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Questions de vocabulaire, à vocation philosophique

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Ambre Agorn

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Loufiat Membre 2 272 messages
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Le 14/06/2022 à 15:35, Ambre Agorn a dit :

Pour en revenir à la nature humaine, je constate tout de même qu'il n'est pas vraiment expliqué ce qu'est cette nature, mais qu'il est amplement expliqué comment elle est conceptualisée et comment elle sert de postulat pour construire tout ce qui en découle, dont le droit naturel. Selon ceux qui utilisent ce postulat, il y aurait donc une sorte de morale universelle qui ne serait pas soumise à l'arbitraire humain (postulat réfuté par d'autres). Je dis morale, mais c'est appelé raison. Une morale qui fournirait un référencement "neutre" du point de vue humain, donc non soumise aux aléas du temps, des lois humaines, des penchants humains, des  coutumes ou cultures diverses et variées: un immuable. Cette préoccupation, ou plutôt cette recherche philosophique semblait, vu ce que vous en dites, avoir une grande importance, d'ailleurs vous soulignez l'influence qu'elle a eu dans le développement philosophique et culturel, pour aussi signifier les différences qui sont avenues avec les nouveaux systèmes de pensées et de philosophie qui sont d'actualité.

Pour revenir à nos moutons, la raison serait donc un phénomène de la parole qui a été développée par des hommes s'engageant volontairement à résoudre des problèmes par la discussion argumentée. On est bon? Et alors, la rationalité dans tout ça? ce serait le mécanisme même de ces discussions pourvu qu'elles aient les bons ingrédients (relation, parole, argument, engagement pour la résolution de problèmes, etc.)?

Bonjour Ambre,

Sur la "nature humaine" : quelle est-elle ? Je suis réticent à engager cette discussion parce qu'elle provoque généralement des blocages. Mais avant d'emprunter ces sentiers, il faut préciser ce qu'on entend par "nature". Lorsque nous parlons de "nature" humaine, la plupart d'entre nous mobilisent aujourd'hui une conception de la nature comme ensemble de mécanismes autonomes, objectifs et universels, par opposition à ce qui est culturel, artificiel ou encore relevant des conventions. Les anciens ont une compréhension plus dynamique et "intérieure" de la nature. La nature d'une chose est ce qu'elle tend à être. Et lorsqu'ils s'interrogent sur la nature humaine, les anciens ne cherchent pas seulement à déterminer ce qui est donné et commun à tous les êtres humains (ils le font aussi), ils vont au-delà, s'interroger sur quelle est la plus haute valeur, qu'est-ce qui est le meilleur de l'homme. Leur perspective n'est pas strictement descriptive, et les anciens ne sont pas non plus obsédés par l'égalité. Ils célèbrent l'individu entendu comme celui qui est différent et meilleur que les autres, par exemple l'athlète, le philosophe ou le guerrier, l'esthète, etc.

Par ailleurs je dois rectifier quelque-chose dans votre exposé. Vous écrivez : "Selon ceux qui utilisent ce postulat [le droit naturel], il y aurait donc une sorte de morale universelle qui ne serait pas soumise à l'arbitraire humain (postulat réfuté par d'autres). Je dis morale, mais c'est appelé raison. Une morale qui fournirait un référencement "neutre" du point de vue humain, donc non soumise aux aléas du temps, des lois humaines, des penchants humains, des coutumes ou cultures diverses et variées: un immuable." En fait, morale et raison ne se confondent pas. D'autre part, cette morale ne fournit pas un référencement neutre du point de vue humain. Quelque part, vous réfléchissez comme si vous étiez hors de la société et qu'elle se déroulait et vivait indépendamment de vous, que cela ne vous concernait pas. Mais vous vivez dans un pays qui s'appelle la France, doté d'institutions, dont la justice, une assemblée législative votant des lois auxquelles vous êtes confrontée au quotidien. Le problème du droit naturel n'est pas un problème seulement intellectuel ou théorique. Et si vous revenez à l'exposé, dans le blog dont le lien a été fourni par @deja-utilise, vous voyez le premier exemple d'invocation du droit naturel : Antigone. Or Antigone invoque ce droit pour désobéir au décret du roi. Parce que l'obéissance est due au roi, simplement parce qu'il est roi. La force et l'autorité sont entre ses mains. Mais le décret du roi est injuste aux yeux d'Antigone. Il n'y a rien d'évident à ce qu'un décret du roi puisse être injuste : il est roi ; la loi, c'est lui. Le droit naturel, ou quelque soit les termes qu'on utilise pour l'évoquer, intervient d'abord comme perception d'un écart entre ce que prescrit la loi et ce qui est juste. Qu'il puisse y avoir un tel écart n'a rien d'évident. Je ne sais pas comment rendre perceptible la signification d'un tel évènement. Il faudrait se replacer dans les vieilles traditions, pour comprendre le choc, la dimension cosmique cet évènement : la désobéissance à la loi, à cause d'une justice placée au-dessus de la loi, au-dessus du roi et de sa libre volonté.

