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Chaque année l'assemblée de l'UEO produit deux rapports de renseignements voici le dernier. Le prochain sera publié au mois de décembre.

ASSEMBLéE DE L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE

ASSEMBLéE INTERPARLEMENTAIRE EUROPéENNE DE SéCURITé ET DE DéFENSE

43, avenue du Président-Wilson, 75775 Paris Cedex 16

Tél. 01.53.67.22.00 ¿ Fax 01.53.67.22.01

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Internet : http://assembly.weu.int

DOCUMENT C/1962 2 mai 2007

RAPPORT

présenté au nom de la Commission de défense

CINQUANTE-TROISIéME SESSION

________

Le rôle des forces européennes dans les missions de l'OTAN

en Afghanistan

par M. Ignacio Cosidó Gutiérrez, rapporteur (Espagne, Groupe fédéré)

Document C/1962 2 mai 2007

Le rôle des forces européennes dans les missions de l'OTAN en Afghanistan

¿¿¿¿¿¿¿¿

RAPPORT1

présenté au nom de la Commission de défense2

par M. Ignacio Cosidó Gutiérrez, rapporteur (Espagne, Groupe fédéré)

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TABLE DES MATIéRES

PROJET DE RECOMMANDATION

sur le rôle des forces européennes dans les missions de l'OTAN en Afghanistan

EXPOSé DES MOTIFS

présenté par M. Cosidó Gutiérrez, rapporteur (Espagne, Groupe fédéré)

I. Introduction

II. Les défis afghans

1. La reconstruction au rabais

2. L'insécurité permanente : facteurs intérieurs et extérieurs

III. L'OTAN dans la Longue guerre : la FIAS et l'évolution de la situation sécuritaire

1. Les talibans

2. L'économie du pavot

3. Le développement de la FIAS en 2006-2007

4. Les forces : risques, réserves et consensus

5. La bataille pour les coeurs et les esprits

6. Le Pakistan

1 Adopté par la commission par 13 voix pour et une abstention.

2 Membres de la commission : M. Walter (président) ; M. Goris, Mme Batet Lamaña (remplaçant : M. de Puig)

(vice-présidents) ; MM. Barceló Pérez (remplaçant : M. Cosidó Gutiérrez), Blanco García, Mme Brüning, Mme

De Belém Roseira, MM. Del Roio, Dreyfus-Schmidt, Dzembritzki, Fernández Aguilar, Flynn, Glesener,

Henderson, Henry, Herrmann, Jacquat, Leibrecht, Lengagne, Malan, Marcenaro, Monfils, Mota Amaral,

Nikolopoulos, Pflüg, Rigoni, Rivolta, Schneider, Baroness Taylor of Bolton, MM. Varvitsiotis, Vera Jardim,

Vrettos (remplaçant : Mme Damanaki), Waalkens, Wilshire (remplaçant : Lord Burlison), N¿, N¿, N¿

Membres assimilés : MM. Aarna, Braun, Busoi, Chachev, Eörsi, Gedei, Iliev, Iordache, Mme Janackova, M.

Jelinçic, Mme Jipa, M. Kratochvile, Mme Mallotova, MM. Mikolaitis, Olszewski, Pucik, Mme Senyszyn, MM.

Turlais, Woda, Ziolkowski.

Membres associés : MM. Açikgöz, Coskunoglu, Hjörleifsson, ézal, Skumsvoll, Tekelioglu, N...

Membres observateurs permanents : Mme Lindqvist, MM. Praehauser, Wall, N..., N..., N..., N..., N..., N...

Membres observateurs permanents assimilés : N..., N...

N.B. Les noms des participants au vote sont indiqués en italique.

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DOCUMENT C/1962

7. Le rôle des Equipes de reconstruction provinciales (ERP) dans le plan d'opérations de la FIAS

8. Les succès de la FIAS

IV. Conclusions

ANNEXE I

Afghanistan : l'économie du pavot

ANNEXE II

La FIAS : commandement et structures

2

DOCUMENT C/1962

PROJET DE RECOMMANDATION

sur le rôle des forces européennes dans les missions de l'OTAN en Afghanistan

L'Assemblée,

(i) Exprimant son plein soutien aux forces européennes engagées dans la Force internationale

d'assistance à la sécurité placée sous commandement de l'OTAN qui sont déployées en Afghanistan ;

(ii) Exprimant son soutien au peuple afghan et au gouvernement central de ce pays, présidé par

Hamid Karzaï, dans leurs efforts de reconstruction et de réconciliation nationales ;

(iii) Rappelant sa Recommandation n° 780 du 20 juin 2006, dans laquelle les Etats de l'UEO

étaient invités notamment :

« 2. A clarifier d'urgence les objectifs principaux de la mission militaire en Afghanistan, à

définir la manière dont elle doit être menée à bien et à s'assurer que des ressources suffisantes

sont disponibles pour que l'objectif militaire puisse être mené à son terme avec succès dans un

délai de trois ans ; (...) ;

4. A doter les unités militaires nationales de l'ensemble des moyens requis, tant militaires que

budgétaires, pour mener à bien leurs missions, y compris sur le plan humanitaire ; (¿)

6. A veiller à ce que la présence militaire internationale ne soit pas la seule solution à proposer

pour la reconstruction de l'Afghanistan et à définir des stratégies politiques, économiques et

sociales d'assistance au développement de l'Afghanistan crédibles et concluantes à court terme ;

7. A parvenir à un accord au sein de l'OTAN sur une stratégie de réduction graduelle de la

présence militaire internationale en Afghanistan, (¿) ;

8. A établir en tout cas le principe que la présence internationale en Afghanistan ne peut pas

durer indéfiniment ;

9. A intensifier les efforts d'assistance à la formation des capacités de sécurité (¿) en

Afghanistan ;

10. A admettre que l'objectif de l'élimination de la production d'opium en Afghanistan ne peut

être atteint par des moyens militaires ; (...) ;

16. A demander à la communauté internationale de collecter chaque année les fonds nécessaires

pour acheter l'intégralité de la récolte de pavot aux paysans afghans et ensuite, par le biais d'un

dispositif approprié, de détruire cette récolte, à l'exception de la quantité jugée nécessaire aux

fins de la recherche médicale et de ses applications ; (¿) »

(iv) Constatant, un an plus tard, qu'aucune de ces demandes n'a été prise en considération et que la situation sécuritaire s'est dégradée en Afghanistan ;

(v) Constatant que la reconstruction économique et sociale de cet Etat connaît toujours des retards et des dysfonctionnements importants ; (vi) Considérant que la crédibilité de l'action de l'OTAN en Afghanistan dépend non seulement des capacités militaires mais aussi des progrès rapides de la reconstruction économique et sociale ;

(vii) Soulignant le principe selon lequel il incombe essentiellement aux Afghans d'assurer la sécurité et de définir les priorités pour la reconstruction économique et sociale ;

(viii) Rappelant que la FIAS-OTAN a pour mandat d'assister le gouvernement légitime de l'Afghanistan dans le domaine de la sécurité et de contribuer à la création d'un environnement favorable à l'extension du pouvoir central et à la reconstruction économique et sociale ;

(ix) Notant avec préoccupation l'intensification des combats, dans le sud et l'est de l'Afghanistan, entre les forces gouvernementales et de la FIAS d'une part, et les combattants talibans, d'Al Qaida et d'autres groupes armés opposés au gouvernement central afghan de l'autre ;

(x) Soulignant le lien existant entre l'extension et l'intensification de la culture du pavot à opium et la poursuite des violences, financées en partie par l'argent du pavot ;

3

DOCUMENT C/1962

(xi) Considérant que l'une des réponses à ces défis passe par une intensification des efforts internationaux visant à renforcer les capacités de sécurité et de défense afghanes en hommes, formation et matériels ;

(xii) Considérant que ce processus ne pourra pas aboutir sans une approche coordonnée et intégrée au niveau international pour éviter les doublons et le gaspillage de ressources qui réduisent l'efficacité de cette action ;

(xiii) Condamnant fermement les attaques suicides et les actions violentes des talibans, d'Al Qaida et d'autres groupes armés opposés au gouvernement central, qui causent un grand nombre de victimes civiles innocentes ;

(xiv) Préoccupée par la confusion, existant dans le sud et l'est de l'Afghanistan, entre l'action de la FIAS-OTAN et celle des forces de la coalition Liberté immuable, qui a causé des dommages collatéraux aux populations civiles afghanes ;

(xv) Soulignant que la protection des populations civiles est l'une des dispositions centrales des Conventions de Genève et du droit humanitaire international et que le manquement à ce principe est passible de poursuites par la Cour pénale internationale ;

(xvi) Constatant que ces incidents suscitent le mécontentement de la population afghane et sont exploités à des fins de propagande et de recrutement par les talibans, Al Qaida et d'autres groupes armés opposés au gouvernement central ;

(xvii) Notant que la FIAS-OTAN a connu des améliorations en matière de commandement, et d'affectation et de disponibilité de ressources humaines et matérielles lors de l'extension de sa présence à l'ensemble de l'Afghanistan ;

(xviii) Notant que les contingents européens sont maintenus à un niveau constant et renforcés, en cas de besoin, en hommes et matériels, même s'il subsiste des lacunes dans le nombre et le type d'équipements déployés, notamment des hélicoptères de transport ;

(xix) Constatant toutefois que l'augmentation des effectifs est nettement inférieure aux besoins pour assurer une présence régulière et constante sur le territoire afghan, notamment dans les régions en proie à la violence ;

(xx) Constatant que des divergences d'analyse et de perception, stratégiques et tactiques, entre les Etats contributeurs à la FIAS-OTAN font obstacle à une harmonisation des règles d'engagement (caveats) qui permettrait un quadrillage plus efficace des régions où la violence persiste ;

(xxi) Notant avec satisfaction que l'Union européenne a décidé de lancer en 2007 une mission d'assistance à la police nationale afghane au titre de la PESD ;

(xxii) Soulignant l'importance de bien coordonner cette mission avec les efforts de même type en cours depuis plus de cinq ans ;

(xxiii) Considérant qu'il est nécessaire de promouvoir une approche plus intégrée de toutes les initiatives et tous les programmes de l'Union dans ce pays en les plaçant sous l'autorité du Représentant spécial et de doter ce dernier des moyens matériels et humains adéquats pour éviter les doubles emplois et le gaspillage des ressources communautaires et nationales européennes ;

(xxiv) Condamnant énergiquement les assassinats et les enlèvements de personnels humanitaires et de journalistes afghans et étrangers en Afghanistan ;

(xxv) Soulignant la nécessité d'accroître la protection des personnels et cadres humanitaires afghans et internationaux qui contribuent, au péril de leur vie, à rendre possible la reconstruction économique et sociale en vue de procurer un avenir meilleur au peuple afghan ;

(xxvi) Notant que la résolution des problèmes de sécurité de l'Afghanistan nécessite aussi un engagement politique, ouvert et franc, avec les voisins géographiques de cet Etat, notamment l'Inde,

l'Iran et le Pakistan ;

(xxvii) Exprimant le souhait que l'Union européenne joue un rôle plus actif à cet égard afin de renforcer son rôle de contributeur de sécurité au niveau mondial ;

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DOCUMENT C/1962

(xxviii) Considérant que la menace d'attaques terroristes massives en Europe et dans le monde est toujours réelle et présente, que la présence des forces européennes et américaines en Afghanistan est une réponse à cette menace et que, de ce fait, leur retrait prématuré de ce pays constituerait une victoire pour les organisations terroristes et renforcerait leur détermination à poursuivre leur action violente contre nos populations,

RECOMMANDE AU CONSEIL D'INVITER LES ETATS MEMBRES DE L'UEO,

ENGAGES EN AFGHANISTAN DANS LA FIAS-OTAN, A

1. Maintenir leur engagement en soldats et matériels et être plus proactifs par rapport à l'évolution de la situation sécuritaire en Afghanistan ;

2. Rendre plus clair le mandat de la FIAS-OTAN par rapport à la situation sur le terrain et participer à l'effort commun pour la sécurité et la reconstruction en Afghanistan ;

3. Veiller, selon cette logique, à ce que l'engagement soit équitable entre les Etats européens de manière à éviter que certains pays soient exposés de façon disproportionnée et plus sollicités que

d'autres, ce qui crée des tensions politiques nuisibles à l'effort commun ;

4. Rechercher des solutions visant à harmoniser le plus possible les règles d'engagement entre les différents contingents nationaux, tout en respectant les mandats imposés par les parlements nationaux dans certains Etats européens ;

5. Intensifier et renforcer la formation et l'entraînement des forces de sécurité et de défense afghanes et lancer un processus en matière d'équipement, qui leur permettra d'agir de manière autonome et de se déplacer rapidement sur le territoire national ;

6. Envisager, proposer et, en cas d'accord, mettre en oeuvre des solutions alternatives à la culture du pavot à l'opium dont les effets se feraient sentir à court terme ;

7. Se concerter au sein de l'OTAN pour promouvoir des approches communes face aux

problèmes de la sécurité et de la reconstruction, suivre l'évolution de la situation en Afghanistan et influer sur l'avenir de cet Etat ;

8. Maintenir l'Assemblée informée des décisions concernant les objectifs des forces européennes en Afghanistan et les moyens nécessaires à cet engagement.

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EXPOSé DES MOTIFS

présenté par M. Ignacio Cosidó Gutiérrez, rapporteur (Espagne, Groupe fédéré)

I. Introduction

1. En 2006, l'Assemblée de l'UEO a adopté un rapport sur « les forces européennes en

Afghanistan ¿ leçons à tirer »3. Une sous-commission de la Commission de défense s'est déplacée à Kaboul pour enquêter sur place à un moment où la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), sous commandement de l'OTAN, s'apprêtait à se déployer dans le sud et ensuite dans l'est de l'Afghanistan ¿ les zones en guerre depuis l'invasion de l'Afghanistan par la coalition Liberté immuable conduite par les Etats-Unis, en 2001.

2. Un an plus tard, l'enchaînement des événements est loin d'être une réussite éclatante. L'extension géographique de l'OTAN et la convergence croissante avec la coalition dirigée par les Etats-Unis n'ont pas encore atteint l'objectif de sécuriser et de stabiliser entièrement le pays, de manière à créer un environnement favorable à une reconstruction politique, sociale et économique viable et durable, et à permettre ainsi aux Afghans d'assumer pleinement la responsabilité du destin de leur Etat.

