sur l'être du langage permet d'atténuer le pouvoir de la notion de 'Voile de Maya', on peut sortir de l'Aporie, qui a révolté Karbomine..., consistant à déclarer que activité/passivité sont déjà des formes de mensonge. De façon plus générale, pour une bonne critique de l'esprit bouddhiste qui autorise la génèse d'une telle Illusion : Cf. Bergson, les deux sources de la morale et de la religion.
  2. En me baladant un peu dans les diverses annexes du forum, j'ai vu que je pourrais m'organiser différemment. A l'avenir si je sens qu'un texte risque d'être "trop" long, je l'hébergerai sur l'espace de mon blog. Ces textes ont la longueur qu'ils ont parce que je ne veux pas prendre le risque d'être trop imprécis sur certaines choses qui me semblent appartenir à ce qui est "grave et sérieux", ce qui est ma manière de lutter contre le mensonge, alors que je n'ai pas le talent littéraire pour faire plus court sans me trahir. Et sur les forums, je pourrais à l'occasion employer un ton plus polémique qui permet certainement de faire plus concis, tout en sachant que sur mon blog il y aura au moins une argumentation qui me permettra d'être "en paix avec ma conscience". (in fine mon point de vue est légitime dans l'univers éthique de Karbomine : plutôt prendre le risque d'être impopulaire en écrivant des posts trop long, que de dire des choses sous une forme à laquelle on n'adhère pas vraiment, parce qu'autrement on tombe dans les méandres de la problématique qu'a décrit Titsta) Je m'excuse une dernière fois pour la longueur de mes posts précédent : croyez bien que je ne cherchais pas à monopoliser de l'espace pour le seul plaisir de me répendre, mais parce que je ne savais pas comment faire autrement, ce qui n'est certes pas une qualité, surtout dans notre société de communication de masse. Je vais essayer de mettre en pratique...Il me semble que sur ce topic un distingo pourrait être utile : Karbomine pose le sujet essentiellement dans la sphère privée, alors que Titsta le pose dans la sphère public. Dans la sphère public, je suis d'accord avec lui, mentir est plus un devoir qu'un droit, parfois, ne serait-ce que pour empêcher les multinationales de renseigner sur nous d'énormes bases de données. Dans la sphère privée on pourrait penser que le mensonge doit-être éradiqué, mais je vais essayer de maintenir mon opinion, même si elle peut sembler paradoxale : parfois des "mensonges tactiques" sont nécessaires, l'important étant de rester "authentique"...mais je suis d'accord, ces notions auraient besoin d'être largement précisées, si on ne veut pas qu'elles véhiculent toutes sortes de malentendus. :blush:
  3. En premier lieu je pense que la pire des confusions à éviter, c'est l'amalgame entre un discours positif et un discours normatif. Constater qu'on ne peut avancer dans la vie sans être confronté à des mensonges, que par conséquent il est légitime de s'interroger sur la capacité de notre pouvoir de connaître à les identifier et et les dévoiler (ce qui amène la question de savoir si tout ce qui est passible d'être posé comme objet d'investigation peut-être déterminé par des jugements apodictifs, ou si parfois il faut se contenter de jugements probabilistes...) est une chose. Estimer que la "loi morale" nous prescrit de ne jamais mentir, quelles que soient les circonstances, et peu importe les efforts et même les sacrifices que cela suppose (et même les sacrifices que d'autres devront faire pour satisfaire notre besoin de vérité per fas et nefas), en est une toute autre. On peut tout à fait estimer qu'en aucun temps ni en aucun lieu on ne peut trouver le cas d'un mensonge qui pourrait être légitimé d'un point de vue éthique, et dans le même temps prendre acte du fait qu'il existe des personnes suffisamment douées dans leur art diabolique pour affirmer des choses que l'on ne peut qualifier comme vraie ou fausse, avec une certitude absolue, sans que subsiste le moindre doute...et si tel n'était pas le cas le travail de la justice dans son ensemble serait autrement plus facile ! Tout ce que j'ai voulu illustrer par mon "anecdote", c'est que tout le monde, dans ce que sa vie a de plus banal, se trouve parfois confronté à des situations où "faire la part du vraie et du faux" ne peut-être le résultat d'un processus binaire, et que bien souvent porter un jugement synthétique sur un problème concret implique de prendre en compte certaines nuances, de faire certaines hypothèses...Pascal a exprimé cette idée en disant que parfois, l'esprit de géométrie avait besoin du concours de l'esprit de finesse... Si on se place sur le plan de l'analyse normative, j'ai parfois tendance à penser que ma vie et celle de beaucoup d'autres serait beaucoup moins douloureuse si l'homme était incapable de mentir, si, par exemple, comme dans certaines histoires de science-fiction il existait des télépathes dont le rôle serait de s'assurer de la bonne-foi des uns et des autres pour que toute tentative de mensonge soit étouffée dans l'oeuf. Mais le raisonnement a contrario mérite de ne pas être ignoré. Que se passerait-il si effectivement le mensonge était impossible ? On ne pourrait plus se tromper sur les intentions des uns ou des autres, ou sur nos propres motivations, plus personne ne commettrait la moindre entorse à l'ordre établi puisque plus personne ne pourrait se "couvrir", on ne pourrait peut-être même plus confondre parfois le bien et le mal, le monde ne serait plus "un jeu de miroir en mouvement"... Dans ces conditions, outre que la source d'inspiration de la littérature s'en trouverait considérablement asséchée (que seraient les pièces de Shakspeare si un personnage menteur était complètement irréaliste...?), aurions-nous encore l'occasion de nous tromper ? Aurions-nous encore l'occasion d'hésiter ? Bref, que resterait-il du libre-arbitre ? Dans une de ses conférences, Bergson avance l'idée que la difficulté, inhérente à toute existence, a pour finalité d'offrir à chacun l'occasion de fortifier son âme, avant que celle-ci ne soit appelée vers une autre forme d'existence. Si le mensonge n'existait pas, la vie deviendrait probablement trop facile, nous n'aurions plus souvent l'occasion de souffrir, et peut-être même deviendrait-elle ennuyeuse... Sur le plan de l'analyse positive, je reste convaincu qu'on ne peut, dans de nombreuses situations (ne serait-ce qu'en raison de la contradiction entre " poser des questions quand les hypothèses deviennent périlleuses" et reconnaître à chacun le droit de "dire : "je ne souhaite pas parler de celà, ça me touche de trop près" et basta") faire l'économie de certaines hypothèses ou autre évaluation probabiliste. Tout simplement à la manière des historiens qui, faute de pouvoir convoquer ceux qui ont vécu il y a quelques siècles, et de les convaincre que le mensonge est une chose très vilaine, sont bien obligés d'en passer par un effort interprétatif pour comprendre une époque, et énoncer une quelconque "vérité" à son sujet ! D'ailleurs en parlant d'histoire, je ne peux m'empêcher de trouver que déclarer : "ainsi, il y avait en France alors deux camps distincts. peut-être plus, je ne sais pas. mais comme l'action était binaire (victoire des Alliés / victoire de l'Axe) toute idéologie, de fait, devait se rattacher à l'une ou à l'autre (+la Suisse.. moui...)", c'est simplifier excessivement les choses. Au moment de la rencontre de Montoire, l'issue de la guerre était loin d'offrir le visage d'une alternative à deux branches. Certes on pouvait espérer que les Etats-unis allaient rompre avec leur doctrine isolationniste, mais avant Pearl-Harbor peu nombreux étaient-ceux qui étaient prêt à parier sur une telle éventualité. Rien ne garantissait non plus que ça n'allait pas être l'Armée rouge qui allait venir "libérer" toute l'Europe ; or, si déjà à l'époque le nazisme semblait odieux à certains, le communisme effrayait encore bien plus une grande partie du peuple... D'où l'intérêt de s'interroger sur les chances de l'Allemagne ; et là encore Hitler aurait pu l'emporter, et de diverses manières : en ayant conquis Moscou ou en se retrouvant avec une frontière brûlante à l'Est si l'Union soviétique n'était pas intervenu ; en ayant fait plier l'Angleterre, ou après une alliance stratégique conclue avec elle (ce qui semblait être un voeu très cher aux yeux du Führer)...Bref, envisager une réorganisation de l'Europe autour de l'Allemagne n'avait rien de particulièrement