Je ne sais pas si je parviens à être clair (ça me semble très embrouillé), mais du coup, dans votre exposé, vous réfléchissez comme à reculons, comme si le droit naturel était une solution intellectuelle à un problème intellectuel. Mais c'est tout autre chose. C'est d'abord un problème, une contradiction, un coin dans le mur des institutions qui fait éclater le problème de la constitution et de l'ordre des groupes humains. Les théoriciens arrivent ensuite. Une fois que l'ordre social est rompu, en particulier quand l'occident entre dans la modernité, il faut trouver des nouvelles fondations à l'ordre politique et social. Mais aujourd'hui, aussi bien, une loi injuste peut être dénoncée. Si l'on s'en tient au droit positif, la loi ne peut jamais être injuste, sauf défaut de procédure. La justice, c'est la loi. Le droit naturel est un problème davantage qu'une solution. Et c'est un problème qui a travaillé la raison, et que la raison a travaillé, pendant plusieurs millénaires, et nos sociétés, nos institutions résultent de ces contradictions.

(Je devrai revenir plus tard sur la rationalité. Bonne journée)

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 272 messages
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Bonjour,

Sur la rationalité. Vous évoquiez avec D-U la distinction entre rationalité instrumentale et rationalité axiologique. Cette distinction est attribuée à Max Weber, sociologue allemand de 1900. Elle résulte de ses tentatives pour étudier la vie humaine, elle-même inscrite dans son engagement général dans la vie de son temps, à la fois intellectuel et politique.

Il cherchait à développer une compréhension la plus vaste et rigoureuse des phénomènes sociaux, à cause des alternatives décisives qui se posaient à l'humanité sous ses yeux. Il s'intéressait particulièrement aux valeurs, à la façon dont les valeurs interviennent dans la vie humaine, car certains comportements, certaines actions ou attitudes devant la vie, ne sont intelligibles que comme des choix qu'opèrent les êtres humains entre des valeurs qui s'excluent mutuellement.

Pour Weber, vos choix de vie, Ambre Agorn, impliquent certaines valeurs, car vous agissez "pour", en vue de certaines choses que vous cherchez à réaliser ou à atteindre, ou au contraire à éviter ; vous avez des raisons d'agir, et lorsque vous agissez, vous ne cessez d'opérer des choix où vous attribuez davantage de valeur à certaines choses qu'à d'autres. Guerre ou paix. Conservation ou sacrifice. Mais ceci va des alternatives les plus graves aux choix les plus anodins.

Les valeurs sont ainsi, chez Weber, comme des axiomes, des postulats de base à partir desquels s'articulent des ensembles de croyances et de comportements qui sont cohérents, ou du moins compréhensibles, car dotés d'une certaine logique et puissance propres (ces axiomes étant admis). Par exemple, Weber est célèbre pour son étude des origines du capitalisme protestant, dont il a fait remonter la genèse au moment où l'opinion était devenue commune, chez les protestants, que l'élection divine se manifeste dans la vie active, par la réussite, en particulier la réussite matérielle, dans l'industrie et le commerce.

Les valeurs chrétiennes archaïques excluaient une telle idée ; aucun chrétien, avant le protestantisme, ne pouvait admettre publiquement que l'enrichissement personnel, s'il est enviable, est non seulement bon plutôt que mauvais, mais le signe de l'élection, la mission même des hommes sur cette terre. Parce que le christianisme archaïque constituait lui-même un ensemble cohérent, organisé différemment, autour de valeurs, d' "axiomes" différents, en somme d'autres finalités que s'est donnée la vie humaine, en fonction desquelles elle s'est organisée, s'est donnée un sens, une forme et une intelligibilité.