3. L'Afghanistan demeure un Etat insaisissable. Cette réputation est acquise depuis des siècles et mise en évidence, de manière dramatique, par l'expérience britannique et ensuite soviétique de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle. Mais c'est cette dernière qui a façonné l'Afghanistan d'aujourd'hui : un pays déstructuré, détruit, avec un minimum d'infrastructures vitales, une population en attente permanente d'un peu de sécurité (à défaut d'une paix durable), une économie fragile et hautement inégalitaire, une structure sociale ethnique, tribale et religieuse morcelée.

4. Depuis 1978, l'Afghanistan n'a connu que la guerre et la violence ¿ étatique, étrangère, interafghane. Des coalitions de fortune ont été formées épisodiquement pour s'opposer aussitôt en factions rivales. Le pays n'a connu qu'un semblant de stabilité, à partir de 1996, avec la « victoire » des talibans, les « étudiants en religion » pachtounes, sur les clans rivaux pachtounes, tadjiks, ouzbeks et hazâras qui se disputaient le pouvoir à Kaboul. Une victoire provisoire puisque les opposants ont

réussi à garder le contrôle du nord de l'Afghanistan.

5. En arrivant au pouvoir, les talibans ont aussi été confrontés à un groupe hétérogène non-afghan, formé d'adeptes du djihad violent, qui s'était établi en Afghanistan après le départ des forces soviétiques et la chute du régime laissé en place (1992). L'Afghanistan était devenu un sanctuaire pour des combattants étrangers musulmans, dont des Européens et Nord-Américains. Leurs cibles étaient les Etats-Unis et Israël, la Russie (à cause de la Tchétchénie), l'ex-Yougoslavie/République de Serbie

(Bosnie-Herzégovine et le Kosovo), l'Algérie et la France, l'Inde (la région du Cachemire), des Etats de l'Asie centrale postsoviétique et même la Chine (le cas de la minorité ouïgoure).

6. L'Afghanistan était le lieu de retraite idéal pour récupérer des forces, échanger des expériences, former des cadres et entraîner des combattants, planifier des actions diverses. Le pays est enclavé au milieu de l'Asie centrale, montagneux et désertique. Sa population pratique un Islam rigoureux, dans un contexte économique pauvre et de pénurie. Un environnement social et psychologique idéal pour des combattants qui se voulaient porteurs d'un Islam du retour aux sources.

7. Les talibans ont trouvé un interlocuteur, représentant ce groupe hétérogène, en la personne de Ben Laden, le porte-parole ou dirigeant de ce l'on nomme déjà dans les milieux du renseignement (notamment français) « la Base », ou Al Qaida. Une alliance de sang est établie entre la famille du chef spirituel des talibans, le Mollah Omar, et la famille de Ben Laden, par le mariage d'une fille du Mollah à un fils de Ben Laden.

8. Ceci va sceller le sort du régime Taliban, quand le 11 septembre 2001, quatre avions civils américains sur les lignes intérieures sont détournés en vol, par des « combattants du djihad », pour

3 « Les forces européennes en Afghanistan ¿ leçons à tirer », présenté par M. Jean-Pierre Kucheida (France, Groupe socialiste) et M. Mehmet Tekelioglu (Turquie), co-rapporteur et adopté par la Commission de défense de l'Assemblée le 16 mai 2006. Document 1930, Recommandation n°780, 20 juin 2006 ; http://assembly.weu.int.

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DOCUMENT C/1962

servir de missiles. Trois atteindront leurs cibles, les deux tours du World Trade Center à New York et le Pentagone. Le quatrième s'écrasera au sol non loin de Washington. Une fois Al Qaida identifiée comme la source des attentats, l'Afghanistan est sommé de rendre les coupables désignés aux Etats-Unis.

9. Les liens de sang et religieux, la parole donnée et un sens de l'honneur exacerbé4 vont se traduire par un refus qui conduira inéluctablement à l'invasion de l'Afghanistan par les Etats-Unis, la chute du régime des talibans et l'occupation du pays par les Etats-Unis et sa coalition, assistés ensuite par une forces des Nations unies et aussi par des Afghans de l'opposition, l'Alliance du Nord et d'autres groupes opposés aux talibans, et aussi par des talibans qui se sont ralliés aux vainqueurs.

10. Mais ni le Mollah Omar ni Ben Laden n'ont été capturés ou tués. La suite, qui est présentée en détail dans le rapport précédent, c'est la poursuite de combats réguliers sans véritable stratégie de développement du pays, une reconstruction mal planifiée et mal conduite, otage de considérations politiques et militaires qui se résument à la chasse à Al Qaida au nom de la guerre mondiale contre le terrorisme.

11. A partir de 2003, l'attention internationale va se détourner vers l'Irak, deuxième front de cette guerre. L'Afghanistan passe au second plan, les retards s'accumulent dans la reconstruction et la sécurité, la culture du pavot pour l'opium augmente de manière presque exponentielle (les talibans avaient détruit les champs auparavant) et graduellement, les talibans, Al Qaida et les autres factions armées opposées au nouveau gouvernement de Kaboul et au Président Hamid Karzaï (élu en 2004) augmentent leur pression violente.

12. Cette fois-ci, ils ne sont plus basés en Afghanistan mais au Pakistan. Un Etat très important dans les affaires afghanes et que le statut de pays doté de l'arme nucléaire met à l'abri d'une invasion directe de la part des Etats-Unis et de leurs alliés. Même s'il est dirigé par un Général de l'armée, le pays n'est pas une dictature et certains équilibres politiques, sociaux, religieux et tribaux sont plus ou moins respectés. Les réseaux de soutien aux talibans afghans se sont faits discrets et le Président, le Général Pervez Musharraf, est l'allié principal des Etats-Unis dans cette région dans le combat contre Al Qaida.

13. La « stabilité » actuelle ou le chaos nucléaire, c'est le choix qui se présente à tous ceux qui seraient tentés d'intervenir au Pakistan, Etats-Unis compris. Et c'est ainsi qu'en 2007, la situation demeure insaisissable en Afghanistan. Les attentes de la population sont encore à remplir, la culture du pavot pour l'opium a atteint des records, la violence se poursuit et des dynamiques afghanes internes

sont apparues qui auront des conséquences positives mais aussi négatives pour la stabilité du nouvel Etat afghan.

14. Au milieu de tout ceci, plus de 20 000 soldats européens sont engagés dans la FIAS-OTAN avec pour mission d'aider à combattre les talibans, Al Qaida et la culture du pavot et d'assister à la reconstruction du pays. Dans les faits il y a deux FIAS, une qui fait la guerre et une qui essaie de bâtir

la paix. Mais l'action militaire n'est que l'un des éléments de l'action internationale.

15. L'assistance économique, politique et sociale est en revanche décisive pour la réussite de tout cet exercice de construction d'un nouvel Etat-nation afghan. La situation en Afghanistan laisse encore espérer un dénouement positif, mais le facteur temps n'est pas illimité. Même si le cycle de la violence

est plus ou moins prévisible ¿ accalmie en hiver, combats au printemps, en été et en automne ¿ des attentats, y compris suicides, ont lieu de manière constante.

16. Pour consolider les gains des campagnes de la coalition de 2001-2002 et ceux de la présence de la FIAS, sous commandement de l'OTAN depuis 2003, la présence militaire internationale a été augmentée et est estimée à plus de 40 000 soldats ¿ 34 000 pour l'OTAN et 12 000 pour les Etats-Unis, qui ont scindé leur dispositif en deux au profit de la FIAS. Ce renforcement en effectifs et en matériel n'est pourtant pas le fruit d'un effort partagé puisqu'il est essentiellement le fait des Etats-

Unis, du Royaume-Uni, du Canada, des Pays-Bas et de l'Australie (qui va déployer environ mille

4 Il s'agit du code d'honneur des Pachtounes, le « pachtounwali » qui précède l'islamisation de l'Afghanistan (entre les VIIe et le Xe siècles de notre ère). Ses trois principes clés sont le Melmastia (l'hospitalité), le Badal (la réciprocité) et le Nanawatey (la protection de l'hôte).

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soldats au sud, doublant l'effectif actuel). A la querelle des chiffres ¿ faut-il accroître les autres contingents et de combien ? ¿ s'ajoute de plus en plus celle des règles d'engagement nationales, une question très sensible puisque plus politique qu'opérationnelle.

17. A cette comptabilité « alliée », il faut ajouter un nombre croissant de soldats, policiers et groupes armés au service du pouvoir central afghan ou des gouverneurs régionaux. Leur formation, encadrement et équipement sont partagés entre les Etats de l'OTAN sans qu'il y ait une véritable coordination centrale. Des intérêts politiques nationaux et des sphères d'influence sont en jeu dans un contexte inter-afghan fluctuant où les loyautés ont une base ethnique, religieuse et sociale plutôt que

nationale, du moins au sens qu'on donne à ce qualificatif en Europe et aux Etats-Unis. En face, on a des combattants talibans, ceux de mouvements affiliés, des réseaux de la culture et du trafic du pavot/opium/héroïne et des éléments armés liés à Al Qaida.

18. Et puis, il y a le Pakistan que seuls les Etats-Unis contrôlent, mais a minima. Accusé

régulièrement par les autorités afghanes de permettre aux talibans de se réfugier sur le territoire pakistanais, le régime du Général Pervez Musharraf a toujours nié ces allégations. Le fait est que le pouvoir central n'est pas en mesure de contrôler effectivement la totalité du territoire national et doit composer avec des groupes d'intérêts et de pression nationaux importants qui sont hostiles aux intérêts

américains dans la région. Le statut nucléaire du pays le met pourtant à l'abri de toute intervention militaire extérieure directe contre les zones où s'abriteraient les talibans, leurs alliés et des éléments d'Al Qaida.

19. L'évolution de la situation en Irak a aussi des conséquences pour l'Afghanistan. Les méthodes des talibans ont évolué avec les tactiques utilisées par les différents groupes armés qui combattent les forces américaines et britanniques en Irak. L'utilisation croissante et la sophistication des engins explosifs improvisés (EEI), les attentats suicides, les actions coordonnées et la prise de villages sont venus renforcer la capacité de nuisance des talibans et de leurs alliés basée dans le passé sur la tactique

des embuscades ¿ abondamment couverte par les médias américains et britanniques du temps de la guerre contre la présence soviétique. Au-delà du savoir-faire ainsi transmis d'un « front » à l'autre, l'évolution de la situation irakienne en 2007 et la possibilité d'une action armée des Etats-Unis contre l'Iran auront des conséquences pour l'Afghanistan.

20. L'OTAN et les forces européennes engagées en Afghanistan se trouvent ainsi à l'épicentre de la guerre globale contre le terrorisme. Dans un monde de vases communicants, caractérisé par la mondialisation, ce pays n'est plus relégué au rang de périphérie marginale dont le sort ne concerne que les voisins proches. Le « temps perdu » de la reconstruction afghane n'est plus rattrapable. L'effort doit être réalisé maintenant et être à la hauteur des promesses faites, à défaut de quoi le vide laissé par un nouvel échec des coalisés et des alliés sera comblé par d'autres acteurs régionaux aux vues divergentes ou opposées aux intérêts américains et européens.

II. Les défis afghans

21. La recommandation contenue dans le rapport de la Commission de défense sur « Les forces européennes en Afghanistan ¿ leçons à tirer » appelait le Conseil de l'UEO à inviter les Etats de l'UEO, et implicitement ceux qui sont engagés en Afghanistan :

« 2. A clarifier d'urgence les objectifs principaux de la mission militaire en Afghanistan, à définir la manière dont elle doit être menée à bien et à s'assurer que des ressources suffisantes sont disponibles pour que l'objectif militaire puisse être mené à son terme avec succès dans un délai de trois ans ; (...)

4. A doter les unités militaires nationales de l'ensemble des moyens requis, tant militaires que budgétaires, pour mener à bien leurs missions, y compris sur le plan humanitaire ;

5. A coordonner plus étroitement leurs objectifs et missions respectifs dans un esprit de

complémentarité, selon les différentes priorités nationales, pour donner plus de cohérence à l'action internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan ;

6. A veiller à ce que la présence militaire internationale ne soit pas la seule solution à proposer pour la reconstruction de l'Afghanistan et à définir des stratégies politiques, économiques et sociales d'assistance au développement de l'Afghanistan crédibles et concluantes à court terme ;

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7. A parvenir à un accord au sein de l'OTAN sur une stratégie de réduction graduelle de la présence militaire internationale en Afghanistan, en fonction de l'accomplissement progressif des objectifs militaires de la FIAS et des progrès réalisés dans la formation et le développement

des capacités afghanes de sécurité et de défense ;

8. A établir en tout cas le principe que la présence internationale en Afghanistan ne peut pas durer indéfiniment ;

9. A intensifier les efforts d'assistance à la formation des capacités de sécurité civiles en Afghanistan ;

10. A admettre que l'objectif de l'élimination de la production d'opium en Afghanistan ne peut être atteint par des moyens militaires ; (...) ».

22. La réponse du Conseil à l'Assemblée, en date du 30 octobre 2006, a été succincte :

« Le Conseil prend note des intéressantes recommandations de l'Assemblée concernant le soutien au renforcement des structures gouvernementales de l'état afghan dans le cadre du mandat confié à l'Alliance atlantique. »

23. Durant ce laps de temps (juin ¿ octobre 2006), la position de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan a changé par rapport au mandat initial (2001) ¿ encore en vigueur

aujourd'hui ¿ d'assistance au nouvel Etat afghan5.

24. Ce premier mandat est le résultat de la combinaison des dispositions de l'Accord inter-afghan de Bonn (5 décembre 2001), de la Résolution 1386 du Conseil de sécurité des Nations unies (20 décembre 2001) et de l'Accord militaro-technique entre les autorités afghanes et le commandement de

la FIAS (4 janvier 2002). La FIAS a pour objectifs :

¿ d' « aider les nouvelles autorités afghanes à établir et à entraîner de nouvelles forces de

sécurité et forces armées afghanes » (Accord de Bonn, Annexe I) ;

¿ de contribuer « au maintien de la sécurité à Kaboul et dans les environs. Ses activités

pourraient, le cas échéant, être progressivement étendues à d'autres centres urbains et

d'autres zones » (Accord de Bonn, Annexe I) ;

¿ de contribuer « à la remise en état de l'infrastructure de l'Afghanistan » (Accord de Bonn, Annexe I) ;

¿ d' « aider l'Autorité intérimaire afghane à maintenir la sécurité à Kaboul et dans ses

environs, de telle sorte que l'Autorité intérimaire afghane et le personnel des Nations unies puissent travailler dans un environnement sûr » (Résolution 1386 du Conseil de sécurité des Nations unies) ;

¿ d' « aider l'Autorité intérimaire afghane à constituer et à former de nouvelles forces

afghanes de défense et de sécurité » (Résolution 1386 du Conseil de sécurité des Nations unies) ;

¿ d'aider l'Autorité intérimaire à mettre en place des dispositifs de sécurité ; d'aider

l'administration intérimaire à reconstruire le pays ; de déterminer et de préparer les mesures à prendre pour former et aider les futures forces de sécurité afghanes (Accord militarotechnique).