optimiste ou pessimiste, et dans ces conditions, que le gouvernement de Vichy semble jouir d'un statut privilégié parmi les vaincus (existence d'une zone-libre, intégrité de l'Empire, maintient apparent d'un reste de souveraineté) était suffisamment ambigu pour autoriser tous les espoirs et légitimer toutes les spéculations ! Ce n'est d'ailleurs qu'un an plus tard que Pétain a senti "souffler un vent mauvais", et même après ça, si les positions se sont un peu clarifiées, on était encore très loin d'une simple alternative binaire...et encore, là, on ne parle que des politiques...que de développements il faudrait pour analyser la position des institutions et des entreprises dont le seul but était de survivre, ou encore du père de famille pour qui la seule priorité était de nourrir ses enfants, sans parler d'intellectuels et de pacifistes authentiques qui pensaient sincèrement que la férule de la botte nazie était le prix à payer pour relever moralement le pays. Il n'y avait pas que les résistants d'un côté, et les ultra-collabo de la milice de l'autre ! Je m'excuse de m'être un peu épanché, mais comme l'a fait remarqué Titsa dans le post précédent, on risque bien souvent l'incompréhension, et même d'être accusé de mensonge (!), si parfois on ne prend pas le temps d'exprimer du mieux qu'on peut son point de vue. Par ailleurs, je ne me sens pas trop coupable, vu que je ne monopolise pas du temps de parole, mais seulement une infime partie de l'espace virtuel qu'est internet, sous la forme d'un texte qu'on peut très facilement sauter ou survoler (comme l'auteur de message précédent déclare l'avoir fait, sans pour autant sembler traumatisé). Finalement il n'y a que moi que ça peut gêner vraiment, dans l'hypothèse où j'avais peut-être mieux à faire Mais quitte à s'exprimer sur un forum sur un sujet que j'estime être sérieux, je préfère prendre le temps d'argumenter correctement, parce qu'à mes yeux (mais bien sûr tout est relatif...), un petit mensonge de circonstance est peut-être acceptable, mais pas l'affirmation dogmatique d'opinions extrêmes, dans le cadre d'une discussion sincère. Pour en revenir au sujet, je ne cherche pas à complexifier les choses pour le simple plaisir, mais parce que je considère qu'il est plus important d'empêcher que des schématisations abusives permettent de faire passer des opinions peut-être trop tranchées, que d'obliger ceux qui m'entourent à confesser le moindre de leurs errements. Ainsi, quand je voie le sort réservé à l'histoire de la France à l'heure allemande, j'ai des doutes sur l'emploi des termes "axe du bien/axe du mal". Certes, la présence de l'icône qui s'y trouve associée me fait penser qu'il faut prendre cette formule au second degré ; néanmoins je n'en suis pas certain : peut-être parce que trouver sur ce forum le vocabulaire propre aux slogans de la propagande reaganienne m'a tellement surpris, que je ne me sens pas capable de juger cet événement à sa juste valeur, comme je pourrais déterminer de façon binaire la valeur de vérité d'une proposition appartenant à un système formel. Bien sûr, pour ce qui est de ce qui se passe à l'intérieur de ma tête, je ne prétends nullement réussir à faire preuve d'une lucidité qui me satisfasse. J'espère ne pas trop me tromper, mais seulement dans la mesure où je n'en pense pas souvent grand chose, hormis le fait qu'il y a beaucoup de mystères, à coup sûr trop. Je me doute donc bien qu'il y a beaucoup de choses qui m'échappent, et je suis même prêt à admettre que c'est cette ignorance qui m'empêche de voir cette opposition entre "l'axe du bien et l'axe du mal". Mais je refuse de prendre une telle affirmation pour argent comptant, et si j'accepte de revoir mes positions, il faudra cependant que quelqu'un m'y aide, en commençant par exemple par me désigner un représentant typique des "forces du biens", et un des sbires connu des "forces du mal". Pour le reste je ne vais pas chercher à polémiquer. Je voudrais juste faire une remarque à propos de l'expression "choisir un principe moral", mais sans reprendre le fond de mon argumentation, parce que je voudrais juste tenter d'illustrer dans la mesure du possible le sens du message précédent (auquel j'adhère globalement, à l'exception du fait qu'il existe des gens qui savent très bien ce qu'ils font lorsqu'ils mentent, et qui mentent moins par leurs mots, que par leur attitudes, leurs intonations, leurs gestuelles et leurs regards...j'en connais ; et justement ils profitent de toutes les imperfections de nos moyens de communications, qui peuvent nous pousser à nous traiter abusivement de menteurs les uns les autres, pour faire croire à leur bonne foi en profitant de ce qu'on appelle le doute raisonnable) Comment "choisit-on un principe moral" ? Par la raison, par intuition, avec son coeur ? J'imagine que ce choix intervient après avoir exercer un droit d'inventaire sur la "morale judéo-chrétienne" que nous inculque la société, d'abord via l'éducation de nos parents. On vit un temps en appliquant ces principes, qu'alors on a certes pas choisi, vis à vis desquels on s'est comporté comme un simple réceptacle, puis vient le jour de la remise en question, après laquelle on "choisit" des principes que l'on s'engage alors à assumer, faisant preuve de cette responsabilité qui nous autorise à revendiquer le statut d'adulte. Mais ces principes que l'on érige "en maxime pour la raison pratique", les a-t-on vraiment choisis, ou a-t-on seulement accepté de les laisser s'imposer ? La nuance a l'air peut-être un peu trop subtile pour être convaincante, mais elle revient à dire que le choix que l'on fait n'est pas si arbitraire qu'il peut en avoir l'air. Quand bien même on a identifié tous les déterminants structurels qui auraient pu nous conduire à un mauvais choix, et que par conséquent on n'a pas fait le mauvais choix, il reste cependant qu'on aurait pas forcément pu faire un autre bon choix. Peut-être existe-t-il une essence au fond de notre être, on peut-être que notre être n'est que la forme in concreto, sur le plan phénoménologique, de quelque chose de plus vaste, qui ressemblerait à ce que Schopenhauer nomme la Volonté. Si le principe que je choisi d'appliquer est celui-là et pas un autre, c'est parce qu'il existe un rapport, un peu mystérieux, entre ledit principe, et ma propre volonté, tandis que l'application de mon libre-arbitre aura été de faire tout mon possible pour laisser s'établir la connexion entre la loi morale et ma volonté. Si j'ai ensuite un devoir de constance dans l'observation de ce principe, c'est qu'il me reste mon libre-arbitre, et qu'il m'est toujours possible de choisir de ne plus me soumettre à la loi morale, pour par exemple modifier l'éthique sur laquelle je m'appuie dans un sens plus favorable à mes intérêts matériels, ou encore à une carrière politique que j'ambitionne. Bref, l'accès à l'âge adulte se situe au moment où l'on cesse d'appliquer les principes moraux par simple habitude d'obéir, pour choisir de leur obéir, en toute connaissance de cause, ce qui implique d'avoir identifié et neutralisé tous les déterminants structurels qui nous poussent à vivre "en se prenant moins la tête". Donc, on ne choisit pas un principe moral, on choisit une attitude vis à vis d'un principe moral, qu'un rapport sain entre la conscience et la volonté nous permet de voir comme étant juste. On trouve le principe là où il est, peut-être au fondement de notre être intelligible, et on choisit de s'y soumettre, parce qu'on espère ainsi être libre : le paradoxe fondamental que dénonce les critiques de l'éthique kantienne. Toutefois, encore plus paradoxale est l'idée que le sujet, par le pouvoir de sa raison, choisit un principe d'action parce qu'il est capable d'anticiper sur toutes les conséquences qui découlerait pour lui, les autres et le monde, de l'application de ce principe, ce que suggère la formule "un principe moral choisit de façon assez arbitraire, que l'on peut modifier, mais vis à vis duquel il faut s'efforcer d'être constant si on ne veut pas être une girouette." Encore une fois on ne choisit pas un principe moral, puisqu'il n'y pas de choix offert, du moins pas entre différents principes moraux, mais entre un principe moral et des principes égoïstes. et on choisit de se soumettre à un principe qui pourtant risque de rendre notre quotidien moins confortable. Je sais bien que la différence est par certains côtés si ténue qu'on pourra m'accuser