Un film très attachant.

C'est très bien écrit, Noah Baumbach est un bon auteur, c'est bien joué, Ben Stiller et Greta Gerwig sont très émouvants, c'est bien filmé.

Par bien des aspects, ça m'a rappelé Judd Apatow. Tout particulièrement le magnifique "Funny people". Ben Stiller traverse la même crise que Adam Sandler, par forcément une crise de la quarantaine, plutôt une crise existentielle.

En réglant les conflits de sa jeunesse, en les verbalisant même (split de son groupe de rock, amour déçu), il se donne la possibilité de vivre autre chose.

Comme dans Apatow, on ne parle pas vraiment de l'Amérique des winners.

Cette Amérique est symbolisée par une grande maison californienne que les propriétaires quittent dès le début du film pour la laisser à des voisins qui squattent la piscine, à une "assistante personnelle" gérant leur vie et délaissant la sienne, Greta Gerwig, et à un frère dépressif, Ben Stiller.

C'est comme si Baumbach voulait nous montrer que cette Amérique fonctionne tout aussi bien, voire mieux, sans ces winners.

Comme chez Appatow, les personnages sont peu jugés, ils sont envisagés avec leurs faiblesses et aimés comme tels.

La fête d'ados dans laquelle s'incruste Stiller en est l'exemple même : les deux générations se contemplent, se critiquent parfois, mais ne se rejettent pas.

Les seules véritables charges contre le personnage de Stiller ne sont faites que par téléphone, par son frère riche parti monter un hôtel¿ au Vietnam.

Comme si cette Amérique de winners reniait une propagande d'il y a 40 ans, plus par opportunisme que par oubli. Après "Bomb Hanoï", "Visit Hanoï".

En 2050, ce frère partirait monter un hôtel en Irak.

Ben Stiller contient sa rage comme toujours, mais encore davantage. Incapable de communiquer, il transmet sa détestation du monde par des lettres aux grosses sociétés, il montre son affection pour son frère en construisant une niche pour son chien, il communique son amour pour l'assistante en lui faisant des compils ou en laissant des messages sur son portable.

Pas tellement déconnecté donc, mais mal connecté.

D'ailleurs il vit à Los Angeles comme il vivait à New York : à pied. Toujours la mauvaise façon au mauvais endroit.

Pour lui, la renaissance viendra avec une publication d'une de ses fameuses lettres dans le New York Times. Il est à nouveau dans la vie, mais encore à côté.

Stiller dit une phrase qui me paraît bien symboliser ce film, en gros à peu près ça : "Un psy m'a dit un jour que je vivais plus dans le passé que dans le présent. Et que si je vivais dans le passé, c'est parce que je ne l'avais pas assez bien vécu".

Vraiment, un chouette film.