25. Cette première mission de sécurisation et de stabilisation s'est déroulée sans grandes difficultés dans la région de la capitale, Kaboul, et dans les parties nord et ouest de l'Afghanistan. Le sud et l'est

sont restés couverts par la coalition Liberté immuable, sous le commandement des Etats-Unis, qui a poursuivi sans relâche les opérations militaires contre les talibans, leurs alliés et des éléments relevant d'Al Qaida, opposés aux nouvelles autorités afghanes et par conséquent à la présence militaire

5 Les origines de la FIAS, en 2001, et son passage sous la responsabilité de l'OTAN, en 2003, sont décrites en détail dans le rapport sur « Les forces européennes en Afghanistan ¿ leçons à tirer », présenté par M. Jean-Pierre

Kucheida (France, Groupe socialiste), rapporteur et M. Mehmet Tekelioglu (Turquie), co-rapporteur et adopté par la Commission de défense de l'Assemblée le 16 mai 2006. Assemblée, document A/1930, Recommandation

n°780, 20 juin 2006 ; http://assembly.weu.int.

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étrangère. Sous cette double protection de la FIAS et de la coalition, le nouvel Etat afghan a pu se consolider et acquérir une légitimité politique par la voie électorale, sous le contrôle étroit des Etats-Unis et sous la supervision des Nations unies.

26. Les grandes étapes de ce processus politique ont été l'adoption d'une Constitution, rédigée en décembre 2003 et entrée en vigueur en janvier 2004, l'élection du Président Hamid Karzaï en octobre 2004 et son entrée en fonction en décembre de cette même année, et l'élection du Parlement (chambre et sénat) en septembre 2005. Jusqu'à la fin 2005, en dépit d'une violence résiduelle et contenue dans

la région de Kaboul, au nord et à l'ouest, et de la poursuite d'opérations militaires plus robustes au sud et à l'est, vers les zones frontalières avec le Pakistan, l'Afghanistan paraissait s'orienter vers une stabilisation graduelle qui permettait d'envisager un transfert à court terme des responsabilités de souveraineté, telles que la sécurité et la défense, au nouvel Etat afghan. Mais c'est l'inverse qui s'est produit, à cause de facteurs endogènes et exogènes sur lesquels les principaux acteurs engagés ¿

autorités afghanes, FIAS-OTAN et la coalition ¿ n'ont que partiellement prise.

1. La reconstruction au rabais

27. La mise en déroute du gouvernement taliban entre octobre et décembre 2001 a ouvert la voie à l'avènement d'un nouvel Etat afghan, selon un modèle d'inspiration démocratique eurocentrique. L'objectif de cette approche, conçue par les Etats-Unis, maîtres de la situation en Afghanistan, était de prévenir et d'éviter la répétition des affrontements interafghans qui ont eu lieu après la chute du régime prosoviétique, en 1992. Pour poursuivre la campagne contre ce qui restait des talibans et des

éléments d'Al Qaida en Afghanistan, les Etats-Unis avaient besoin d'une situation stable à Kaboul.

Pour éviter l'accaparement du pouvoir par l'Alliance du nord et ses alliés, en guerre contre les talibans depuis 1996, des notables d'origine pachtoune ont été cooptés pour former un gouvernement d'unité nationale avec l'Alliance du nord et d'autres acteurs locaux de premier plan, tels qu'Ismaïl Khan, à Herat (ouest) et le Général Rashid Dostum, à Kunduz (nord).

28. Ce schéma a été entériné par la Conférence interafghane de Bonn, organisée sous les auspices de la communauté internationale. L'Allemagne, pays hôte de l'événement, abrite la plus grande communauté afghane en Europe, de 90 000 à 100 000 personnes. Cette version multinationale de la Loya Jirga, l'assemblée traditionnelle afghane, a mis en place un gouvernement dirigé par Hamid Karzaï (Président), avec cependant un déséquilibre sur certains postes sensibles car les affaires

étrangères, la défense et la sécurité intérieure ont été confiés à des représentants de l'Alliance du nord et à leurs alliés. Toutefois, l'Accord de Bonn prévoyait aussi le déploiement d'une force militaire internationale, devenue la FIAS dans la Résolution 1386 du Conseil de sécurité des Nations unies.

29. Commandée par le Royaume-Uni, cette force était composée presque uniquement d'Etats européens membres de l'Alliance atlantique et d'alliés des Etats-Unis. Selon les textes, sa mission était d'assister l'Autorité intérimaire, mais dans la pratique elle servait d'élément de dissuasion en cas de tentative de prise du pouvoir par une faction afghane au détriment de l'équilibre mis en place par les Etats-Unis. Son déploiement à Kaboul, centre du pouvoir afghan, a permis aux forces américaines de réduire leur visibilité dans cette ville et de se concentrer sur leurs offensives à l'est du pays. Ce

schéma est encore présent aujourd'hui, même si le gouvernement afghan bénéficie d'une pleine légitimité politique issue d'élections et non plus du travail des diplomates autour d'une table de conférence (et du rapport des forces sur le terrain).

30. De 2002 à 2003, la situation s'est stabilisée autour de ce triptyque : Autorité intérimaire ¿ FIAS¿ coalition. Les provinces de Kaboul, du nord et de l'ouest du pays étaient sécurisées et stabilisées, le sud était calme et seulement une partie du territoire à l'est demeurait irréductible. C'était là l'occasion de mettre en oeuvre les grandes promesses de reconstruction, d'assistance et d'aide humanitaire faites

lors des conférences internationales qui ont suivi celle de Bonn. Or rien de véritablement significatif ne s'est passé aux yeux d'une population démunie, déstructurée par deux décennies de conflits et en

attente des avantages promis par les nouveaux « conquérants » étrangers et les autorités afghanes.

31. Au lieu d'un progrès rapide, c'est une reconstruction au rabais qui a été menée, selon les termes d'un responsable afghan de premier plan, M. Ashraf Ghani, ministre des finances de l'Afghanistan de 2002 à 2005, qui est aujourd'hui le recteur de l'Université de Kaboul. Certes, le pays n'avait pas d'infrastructures (transport, énergie, communications), pas de cadres techniques et intellectuels (autres

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que militaires, en excès) et les circuits économiques régionaux contournaient l'Afghanistan à la suite de l'intervention soviétique et du fait des conflits internes ultérieurs. A ceci s'ajoutent une structure tribale, ethnique et religieuse distincte au niveau des provinces et une population en majorité rurale orientée vers des cultures de subsistance ou, ce qui est l'un des résultats contrastés de la chute du régime des talibans, revenue à la culture massive de la seule production à rentabilité immédiate, le

pavot afghan, matière première pour la synthèse de l'héroïne.

32. L'Afghanistan dispose de richesses naturelles, de minéraux, de pétrole et de gaz, mais n'a ni industrie extractive en état de marche, ni oléoducs qui pourraient contribuer à un développement économique rapide et durable. L'assistance internationale, supposée pallier cette situation de dénuement, a failli. Des organisations et des Etats sont arrivés en ordre dispersé, la coordination de

l'aide économique est inexistante et les intérêts publics et privés des donateurs n'ont fait l'objet d'aucune harmonisation rationnelle. Il a manqué une stratégie économique pour l'Afghanistan, à l'échelle internationale, avec des objectifs définis, une identification des besoins réels et un suivi efficace des fonds réellement déboursés (bien en deçà des promesses). Le «Pacte » de Londres, un plan quinquennal approuvé en grande pompe en février 2006, par la « communauté internationale »,

n'a pas encore apporté des améliorations tangibles à la vie des populations6.

33. L'effort international, qui était et reste sincère, n'a pas été à la hauteur. L'image de

l'Afghanistan d'aujourd'hui, dans ce que l'on désigne comme Mainstream Media (MSM), en anglais, les grands médias nationaux et internationaux, c'est encore la violence, le pavot/opium, le sousdéveloppement, un Islam conservateur. Cette situation est aussi la conséquence d'une approche axée sur la guerre contre le terrorisme, aux objectifs flous, et qui fait passer au second plan la reconstruction. Sur les plus de dix milliards promis récemment par les Etats-Unis pour l'Afghanistan, plus des trois quarts sont destinés à des dépenses de sécurité. Quant aux Etats européens présents,

seuls ou par l'intermédiaire de l'Union européenne ou au sein de groupes de donateurs (relevant des Nations unies, par exemple), leur investissement dans l'économie et le renouveau social afghan est très limité.

34. Les grandes organisations non gouvernementales se sont regroupées à Kaboul et leur présence et leur impact sur le reste du territoire national sont très limités. Leurs personnels locaux sont une cible de choix pour les talibans et les autres groupes opposés au pouvoir central, qui ont assassiné certains otages et en ont enlevé d'autres7 pour les échanger contre une rançon ou des prisonniers. Les cadres

techniques américains, européens, et d'autres pays tels que l'Inde et la Chine présents en Afghanistan sont aussi contraints à vivre en huis clos, dans des quartiers réservés, avec des gardes privés. L'industrie des entreprises privées de sécurité fonctionne bien, mais elle n'est pas la réponse au sousdéveloppement économique ni aux attentes sociales d'une population paupérisée.

35. Certes, la présence militaire et l'assistance internationale modeste (politique, économique, sociale) ont permis le démarrage d'un processus politique plus ou moins conforme aux normes européennes et américaines. Des poches de richesse se sont développées, il y a des entrepreneurs locaux, l'argent du pavot est en partie injecté dans l'économie locale et nationale. La corruption existe à tous les niveaux des structures politiques et administratives du pays, mais il faut aussi faire la part

des traditions locales, du recours aux intermédiaires, aux faveurs et aux « cadeaux de reconnaissance » et tenir compte du bas niveau des salaires. L'incertitude sur l'avenir de la guerre ¿ car il s'agit bien d'une guerre en Afghanistan, comme en Irak ¿ favorise les comportements à court terme.

2. L'insécurité permanente : facteurs intérieurs et extérieurs

36. La première campagne afghane, décrite en détail dans le précédent rapport de la Commission de défense, de juin 2006, a duré deux mois, d'octobre à début décembre 2001. Diverses opérations de

6 Il est important de souligner qu'en Afghanistan l'espérance moyenne de vie est de 40 à 45 ans pour les femmes et les hommes et que 60% de la population a 20 ans et moins.

7 Ce sont les cas récents du journaliste italien, Daniele Mastrogiacomo, retenu pendant 15 jours en mars 2007, dans le sud de l'Afghanistan, et échangé contre cinq prisonniers talibans ; le cas des deux humanitaires français enlevés le 3 avril 2007 et et une équipe médicale afghane de cinq personnes détenue depuis mars 2007. Le sort

des Afghans est plus préoccupant car, le chauffeur et l'interprète du journaliste italien ont été exécutés par les talibans.

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ratissage et de chasse aux forces des talibans et aux éléments d'Al Qaida présents sur le territoire afghan ont suivi. Chacune de ces campagnes s'est achevée par une victoire, par de lourdes pertes infligées aux combattants ennemis, par la mort de commandants de premier plan et d'autres exploits énoncés à longueur de communiqués émanant des états-majors américain, britannique et d'autres Etats

participant à la coalition Liberté immuable.

37. En parallèle, la FIAS « onusienne », bientôt « otanienne » prenait ses quartiers à Kaboul et stabilisait, par sa présence, la capitale et la région avoisinante. La violence était contenue et les troupes internationales pouvaient en général circuler et porter assistance aux forces afghanes présentes dans cette zone. La menace était résiduelle, mais la situation restait tendue en attendant la tenue des premières élections pour désigner le nouveau Président (2004) et le nouveau parlement (2005). Avant

cela, une importante campagne de recensement et d'enregistrement des électeurs afghans avait été lancée, sous le parrainage des Nations unies et avec l'assistance financière et technique de l'Union européenne.

38. A cette occasion, la FIAS est devenue l'auxiliaire idéal en matière de sécurité pour accompagner ce processus dans les zones « sécurisées » du pays et c'est ainsi qu'en 2003, pour des questions de rationalisation de commandement et pour éviter des discussions aux Nations unies sur la composition de la Force, celle-ci est passée sous la responsabilité de l'OTAN, ce qui au passage a assuré aux Etats- Unis un contrôle total sur l'évolution de la situation en Afghanistan, y compris en matière de politique

intérieure afghane. La FIAS n'est pas qu'une force d'assistance aux autorités afghanes, elle est aussi un élément de dissuasion pour les différentes factions qui se partagent le pouvoir à Kaboul.

39. Un partage des responsabilités et des zones d'influence s'est aussi établi entre la FIAS et la coalition et entre les pays participant à ces missions. A la FIAS, le nord et l'ouest, à la coalition, le sud et l'est. Les différences au niveau des règles d'engagement et des moyens disponibles ¿ soldats, matériels, infrastructure, logistique, structures de planification et financement ¿ et les intérêts politiques et économiques divergents des pays participants engendrent une structure disparate, sous le couvert d'un même « donneur d'ordres », l'OTAN ou les Etats-Unis. Au début, avec un effectif équivalent à un gros tiers de la coalition, la FIAS a pu s'acquitter honorablement de ses missions.

40. Avec la pression militaire constante de la coalition sur la frontière avec le Pakistan, on pouvait espérer une meilleure stabilisation du pays, une plus grande visibilité des forces de sécurité et des armées afghanes, formées et équipées par la FIAS, les nations-cadres et la coalition, et une reconstruction économique, sociale et humanitaire conforme aux promesses. A terme, une réduction des forces étrangères et une réorientation vers l'assistance ponctuelle et la formation des cadres et des

forces de sécurité et armées afghanes étaient envisagées. En même temps, les milices « privées » devaient être dissoutes et même la culture du pavot devait céder la place à des cultures « légales » dans le contexte d'une reconstruction réussie.