facilement de jouer avec les mots ; néanmoins, c'est lorsqu'on laisse de minuscules nuances disparaître qu'on ne satisfait plus à l'exigence de précision telle que la définit Bergson, et qu'on ouvre la porte aux problèmes de communication du genre de ceux qu'a décrit Titsta, et qui sont désignés chez Kant comme faisant partie du problème de l'intersubjecivité. Mise à part cela et pour finir, je tenterais tout de même de poser une nouvelle fois une problématique sur cette question du mensonge, et ce je l'avoue pour le seul plaisir d'écrire. Si je comprends bien, on s'efforce à atteindre au "maximum" de la lucidité, en espérant qu'un jour ce maximum personnel atteindra un absolu. Pour l'instant, on ne tient pas encore la morale qui prouverait l'inanité du mensonge quelle que soit les circonstances, parce que notre lucidité n'est pas encore absolue, ce qui ne nous empêche pas, toutefois, de savoir qu'au moment où notre lucidité sera absolu, on tiendra la fameuse morale, qui excluera toutes circonstances atténuante pour un menteur. Mais comment peut-on savoir ce que nous apprendra une lucidité absolue tant que notre lucidité est limité ? D'où viendrait une intuition de la vision que permet une lucidité absolue, dans un système de pensée utilisant une lucidité limité ? Personnellement je n'ai pas la réponse, et je serais déjà content d'avoir une lucidité suffisante. Pour ce faire j'essaye d'ailleurs ces jour-ci de lire un livre qu'un ami m'a prêté il y a quelques mois. Il s'agit d'un recueil de textes de Krishnamurti, un spirituel indien, ne se prétendant ni philosophe ni religieux, mais qui a décidé de faire part d'une partie de son expérience parce beaucoup de ceux qui l'entouraient voulaient faire de lieu un "Dieu vivant", ce qu'il a naturellement refusé. Cela s'appelle la première et dernière liberté. Je ne prétends certainement pas avoir compris comme je l'aurais aimé son texte, puisque ma lucidité ne me convient toujours pas. J'ai néanmoins retenu que de son point vue, très certainement plus éclairé que le mien, tout ce qui ressemble à une discipline, à une méthode, à un effort ou une croyance ne conduit en réalité qu'à renforcer le moi, alors que le seul moyen de comprendre le processus entier de notre pensée, ce qui ressemble le plus à ce qu'on pourrait appeler une lucidité absolu, et qui ouvre les portes de l'amour véritable, suppose au contraire d'écarter le moi, de le rendre aussi inexistant que possible, afin que l'esprit devienne réellement attentif. Donc, sans vouloir te dire si tu as tort ou raison, car j'en serais bien incapable sur ce point, je t'indique seulement que d'après ce livre qui pourrait t'intéresser, "se prendre au collet" n'est pas forcément le meilleur moyen d'acquérir un "degré de lucidité supplémentaire". Mais cette question de la lucidité ne m'intéresse pas plus que ça, du moins pour le moment, car comme je l'ai déjà dit, concernant ce point j'en suis plutôt au stade des travaux pratique. :blush: :) En revanche, sur la question de la sincérité j'ai plus de choses à dire. Etre toujours sincère en toutes circonstances peut être très dangereux. Outre que cela oblige à renoncer à toute activité dans la sphère politique et la sphère des affaires, cela peut être source de drame même dans la sphère privée, si on a le malheur de faire une mauvaise rencontre, par exemple une personne manipulatrice, mais en même temps aussi intelligente que perverse. Beaucoup de drame liés à la pédophilie commence ainsi, parce que les enfants ne se méfient pas assez et ouvrent trop facilement leur coeur ; mais ne va pas croire que seuls les enfants peuvent être victimes de ce genre de personnage, car il est arrivé que même des universitaires brillants tombent dans les griffes de personnes malintentionnées, même si alors il ne s'agit plus de pédophilie. C'est pourquoi, plutôt que de porter au pinacle la notion de sincérité, je préfère de loin la notion d'authenticité, telle qu'on pourrait l'emprunter à Heidegger, avant de la transformer un peu en vue de l'usage que l'on souhaite en faire (et ceux qui trouveront le procédé inélégant pourront toujours se dire que c'est loin d'être aussi inacceptable que ce qu'a fait Sarte, si on en croît la Lettre sur l'humanisme de 1946). En l'occurrence, on pourra dire qu'il ne faut pas viser la sincérité en toutes circonstances, mais l'authenticité. Quelle différence ? Etre authentique, cela suppose de vouloir faire l'effort de regarder les problèmes en face, (évidemment me dira-t-on), mais aussi de les penser en des termes satisfaisant les règles de ce que Bergson nomme l'exigence de précision. Mais là où les choses changent, c'est qu'on peut satisfaire à l'exigence de précision en s'autorisant ce qu'on pourrait appeler des "mensonges tactiques", lorsque les circonstances l'exigent. L'important étant que le mensonge tactique peut tromper celui qui n'est pas "authentiquement" attentif au discours, peut-être parce qu'il est en train de chercher la faille grâce à laquelle il espère prendre le dessus, tandis que celui qui écoute dans une attitude authentique repèrera le mensonge grâce à une quelconque contradiction, mais repèrera en même temps la clef qui lui permettra de lire réellement entre les lignes, et de comprendre le message dans ce qu'il a de réellement essentiel, indépendamment de quelques détails, certes faussés, mais qui au fond n'intéressent vraiment que ceux qui se passionnent pour les ragots. En d'autres termes un texte peut-être voilé, avoir un sens trompeur si on le prend au premier degré, et être malgré tout authentique, en ce sens qu'il ne nécessite pas plus d'informations, mais une meilleur com-préhension (au sens éthymologique : prendre avec), que l'on obtient pas en espionnant mais en faisant un effort d'attention supplémentaire (une notion qui me paraît beaucoup "abstraite" qu'un acte de lucidité supplémentaire). C'est d'ailleurs un peu le principe de toute forme d'ésotérisme, au sens qu'avait ce terme à l'époque de la Grèce antique ; et on peut donc y voir un principe de légitimation des mythes, un sujet qui semble intéresser beaucoup de monde sur ce forum. Au passage, un comportement également peut-être authentique tout en manquant apparemment de sincérité, lorsqu'un mensonge vient jeter un voile pudique sur certains événements ; néanmoins, lorsque la relation est authentique, ce qu'il y avait de signifiant dans ce qui a été ainsi voilé est accessible par d'autres voies, parce que le discours authentique voile, mais ne cache pas. Cependant il faut prendre en compte l'intégralité de la relation, et avec une attention soutenue, ce qui explique qu'on peut passer du temps à penser à une personne, dans ce que Bergson nomme un effort de sympathie, sans que cela ne soit un effort malsain pour psychanalyser ses amis malgré eux, sous prétexte par exemple qu'on est certain qu'ils nous ont menti ; sans parler de la méthode ignoble qui consisterait à les espionner de quelque manière que ce soit : parce que ce qu'on cherche, ce n'est pas plus d'informations, mais une meilleur compréhension. Avant d'en terminer pour de bon je tiens à faire une dernière remarque, parce qu'elle est en rapport notamment avec certains propos de Krishnamurti dont j'ai parlé plus haut. Autant pour écrire mon dernier message, lorsque j'ai voulu répondre point par point à tes commentaires, il m'a fallu faire un effort ; j'ai du prendre sur moi pour aller jusqu'au bout, alors que sur la fin je commençais à en avoir marre, autant pour écrire ce message-là je n'ai pas eu à faire d'autres efforts que de vouloir exprimer vraiment le fond de ma pensée, et j'ai écrit pendant plusieurs heures, mais sans les voir passer. Et si je suis maintenant un peu fatigué, alors que j'avais commencé à écrire parce que j'avais une insomnie, c'est une fatigue purement physique, qui n'a rien à voir avec le genre de fatigues nerveuses consécutives aux efforts intellectuels trop violents. J'ajouterai même, pour être franc, que en commençant je ne pensais vraiment pas parler de cette notion d'authenticité qui mérite certes encore nombre d'approfondissements ; non que je vienne de l'inventer, mais il y avait longtemps que je n'avais eu l'occasion d'y penser. Voilà, je me permet d'ajouter une nouvelle catégorie à ma typologie initiale, le "mensonge tactique". Toi qui semble jouir d'une lucidité axée sur une norme visant à la porter peu à peu vers un absolu, qu'en penses-tu ?
