Sur la table, une dizaine de flacons ouverts.
Les étiquettes, un peu effacées par le temps,
Eurent révélé certains de ces secrets sous verre,
Si la vue n'était bridée par un noir enivrant.
Dans les oreilles, des bouchons solidement ancrés
Bloquant ces microscopiques vibrations aériennes.
Entre le Marteau et l'Enclume, pas une persienne.
Les pieds bien encrés dans l'Étrier.
Sous la langue, une pastille d'un puissant
Anesthésique, local. Cela fait maintenant
Longtemps qu'aucun goût ne se laisse deviner
Longtemps qu'il ne fait plus que respirer.
Sur ses poignets, des bandages. Restes pathétiques
Des lacérations qu'il s'est faites en voulant trancher
Les autoroutes électriques du toucher. Nerfs parasites
A son plaisir. On peinera à les lui reconnecter.
Seul un sens persiste… Il inspire, en se penchant,
Profondément le premier flacon. Une odeur d'alcool.
Soudaine et très perceptible fragrance désorientant
Plus encore que toutes ces choses qu’on inhale.
Il se sent comme ailleurs, transporté.
Cette odeur le pénètre, exacerbée
Le viole de toute part. Elle s'incruste
Dans les moindres recoins et investit tout.
Elle arrache, dans une douleur jouissive
Les minuscules particules de consciences
Qui enferment l'esprit. Elle libère tout,
Elle frappe, elle cogne, elle caresse, elle coure...
Ses idées fusent, instantannées.
Tout se bouscule. Très vite,
Son voyage le mène dans les lieux imperceptibles
De son inconscient. Les monstres de son imagination
Surgissent, l'attaquent, le frôlent, il se sent trembler.
Son esprit frissonne, foisonne, dans une explosion
Gigantesque, gargantuesque. Le big bang de ses paradoxes
Crée l'univers, le modifie, à une vitesse fabuleuse.
Puis, comme si le temps s'était soudain inversé,
L'explosion se rétracte aussi vite qu'elle était arrivée
Laissant place au vide olfactif... apaisant.
Il s'était relevé. L'odeur ne subsistait pas.
Mais son voyage l'avait mené en des endroits
Où la limite de l'orgasme psychologique,
D'ordinaire effluve violente, intemporelle,
Avait des accents d'éternité… Onirique…
Il sourit, se remettant à peine
De ses émotions, l'estomac encore noué
Par ses acrobaties. L’âme toute déchirée.
Son cœur frappe si fort… Il sent sa vibration…
Oh oui ! Encore ! - Il se penche sur le second flacon...
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