(a) Le pouvoir politique afghan en quête de légitimité nationale

41. Des facteurs internes et externes devaient conduire à la situation actuelle qui ramène à nouveau l'Afghanistan sur le devant de la scène de la guerre mondiale contre le terrorisme. Les débuts de l'Autorité intérimaire afghane n'ont pas été faciles ; les différents groupes en présence disposaient de milices armées et avaient des intérêts divergents. L'opposition aux talibans était presque le seul point commun. Dans les provinces, les chefs de guerre ou de clans étaient plutôt réticents à se soumettre à

une autorité centrale ¿ l'Afghanistan est un pays rural où la notion de « local » l'emporte souvent sur le « national ».

42. L'autorité centrale peut être imposée par la force mais elle doit aussi répondre aux attentes économiques et sociales des populations pour obtenir leur adhésion dans la durée. Comme l'assistance internationale était conditionnée à des règles de gouvernance et de surveillance, taillées plutôt pour l'Europe (même si les résultats sont encore contrastés dans l'espace géographique issu de l'éclatement

de l'ex-Yougoslavie), l'Etat afghan naissant n'a jamais pu disposer de moyens autres que la force pour légitimer son autorité hors de Kaboul. Et ceci est encore vrai en 2007.

43. En outre, à l'est du pays, les structures étatiques et leurs représentants, y compris les forces de sécurité et armées et aussi les milices privées, se sont effacées face à la toute-puissance militaire américaine, ce qui n'a pas été sans causer des frictions avec le gouvernement de Kaboul qui est ainsi accusé par les opposants, y compris « légaux », de n'être qu'un gouvernement de façade sous le contrôle des Etats-Unis. La réalité est plus nuancée et complexe, mais pour la population afghane,objet d'une guerre psychologique aux intervenants multiples, c'est une idée largement acceptée.

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44. Pendant les cinq années écoulées (2002-2007), la sécurité des forces internationales a pris le pas sur la reconstruction. Couplée avec la méconnaissance des réalités politiques, sociales et religieuses locales par les experts internationaux en gouvernance et en assistance internationale, cette méfiance envers la capacité du peuple afghan et de ses représentants, légitimés d'abord par la Conférence de

Bonn et ensuite par les échéances électorales de 2004 et de 2005, n'a fait qu'accentuer la tendance au repli identitaire et à la recherche de moyens de développement et de subsistance à court terme ; ceci explique en partie l'extension massive de la culture du pavot pour l'opium.

45. De plus en plus de soldats étrangers et d'opérations militaires échappent à toute supervision afghane (le pouvoir à Kaboul). L'assistance économique ne profite pas assez rapidement à la population et n'est pas assez dense pour permettre une certaine autonomie de développement (sans trop de contraintes, de manière à favoriser d'abord un mouvement d'émulation générale). Cet état de fait est un argument de mobilisation pour ceux qui sont opposés à tout ce processus de renouveau

national afghan : les talibans, leurs alliés et les groupes qui se réclament encore d'Al Qaida.

46. Les talibans jouent de plus en plus la carte du nationalisme : ce sont des Afghans qui combattent et qui meurent au nom de leur vision d'un Etat afghan islamiste débarrassé de l'influence étrangère.

Celle-ci est d'autant plus facile à désigner qu'elle est représentée sur place par des Etats européens et les alliés proches des Etats-Unis. Aucun autre Etat de la région n'est présent en Afghanistan et à l'exception de celles de la Turquie, pays musulman mais laïque, il n'y a pas de forces musulmanes.

Or, la religion est un élément central dans le conflit en Afghanistan, comme en Irak, et c'est d'ailleurs le lien qui rapproche les différents groupes et individus, partout dans le monde, qui se réclament d'Al Qaida ou non, et qui commettent des actions terroristes au nom de l'Islam.

47. Parmi les alliés afghans des talibans, le plus important est Gulbuddin Hekmatyar, un Pachtoune. Chef du parti Hezb-e-Islami, il a été Premier ministre durant la guerre civile afghane qui a précédé l'arrivée des talibans. Réfugié en Iran, d'où il a été expulsé en 2002, il a toujours refusé les Accords de Bonn et a rallié Al Qaida. Cependant, il n'a jamais prêté allégeance au Mollah Omar qui est le soutien

principal d'Al Qaida.

48. En février-mars 2007, faisant volte face, et à la faveur de l'amnistie approuvée par le Parlement et le gouvernements afghans pour toutes les violences commises depuis 1979 (et étendue aux combattants talibans), Gulbuddin Hekmatyar s'est déclaré prêt à dialoguer avec le pouvoir central,sous conditions. Toutefois, il est possible que des éléments du Hezb-e-Islami poursuivent leur engagement armé.

49. Al Qaida, garde un profil bas car la survie physique de cette organisation se joue au Pakistan et non en Afghanistan. La direction des talibans est en contact avec Al Qaida mais ce sont les talibans qui sont les garants de la sécurité de Ben Laden et des autres cadres d'Al Qaida réfugiés dans les zones frontalières entre l'Afghanistan et le Pakistan. Les combats de certaines milices talibanes pachtounes pakistanaises (encouragées par le pouvoir central pakistanais) contre des combattants d'Al Qaida

ajoutent un degré élevé d'incertitude sur l'avenir de la présence de cette organisation dans la région8.

8 Le Président pakistanais, Pervez Musharraf, avait annoncé, le 12 avril, que plus de 300 combattants étrangers avaient été tués par des forces tribales pakistanaises, soutenues par l'armée en une semaine de combats, dans la région du Waziristan sud. Une grande majorité de ces combattants seraient ouzbeks ; « Pakistan: 300 Foreign

Militants Killed, Pakistani President Gen. Pervez Musharraf Says 300 Foreign Militants Killed in Offensive », ABC News (Etats-Unis et Reuters), 12 avril 2007, http://abcnews.go.com.

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(b) Le Pakistan : un allié difficile

50. La chute du régime des talibans, en 2001, a eu aussi pour conséquence de priver le Pakistan d'une réserve géostratégique, dans l'optique du conflit latent entre cet Etat et l'Inde. L'Afghanistan servait aussi de base arrière à des groupes de combattants pour l'indépendance de la région du Cachemire, en Inde, ce qui était l'un des moyens de pression du Pakistan à l'égard de l'Inde. La riposte de l'administration Bush aux attentats du 11 septembre 2001 a bousculé cet ordre. Au-delà d'Al Qaida et des talibans, c'est aussi le pouvoir pakistanais qui a été mis sur la touche par les Etats-

Unis. Le Pakistan était le principal soutien du régime des talibans et les écoles religieuses islamiques, les madrasas, nombreuses dans ce pays, sont devenues le symbole même de l'endoctrinement et de la formation de cadres et de combattants de l'extrémisme islamiste.

51. Le Président pakistanais, le Général Pervez Musharraf, a perçu le danger et décidé d'abandonner à son sort le régime des talibans. Dans des conditions qui sont encore aujourd'hui sujettes à spéculation, des autorisations ont été données aux Etats-Unis pour le survol de l'espace aérien pakistanais par des avions militaires américains et le transit d'équipements par voie terrestre ¿ schéma qui s'est répété pour les Etats d'Asie centrale voisins de l'Afghanistan, à l'exception du Turkménistan

et de l'Iran. De plus, le Pakistan, Etat détenteur de l'arme nucléaire, voulait se protéger contre toute velléité de neutralisation préventive de la part des Etats-Unis. Le pays a peu d'alliés dans la région et est confronté à l'émergence de la puissance indienne. Sacrifier Kaboul pour Islamabad était le choix logique.

52. Toutefois, on sait aujourd'hui que cet abandon des talibans n'a pas été suivi par toutes les parties pakistanaises concernées, notamment dans des cercles des forces armées et des services de renseignement militaires, dont la célèbre Direction du renseignement interservices (ISI). Des partis islamistes pakistanais, des organisations non gouvernementales islamistes et des sympathisants ont aussi contribué à accueillir et à aider les chefs et combattants talibans en fuite après l'invasion del'Afghanistan par la coalition Liberté immuable, commandée par les Etats-Unis, en octobre 2001.

Parmi eux se sont glissés des éléments d'Al Qaida et leurs chefs, dont Ben Laden et Ayman al- Zawahiri9, considéré comme le numéro deux dans la structure d'Al Qaida.

53. Ils se sont dispersés dans les zones tribales sous administration fédérale (FATA, en anglais), mélangés aux presque quatre millions de réfugiés afghans qui s'y sont installés au gré des conflits en Afghanistan depuis l'intervention soviétique de décembre 1979. Ces zones, disposant d'une grande autonomie de gouvernement, sont habitées par une majorité pachtoune et d'autres groupes assimilés et sont devenues, en grande partie du fait de l'abandon des responsabilités par le gouvernement central,

un centre important de soutien à l'islamisme conservateur et radical. Elles sont voisines du grand centre pachtoune du Pakistan, la Province frontalière du Nord-ouest (NWFP, en anglais), dont la capitale est Peshawar. Les FATA et la NWFP représentent à elles deux une population de plus de 20 millions d'habitants (sur les 157 millions que compte le Pakistan).

54. Des dizaines, voire des centaines de milliers de soldats pakistanais ont été déployés dans ces territoires depuis 2002. En 2007, le risque de violence est toujours élevé. Des accords ont été signés entre les autorités d'Islamabad et les dirigeants reconnus des zones tribales pour arrêter les confrontations opposant milices, groupes armés et tribus à l'armée pakistanaise et autres forces de sécurité. Ces accords ont surtout offert au Président Musharraf une porte de sortie dans une situation

qui prenait la tournure d'une guerre civile, même contenue. En dépit des déclarations officielles pakistanaises contraires, le statu quo protège les talibans afghans et leur permet de se réorganiser pour aller combattre en Afghanistan. Une fois de plus, mais dans un autre contexte, Kaboul a été sacrifiée à Islamabad.

55. Les Pachtounes pakistanais et afghans maintiennent une liaison solide, une alliance tribale et ethnique qui ne reconnaît pas les frontières actuelles, d'autant plus qu'elles ont été fixées de manière arbitraire par les Britanniques et les Russes au XIXe siècle. Les talibans afghans sont aussi l'un des moyens de pression dont dispose le Pakistan sur l'Afghanistan. Et le djihad contre l'occupant étranger détourne du Pakistan des énergies destructrices qui pourraient miner à terme la stabilité pakistanaise.

9 Les autorités pakistanaises ont toujours nié que la direction d'Al Qaida et des talibans soit réfugiée au Pakistan.

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56. Le gouvernement pakistanais ne peut pas courir le risque de déclencher un appel au djihad contre son pouvoir central. Ceci aurait des conséquences graves pour la survie du régime actuel et pour la poursuite du processus de légitimation politique du Président Musharraf qui est candidat aux élections présidentielles de 2007. Occuper entièrement les zones tribales est hors de portée de l'armée

de terre pakistanaise, qui compte tout de même un demi-million de soldats (et à peu près le même nombre de réservistes). Les forces armées pakistanaises sont pour la plupart mobilisées pour la prévention d'un conflit contre l'Inde. En outre, dans le cas d'une vraie guerre civile, les conséquences s'étendraient à l'ensemble du Pakistan et tout bouleversement pourrait ouvrir la porte à des interventions extérieures (Etats-Unis ou Inde, par exemple).

57. La priorité des autorités centrales pakistanaises est le maintien de la paix à l'intérieur, la consolidation du pouvoir présidentiel, l'intégrité territoriale et l'équilibre stratégique avec l'Inde. Les événements en Afghanistan sont importants mais passent au second plan pour Islamabad. Ce qui a pour effet d'exaspérer l'administration Bush, qui alterne éloges et remontrances, et se traduit parfois sur le terrain par des bombardements ciblés américains, à partir de l'Afghanistan, sur le territoire

pakistanais frontalier. Même si le gouvernement pakistanais minimise ou assume la responsabilité de ces incidents, ils ont pour effet de radicaliser davantage les talibans pakistanais et les populations pachtounes et servent d'argument de mobilisation pour les candidats au djihad. Certains n'hésitent plus à commettre des attentats suicides en territoire pakistanais.© L'effet de la guerre en Irak

58. En 2003, la situation interne en Afghanistan était relativement stable. La FIAS passait sans àcoup sous l'autorité de l'OTAN, les Etats-Unis garantissaient le contrôle de l'est et du sud. Al Qaida et ses alliés talibans essayaient sans succès de reprendre l'initiative. La guerre contre l'Irak et l'occupation de cet Etat arabe, à majorité chiite, par les Etats-Unis et leurs alliés européens allait mobiliser durablement des ressources humaines et matérielles nécessaires à l'Afghanistan. La reconstruction au rabais a conduit aussi à une sécurité au rabais. Les Etats-Unis ont gardé avec

constance plus de 20 000 soldats mobilisés en Afghanistan, mais en dépit des demandes répétées de l'administration américaine aux alliés, les Etats européens de l'OTAN hésitaient à augmenter leurs contingents.

59. Certains pays européens engagés en Irak ont atteint les limites de leur capacité de déploiement et de soutien aux forces en opérations extérieures. La relative tranquillité afghane, du moins dans la majeure partie du pays, a pu faire croire que l'effort du moment était suffisant. Mais le conflit en Irak allait se poursuivre au-delà de la chute du régime de Saddam Hussein. Insurrection, guérilla urbaine et rurale et attentats suicides meurtriers et très destructeurs caractérisent l'Irak de 2003 à 2007 ¿ situation

aggravée maintenant par une guerre civile larvée entre sunnites et chiites et aussi par des affrontements à l'intérieur de ces mêmes groupes. Les projets de l'administration Bush et de certains Etats alliés européens d'un remodelage du « Grand Moyen-Orient » dans une zone de prospérité et de paix fidèle aux Etats-Unis se sont enlisés durablement dans les sables d'Arabie, entraînant des conséquences pour l'Afghanistan.

60. Le fait que les différents groupes irakiens opposés à l'occupation américaine, même légitimée à posteriori par le Conseil de sécurité des Nations unies, pouvaient empêcher ou ralentir la mise en oeuvre des projets américains par une stratégie de terreur ciblée contre les troupes étrangères et en même temps destinée à radicaliser et à terroriser la majorité de la population a été probablement observé avec attention par les talibans afghans et la direction d'Al Qaida. Toutefois, pour celle-ci, le

théâtre d'opérations irakien était probablement plus prometteur en termes de retentissement géopolitique et médiatique. En même temps, les cadres dirigeants d'Al Qaida ne peuvent survivre sans la protection de leurs alliés afghans et pakistanais.