  4. A propos de la première partie des commentaires adressés à mon "post" : pour prendre un exemple qui renverra tout le monde à au moins une expérience concrète (du moins je l'espère sincèrement), lorsque l'on entretient une relation courtoise avec une personne qui nous plaît, il arrive fatalement un moment où on s'interroge sur ses sentiments profonds. Autrui me considère-t-il réellement comme une fin, ou bien ne suis-je qu'un moyen de combler un besoin (qui peut être déterminé par une structure dont l'autre n'est d'ailleurs pas forcément conscient) Et la réponse va rarement de soi. Certes il existe des oiseaux rares qui en toutes circonstances disent ce qu'ils pensent ; mais il y a également des gens très bien, que la situation peux obliger à une certaine pudeur, et alors il faut interpréter des signes. Existe-t-il certains traumatismes passés qui expliquent une remarque acerbe, dont la connaissance permet d'éviter de les considérer comme une manifestation du libre-arbitre ? Ou bien alors, une évaluation de la personnalité d'autrui ne nous permet-elle pas de considérer certains silences comme plus éloquents qu'il n'en n'ont l'air, alors qu'un autre observateur, à qui manque cette évaluation, les jugera insignifiants, si toutefois il les remarque ? (...) A l'origine, je ne pense pas que la problématique kantienne de l'inter-subjectivité incluait ce genre de situation dans le champ empirique auquel elle s'appliquait, mais je ne vois pas ce qui nous empêcherait de le faire. On est bien face à problème où il faut interpréter des signes , afin de dresser une sorte de tableau clinique, ce qui ne peut se faire sans des hypothèses de travail, lesquelles conduisent à une évaluation probabiliste, puisque non apodictique - tertium non datur- des événements que l'on cherche à qualifier en faits, et qui seront une matière première, bien qu'elle soit elle-même le produit d'un processus d'interprétation, pour la faculté de juger, chargée in fine de trancher la question essentielle que l'on se pose... Et là on est bien dans des problématiques liées à la nature du mensonge : on peut se mentir à soi-même en faisant des hypothèses irréalistes, il faut parfois mentir pour ne pas dévoiler trop vite ses cartes, mais sans mentir sur le fond de sa personnalité parce qu'alors on condamne la relation à évoluer sur des bases malsaines, il faut également procéder à une sorte de "calcul différentiel" pour évaluer la vraie personnalité d'autrui, puisque l'on sait que le jeu de la séduction pousse l'un et l'autre à faire des efforts qu'il ou elle ne sera pas forcément enclin à soutenir au quotidien, enfin il faut tout simplement déterminer certaines propositions comme vraies ou fausses, certains non-dits comme essentiels ou accidentels, certaines remarques comme ironiques ou sincères...pour peu à peu lever le voile qui dissimule les motivations profondes derrière les intentions réelles...tout, pourvu qu'on s'abstienne de "prêcher le faux pour savoir le vrai" : je ne sais pas pourquoi mais j'ai toujours trouvé cette pratique répugnante. :) Bref, tout acte de parole est inclus dans un discours, lequel repose sur une pensée ou un préjugé, et pour trancher il faut évaluer le profil du locuteur, à l'aide d'hypothèses qui permettent d'interpréter les signes que l'on perçoit, et de qualifier les événements en éléments factuels, et ainsi fournir des prémisses à la faculté du juger... :blush: Je pourrais certes être encore plus concret, en racontant des anecdotes ; mais je n'en ai pas très envie, tandis que j'espère que l'exemple que j'ai choisi renverra chacun à des souvenirs, qui feront tout à fait l'affaire pour illustrer les concepts que j'ai tenté d'utiliser ; mais si ce n'est, malheureusement pour moi, pas le cas, je suis prêt à tenter éventuellement quelques narrations expurgées de tout vocabulaire un tant soit peu abstrait. D'autres questions peut-être plus "fondamentales" peuvent amener à des considérations analogues. Pour faire court, sur la question des évaluations probabilistes, on peut faire appel, sur la question de l'existence de Dieu, au plus que célèbre "pari pascalien"... Quand à la question de la majorité intellectuelle et de la notion de responsabilité, loin de moi l'idée de remettre en cause la théorie kantienne. On peut d'ailleurs citer Bergson,( qui sur certains points s'accorde assez bien avec Kant, même s'il s'oppose diamétralement à lui sur certaines questions fondamentales) : l'âge adulte commence lorsque l'on sait où l'on a décidé de "placer le grave et le sérieux"... Néanmoins ces conceptions me semblent parfois un peu trop optimistes, et j'ai l'impression qu'en matière de morale je me sens plus réceptifs à certains arguments de Schopenhauer. Ceci dit, un point de l'argumentation qui suit me gêne, en particulier les terme "choisir une éthique", et l'idée d'un principe d'action qui serait "assez arbitraire" et "modifiable" à volonté. J'ai envie de croire que ce qui fait la spécificité de l'homme, c'est son statut d'être intelligible, qu'il doit au fait d'être dépositaire au fond de lui de la loi morale. Mais dans ce cas on ne choisit pas une éthique, on creuse dans son esprit, pour dégager de la gangue de notre inconscient, et en dépit des nombreuses structures qui nous déterminent, la loi morale, qu'il nous faut alors formuler correctement. Mon principe d'action devient valable s'il résulte d'une interprétation correcte de cette loi, et s'il est modifiable à tout instant, c'est parce que rien n'indique que je ne me suis pas trompé dans mon interprétation. Mais une fois que j'ai mis au jour une maxime valable pour la raison pratique, je dois m'y conformer avec rigueur, si j'espère éprouver réellement "la facticité de l'idée de liberté". Pour autant cela ne m'empêchera d'être parfois en porte-à-faux avec la pensée dominante... Je ne sais plus qui a dit [il y a peu de vices qui m'empêchent d'avoir des amis autant qu'une trop haute vertu], mais la formule est saisissante (Schopenhauer la cite quelque part dans le monde comme volonté et comme représentation) Pour ce qui est de Sartre, je connais très peu, à part quelques formules brillantes, certaines qui semblent très justes, d'autres qui sont plutôt révoltantes. Néanmoins j'aime beaucoup la formule sur la liberté pendant l'occupation. C'est d'autant plus courageux de sa part d'avoir dit ça, que son attitude à cette époque fut quelque peu ambivalente (Cf. Jean-Pierre Azéma dans le troisième tome de la nouvelle histoire de la france contemporaine : [ les mouches exigent un trop grand effort d'exégèse pour être considéré comme une véritable oeuvre de résistance]. Mais peu importe. Quand à ce qui suit sur les résistants, je suis plutôt d'accord, à une n<uance prêt : je suis un peu gêné par le concept de "concurrence idéologique". Toutes les attitudes pouvaient se justifier grâce à une référence idéologique ou une autre, mais pourquoi ne pas simplement dire que celui qui pense que la loi morale l'incite à la tolérance, à protéger les faibles, se tourne spontanément vers les appels à l'espoir de de Gaulle. Les communistes ont peut-être protéger des juifs pour "emmerder les boches", mais il devait également il y avoir d'authentiques chrétiens qui spontanément jugeaient conforme à leur devoir moral de protéger les juifs ; ceci dit je suis tout à fait prêt à admettre qu'il ne s'agit là que d'une minorité de catholiques, et que d'autre part il est délicat et vain de se demander ce qu'ils auraient fait s'il n'y avait pas eu ni de Gaulle ni les Alliés... D'une manière générale, pour avoir étudié de prêt la question dans le cadre de mes études, je sais qu'il y a toutes sortes de débats passionnants autour de cette période, et je serais ravi d'en discuter ; mais pas dans ce message, parce que je commence à avoir peur que mon "post" s'étire un peu trop en longueur (à ce sujet Cf. proposition en post-scriptum) Sur la question du "pieux mensonge", j'y vois plus une histoire de cas par cas. On connaît suffisamment les quelques personnes dont on vraiment proche, pour savoir que dans certains moments elles sont étouffées par la honte. Ca ne veux pas dire qu'on se pense capable de se mettre à leur place : on ne sait pas exactement pourquoi, et on ne sait pas comment il reprendront le dessus ; on voit juste à des signes extérieurs évidents qu'ils ont besoin d'un peu de temps avant d'être accablé, et qu'il sera toujours temps de faire une mise au point, s'ils arrivent trop rapidement et trop facilement à se mettre d'accord avec eux-mêmes... Quand à l'assymétrie entre le menteur et le trompé, je croie que c'est parfois vrai. Mais une fois, dans les simpson, j'ai entendu une opinion qui m'a convaincu : "pour mentir il faut être deux : un qui ment et un qui écoute..." Mais là encore j'ai l'impression que c'est surtout une histoire de cas par cas. Sur le commentaire suivant j'ai plus de mal à adhérer. Le passé serait clos ? Il ne nous hante