Travaux sur Merleau-Ponty

Je publie mes travaux sur la Phénoménologie de la perception de Merleau-Ponty, en espérant ne pas être trop hors-sujet et avoir compris la substance même de sa pensée. Bonne lecture ^^

√ Repères biographiques & historiques

Maurice Merleau-Ponty est né à Rochefort-Sur-Mer le 14 mars 1908 et mort à Paris le 3 mai 1961. Ancien élève à l'école normale supérieur, agrégé de philosophie (il est reçu second en 1930), docteur ès lettres en 1945, il devient professeur à la Sorbonne puis au Collège de France. Il fut également membre du comité directeur de la revue Les Temps modernes. Son ouvrage, Phénoménologie de la perception paraît en 1945 soit un demi-siècle après les premiers travaux de Husserl. C'est à l'étude de l'essence de la perception que Merleau-Ponty s'attelle donc dans ce livre. Nous nous situons dans la première partie qui traite du corps. Nous rappellerons brièvement que la définition merleau-pontienne du corps distingue le « corps objectif » (le corps animal analysé, décomposé en élément) et le « corps phénoménal » ou « corps propre » qui à la fois est « moi » et « mien » en lequel je me saisis comme extériorité d'une intériorité et intériorité d'une extériorité, qui s'apparaît à lui-même en faisant apparaître le monde, qui n'est donc présent à lui-même qu'à distance et ne peut pas se refermer sur une pure intériorité.

√ Chapitre V : Le corps comme être sexué

* Résumé

En s'adressant à l'espace, il n'est pas possible de saisir la genèse de notre être propre car les objets n'ont pas besoin d'être perçus pour exister. Considérons donc l'affectivité comme fonction ultime de cette réalité ¿ pour nous ¿ et la sexualité comme clef de voûte de cette interpréation. La sexualité est alors une intentionnalité et pas un mélange de « représentations » et de réflexes : le malade Schneider, blessé au niveau de la sphère occipitale, est victime de passivité sexuelle et se représente désormais le monde comme affectivement neutre. Par là, la perception érotique vise un corps à travers un autre et se fait dans le monde et non pas dans une conscience. La sexualité, quant à elle, est liée à tout l'être et donc toutes les fonctions, de la sexualité à la motricité et à l'intelligence, sont nécessairement solidaires. L'existence sexuelle est donc embrayée sur l'existence humaine sans être indifférente à son rythme : l'histoire sexuelle d'un homme permet de saisir son comportement à l'égard du monde, du temps et des autres Hommes. La sexualité exprime par ailleurs l'existence quand elle se réalise : elle n'est pas une modalité de la conscience car elle a une signification métaphysique mais le drâme sexuel, lui, n'est pas un drâme métaphysique. La sexualité est sur la même trame que l'existence et ne peut, dans ce sens, être dépassée. Le corps exprime l'existence totale et la sexualité est, elle, constamment présente dans la vie comme une atmosphère ambigüe et il y a alors osmose entre la sexualité et l'existence.

* Explication - Chapitre V

Pour Merleau-Ponty, seul l'affectivité a du sens et est réel pour nous car nous sommes les seuls à pouvoir comprendre cette sensation. L'autre peut ressentir quelque chose qui s'en rapproche mais ce n'est jamais semblable à notre sensation propre. A travers le cas de Schneider, Merleau-Ponty explique que si la sexualité avait été une somme de réflexes, et bien la blessure de ce patient aurait du contribuer a littéralement faire exploser sa libido et accentuer sa vie sexuelle. Cependant, il n'en est rien et Schneider va jusqu'à perdre la conscience de la sympathie (au sens vulgaire du terme et pas au sens profond de « souffrir avec » quoique Schneider a probablement égaré ce concept aussi¿), de l'antipathie, de la gaïeté, de la tristesse, etc. La perception érotique se fait dans un monde et non pas dans une conscience : ici Merleau-Ponty prendra l'exemple d'une jeune à qui sa mère a interdit de revoir le jeune homme qu'elle aime. Cette dernière va être victime d'aphonie ; mais lorsqu'on est victime d'aphonie, on « perd la voix » comme on perd un souvenir. L'émotion a ici choisit de s'exprimer par l'aphonie car c'est la parole qui est liée à l'existence en commun, à la coexistence. L'aphonie n'est, en effet, en rien une paralysie car dès que la jeune fille peut revoir l'être aimé, elle retrouve naturellement la parole. Le corps symbolise l'existence car il se réalise : à travers l'aphonie ou l'anoxerie, ce n'est pas seulement une refus de vivre mais c'est le refus d'autrui et le refus de l'avenir. « L'homme est une idée historique et non pas une espèce naturelle » d'où l'importance de l'histoire sexuel d'un individu. C'est à travers le corps que les idées se tranforme en chose : c'est lui qui assure toute cette métamorphose.

* Critique ¿ Chapitre V

On peut penser qu'Heidegger et Merleau-Ponty étaient fondamentalement opposés sur la technique utilisé en phénoménologie : en effet, Heidegger utilise des sens qui nous sont communs à tous (vue, toucher) alors que Merleau-Ponty, lui, use de la seul qualité intrinsèque qui nous est réellement propre : l'affectivité. N'importe qui, certes, peut sembler ressentir « sensiblement » la même chose mais ce n'est jamais parfaitement exact ; et ce sont ces légères fluctuations qui caractérisent notre perception réelle et personnelle des choses. Dans le même ordre d'idée, Kant qui a montré, dans la Réfutation de l'Idéalisme, que la perception intérieure est impossible sans perception extérieure se voit être faussé par l'intentionnalité de Merleau-Ponty qui, lui, montre que l'unité du monde, avant d'être comprise par la connaissace, est vécue comme déjà faite ou déjà là. Merleau-Ponty relève le niveau de la sexualité à son niveau le plus ultime : son intérêt existentiel. On peut y voir un constat intéressant et réellement contemporain dans un monde où la pornographie a, aujourd'hui, tendance à « écarteler » la sexualité en utilisant seulement son usage physique sans son rapport à l'autre et plus généralement au monde.