61. Les excès du conflit irakien alimentent la radicalisation d'une frange nombreuse, mais non décisive, du monde musulman. Les attentats de Londres en juillet 2005 ont ainsi, à la base, une motivation liée à la situation en Irak. La tragédie de l'Irak, relayée par les télévisions internationales et par Internet, a contribué à « réactiver » les talibans, qui progressivement se réorganisent et se préparent à lancer des actions similaires à celles qui ensanglantent l'Irak au quotidien. Depuis 2004, il y a une nette recrudescence des actions de combat sur le territoire afghan, y compris des attentats

suicides, avec comme conséquence une intensification des ripostes par la coalition Liberté

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immuable et, dès 2006, des forces européennes de la FIAS ont été déployées dans le sud du pays pour la première fois.

62. Cette intensification de la violence s'est traduite par un appel de l'organisation non

gouvernementale américaine Human Rights Watch à ce que l'OTAN veille à protéger les civils afghans, victimes des « contre-offensives »10. Le Président Karzaï en personne a remarqué, en juin 2006, que les talibans tués étaient aussi des « fils de l'Afghanistan »11 et que la communauté internationale, c'est-à-dire les Etats-Unis et les pays de l'OTAN qui contrôlent la sécurité en Afghanistan, devrait faire plus d'efforts en faveur de la reconstruction et de l'autonomie afghane en matière de sécurité (forces armées et de sécurité et police).

63. De 2003 à 2006, le drame irakien est devenu l'étendard du djihad violent. Mais le résultat actuel

¿ un enlisement américain graduel, l'échec de la reconstruction économique et sociale, la réticence des alliés des Etats-Unis à assumer une part équilibrée de la responsabilité (et des coûts) de la guerre en Irak ¿ fournit des arguments pour l'intensification de la violence en Afghanistan. Au prix de lourdes pertes (même si elles ne sont pas comparables à celles subies par les combattants irakiens et la population civile), les talibans afghans et leurs alliés d'Al Qaida ou autres ont pris le parti d'« irakiser » l'Afghanistan dans la durée.

64. Relativement sanctuarisés au Pakistan, ils disposent d'une réserve humaine et ont l'intention d'entraîner les Etats-Unis et la FIAS dans une logique de guerre qui aura des conséquences négatives pour la population civile afghane et contribuera à déstabiliser les autorités afghanes légitimes, qui n'ont aucune prise sur les décisions prises par les Etats-Unis et la FIAS, cette même force qui a toujours pour mission d'assister le gouvernement afghan et non pas de se substituer à lui.

III. L'OTAN dans la Longue guerre : la FIAS et l'évolution de la situation sécuritaire

65. La FIAS a dû affronter une situation sécuritaire très instable en Afghanistan en 2006 pour des motifs très complexes et variables d'une province à l'autre. Les 25 années de conflits et de destruction des infrastructures humaines, sociales et matérielles aggravent les problèmes rencontrés par l'Afghanistan12. La région n'est ni totalement en conflit, ni totalement en situation post-conflit. Il y a deux raisons majeures à l'instabilité en Afghanistan : les talibans et l'économie du pavot. Les deux

phénomènes sont liés.

1. Les talibans

66. Le sud et l'est de l'Afghanistan sont restés des bastions pour les talibans qui y ont orchestré à partir de 2005 leur retour sur le devant de la scène. Depuis 2003-2004, les Etats-Unis, absorbés par la guerre en Irak, ne sont pas parvenus à contrôler les acquis des deux années précédentes. Les talibans ont refait surface en puisant dans les revenus de la plus grosse récolte d'opium jamais réalisée en Afghanistan et en nouant des alliances tactiques avec les chefs de guerre narcotrafiquants. Alors qu'ils

ne pouvaient s'appuyer que sur une centaine d'individus répartis dans des groupes éparpillés dans les zones montagneuses, les talibans revendiquent désormais 12 000 combattants. Ils disposeraient d'au moins la moitié de cet effectif.

67. Le recrutement est favorisé par le désenchantement des Afghans moyens devant la faiblesse du gouvernement afghan et les échecs de la coalition ainsi que par l'enrôlement dans les madrasas au Pakistan où des milliers d'étudiants se radicalisent chaque année. Le flux continu de nouvelles recrues contribue à transformer la lutte contre les talibans en un combat contre une hydre dont les têtes

10 « NATO should do more to protect civilians », Human Rights Watch, 30 octobre 2006 ; http://hrw.org.

11 « Il est pour nous inacceptable que des Afghans trouvent la mort dans ces affrontements. Au cours des trois ou quatre dernières semaines, entre 500 et 600 Afghans ont été tués. (Même) si ce sont des talibans, ce sont des fils

de cette terre. »; Kaboul, 22 juin 2006 ; www.khyber.org.

12 Roger Lane et Emma Sky, « The Role of Provincial Reconstruction Teams in Stabilization » RUSI Journal juin 2006, p. 46. http://www/rusi.org/publication/journal/. Le Royal United Services Institute (RUSI) désigne 13

causes d'instabilité en Afghanistan : Al Qaida ; les talibans ; Hezb-i Islami Gulbuddin ; la « narcocriminalité » ; la faiblesse de la gouvernance ; la corruption ; les agents des pouvoirs locaux ; les querelles tribales ; la violence

politique ; le banditisme ; les différends territoriaux ; la géopolitique régionale appliquée au sol afghan ; la présence de troupes étrangères au coeur d'une région instable.

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repoussent au fur et à mesure qu'on la décapite13. Même si les talibans ne sont pas à même de renverser le gouvernement tant que les troupes occidentales continueront de stationner dans le pays, ils s'organisent et s'adaptent.

68. La situation sécuritaire se dégrade aussi en raison de la tactique et des méthodes utilisées pas les insurgés. Ils se fondent dans la population locale, les gangs de narcotrafiquants et les malfaiteurs. En s'implantant dans les écoles, les hôpitaux, les centres religieux et d'autres secteurs, ils multiplient les risques de dommages collatéraux et de perturbation pour les populations locales.

69. La difficulté de les identifier est particulièrement patente quand les talibans s'arrêtent pour la nuit ; ils pénètrent par petits groupes dans des maisons pour y manger. Ils obtiennent le gîte et le couvert, mais il est impossible de mesurer le degré réel d'enthousiasme de la population. De plus, ces agissements se produisent au milieu d'ensembles de population indigènes appartenant à différentes ethnies, dont les contours sont souvent flous, et où le maintien de l'allégeance à un groupe revêt une

grande importance14. Le recours aux attentats suicides est aussi devenu une tactique privilégiée.

2. L'économie du pavot

70. L'économie du pavot est le défi le plus urgent à relever pour le gouvernement afghan, les pays

voisins et la communauté internationale. La culture du pavot a augmenté de 59% cette année pour atteindre l'emblavement record de 165 000 hectares. Près de 2,9 millions d'Afghans sont impliqués dans la culture du pavot, soit 12,6% de la population totale, et les paysans, dans leur majorité, gagnent tout juste de quoi subsister. De nombreux paysans ignorent même que cette culture, qui est leur principale source de revenu, est illégale. La récolte moyenne d'opium rapporte jusqu'à dix fois plus à l'hectare que celle des céréales.

71. En dépit de ce ratio monétaire, le plus gros des trois milliards de dollars de recettes tombe dans l'escarcelle des seigneurs de guerre qui contrôlent toujours cette industrie. Les talibans financent leur guerre contre les troupes de l'OTAN en achetant l'opium brut aux paysans et en le revendant avec un bénéfice. Cependant, ce n'est pas un problème que les militaires occidentaux doivent ou peuvent résoudre par leurs propres moyens.

72. L'Assemblée de l'UEO avait pris position, en juin 2006, pour le rachat de la récolte afghane de pavot à des fins médicales ou pour destruction ultérieure. La logique de ce raisonnement était que le coût des opérations militaires et le coût du traitement policier, social et sanitaire des toxicomanes en Europe et aux Etats-Unis dépassent la valeur de la récolte. Un achat serait économiquement raisonnable. Une « politique agricole commune », basée sur des subventions à des productions

alternatives pourrait accompagner cette politique de rachat (à court terme).

73. En attendant, des projets de cultures alternatives comme le coton ont vu le jour au nord de l'Afghanistan. Ce retour du coton est le fait de l'Agence française du développement qui a investi une dizaine de millions d'euros depuis 2002-2003 dans un projet de réintroduction du coton en Afghanistan. Les résultats ont été probants en ce qui concerne les surfaces cultivées et la production (qui a augmenté de plus de dix fois en trois ans, passant de 3000 tonnes à 38 000 tonnes), mais la mise en place d'un secteur commercial et industriel s'est heurté à des intérêts locaux (et aussi à la

corruption) et n'avance pas assez vite pour ouvrir une perspective de substitution à la culture du pavot à court terme (le pavot rapporte au moins trois fois plus que le coton)15.

74. La menace que représente l'opium devra in fine être traitée par le gouvernement afghan en s'appuyant sur ses forces de police et en trouvant d'autres sources de revenus pour les paysans qui cultivent le pavot. Mais ce ne sera possible que si l'OTAN apporte son aide à la formation, un soutien logistique et un soutien en matière de renseignements aux forces nouvellement créées de lutte contre

les narcotrafiquants et à toutes les autres unités.

13 Josef Joffe, "Those Gloating Scientists", www.TIME.com 18 janvier 2007.

14 Dave Sloggett, Rural, mountainous and urban ISTAR operations, Jane's Defence Weekly (JDW), 1er février

2006, p. 23. www.jdw.janes.com

15 Présentation de M. Jean-Bernard Veron, Conseiller du Directeur de la stratégie de l'Agence française de

développement, devant la Commission de défense de l'Assemblée de l'UEO ; Paris, le 13 mars 2007.

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3. Le développement de la FIAS en 2006-2007

(a) Le Plan d'opérations de la FIAS

75. Le 8 décembre 2005, les ministres des affaires étrangères de l'OTAN ont adopté un plan d'opérations révisé. Deux facteurs importants interviennent ici. Le premier est la reconnaissance de la primauté du gouvernement de M. Karzaï et de l'extraordinaire importance de garantir une évolution continue, cohérente et substantielle des institutions politiques afghanes et des capacités de sécurité.

Non seulement la FIAS appuiera les opérations d'assistance humanitaire coordonnées par les organisations et le gouvernement afghans, mais elle aidera aussi, dans le cadre de ses propres moyens et capacités, la police afghane16.

76. Le plan d'opérations n'impose pas à la FIAS de participer à l'éradication du pavot ou à la destruction des installations de transformation, ni d'engager des actions militaires contre les producteurs de stupéfiants. Deuxièmement, il prévoit des arrangements clairs pour renforcer la coordination et l'harmonisation entre la mission de stabilisation de la FIAS et la mission de contreterrorisme menée par la coalition sous l'égide des Etats-Unis. De plus, le plan d'opérations révisé souligne la nécessité pour la FIAS de coopérer efficacement avec les autres grandes instances

internationales présentes en Afghanistan, notamment les Nations unies, l'UE, les pays pilotes du G8 et les ONG.

77. Alors que le plan d'opérations doit permettre à la FIAS d'affirmer sa présence dans le pays, les

principales tâches militaires révisées de l'alliance dirigée par l'OTAN visent à aider le gouvernement afghan à asseoir son autorité à travers le pays, à mener des opérations de stabilisation et de sécurisation avec la participation des forces nationales de sécurité afghanes, et à soutenir les programmes du gouvernement afghan qui visent à désarmer les groupes armés illégaux.

78. Il se penche aussi sur les tâches à mener et les défis à relever par la FIAS à mesure qu'elle étend son champ d'intervention vers le sud puis vers l'est du pays. Il doit aussi faciliter la mise en place d'Equipes de reconstruction provinciales supplémentaires et de commandements régionaux, et fournir une aide accrue à l'entraînement opérationnel de l'armée nationale afghane et des éléments de soutien

à mesure que la FIAS pénétrera dans un environnement plus difficile.

79. La FIAS s'est aventurée dans des zones où l'opération Liberté immuable menée par la coalition dirigée par les Etats-Unis combat les talibans, Al Qaida et les autres forces armées d'opposition. L'environnement sécuritaire actuel nécessitera une coopération accrue pour que les deux organisations puissent accomplir leurs missions respectives. Leurs mandats resteront distincts, mais complémentaires. Tandis que certaines forces de la FIAS poursuivront leur travail de reconstruction ou

de formation, d'autres pourront être appelées à réagir à une attaque des talibans17.

80. En janvier 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies a reconnu « la volonté résolue de l'OTAN de conduire la Force internationale d'assistance à la sécurité et se félicite de l'adoption par l'OTAN d'un plan d'opérations révisé permettant la poursuite du déploiement de la Force en Afghanistan, une synergie opérationnelle plus étroite avec l'opération Liberté immuable, et la fourniture d'un appui, dans la limite des moyens et capacités disponibles, aux forces de sécurité

afghanes, s'agissant des aspects militaires de leurs formation et déploiements opérationnels. »

(b) Expansion de la FIAS ¿ phases 3 et 4

81. La FIAS a pris le commandement de la région sud de l'Afghanistan le 31 juillet 2006, achevant ainsi la troisième étape de son expansion. Le 28 septembre 2006, le Conseil de l'Atlantique nord l'a finalement autorisée à élargir ses zones d'opération à 14 provinces supplémentaires. La FIAS a pris, le 5 octobre 2006, le contrôle de l'est de l'Afghanistan et achevé la quatrième étape de son expansion.

82. Ce faisant, l'OTAN a pris le contrôle de douze Equipes de reconstruction provinciales (ERP) supplémentaires, ce qui porte à 25 leur nombre total. Les effectifs placés sous commandement de l'OTAN sont passés de 20 000 (septembre) à plus de 32 000, dont 12 000 Américains, répartis sur plus de 90% du territoire de l'Afghanistan18. Cette évolution vise à renforcer l'efficacité des opérations de

la FIAS grâce à une plus grande souplesse dans l'utilisation des moyens de l'OTAN. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et à un degré moindre l'Estonie, le Danemark et les Pays-Bas étant d'accord pour se hasarder vers le sud, ils sont prêts à assumer l'entière responsabilité du maintien de la paix et de la lutte contre les insurgés.