pas, il ne nous détermine en aucune manière, on peut si on le décide repartir un beau jour de zéro et bifurquer dans une direction radicalement nouvelle, sans que rien ne grince nul part ? Serait-on des sortes d'automates dont on peut "réinitialiser" le disque-dur ? Si j'ai par le passé souvent refusé un sandwich à un mendiant, je peux très certainement décider de faire mieux et de changer de comportement, parce que effectivement je ne suis pas prisonnier d'un geste malheureux. Mais je ne croie pas que cela puisse se faire si facilement : au départ il y aura forcément en nous une petite voix qui nous fera douter, en nous accusant d'être velléitaire, et avant que l'habitude d'offrir des sandwichs supplante le souvenir de ceux qu'on a refusé, il faut que le temps fasse son oeuvre, que la durée agisse, en donnant de la consistance à notre attitude nouvelle, que le changement, de voulu, devienne accompli. J'aimerais bien que tu m'expliques la nature de "acte de lucidité supplémentaire" qui nous garantie que plus jamais on ne tombera dans les travers qui jusque là nous ont pourri la vie... Et s'il faut bien jouer le jeu de la vie en faisant d'une fiction le moteur qui nous fait avancer, cela ne veut pas dire que l'on est condamné à l'échec : simplement, si cette fiction "doit tendre vers quelque chose de crédible", cela veut bien dire qu'elle n'adhère pas totalement à la "Vérité" de notre être, qui nous est peut-être la plupart du temps inaccessible, et qu'il faut accepter de vivre en étant soumis à un principe d'incertitude. On ne sait pas si c'est vrai ou faux, un mensonge ou une vérité ; mais on espère qu'elle repose sur des jugements fiables, i.e. construit grâce à des évaluations dont on espère que la probabilité d'être vrai est la plus grande possible, que les facteurs structurels qui cherchent à polluer nos perceptions ont été suffisamment bien identifiés, pour qu'on puisse en limiter l'impact. Remarquons cependant qu'être soumis à un principe d'incertitude ne signifie pas que tout est relatif, que tout ce vaut...cela signifie que bien peu de connaissances peuvent faire l'objet de jugements apodictiques - même la géométrie euclidienne repose sur des axiomes indémontrables... D'une manière plus générale, j'ai toujours été un peu déçu de ne pas trouver plus d'analyse, chez les philosophes, sur le processus de l'erreur, du mensonge à soi-même... et c'est pourquoi j'ai été très agréablement surpris en ouvrant un jour, par hasard, la psychologie des types de Jung. Sur la question du pardon, je pense être d'accord avec ce que tu dis, mais je maintiens que dans certains cas, c'est à soi-même qu'on fait le plus de mal. Et si on perd confiance en soi, que la malchance s'en mêle et que les impératifs que nous impose une routine infernale nous empêche de ne rien entreprendre qui puisse nous rendre fier de nous-mêmes, il peut-être également très difficile de se pardonner certaines erreurs. Parfois on a même besoin d'aide pour y arriver, pour parvenir à partir de nouveau vers l'avant. En tous cas la discussion est possible, on pourra toujours y revenir une autre fois si l'occasion se présente. :) Le commentaire suivant, je le récuse complètement :) Il n'y a aucune condescendance à reconnaître chez un ami les symptômes d'une tension psychique qui exige une catharsis, pour la simple et bonne raison que quelques jours auparavant on a été dans un état similaire, pour des raisons qui peuvent être analogues. C'est une chose de tenir des propos malheureux parce qu'on est momentanément perturbé, une autre que de disserter froidement en prônant l'intolérance et le mépris. Et puis surtout, "C'est en notant ses propres faiblesses qu'on arrive à plaindre ou à mépriser l'homme. L'humanité dont on se détourne alors est celle qu'on a découvert au fond de soi. Le mal se cache si bien, le secret est si universellement gardé, que chacun est ici la dupe de tous : si sévèrement que nous affections de juger les autres hommes, nous les croyons, au fond, meilleurs que nous. Sur cette heureuse illusion repose une bonne partie de la vie sociale" in les deux sources de la morale et de la religion, p.983, Oeuvres, Tome I. Sur l'application du principe de souplesse, je croie que ça dépend beaucoup des circonstances matérielles. Descartes lui-même, qui dépendait beaucoup, pour certaines choses, du Roi et des catholiques, écrit quelque part dans son célèbre discours que [jamais il n'écrira la moindre ligne contre sa mère l'Eglise]. Spinoza en revanche, qui avait une activité professionnelle et un réseau d'amis étendu, pût se permettre plus facilement d'être chassé de la synagogue. Schopenhauer explique quelque part qu'une des raisons de son succès, c'est un capital dont il hérita et qui le préserva toujours des contingences matérielles. Il y a de nombreux autres exemples, et ça se complique encore si on porte l'analyse au niveau des simples mortels que nous sommes. Je ne suis pas du tout contre le débat, mais...peut-être pas maintenant ! Là j'ai l'impression qu'il pourrait il y avoir un débat intéressant, mais, je suis désolé, je ne comprends pas trop ton argumentation. Si tu reformules de manière plus claire, je serais heureux de répondre. Tout à fait d'accord, tout dépend de l'application. Cf. introduction à la critique de la faculté de juger de Ferdinand Alquier (je ne suis pas sûr de l'orthographe...). Pour l'essentiel : [la critique de la faculté de juger fonde et justifie la critique de la raison pure et la critique de la raison pratique, en prolongeant et en développant dans une expérience concrète les présupposés qu'elles contiennent.] Donc le débat reste ouvert, sur la nature et la légitimité d'une telle jurisprudence. [qote] enfin est-il question de bûcher ici ? ou bien simplement d'ostracisme plsu ou moins prononcé ? il faut bien sortir du rang, des fois... faire ses coming-out ! ou bien assumer d'eêtre lâche, et le susurrer au monde selon le v¿u de Heidegger, par l'absence de déclaration même... un Dasein qui se défend d'être-au-monde... d'avoir une place... qui se dit personne, anonyme ? ce n'est qu'un lâche, voilà tout. mais c'est une position qui se tient... Enfin, dans le dicours sur le rectorat, Heidegger prend tout de même des positions dont il sait qu'elles ne feront pas l'unanimité, ni chez ses collègues, ni chez ses lecteurs dans le monde entier ; à la limite imaginait-il peut-être un plus grand succès parmi les futurs historiens de la philosophie, en supposant bien sûr une victoire de l'Allemagne dans les conflits qui s'annonçaient à l'horizon... Mais la question serait plutôt : quelles sont les raisons qui te poussent à affirmer qu'entre faire ses comings-out et assumer sa lâcheté, il n'existe aucune position intermédiaire ? Je ne pense pas qu'on puisse faire des assertions aussi tranchées sans un minimum de débat, avec une problématique qui inclurait également la question du principe de souplesse évoquée plus haut, mais avec une argumentation plus développé cette fois, et une définition plus précise du concept "d'acte de lucidité supplémentaire", sans oublier une réévaluation de l'équivalence, entre fréquenter suffisamment ses amis pour savoir quand ils sont énervés, et connaître ses amis mieux que ces malheureux ne se connaîtront jamais eux-mêmes. Au passage j'imagine que prendre le problème par ce biais permettra de reformuler la proposition "tabler sur le moyen, c'est s'assurer d'être médiocrement moral" que j'avoue avoir du mal à comprendre ; et peut-être qu'on trouvera quelques outils techniques utiles à ce débat en examinant plus précisément quelles pourraient être les règles d'une jurisprudence, capable d'évaluer au cas par cas la portée éthique d'un mensonge. P.S. Voilà, j'ai essayé de répondre, provisoirement, du mieux que j'ai pu à tes objections. Ceci dit je pense également que ce serait mieux de trouver un moyen de faire des post un peu (beaucoup) moins longs... en fait, puisque tu avais pris la peine de commenter mon message précédent point par point, la politesse exigeait que je réponde point par point à tes commentaires. Pour être franc, j'ai beaucoup apprécié d'écrire tout ça, mais...à la fin, j'en avais quand même un peu marre. Et malheureusement, je n'aurai pas toujours l'occasion d'avoir autant de temps disponible. Alors je propose qu'on reparte sur de nouvelles bases. Tu pourrais par exemple résumer et reformuler l'argumentation que tes derniers paragraphe semble annoncer, et on pourrait poursuivre le débat de façon plus précise, et donc perdre moins de temps. Mais tu peux aussi choisir un autre point de départ : une proposition de définition de la nature du mensonge, sur laquelle je pourrais rebondir plus facilement, ou tout autre "anfangspunkt" qu'on a pu croiser au fil des pages précédentes. J'espère donc que tu écriras ce nouveau point de départ, parce que globalement la conversation est jusque là très intéressante. Merci. A bientôt j'espère !