Les comportements humains se développent et s'expliquent en même temps, comme des choix que les êtres humains opèrent entre des valeurs qui s'excluent entre elles. Cette rationalité, cette organisation et intelligibilité des comportements en fonction des valeurs, c'est ce que Weber appelle la rationalité axiologique. 

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Membre, 33ans Posté(e)
Loufiat Membre 2 272 messages
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Bonjour D-U,

Le 15/06/2022 à 22:22, deja-utilise a dit :

Il ne me semble pas que l'émergence ou la généalogie ou encore l'historicité d'une idée ou d'un concept soient à négliger pour la compréhension que l'on peut en avoir dans le présent, au même titre que " qui l'on est " repose grandement sur " qui l'on a été jusque là ", d'où les différents problèmes observés et vécus par l'entourage d'une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer.

Quand j'ai parlé d'interactions entre raison et " occasions environnementales " c'était pour faire le lien avec tes propres propos, ce que tu constates à l'instant T vient en réalité d'un long processus de maturation antérieur. Mais si l'on doit/devait déterminer qui est premier, la raison ou le cadre/contexte éveillant, il ne peut s'agir que du premier, on ne peut multiplier, accroitre ou faire grandir ce qui n'existe pas ! N'importe quoi, aussi grand que l'on voudra, fois/multiplier par zéro donnera toujours zéro, en clair.

Très bien, mais là n'était pas mon argument. J'ai du mal à saisir ce que tu essaies de montrer.

Lorsque j'avance que la raison est un phénomène de la parole, qu'est-ce qui pose problème ? Que la raison existe avant la parole ?

Pour moi, il n'y a de raison à proprement parler, de façon certaine et constatable, qu'à partir du moment où elle se connaît elle-même, comme telle. Je ne pose pas les questions de savoir si la raison existe indépendamment de la parole, ou si c'est l'intelligence qui anime la parole ou l'inverse. Que le comportement d'un animal montre qu'il est capable de calculs, de prévision et de projection, d'organisation, que les animaux soient intelligents et communiquent sans cesse, ne retranche rien à mon propos, puisque c'est le phénomène humain qui m'intéresse, c'est "la raison et l'homme", ou "la raison comme puissance dans la vie et l'histoire des hommes" et pas autre chose, que j'essaie de comprendre. Je n'ai pas besoin de décider si les animaux sont raisonnables ou non, je ne sais même pas ce que ça pourrait vouloir dire en fait.

Le 15/06/2022 à 22:22, deja-utilise a dit :

L'intelligence ou la raison ne dépendent pas de la parole pour exister, mais seulement en tant que niveau de développement, comme effet démultiplicateur en somme. Les animaux raisonnent, à commencer par la famille des corvidés, les chimpanzés en semi-liberté aussi, pourtant tous dépourvus de la parole telle que restreinte à l'espèce humaine ( sont-ils raisonnables, rationnels, etc... oui également ).

Mais c'est avoir réduit la raison à la faculté de raisonner, de calculer, ce que j'essaie d'éviter, car ça me semble très insuffisant, cf. tout ce que j'ai écris à ce sujet. Par ailleurs je n'ai pas d'objection sur ce que tu avances, sauf quand tu dis que ces animaux sont raisonnables.

Le 15/06/2022 à 22:22, deja-utilise a dit :

Je ne suis pas certain que " la peur de la mort ", en elle-même, soit ce qui est le plus craint, mais bien plutôt de souffrir ! Demande par curiosité à ceux de ton entourage d'envisager de mourir " naturellement ", et ce qu'ils redoutent le plus ?

Cela était la " passion " la plus forte négativement, maintenant, la passion la plus forte positivement, c'est " jouir ", d'ailleurs à ce sujet, il a été montré que le sucre était bien plus addictogène que la cocaïne, et que par exemple dans une expérience avec des rats, ceux-ci quand ils avaient le choix, préféraient le sucre à la coke... ( qui lui-même est préféré au sexe chez l'humain )

Une autre expérience a montré qu'une zone particulière du cerveau dans l'accumbens était tellement " sensible ", que des rats/souris quand une électrode excitatrice était placée en ce point neuronal et était déclenchée par un levier disponible pour eux/elles, appuyaient frénétiquement dessus sans discontinuer, en oubliant littéralement toute autre chose, comme de s'alimenter, dormir etc... au-delà même de l'épuisement, jusqu'à pratiquement leur dernier souffle !