© Les difficultés rencontrées par la FIAS en 2006

16 Plan d'opérations révisé pour l'extension de la mission de l'OTAN en Afghanistan, OTAN, 18 mai 2006.

http://www.nato.int

17 « Renforcer la stabilité en Afghanistan », Revue de l'OTAN, printemps 2006, p. 2.

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83. Les opérations de l'OTAN, après avoir fait intervenir l'Alliance « hors zone », se sont limitées à des actions de soutien à l'invasion américaine qui a renversé le gouvernement taliban. Cependant, la légitimité de la mission de reconstruction semble avoir du plomb dans l'aile. Le gouvernement, les donateurs internationaux, les ONG ou les militaires, tous ont été critiqués. En 2005, les efforts pour stabiliser et sécuriser le pays étaient perçus comme un succès. Aujourd'hui, les Afghans ont désormais

le sentiment d'être moins en sécurité qu'il y a un an19.

84. Même si l'éducation, la communication, les rouages gouvernementaux, les capacités institutionnelles, le réseau routier et le secteur privé ont progressé, les problèmes initiaux majeurs persistent : comment gérer le problème des seigneurs de guerre et mettre un terme à leur impunité ; comment réduire le trafic d'opium et de stupéfiants ; comment en finir avec le soutien aux talibans ; comment fournir de l'électricité et relancer le secteur judiciaire, et comment garantir le développement

économique dans des zones difficiles d'accès, aux infrastructures insuffisantes et à la sécurité mal assurée ? La lenteur de la reconstruction est imputée à la sécurité défaillante, et l'impuissance à reconstruire est accusée de dégrader la sécurité.

4. Les forces : risques, réserves et consensus

85. Un des principaux problèmes rencontrés par la FIAS en 2006 a été de disposer de troupes à déployer. Face aux risques, les Etats membres affichent des tolérances différentes, selon la volonté politique nationale, leurs capacités militaires et leur expérience, le droit national et les niveaux d'intérêt et de pression. Liam Fox20, porte-parole britannique de l'opposition pour les questions de défense, demande pourquoi il faudrait avoir un concept de sécurité partagée en l'absence d'un risque

partagé. En raison de la distance et des exigences logistiques qui en résultent, les pays rechignent à fournir des moyens très coûteux comme des hélicoptères, des avions de transports, des drones, etc.

86. Chaque décision prise par les dirigeants politiques de l'OTAN pour une nouvelle mission est suivie d'efforts soutenus pour réunir les forces armées nécessaires, et l'exercice se reproduit chaque fois qu'une rotation des forces a lieu. Chaque déploiement suscite un vif débat politique interne, notamment quand les dangers de pertes en vies humaines sont élevés. Dans ce contexte, l'OTAN a fait appel à des compagnies civiles, ce qui a contribué en trois ans à augmenter les coûts de la FIAS, qui sont passés de 40 millions d'euros en 2002 à plus de 100 millions d'euros en 2006 21.

87. Dans un monde où les menaces militaires sont diffuses et les avis divergent sur la façon de les traiter, l'Alliance ne sera pas toujours en mesure de réagir. Les gouvernements multiplient à l'envi leurs réserves à propos de l'utilisation des troupes sur le terrain, des missions à leur confier et des équipements à partager.

88. Presque tous les pays participant à la FIAS sous commandement de l'OTAN (37) ont imposé des restrictions à l'emploi de leurs forces ou de leurs équipements. Par exemple, l'Allemagne refuse de transporter d'autres membres de l'OTAN dans ses hélicoptères, tandis que d'autres pays interdisent l'usage d'agents chimiques anti-émeutes comme le gaz lacrymogène22.

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89. Le 2 février 2006, les Pays-Bas ont donné leur accord à l'envoi de 1 200 à 1 400 hommes en

Afghanistan, une démarche essentielle pour le passage à l'étape 3 de l'expansion de l'OTAN. Cependant, il a fallu au préalable surmonter des semaines de débats et de résistance parlementaires. L'approbation de cette mission, à laquelle la population néerlandaise était opposée dans sa majorité d'après les sondages, était totalement incertaine au début de l'année 2006.

90. Le parlement danois (Folketing) a voté au début de février 2006 à une large majorité (les deux tiers de ses 179 membres) le doublement des effectifs servant en Afghanistan, qui sont passés à 360 hommes. Même si cette décision apparaît comme une manifestation de soutien appuyé à l'administration ouvertement pro-américaine du Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen, elle n'en a pas mois été précédée de semaines de tergiversations.

91. En avril 2007, cinq mois après le sommet de Riga de l'Alliance atlantique le rappel des troupes se poursuit. Les Etats-Unis ont décidé d'étendre la période de déploiement de leurs soldats de 12 à 15 mois en Afghanistan (idem pour l'Irak), la Turquie et l'Australie vont doubler leurs contingents (de 500 à 1000, pour chaque pays), l'Allemagne a déployé des avions Tornado pour des missions de reconnaissance, la France, six avions Rafale pour l'appui au sol (trois à terre, trois sur le porte-avions

Charles de Gaulle).

92. Toutefois, il manque toujours des forces et des capacités. Dans un entretien à « Europe Diplomacy and Defence », du 3 avril 2007, le Général américain Bantz John Craddock, le Commandant suprême des forces alliées en Europe de l'OTAN (SACEUR) a ainsi déclaré qu'« il existe toujours certains manques au niveau de l'énoncé des besoins en forces interarmées multinationales (¿). Ce qu'il est important de comprendre est que cet énoncé correspond au niveau des forces dont nous avons besoin pour mener à bien à la fois la sécurité et la stabilité. (¿) Nous ne

disposons pas des forces suffisantes pour tout faire (¿) » 23.

5. La bataille pour les coeurs et les esprits

93. Tout en s'employant à conserver une puissance de combat lui permettant de dominer les forces des talibans, la FIAS aspire à conquérir les coeurs et les esprits afghans. Cependant, la situation sécuritaire s'est précarisée et les effectifs ne sont pas suffisants pour pouvoir être déployés de manière permanente, en nombre, partout en Afghanistan.

94. L'intensité atteinte par la violence dans la province de Helmand a ébranlé la tactique de l'OTAN visant à créer à travers la région sud des enclaves sécurisées à partir desquelles une aide au développement pourrait être dispensée à une partie plus large de la population. Les attaques ont été si fréquentes et si intenses que même si les soldats stationnés dans ces îlots de paix pouvaient défendre leurs positions, ils jugeaient la situation trop dangereuse pour pouvoir distribuer des aides. La bataille

pour les coeurs et les esprits subit aussi le contrecoup des dommages collatéraux, frappant surtout la population civile et, abondamment exploités par les talibans.

95. Comme le montre l'exemple de l'Irak, il suffit qu'une faible proportion de la population soutienne les insurgés, tandis que la majorité vit dans la crainte et l'ambivalence, pour que la campagne menée par ceux-ci soit fructueuse. D'après des estimations récentes, environ 60% de la population est sur le fil du rasoir ; ce sont des électeurs indécis que l'Occident peut influencer.

96. Cependant, les Afghans n'accorderont pas leur appui au système actuel tant qu'il n'y aura pas une amélioration sensible dans la vie quotidienne de ses habitants24. Conquérir le coeur et l'esprit du peuple afghan prendra peut-être des années ; les autorités locales ne coopéreront avec zèle que lorsqu'elles seront sûres de ne pas être livrées à la vindicte des talibans.

23 « OTAN/Afghanistan : les alliés sont priés d'accroître leurs efforts en Afghanistan en vue de vaincre les talibans, rappelle le Général Craddock (¿) », Europe Diplomacy and Defence (EDD), n°21, 4 avril 2007.

24 Amin Tarzai, "A chance to break the destructive Afghan cycle", Radio Free Europe, 16 octobre 2006.

http://www.rferl.org/

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6. Le Pakistan

97. En dépit de la manifestation affichée d'un alignement sur les efforts occidentaux en Afghanistan voisin, le Pakistan n'a tenté que de manière sporadique de fermer la frontière accidentée et poreuse entre les deux pays. En 2003, le Pakistan a envoyé des troupes fortes de 80 000 hommes dans la zone tribale du nord, partiellement pour fermer la frontière, et l'échec de cette mission donne lieu à de multiples spéculations. Le 5 septembre 2006, le gouvernement a reconnu l'échec de sa politique et a

signé un accord avec les militants qui leur concède le contrôle d'une région en échange de la promesse de ne pas attaquer l'armée pakistanaise et de ne pas lancer des raids contre l'Afghanistan.

98. Du coup, les talibans ont eu les coudées franches pour agir et lancer des attaques au-delà de la frontière, rendant de plus en plus difficiles les frappes préventives de l'alliance occidentale. Les attaques des insurgés ont augmenté de 200 % en décembre, et depuis l'entrée en vigueur du traité de paix le 5 septembre 2006, les assauts organisés depuis des îlots protégés à l'intérieur du Pakistan ont

augmenté de 300 %.

99. Dans les deux mois qui ont précédé la conclusion de l'accord, il y a eu 40 attaques au-delà de la frontière dans les provinces de Khost et de Paktika ¿ et après la signature, il y en a eu 140. Mais l'installation par le Pakistan d'une clôture à la frontière, connue sous le nom de ligne Durand, n'arrangerait pas les choses ¿ « le fil de fer barbelé est un symbole de haine et non d'amitié, il ne peut donc pas arrêter le terrorisme », a déclaré le Président Karzaï25.

100. La guerre des mots entre l'Afghanistan et le Pakistan, relayée par la presse européenne et américaine, avec des accusations envers le Pakistan, n'empêche pas la coopération. Sous l'égide des Etats-Unis, qui ont besoin du Pakistan pour leur lutte contre Al Qaida, un Centre opérationnel interallié de renseignement a été établi à Kaboul, le 25 janvier 200726. Des officiers de la FIAS/OTAN, de l'Afghanistan et du Pakistan (24 au total, 12, 6 et 6) sont censés y échanger des informations sur les

talibans et les autres groupes armés opposés au gouvernement afghan et envisager une meilleure coordination des efforts de leurs forces respectives.

7. Le rôle des Equipes de reconstruction provinciales (ERP) dans le plan d'opérations de la FIAS

101. Les Equipes de reconstruction provinciales (ERP) restent le fer de lance des efforts de l'OTAN en Afghanistan et ont été le principal vecteur de l'expansion de la FIAS. Au départ, les cellules

humanitaires de la coalition et les équipes de l'US Army chargées des affaires civiles soutenaient l'assistance humanitaire et les efforts de sauvetage et de reconstruction. La mission d'une ERP consiste à aider le gouvernement afghan à étendre son autorité afin de faciliter le développement d'un environnement stable et sécurisé et de permettre une réforme du secteur de la sécurité ainsi que les

efforts de reconstruction.

102. Les ERP constituent une alternative viable à la présence militaire internationale à grande échelle, qui n'est pas envisagée pour l'Afghanistan et ne fait pas partie du mandat de la FIAS. Les résultats obtenus à ce jour par les ERP sont inégaux. Elles devaient devenir le principal mécanisme de

manifestation du soutien international à la plupart des Afghans en acheminant les aides financières au coeur des provinces et en stimulant le contrôle exercé par le Président Karzaï et par le gouvernement central sur le pays. Néanmoins, elles ont suscité des critiques27 :

¿ La conceptualisation du message des ERP et leur structuration en vue de réaliser leurs objectifs ont été défaillantes. Le Comité exécutif des ERP (qui réunit le ministre de

l'intérieur, la MANUA, le commandant de la FIAS, le commandant de la CFC-A et les

Ambassadeurs des nations cadres des ERP) n'est pas parvenu à un consensus, ce qui

témoigne de la difficulté du problème.

25 Tarique Niazi, "Afghanistan and Pakistan 'Taliban Threat'", The Jamestown Foundation, 22 mai 2006.

http://www.jamestown.org/

26 « Assessing ISAF : A Baseline Study of NATO's Role in Afghanistan » ; British American Security

Information Council, Cameron Scott, mars 2007 ; www.basicint.org.

27 Roger Lane et Emma Sky, "The Role of Provincial Reconstruction Teams in Stabilization" RUSI Journal, juin

2006, p. 46. http://www.rusi.org/publication/journal/

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¿ Le soutien international à la stabilisation de l'Afghanistan est perturbé par les nombreuses réserves reflétant le rejet du risque, la faiblesse de l'harmonisation entre donateurs, l'appui insuffisant à la réforme du secteur de la sécurité, l'assistance technique inefficace et la capacité d'absorption limitée du gouvernement. En conséquence, les pays ont adopté des approches radicalement différentes. Certaines ERP mettent l'accent sur la réforme du secteur de la sécurité, d'autres sur l'éducation et la santé afin de conquérir les coeurs et les esprits, et d'autres sur la protection des forces.

¿ La structure et les méthodes de travail des ERP ont aussi été critiquées : elles coûtent trop cher, elles manquent de transparence, elles font de l'ombre aux ONG et aux organisations internationales et provoquent des conflits inutiles à propos de la distribution des fonds sans évaluation préalable des besoins et consultations des participants. 103. En dépit de ces critiques, les ERP demeurent un concept nouveau et en évolution. Le Royal United Services Institute du Royaume-Uni leur attribue trois fonctions principales :

¿ Elles doivent dissuader les fauteurs d'instabilité en s'infiltrant dans « l'espace non

gouverné ». C'est capital pour neutraliser les criminels et les intermédiaires locaux dans leurs tentatives de contrôler les ressources et les empêcher de se livrer en toute impunité à des activités illégales, grâce à des patrouilles régulières en coopération avec les Afghans qui produiront un effet stabilisateur.

¿ En tant qu'organisation temporaire, les ERP devraient contribuer au développement des capacités du gouvernement à maintenir efficacement la sécurité et à fournir des services publics à la population. Elles ne doivent pas agir isolément, mais en partenariat avec d'autres acteurs comme la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), les organisations internationales et les ONG.

¿ Les ERP doivent contribuer à l'instauration d'un environnement suffisamment stable pour permettre aux agences internationales, aux autorités locales et à la société civile d'agir. Même si elles sont dotées avant tout d'éléments militaires en raison des exigences complexes de la stabilité, les pays leur ont ajouté un volet civil. Il varie en taille de deux à 40 personnes

¿ qui peuvent donner des conseils politiques et en matière de développement, fournir une assistance technique et surveiller les programmes nationaux de développement.