  5. D'accord pour dire qu'on pense plus probablement "dans les mots" qu'avec des idées planant dans un espace supra-sensible, cependant attention à ne pas abuser des nuances verbales ; si comme le dit Bergson les mots sont "comme les pièces d'un puzzle déposées dans les cartons de la cité", il faut parfois s'en affranchir lorsqu'on vise une exigence de vérité. Or je croie me souvenir que le paradoxe du menteur peut être formulé de façon peut-être plus claire... "Je suis en train de mentir" signifie que si cette proposition est vraie, je dis la vérité ; mais en même temps si la proposition énonce la vérité, je ne peux pas dire la vérité puisque je suis en train de mentir...et ainsi de suite. On a bien affaire à un paradoxe. Mais qu'est-ce qu'un paradoxe ? Un horizon indépassable qui montre la stérilité de la pensée, ou bien la conséquence d'un de ces "faux problèmes" que dénonce Bergson ? Ou bien encore on peut se référer à Wittgenstein et penser qu'un paradoxe est plein de sens, car il met en évidence une structure sous-jacente de notre pensée... La proposition "Je mens" est vrai dans un "système hypothético-déductif", et elle devient paradoxale lorsqu'on arrive à la frontière de ce système. Inversement, le fait que ce paradoxe existe permet justement au mensonge de s'envelopper d'une ambivalence qui permet à tout le monde de l'utiliser, sans avoir eu besoin d'inventer l'eau chaude.L'existence du paradoxe est la raison pour laquelle les discours qui nous environnent sont des "jeux de miroir en mouvements". Sans lui le mensonge serait malaisé, la vérité transpirerait de tous nos propos bien intentionnés. Quand à savoir si l'existence de ce paradoxe est bien ou un mal, c'est une question téléologique probablement "hors de l'expérience possible". Sans l'existence de ce paradoxe qui garantie l'efficacité du mensonge, on ne pourrait plus voiler ce qui est précieux et ne doit pas être accordé sans effort en contrepartie, il n'y aurait plus de confusion entre le vrai et le faux, le bien et le mal... Bref, in fine, peut-être y perdrions-nous notre libre arbitre !
  6. Tout d'abord, je tiens à signaler que j'ai écrit mon dernier message sans avoir lu le commentaire qui fut rédigé à propos de ma première intervention. Deuxièmement je tiens à remercier Karbomine d'avoir pris la peine de rédiger ce commentaire : c'est la première fois que je participe à un forum internet, et j'avoue que je me suis décidé à essayer, parce que j'espérais justement que se produise ce genre débat (depuis quelques temps, je n'ai pas souvent l'occasion de rencontrer des gens intéressés par les débats désintéressés...). J'en viens donc au coeur du sujet. Pour apporter une nuance, il n'est même pas utile qu'un camp soit victorieux pour valider à posteriori la valeur éthique d'un mensonge professé en son nom. Du moins si on en croît la théorie de Kelsen, il suffit qu'une structure soit légitime pour imposer des ordres auquels on peut obéir en toute conscience, et donc mentir, si cela sert sert ses intérêts, sans pour autant être amoral puisque puisque de part sa légitimité, la structure dominante justifie qu'on lui soit loyal. Par ailleurs, je n'ai jamais eu la chance de lire Sartre ; néanmoins, au vu de ce qui a été écrit, dans le message précédent, à propos de sa théorie, j'émet une réserve : si un français prend la décision de couvrir son voisin juif en mentant à la gestapo, on peut considérer son geste comme honorable non pas parce qu'il sert la collectivité (autrement le mensonge de l'indic qui renseigne la gestapo est tout aussi honorable dans la mesure où il sert les intérêts de la structure à laquelle il a décidé de vouer sa loyauté), mais parce que cela correspond à ce qu'il estime être juste en son âme et conscience. Certes, on pourra objecter que ce qu'un individu estime être juste peut dépendre de son éducation, et donc de la société dans laquelle il a grandi et qui lui a transmis un système de valeur ; néanmoins, dans la période allant de 1940 à 1944, dans "la France à l'heure allemande" (Philippe Burin), on peut considérer que paradoxalement l'individu était plus libre que jamais, puisque qu'il soit résistant, collabo, ou qu'il essaye simplement de survivre en évitant d'attirer les problèmes, il existait toujours un groupe d'hommes actifs et légitimes auquel il pouvait se référer. De sorte que celui qui prenait un risque en mentant pour protéger son voisin juif le faisait parce qu'il estimait que les valeurs les plus justes étaient celles que défendaient les résistants, ce qui n'allait pas de soi en 41, au moment de la rafle du Vel d'hiv, alors que la perspective d'une Europe réorganisée autour de l'Allemagne nazie semblait inéluctable (et d'autant plus que l'on pouvait trouver cette perspective "attractive", comme certains intellectuels éminents qui considéraient que cette défaite face au fascisme était la conséquence de l'esprit sybarithe qui s'était emparé de la France, et que cette mise sous tutelle était le prix à payer pour régénérer les forces vives du pays). Bref, celui qui défendait les juifs le faisait non parce qu'il avait l'impression de servir la collectivité, mais parce que ses valeurs personnelles s'accordaient avec les valeurs que pouvaient défendre les résistants, indépendamment des idées que pouvait défendre la majorité de la société à cette période. Aussi peut-on dire que la valeur éthique de son acte n'était pas déterminé par le système de valeur du vainqueur, mais par ses propres convictions, dans la mesure où il risquait pire que la mort pour défendre des convictions, qui à ce moment n'était pas celles de la majorité. A quoi pourra-t-on objecter que cette affaire constitue un cas particulier ; mais, précisément, c'est ce que j'ai voulu dire en conclusion : évaluer un mensonge d'un point de vue moral n'est peut-être possible que dans des cas particulier ; ce qui m'amène à la seconde partie du commentaire. Au regard de l'éthique catholique, si un mourant est responsable, même indirectement, d'un drame dont il n'a pas connaissance, il est indispensable de le mettre au courant, ne serait-ce que pour qu'il puisse se confesser et ainsi sauver son âme. Imaginons cependant un homme qui aurait tout perdu, après avoir entrepris une tâche qu'il ne soupçonnait pas être au-dessus de ses forces. Cet homme se sent si coupable qu'il est au bord du suicide... est-il indispensable de l'informer de certaines conséquences néfastes de ses actes dont il n'avait pas encore conscience ? Ne peut-on pas au moins lui laisser un peu de temps pour reconstruire une image personnelle de lui-même, capable de lui permettre d'aller de l'avant, plutôt que de "frapper un homme à terre", en s'employant à lui mettre sous le nez le moindre drame qui découle de ses actes, alors que son moral est au plus bas. Bien sûr ce genre de situation est extrême, mais n'est-on pas dans l'hypothèse où la valeur éthique n'est évaluable qu'au cas par cas ? "ici-maintenant" j'imagine qu'un pieux mensonge se justifie : il ne s'agit que d'être charitable, et de ne pas accabler autrui : il est des circonstances ou celui qui a fauté l'a fait dans de si grandes largeurs qu'il ne peut que en avoir honte lorsqu'il revient à lui, et donc on ne fait nullement "le malin" en "pensant à sa place" ; on se contente d'avoir de l'empathie pour celui