 

Il y a donc essentiellement deux grandes catégories motivationnelles chez les mammifères que nous sommes: l'évitement des souffrances et la recherche des plaisirs.

Là encore, je ne sais plus de quoi on parle. J'essaie de montrer devant quelles alternatives la raison s'est trouvée dans son développement. J'essaie d'explorer les rapports entre raison et vie humaine. Que des rats en laboratoire deviennent addicts jusqu'à en crever, qu'est-ce que ça démontre ? Que la peur de la mort n'est pas la seule passion, ou pas la passion humaine la plus forte et répandue, sur laquelle du moins on peut efficacement fonder un ordre politique, juridique, lequel est dit "naturel" ?

Le 15/06/2022 à 22:22, deja-utilise a dit :

Seul le premier exemple était une véritable exception, et cela concernait(concerne) un pays entier, non une pratique marginale par une communauté, et encore, même en ce cas réduit, cela enlèverait " l'universalité " de la proscription de l'inceste comme tabou absolu chez la race humaine. C'est bien tout le problème d'une règle universelle, la moindre exception, le moindre contre-exemple, et cette règle n'est plus universelle, mais seulement " générale " ou globale ( dans le sens de globalement, avec des fluctuations ou variations autour ). 

Le premier exemple ne constitue pas une exception, car si c'est le père qui déflore la fille, ce n'est pas avec le père que la fille s'unit. L'interdit de l'inceste est un problème d'alliances : les enfants trouvent leurs partenaires en dehors de leurs parents. Qu'il y ait des incestes, des actes sexuels entre parents et enfants, même institutionnalisés ou seulement très répandus, ne change pas que l'interdit de l'inceste détermine un certain système de parenté (en fait, on peut se demander s'il peut y avoir un système de parenté, s'il n'y a pas cet interdit). Par ailleurs, il y a bien d'autres exceptions du genre de celle que tu opposes, par exemple à l'occasion de fêtes où tous les interdits qui règlent habituellement la vie sont levés, voire méthodiquement enfreints, où la reine s'accouple avec ses subalternes, bref où toutes les valeurs sont renversées. Ces exceptions ont généralement lieu à des occasions bien définies. Enfin, je n'ai pas parlé d'universels, mais d'impondérables. Je me contentais de dire que la vie humaine est marquée par certains impondérables, comme les passions, la peur, la souffrance en effet, ou le plaisir, ou encore l'interdit de l'inceste, déterminant un système de parenté, des échanges entre les groupes, etc.

Bien à toi,

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Membre, 34ans Posté(e)
Ambre Agorn Membre 2 067 messages
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Le 15/06/2022 à 18:06, deja-utilise a dit :

C'est tout à ton honneur, et c'est aussi un grand principe en philosophie, par exemple M. Foucault s'est intéressé à la folie ou à la parrhèsia, et a cherché à quoi renvoyait ces termes, sous plusieurs aspects.

Mais dans le livre Normality de P. Cryle et E. Stephens tous les deux " chercheurs en humanité ", il est aussi fait de manière extrêmement détaillée toute l'histoire et l'historicité de ce mot.

 

Sans compter l'approche linguistique ou même l'odyssée de l'écriture (re)diffusée récemment sur Arte.

Bonjour deja-utilise

J'avoue que ce n'était pas du tout à partir de la philosophie que j'ai commencé à creuser les mots et leusr significations. Mais via ces recherches, j'ai découvert la philosophie et plein d'autres domaines. Je reproche beaucoup de choses à la philosophie en général, même si elle peut aussi beaucoup apporter.

Je ne connais pas l'odyssée de l'écriture: je regarderai ça avec plaisir!

Le 15/06/2022 à 18:06, deja-utilise a dit :

De plus, il est aussi plus aisé de comprendre autrui si notre savoir déborde largement le sien, on voit où il se situe, comme si un villageois n'avait jamais quitté son village, alors que nous même, non seulement nous connaissons toute sa commune pour l'avoir traversée de mainte façons, mais aussi celles environnantes, nous avons alors un plus grand recul, et ce qu'il extrapole sur l'au-delà des limites du bourg, peut facilement être comparé à ce que nous savons effectivement de notre côté.