104. Globalement, une ERP doit faire preuve de respect, ce qui renforce sa crédibilité et sa légitimité.

Dans les faits, « elle doit diriger dans les coulisses et en sous-main ». Il ne s'agit ni d'exécuter un numéro de ventriloque, ni de constituer une structure gouvernementale parallèle au niveau de la province, mais de construire une capacité afghane.

8. Les succès de la FIAS (a) Gouvernance

105. Le mandat de la FIAS ne visait pas seulement à créer un Afghanistan plus stable et plus sûr, mais aussi à formuler une politique volontariste et cohérente pour le pays qui tiendrait en échec le terrorisme, contribuerait à la stabilité régionale et assurerait une vie meilleure aux millions d'Afghans.

Par le truchement de l'assistance de la FIAS, le gouvernement Karzaï a réussi à élargir son influence à tout le pays et à ramener dans le giron politique de nombreux potentats régionaux, anciens seigneurs de guerre.

106. La construction des institutions, tout en marquant le pas, progresse avec l'aide de la communauté internationale et des pays donateurs. Néanmoins, la corruption bat son plein, et les institutions gouvernementales naissantes sont faibles et alimentent la flamme de l'instabilité.

Nombreux sont ceux qui soutiennent le gouvernement et aspirent à un leadership et espèrent sincèrement qu'il les protégera et se mettra à leur service.

107. Mais comme toute démocratie, le pluralisme est la norme et le calendrier électoral doit être respecté. En 2009, les Afghans devront à nouveau voter pour un Président et un Parlement.

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Le 22 problème, c'est que le Président Karzaï et son gouvernement28 ont une assise politique très réduite.

Une forte proportion de la « majorité » au Parlement appartient aux partis et groupes liés à l'Alliance du nord. Ce groupe d'intérêts puissant, mais plein de divisions et d'arrière-pensées, contrôle Kaboul et des leviers économiques du pays.

108. Or, si l'arithmétique électorale était appliquée de manière proportionnelle les Pachtounes et leurs alliés arriveraient sans surprise à dominer le Parlement et le gouvernement (à l'image des chiites en Irak). La guerre des talibans n'est pas seulement une guerre contre l'« Occident occupant » mais aussi une reconquête du pouvoir pour les Pachtounes. 109. De son côté, le Président Karzaï essaie d'attirer à lui des talibans dits « modérés », c'est-à-dire qui accepteraient la présence étrangère en échange de postes et privilèges à Kaboul et dans les provinces. Comme les ressources administratives et économiques du pays ne peuvent pas satisfaire tout le monde, ceci se ferait au détriment des pouvoirs « établis » à Kaboul et dans le nord.

110. Pour diviser les talibans, entre partisans du Mollah Omar et de l'alliance avec Al Qaida et « nationalistes », le Président Karzaï a plusieurs fois appelé à des discussions avec ceux qui accepteraient de déposer les armes. Ce qu'ils ne feront pas sans garanties pour leur sécurité physique.

Pour satisfaire ce critère, le Président Karzaï, au grand dam du protecteur américain, a accepté de signer une loi d'amnistie, proposée par le Parlement, pour les violences commises par des combattants de tous bords depuis 1979 (début de l'intervention soviétique). C'était depuis longue date un objectif de la coalition hétéroclite regroupant l'Alliance du nord, le Général Rashid Dostum (ouzbek), Ismail Khan (l'homme fort de Hérat lié aux intérêts iraniens) et d'autres « anciens combattants », les célèbres

« moudjahidins ».

111. Cette proposition, adoptée par les deux chambres du parlement en février 2007, a été signée par le Président Karzaï, le 10 mars 2007, et est aujourd'hui loi. Elle ouvre aussi la porte au retour « pacifique » des talibans sous conditions, sauf pour leurs dirigeants principaux ou du moins ceux qui se réclament du Mollah Omar. Ce qui renforcerait le prestige et l'assise du Président Karzaï auprès des Pachtounes et préparerait la voie pour une réélection ou du moins un rééquilibrage du pouvoir à

Kaboul après les échéances électorales de 2009.

112. En guise de riposte, les partis non-pachtounes et certains Pachtounes monarchistes ont organisé au mois de février une manifestation pacifique au stade de Kaboul ¿ mais qui était aussi une démonstration de force et de pouvoir, du moins numérique ¿ et se sont organisés en un Front national, créé le 3 avril 2007.

113. A sa tête, on retrouve un ex-Président de l'Afghanistan, Burhanuddin Rabbani, l'un des viceprésidents actuels, Ahmad Zia Massoud (frère du célèbre Commandant Massoud, assassiné par Al Qaida le 9 septembre 2001), Mohammad Qasim Fahim, conseiller pour la sécurité du Président Karzaï, Yunus Qanuni, président de la Chambre des représentants (Wolesi Jirga) et Mustafa Zaher (l'un des petits-fils du roi de l'Afghanistan, Mohammed Zaher Chah).

114. L'un de leurs objectifs est de réunir une nouvelle Loya Jirga, la grande assemblée traditionnelle afghane non élue, et d'entamer un processus d'amendements à la Constitution et au système en place, dans la perspective d'un affaiblissement du pouvoir présidentiel. Dans les faits, c'est un début de partage de l'Afghanistan entre le « nord » et l'ouest, et le pays pachtoune. Les dirigeants du Front national sont en fait issus du nord et de l'ouest.

115. Ils commandent toujours des armées « privées », dont l'intégration dans l'armée nationale et les

forces de police a été retardée, sinon arrêtée, faute d'argent et de motivation. C'est aussi le résultat d'une politique erratique conduite essentiellement par les Etats-Unis, sans autre perspective que de former une réserve d'hommes, sans équipement lourd, pour des missions d'assistance ponctuelle aux forces de l'OTAN ou de la coalition.

116. Ce qui est nouveau et positif, c'est que tant la loi d'amnistie que la création du Front national s'inscrivent dans un jeu politique pacifique d'équilibre des pouvoirs. Cependant, en cas de retournement de position des talibans, il n'est pas impossible que le Front national se replie sur le nord du pays et reprenne les armes pour éviter le retour à la domination pachtoune. C'est pourquoi il est plus urgent que jamais de stabiliser le pays et de réussir un début de reconstruction qui profite à la

majorité des Afghans.

28 Les ministres sont choisis directement par le Président et approuvés individuellement par le Parlement ; Constitution de la République islamique d'Afghanistan du 4 janvier 2004, Chapitre IV, article 71 ; International

Constitutional Law Project Information (Suisse), www.servat.unibe.ch.23

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(b) Le Pacte pour l'Afghanistan

117. La Conférence de Londres du 31 janvier au 1er février a approuvé le Pacte pour l'Afghanistan.

Dans celui-ci, le gouvernement afghan précise ses grands objectifs pour la prospérité de son peuple, définis dans le rapport 2005 sur « Les objectifs du millénaire en matière de développement pour

l'Afghanistan ¿ Vision 2020 »29. De plus, il a été reconnu que même si la sécurité reste un préalable fondamental à l'instauration de la stabilité et au développement de l'Afghanistan, elle ne peut pas être imposée par les seuls moyens militaires.

118. En conséquence, une coordination est nécessaire pour regrouper les efforts communs et harmoniser les activités respectives. Dans un souci de cohérence, ce Pacte identifie trois domaines critiques interdépendants ou piliers d'activités pour les cinq années à venir après son adoption :

¿ Sécurité ;

¿ Gouvernance, Etat de droit et droits de l'homme, et

¿ Développement économique et social.

119. Autre problème majeur, qui recoupe plusieurs secteurs d'activité : l'élimination de l'industrie

des stupéfiants qui représente une menace majeure pour le peuple et l'Etat afghan et pour la région et

au-delà30. Le gouvernement afghan s'est engagé à concrétiser cette vision partagée de l'avenir. La communauté internationale a promis, quant à elle, de fournir les moyens et le soutien nécessaires pour sa réalisation. Le gouvernement afghan s'est ainsi engagé à mettre sur pied une armée (ANA) nationale afghane totalement professionnelle, parfaitement entraînée et ethniquement équilibrée, forte

de 70 000 hommes d'ici 2010.

120. Le Conseil commun de coordination et de suivi, coprésidé par les Nations unies et le gouvernement afghan avec la participation de tiers, a été mis en place pour veiller à la coordination stratégique globale du Pacte pour l'Afghanistan. Même si de nombreuses avancées ont été obtenues, il reste encore beaucoup à faire.

© Aide internationale

121. L'UE a fourni environ 715 millions d'euros, ou 900 millions de dollars, de 2002 à 2006. En janvier 2006, la Conférence de Londres, qui a réuni plus de 60 délégations, a lancé officiellement une nouvelle phase de coopération entre l'Afghanistan et la communauté internationale. 10,5 milliards de dollars supplémentaires ont été promis ; l'UE a proposé 3,7 milliards d'euros sur cinq ans, ce qui équivaut à un tiers du montant total engagé31. Cependant, la communauté internationale a réduit son assistance au développement et les ONG répugnent de plus en plus à travailler dans le sud du pays,

très instable, par crainte d'être la cible d'attaques.

122. De surcroît, un faible pourcentage des fonds dépensés en Afghanistan finance des projets qui bénéficient directement à l'Afghan ordinaire. En raison de l'instabilité persistante, le gouvernement afghan n'a pu consacrer que 50 % de son budget de développement à des projets pour les Afghans. De fait, sur la somme totale allouée par la communauté internationale sur cinq ans, 82,5 milliards de dollars ont été dépensés en opérations militaires. En comparaison, un modeste montant de 7,3

milliards de dollars a servi à la reconstruction, dont l'essentiel a permis de payer les salaires des forces nationales afghanes et de financer la lutte contre les narcotrafiquants.

(d) Les forces de police afghanes

123. Des forces de police efficaces et un système judiciaire opérationnel en Afghanistan sont indispensables à la réussite de l'OTAN. Avec la multiplication des civils piégés par le conflit et fuyant

dans d'autres parties du pays, il sera impossible de remporter la victoire par des moyens exclusivement

29 Voir http://www.unama-afg.org

30 "The Afghanistan Compact", The Chr. Michelsen Institute (CMI). http://www.cmi.no/afghanistan

31 EU Council Secretariat Factsheet, "EU engagement in Afghanistan", novembre 2006. http://www.nato.int/

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militaires. En dépit des progrès de l'armée nationale afghane et de la police afghane, l'entraînement

des forces de police s'est révélé décevant et inadapté.

124. Dans l'intervalle, des améliorations permanentes de la sécurité donneraient un ballon d'oxygène au gouvernement afghan pour asseoir son autorité dans les régions. En conséquence, l'OTAN devrait redoubler d'efforts pour former et équiper l'armée nationale, tandis que l'UE devrait prendre en charge l'entraînement et les équipements de la police afghane.

125. Ceci est conforme à la décision prise par le Conseil européen annoncée lors du Sommet européen des 14 et 15 décembre 2006, de lancer une mission d'assistance à la police afghane à partir de 2007. Le 12 février 2007, le Conseil de l'Union européenne (au niveau des ministres des affaires

étrangères) a adopté une décision sur les principes de cette mission d'assistance, qui se fera au titre de la PESD. Ce n'est que le premier pas, avec l'adoption du Concept de gestion de crise (CGC) qui sera suivi du Concept opérationnel.

126. Cette mission a pour objectif d'assister la réforme de la police aux niveaux central, regional et provincial en coordination avec le travail d'autres pays et organisations internationales engagés dans le même domaine. Elle fait partie d'une approche globale, en coopération avec la Commission européenne, de la réforme du secteur de la sécurité et du renforcement de l'Etat de droit. Le Représentant special de l'UE en Afghanistan, le diplomate espagnol Josep Vendrell, a aussi une place

importante dans ce dispositif32.

(e) La qualité de vie en Afghanistan

127. La présence de la FIAS a aussi contribué à accroître la qualité de vie de nombreux Afghans.

Elle a aidé le gouvernement afghan à élaborer une stratégie nationale antidrogue en 2005, à mettre en place une police spéciale de lutte contre les narcotrafiquants, des unités mobiles de détection et des cellules centrales de planification de l'éradication. Grâce à ces mesures et à l'aide internationale au développement, de nombreux paysans ont été dissuadés de cultiver le pavot.

128. La FIAS apporte une aide médicale et, avec la coalition, assure une « permanence médicale » qui couvre la majorité du territoire afghan. Les moyens militaires permettent d'atteindre des zones reculées ou enclavées. Ceci est aussi valable pour les situations d'urgence comme les tremblements de terre, les inondations et autres catastrophes naturelles. Le nombre de vies sauvées ainsi peut être chiffré en milliers.

129. En 2006, la FIAS a consacré 31,5 millions de dollars à l'économie locale, soit une augmentation

de plus de 400% par rapport à 200533. Le pays a connu une croissance économique de 17% en 2006, qui devrait se poursuivre à un taux de 11,7% en 2007. De plus, d'après le FMI, le revenu annuel moyen par habitant a presque doublé : il était de 180 dollars en 2002 et se monte à 355 dollars en 200634.

(f) La cohésion de l'OTAN

130. La cohésion de l'Alliance en Afghanistan est aussi en quelque sorte un succès de la FIAS. En dépit des différences d'appréciation de la situation et de la disparité des règles d'engagement des contingents nationaux, aucun Etat participant n'a encore retiré des forces, contrairement à ce qui s'est passé avec la coalition pour l'Irak. Certes, des tensions existent entre les pays de la ligne de front et

ceux qui ne s'engagent pas directement dans les combats, mais un équilibre général est maintenu.

131. Les Allemands et les Français, qui ne sont pas déployés dans le sud, ont ainsi renforcé leurs

moyens offensifs avec le stationnement d'avions de combat Tornado (pour la reconnaissance) et Rafale (pour des missions de reconnaissance et de bombardement). D'autres pays, comme par exemple la Pologne et la Turquie, ont renforcé leurs contingents ou s'apprêtent à le faire. Dès le mois d'avril, le contingent turc sera porté à 1 200 soldats, et deux hélicoptères supplémentaires ¿ auxiliaires

indispensables en Afghanistan ¿ seront envoyés lorsque la Turquie prendra la relève du

commandement régional de Kaboul.

32 « EU Engagement in Afghanistan », EU Council Factsheet, février 2007 ; www.consilium.europa.eu.