sur qui pèse un fardeau "objectivement" écrasant. Quand à la question de savoir pourquoi une lucidité excessive sur ses faits et gestes peut entraver la disponibilité de l'être à l'expérience du présent, j'en reviens à l'argument que j'ai cité dans mon premier message : qui peut prétendre n'avoir jamais fait de compromis, n'avoir jamais manqué de courage ou de compassion ? On a tous nos mauvais jours. Or, si ne serait-ce qu'une seule fois dans ma vie, j'ai envoyé chier un mendiant qui avait réellement faim, alors que je le soupçonnais de vouloir se procurer une bouteille de gros rouge, ou que j'ai froissé l'amour-propre d'un enfant (une expérience traumatisante selon Bergson), parce qu'un souci professionnel m'obsédait, comment puis-je apprécier la situation présente, alors que j'offre un sandwich à un SDF ou que je complimente mon neveu pour un dessin dont lui même fera peu de cas dans quelques années, si ma mémoire m'obsède en me confrontant au souvenir de mes injustices ? Si je veux faire table-rase du passé, et m'immerger pleinement dans l'expérience du présent, sur la base des valeurs éthiques que j'espère être capable d'adopter, il me faut considérer mes erreurs passées comme une errance, conséquence de circonstances malheureuses : ce n'est pas forcément un mensonge, mais ce n'est pas non plus à coup sûr la vérité ; tout au plus est-ce un pari sur ma véritable nature, et sur l'avenir vers lequel je souhaite avancer. Se pardonner ses erreurs afin d'avancer vers un avenir meilleur, c'est oublier ses fautes, c'est se mentir, au moins provisoirement, sur le fond de sa nature, objet probablement "hors des limites de l'expérience possible", au moins le temps que de nouvelles expériences apportent la preuve qu'on a pas eu tort de sacrifier un temps à la lucidité, "en jurant d'être heureux" (Alain), en décidant que nos anciennes fautes ne nous empêchent pas irrémédiablement de changer. Et de toute façon, tout jugement que l'on porte sur soi n'est-il pas une fiction ? Dans la mesure où notre mémoire est trop imparfaite pour actualiser et donner à percevoir l'intégralité de ce qui est significatif, n'est-on pas obligé de pratiquer des coupes franches, en faisant confiance à notre intuition pour que le jugement synthétique que l'on porte sur soi ne soit pas trop éloigné de la réalité ? Et cette fiction que l'on nomme image de soi, ego, n'est-elle pas indispensable, et nécessairement plus positive que négative si on souhaite aller de l'avant, et se donner une nouvelle chance d'atteindre l'authenticité dans l'expérience du présent ? Sur le point suivant : "quel type de communication pourrait permettre un dépassement (...)", Kant nomme précisément cette question le problème de "l'inter-subjectivité". Sans être capable d'apporter une solution valable à cette problématique, je me permet néanmoins de récuser l'idée que les "mensonges diplomatiques" se résument à faire l'autruche. Parfois c'est justement tout le contraire : on brûle de rabattre le caquet d'un ami qui jacte un discours excessif sur un sujet qu'il omet d'analyser un minimum en profondeur ; mais avant de le rembarrer immédiatement, on préfère analyser au moins un peu les déterminants structurels qui l'ont poussé à perdre son objectivité, et il arrive que l'on constate qu'il peut avoir besoin d'évacuer une certaine frustration, que le contredire ne ferait que l'énerver encore plus, et par là même l'empêcher de réaliser une catharsis nécessaire - ce qui n'empêchera pas de revenir plus tard sur ses propos, si toutefois cela en vaut la peine... D'autre part je reviens sur un argument que j'ai donné dans mon premier message : il arrive que l'on soit soi-même plus à fleur de peau que d'habitude, et par conséquent on peut être horripilé par des choses insignifiantes. Et alors même si on a raison, engager une polémique reviendrait à chicaner. De même, il peut sembler très noble de toujours dire le fond de sa pensée ; mais pour paraphraser Camus, qui déclara qu'il défendrait "sa mère avant la justice", je préfère fermer ma gueule si je risque le salaire qui me permet de nourrir mes enfants, c'est à dire que "je défendrai mes enfants avant mon goût de la vérité". Je suis d'accord pour dire que l'intégrité est une valeur essentielle, mais il ne faut pas qu'elle vire au fanatisme ; elle doit rester un principe de fidélité à soi-même, et non une obsession qui pousse à dire à tous et en toutes circonstances ses quatre vérités ; "mieux vaut céder sur les petites choses pour l'emporter sur les grandes" (Richelieu) D'autre part s'il s'agit de pencher pour l'intégrisme kantien, je suis plutôt d'accord, mais à condition que l'effort conjugué de la communauté philosophique ait permis de découvrir la "chose en soi", à savoir une constitution permettant de faire vivre ensemble un peuple de démon, pour reprendre la définition du penseur de Königsberg. En attendant ce jour merveilleux, je préfère me référer à une autre injonction de grand penseur : "la chose la plus importante à l'homme est ce qu'il apprend en dernier, la prudence". Bref, tant que le monde autour de moi restera "un jeu de miroirs en mouvement", je préfère être prudent, tourner sept fois ma langue dans ma bouche, et ne dire toute la vérité per fas et nefas que dans les moments où ne pas le faire serait une faute capable d'alourdir réellement le poids de ma conscience. Et en ce qui concerne la conclusion, je ne vois pas en quoi la nécessité de déterminer au cas par cas la valeur éthique d'un mensonge impliquerait qu'il existerait plusieurs sortes de "sincérité". On peut simplement imaginer que la valeur éthique du mensonge, qui nous est révélé dans l'expérience, est la conséquence de l'application d'une loi qui nous dépasse, dans le sens où ne peut la saisir par une réflexion abstraite, via la "raison théorique", mais seulement éprouver sa facticité, dans l'expérience et via la "raison pratique", à la manière dont on éprouverait la facticité de l'idée de liberté uniquement dans les moments où l'on se soumet à la loi morale. Néanmoins, pour tenter de nuancer mon propos, je reconnais volontier le côté paradoxal qu'il y à utiliser les concepts éthiques de Kant pour justifier qu'un mensonge peut avoir une valeur éthique... Enfin, pour ce qui est de saisir un miroir pour s'observer sans complaisance, et ne pas hésiter à dire au monde "je suis cela"... j'ai peut-être pensé à une époque que c'était possible, mais j'ai perdu depuis mon optimisme. D'abord parce que la remarque visant à qualifier l'environnement dans lequel on évolue de "jeu de miroirs en mouvements" vaut tout aussi bien pour l'introspection : mon propre esprit me paraît être lui aussi de cette nature, lorsque je cherche à comprendre sa dynamique. Pour un aspect de ma personnalité que je comprends, grâce à une hypothèse audacieuse, c'est toute une série d'hypothèses que je renonce à évaluer. Quand à ne pas hésiter à déclarer au monde "je suis cela", une très noble intention qui ferait plaisir à Heidegger, lui qui a tant écrit sur [le souci d'authenticité d'un Dasein qui ne renonce pas devant la difficulté d'être au monde] ; mais il arrive que la vie nous emporte dans des tourmentes dont on ne sort qu'en faisant des choix dont il difficile d'être fier ; et on se sent après cela incapable de dire "je suis cela" à d'autres que ceux dont on est sûr qu'ils nous aiment, parce que la solitude total est une expérience qui rend prudent celui qui l'a vécu, et qui sait avec quelle facilité l'intolérance rôde dans nos sociétés ! J'avoue préférer être un peu lâche, même si j'admire ceux que leur besoin de dire la vérité conduisit au bûcher, tel Giordano Bruno... Voilà, je ne connais pas les usages d'un tel forum, donc j'espère ne pas avoir été trop long. Ma seule excuse est d'avoir voulu me faire plaisir, et la pensée que celui qui n'aura pas voulu lire ce qui précède n'a eu qu'à utiliser sa souris pour sauter mon message. Par ailleurs, j'espère que j'aurai donné envie à Karbomine de rebondir une nouvelle fois sur mes remarques. D'abord parce que j'aimerais poursuivre la discussion, pour le simple plaisir, ensuite parce qu'il me semble qu'on en est toujours à la propédeutique, concernant la tâche consistant à définir la nature du mensonge, une entreprise intéressante et agréable, quoique difficile! :blush: --------------- "Je suis tel que Dieu m'a fait, et parfois pire" Cervantès