33 « ISAF invests in Local Economy », Release # 2007-024, site NATO-ISAF, 8 janvier 2007.

http://www.nato.int/

34 Aryn Baker, « Capitalism comes to Afghanistan », 4 décembre 2006. www.time.com

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IV. Conclusions

132. Même si des avancées ont été obtenues en Afghanistan, il reste encore beaucoup à faire. Un échec aurait de graves conséquences. Premièrement les talibans, contrôleraient à nouveau des secteurs où Al Qaida pourrait à nouveau être en sécurité. Deuxièmement, les djihadistes du monde entier s'enhardiraient. Troisièmement, une déroute de l'OTAN pourrait avoir des répercussions importantes

pour l'Organisation dans un monde confronté au terrorisme, à l'extrémisme islamiste, à une Russie de plus en plus fauteuse de troubles, aux ambitions nucléaires de l'Iran et à l'instabilité au Moyen-Orient.

La mission de l'OTAN en Afghanistan traverse une phase délicate.

133. L'équilibre est ténu entre la satisfaction immédiate des besoins et des intérêts des Afghans et la constitution d'une base pour l'instauration à long terme de capacités au sein de l'Etat et de la société afghane. En agissant sur les deux fronts, il doit être possible d'aider l'Afghanistan à atteindre un niveau viable à partir duquel il pourra prospérer avec un minimum d'assistance extérieure. Cependant, ce seuil de viabilité n'est pas en soi une garantie de succès ¿ l'expérience post-conflit dans de

nombreux pays a montré que si les efforts internationaux ne sont pas axés continuellement sur les besoins immédiats comme sur les capacités à long terme, les réussites peuvent rapidement se transformer en revers.

134. En conséquence, il est impardonnable de s'engager à reculons ou de réduire l'implication de l'OTAN en Afghanistan à la portion congrue. Si la communauté internationale n'agit pas d'une manière plus coordonnée et concertée, les gains récents obtenus dans certaines régions de l'Afghanistan risquent d'être réduits à néant. La Longue guerre s'achèvera sans avoir rien résolu et le peuple afghan sera une fois de plus abandonné à lui-même dans un environnement sinistre et hostile.

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ANNEXE I

Afghanistan : l'économie du pavot

1. Situation générale

1. L'économie du pavot est le défi le plus urgent à relever pour le gouvernement afghan, les pays voisins et la communauté internationale. La déclaration de guerre ¿ djihad ¿ contre la drogue faite par le Président Karzaï en 2004 a fait long feu ; malgré les centaines de millions de dollars investis, la production de pavot a augmenté en flèche et fournit 92% de l'opium mondial.

2. La récolte de 2006 atteint les 6 100 tonnes, et dépasse de 1 500 tonnes la demande mondiale35.

Elle a pulvérisé les records avec une hausse de 59% par rapport à 2005. En comparaison, la culture dans le Triangle d'Or en Birmanie, au Laos et en Thaïlande a chuté de 29% pendant la même période.

En fait, le trafic de stupéfiants a connu un tel essor que l'Afghanistan, bien que protégé par l'alliance militaire dominante sur la scène internationale, est devenu le premier narco-Etat du monde.

3. Bien que la culture du pavot/opium ne couvre que 4% des terres arables de l'Afghanistan, le nombre de personnes impliquées dans la production d'opium a augmenté de presque un tiers pour atteindre les 2,9 millions en 2006, ce qui représente 12,6% de la population totale. Quand on interroge les villageois à travers le pays, ils incriminent le chômage, l'absence d'aide de la part du gouvernement et le souhait de disposer d'un revenu parmi les facteurs qui contribuent à ce

phénomène. De nombreux paysans ignorent même que cette culture qui est leur principale source de revenu est illégale, et de toute façon, pour quelle raison renonceraient-ils à une culture qui leur rapporte jusqu'à dix fois plus à l'hectare que celle des céréales ?

4. Comme le pays est confronté à une sécheresse persistante et que la culture du pavot ne nécessite qu'une irrigation minimale, la récolte de l'opium a des attraits de plus en plus irrésistibles pour les paysans. La production et le trafic de l'opium constituent une préoccupation et une menace majeures pour la stabilité régionale. La montée de la violence est intimement liée à l'économie du pavot. Depuis

novembre 2005, la violence a quadruplé en Afghanistan et les talibans peuvent se targuer de compter sur 10 000 militants armés.

5. Les zones précédemment sécurisées de Kaboul et d'Herat sont menacées au quotidien par des attentats suicides et des attaques perpétrées à l'aide d'engins improvisés (EEI). Les talibans financent leur guerre contre la FIAS de l'OTAN et l'opération Liberté immuable des Etats-Unis en achetant l'opium brut aux paysans et en le revendant avec un bénéfice. Les paysans, dans leur majorité, gagnent

tout juste de quoi subsister. Ils touchent moins de 25% du produit des 2,7 milliards de dollars

provenant du trafic de drogue afghan. Alors qu'un agriculteur gagne en moyenne 1 800 dollars par an, un kilogramme d'opium semi-transformé s'achète dans la rue en Europe ou aux Etats-Unis 100 000 dollars36.

2. La croisade contre l'économie du pavot

6. La politique occidentale d'éradication du pavot se heurte directement à la campagne de conquête des coeurs et des esprits en creusant un fossé entre les communautés paysannes en voie de paupérisation et le gouvernement afghan et ses principaux soutiens internationaux et en les poussant dans les bras de l'opposition37. Les talibans exploitent la situation et savent parfaitement où et comment agir après une campagne d'éradication. Ils offrent aux paysans leur protection ou des compensations à ceux dont la récolte a été détruite, raflant ainsi la mise de l'enjeu de la conquête des

coeurs et des esprits.

7. Cette politique accuse un autre échec. Alors que l'éradication du pavot est destinée à diminuer la quantité totale d'opium produit et à faire monter les prix sur le marché de l'héroïne, elle produit 35 Jean MacKenzie, Wahidullah Amani et Sayed Yaqub ibrahimi, « Afghan opium: A possible failed Jihad",

Institute for War and Peace Reporting, 8 décembre 2006. http://www.iwpr.net/

36 NATO-ISAF Update, 30 novembre 2006. http://www2.hq.nato.in/ISAF/index.htm

37 Zroona aw Zehnoona, Senlis Afghanistan, « An assessment of the hearts and minds campaign in Southern

Afghanistan », http://www.senliscouncil.net

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DOCUMENT C/1962

l'effet inverse. En fait, cette politique stimule à la hausse la valeur de la terre productrice d'opium, ce qui incite fortement les paysans à poursuivre la culture du pavot. Etant donné que la culture du pavot est enracinée dans le tissu social, économique et politique de l'Afghanistan et fournit les seuls moyens

durables de subsistance rurale, l'éradication forcée du pavot ne peut pas réussir en l'absence d'une alternative économique viable.

8. Ces politiques apportent aux insurgés sur un plateau d'argent des fonds et des occasions de recrutement parmi les agriculteurs ruinés dont la récolte a été détruite et qui aspirent à se venger de ceux qui les ont privés de leur subsistance. Quand le gouvernement national a envoyé une force de l'armée afghane comptant 1 000 hommes à Kandahar pour arracher les plants de pavot, il s'en est

quasiment suivi une révolte provinciale ; les éradicateurs potentiels se sont heurtés à une résistance forte et soutenue et sont partis pour ne plus revenir38.

9. En 2006, plus de 700 trafiquants ont été arrêtés et plus de 420 laboratoires ont été détruits. Le ministère a fait brûler plus de 100 tonnes d'opium sur une production estimée à 6 100 tonnes. Malgré ces chiffres, l'économie du pavot a prospéré en 2006. La menace que représente l'opium devra in fine être combattue par le gouvernement de M. Karzaï en renforçant le maintien de l'ordre et en trouvant d'autres sources de soutien financier pour inciter les paysans à se détourner de la culture du pavot.

Mais ce ne sera possible que si l'OTAN apporte toute l'aide possible sous forme de soutien logistique et en renseignement et d'assistance à la formation des nouvelles forces spécialisées dans la lutte contre les narcotrafiquants et d'autres unités.

10. De plus, le gouvernement doit intensifier ses efforts pour décourager les paysans de planter du pavot, plutôt que de lancer d'inutiles campagnes d'éradication au moment même de la récolte le printemps suivant39. Cela veut dire qu'il ne faut plus marchander l'engagement de l'OTAN en Afghanistan. Le montant consacré à cette cause va largement dépasser les 390 millions de livres sterling (780 millions de dollars) promis par les Etats-Unis début 2005 et les 850 millions de livres

sterling (1,7 milliard de dollars) promis par le Royaume-Uni en 2002.

11. La campagne contre les narcotrafiquants a beaucoup pâti de son inefficacité. Bien que certains paysans se soient montrés disposés à produire des récoltes alternatives, ils se sont dressés contre le gouvernement parce qu'ils n'avaient pas perçu l'indemnisation promise. Des millions de dollars sont gaspillés dans des campagnes d'information qui s'efforcent de gagner le soutien des élèves et enseignants religieux pour persuader les paysans et propager l'argument selon lequel la culture du

pavot viole la loi islamique et la législation afghane. Ces fonds seraient certainement mieux utilisés s'ils servaient à assurer un complément de revenus aux paysans et à créer les infrastructures et les incitations nécessaires pour qu'ils se tournent vers d'autres moyens de subsistance.

12. La corruption est le principal fléau à l'origine de l'échec de la guerre contre la drogue. L'éradication du pavot dépend de la volonté des pouvoirs locaux de mettre en oeuvre cette stratégie.

Souvent, ils sont trop faibles pour influer sur le comportement des paysans, ou ils sanctionnent précisément ceux qui sont trop démunis pour leur verser des pots-de-vin. Du coup, le gouvernement est considéré comme une partie du problème plutôt que comme un facteur susceptible de trouver unesolution. Ce monde souterrain est relié par des versements de fonds et de prébendes à des personnalités politiques importantes qui leur apportent une protection ; d'après un rapport de

l'Institute for War and Peace reporting (Royaume-Uni), ces responsables ne se débarrasseront jamais de la culture du pavot puisqu'ils en sont les principaux bénéficiaires. Ils essaient seulement de tromper la communauté mondiale.

L'avenir

13. D'après des sondages effectués au début de l'année 2006, les Etats-Unis sont cités par les Afghans comme étant leur pays étranger préféré. Le Pakistan est le pays qu'ils apprécient le moins. Un nouvel Afghanistan a semblé naître dans les affres de l'enfantement. Mais les progrès ont été stoppés.

La situation sécuritaire s'est tellement dégradée qu'aujourd'hui, les Afghans ont le sentiment d'être moins en sécurité qu'il y a un an. Cet échec de la coalition a renforcé la difficulté à obtenir le soutien de la population.

38 « A Charter in London, Troops for the Badlands », The Economist, 4 février 2006, p. 49.

http://www.economist.com/index.html

39 Jean Mackenzie, Wahidullah Amani et Sayed Yaqub Ibrahimi op. cit., http://www.iwpr.net 28

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14. La guerre en Afghanistan (militaire et contre la drogue) ne débouchera sur une victoire que si la communauté internationale est capable de conquérir les coeurs et les esprits. D'après des estimations récentes, environ 60% de la population est sur le fil du rasoir. En conséquence, la campagne de conquête des coeurs et des esprits ne doit pas se limiter à un exercice de séduction à l'intention des principaux médias occidentaux.

15. L'OTAN et la coalition conduite par les Etats-Unis doivent prouver qu'elles mènent une action répondant aux besoins des populations et susceptible de modifier la perception des Afghans ordinaires.

Elles devront persuader la population afghane qu'elles pourront améliorer sa vie quotidienne et apporteront la paix. Il faudra mettre en place des moyens alternatifs de subsistance en remplacement de la culture du pavot tout en renforçant en parallèle les institutions de l'Etat de droit et les capacités gu système judiciaire. Sur ce dernier point, le problème d'une grave corruption au niveau gouvernemental devra être abordé.

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ANNEXE II

La FIAS : commandement et structures

Quartier général de la FIAS

La structure du quartier général a évolué à partir d'une structure construite autour d'un quartier général de forces terrestres à niveau de préparation élevé (terre) (récemment, pour la FIAS IX, quartier général du corps de réaction rapide des alliés) vers une structure composite. En conséquence, la FIAS X est constituée d'effectifs venant de quartiers généraux permanents de l'OTAN et d'individus détachés par les pays membres de l'OTAN et par d'autres nations qui contribuent à la mission. Le

passage de la FIAS IX à la FIAS X a été caractérisé par un changement de commandement, le général McNeill ayant remplacé le Général Richards le 4 février 2007.

En vitesse de croisière, le quartier général de la FIAS X dépassera tout juste les 1 000 hommes, mais sa structure et sa taille continueront d'évoluer au gré des progrès de la mission. En conséquence, ses besoins en personnels seront satisfaits dans le cadre du processus d'expression des besoins interarmées multinationaux de la mission de la FIAS. Dans un souci continuité, la rotation des personnels affectés au quartier général s'effectuera sur une base individuelle, plutôt que par larges groupes lors des

changements de commandement comme c'était auparavant le cas. La contribution en nombre d'hommes de chacune des 37 nations variera dans le temps.

Résumé des unités de la FIAS Quartier général de la FIAS ¿ fournit les directives au niveau opérationnel et le soutien à la planification aux unités subordonnées qui accomplissent des tâches opérationnelles dans leurs zones d'opération.

Task Force Aérienne (ATF) ¿ est responsable de la planification, de la coordination et de la direction des opérations aériennes en Afghanistan.

Equipes de reconstruction provinciales (ERP) ¿ les ERP sont de petites équipes composées de civils et de militaires chargés de faciliter l'instauration d'un environnement sécurisé, de renforcer l'autorité du gouvernement et de contribuer à la reconstruction dans les provinces afghanes. Il y a cinq équipes de reconstruction provinciale dans le nord du pays, quatre à l'ouest, cinq dans le sud et douze à l'est.

Commandements régionaux ¿ ils coordonnent toutes les activités civiles et militaires conduites par les éléments militaires des ERP dans leurs domaines de responsabilité, sous le contrôle opérationnel de la FIAS.

Bases de soutien avancées ¿ ces centres logistiques indispensables sont destinés à fournir des services d'approvisionnement, d'assistance médicale et de transport dans chaque région et à aider les ERP dans leur mission de renforcement de l'autorité du gouvernement afghan.

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