  7. En disant que "le mensonge conscient" est lié à ce qu'on "croit/sait faux", il semble que pensiez le débat réglé, au moins en qui concerne le "mensonge conscient" - [à moins d'une contestation de la part d'un membre du forum]. Et pourtant, j'ai tendance à penser qu'il reste une difficulté, qu'on peut tenter de décrire grâce aux concepts d'intentionnalité et de structure (pour une illustration de l'utilisation que l'on peut faire d'un tel couple de concept : Cf. Kershaw, Qu'est-ce que le nazisme ?). En effet, lorsque dans ma vie quotidienne je me retrouve confronté à un problème complexe, qui réclame une résolution urgente, j'ai du mal ( et parfois beaucoup de mal), à savoir quelle hypothèse est vrai, quelle hypothèse est fausse. En fait il me semble que concernant plusieurs propositions fondamentales, je suis obligé de m'en remettre à des évaluations probabilistes pour parvenir à une conclusion. Or, qu'est-ce qui me permet d'orienter l'évaluation probabiliste des propositions : une "intuition" qui serait surtout la résultante des différents facteurs conditionnant qui me déterminent ? (on en revient alors à la question des rapports conscient/inconscient, mais en intégrant des perspectives faisant intervenir l'environnement dans lequel on évolue) ; ou bien des pièges inhérents au problème, lequel a tendance à se présenter comme "un jeu de miroir en mouvement" (Borgès), et qui me pousse à l'erreur, en dépit de ma bonne volonté ? En d'autres termes, est-ce que je me trompe, parce que je n'ai pas équilibré les rapports entre mon conscient et mon inconscient, ou bien parce que le problème est par nature trop complexe pour être élucidé par une analyse rationnelle ? Est-ce que je me mens-à-moi-même parce que je ne suis pas conscient des forces que l'inconscient exerce sur ma psyché (problème de l'intentionnalité impure), ou bien parce que le problème ne peut jamais être totalement perçu sans a priori (problème de complexité de la structure) ? Bien sûr on peut penser que la solution se trouve dans une articulation de ces deux concepts ; cependant je n'ai pas la réponse, même si je pense néanmoins que la question mérite d'être posée ; c'est à dire qu'on ne peut l'estimer "réglé" en disant simplement que le mensonge est lié à ce que l'on "croît/sait faux"...
  8. Le mot "mensonge" peut-être employé dans des des contextes si différents les uns des autres, qu'on ne peut se passer d'une typologie, même sommaire. > en premier lieu on peut mentir pour servir ses intérêts, en trompant délibérement une personne pour qu'elle agisse contrairement à sa nature (Cf. Iago dans Othello). Type de mensonge a priori détestable ; néanmoins que dire du brave français qui jure à la Gestapo que son voisin n'est pas juif ? > à l'opposé existe le "pieux mensonge", qui sert à ménager l'amour-propre d'une personne que la vérité ne pourrait que blesser inutilement. Cependant, si on en croit Kant, si personne ne mentait, les pieux mensonge eux-mêmes deviendraient inutiles, puisqu'on n'évoluerait plus dans un environnement perverti... > on peut également se mentir à soi-même, et entretenir un complexe de supériorité qui pourrie la vie de notre entourage. Mais qui peut s'astreindre à être toujours lucide ? Qui n'a jamais commis de petites lâcheté, n'a jamais manqué de courage ou de compassion ? Sans aller jusqu'à verser dans la mythomanie,se mentir à soi-même, c'est également s'offrir la possibilité de mieux profiter du moment présent, de faire table rase et de repartir de zéro sans que ce soit voué à l'échec. > On ment également dans le cours ne notre existence quotidienne. Impossible de dire tout ce qui nous passe par la tête, quand par exemple on est énervé et que même notre meilleur ami nous insupporte. Si on disait toujours la vérité en toutes circonstances, on serait mal vu de son patron, on perdrait ses amis... Il faut du tact pour vivre en société, le mensonge est le lubrifiant naturel des relations humaines, même lorsqu'on n'a pas l'intention de tromper les autres pour profiter de leurs erreurs. On peut aussi mentir par omission, dissimuler des informations ou des comportements que la pensée dominante juge nuisible. Si on est sûr de perdre l'affrontement, pourquoi ne pas mentir et vivre tranquillement replié dans son coin ? Mais justement, tous ces petits mensonges par lesquels chacun pense légitimement pouvoir se protéger finissent par créer un climat néfaste où règnent les faux-semblants, où seuls ceux dont le jugement est affuté parviennent à éviter les embûches, alors que la plupart tombent dans des pièges dressés automatiquement, sans même qu'existe l'intention de les tromper : d'où l'injonction de Kant qui interdit tous mensonges, quelles que soit les circonstances. > Enfin les grands mensonges que fabrique la société collectivement : les mythes et légendes qui sont le ferment d'une nation ; "Dieu" ?, qui ne serait que "l'opium du peuple" comme le veut Marx ; le mythe du self-made-man grâce auquel tous les américains qui souffrent des inégalités q'engendre capitalisme se font une raison, en se disant qu'une bonne idée les fera millionnaires, eux ou leurs enfants... Toutes les états semblent fondés sur un contrat social qui ne peut se passer de certains mensonges, pour que les uns et les autres acceptent de vivre ensemble. Mais au fond, n'est-ce pas l'habitude de fédérer les sociétés autour de ce genre de légende qui permet au grand-capital de sur-exploité aujourd'hui quasiment toutes les classes sociales, grâce à une propagande qui vante une équivalence douteuse entre marché, démocratie et progrès... >> Ainsi, quel que soit le type de mensonge, il semble difficile de se passer d'un jugement au cas par cas, pour établir des lois générales qui répondraient à la question de savoir si le mensonge est une habitude naturelle et nécessaire ou au mal que s'inflige volontairement les individus et les sociétés qu'ils composent. La question est peut-être de déterminer dans quelles conditions l'homme peut s'abstenir de mentir, à lui-même ou aux autres, pour parvenir à état de pleine perception de lui-même et des autres, lui permettant de ne plus souffrir parce qu'il se réduit à être lui-même le jouet des circonstances.
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