Je me méfie de ce genre de croyance pour moi-même: se sentir plus savant ou avec une vision plus large que l'interlocuteur parce que les faits qu'on perçoit tentent de le prouver. J'ai eu à déchanter quelques personnes, et j'ai été prise aussi sur le fait quelques fois! Il y a différentes strates dans la connaissance et dans l'expérimentation: quelqu'un qui n'a pas bougé peut en savoir bien plus ou avoir une bien plus grande expérience qu'un autre qui aurait des caisses de savoirs et des kilomètres à ses pieds. On peut tellement savoir et pourtant se retrouver bête et gonflé devant une simple réflexion d'enfant. Ca ne contredit en rien ce que tu dis, bien sûr!

 

Le 15/06/2022 à 18:06, deja-utilise a dit :

Je suis tout-à-fait d'accord avec ton constat. Les " choses " sont mieux appréhendables que les personnes, quant à elles plus volatiles, versatiles, inconsistantes, incohérentes, inconstantes, irrationnelles, etc...

En fait, je suis contente que ça fonctionne ainsi: la richesse des miroirs que nous proposent les personnes est un outils des plus formidables. Si je re-connais l'incohérence ou l'inconsistance d'untel, c'est que ça fait écho en moi. C'est comme un théâtre burlesque: je rit des défauts des autres mais je sais bien au fond que c'est exactement comme ceci que je fonctionne moi-même. Observer les autres permet d'avoir une certaine acuité sur soi-même. Bon, je ne voudrai pas étendre ma façon de voir les choses à tout le monde, alors peut-être que ce n'est pas ainsi pour tout le monde.

 

Le 15/06/2022 à 18:06, deja-utilise a dit :

Les humains sont des automates biologiques programmables mus par des émotions, sentiments et autres affects, mais qui ignorent grandement comment ils fonctionnent, ils n'ont accès qu'aux résultats de leurs programmes, non à leurs écritures, ils n'ont donc réellement accès qu'à une infime partie d'eux-mêmes pour la plupart d'entre nous. Même l'introspection n'est pas une solution idéale si on suit ce qu'en a dit Emily Pronin, en effet cette introspection s'appuie grandement sur nos facultés ou compétences pour avancer dans les méandres de notre esprit, on ne pourra donc aucunement aboutir sur autre chose que ce que l'on a mis dedans au départ, i.e. ces mêmes compétences ou facultés, nous sommes aveugles au reste purement et simplement, tout comme on est incapable d'entendre les ultrasons par un sens de l'audition qui ne peut intrinsèquement pas les entendre; pour le dire autrement il y a cécité cognitive de notre part sur nous-même, du moins pour hoï polloï.

Ne dis pas ça comme si c'était une fatalité! L'introspection n'est pas une solution, c'est un outil tout au plus. Et il y a plusieurs outils. Chercher une solution, c'est concevoir qu'il y a un problème, non? Mais quel est le problème? Une multitude de problèmes ou une multitude de façon de se plaindre? On est incapable d'entendre avec nos oreilles telles que programmées les ultrasons, mais si nous en avions besoin, nous trouverions comment les capter d'une façon ou d'une autre, alors le problème est-il que nos besoins ne correspondent pas à nos désirs ou que nos capacités ne répondent pas à nos besoins? La science et les savoirs ne sont-ils pas aussi responsables des limitations de nos propres capacités? Oublier est peut-être l'ultime chose à apprendre?

 

Le 15/06/2022 à 18:06, deja-utilise a dit :

L'Homme est un animal - comme les autres - qui s'ignore ! Voilà une grande part de notre tragédie tragicomique, et si l'on rajoute l'immense stupidité et bêtise dont l'humain fait preuve, y compris donc avec un " gros QI " en poche, on aura dressé un portrait relativement fidèle de la part sombre de l'humanité...

La part sombre de l'humanité? Alors vous concevez une part claire? Je suis toute ouïe!

En fait, comprendre qu'on est un animal confère une certaine légèreté à la vie. C'est comme se libérer d'un poids. Enfin, c'est mon propre ressenti

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 727 messages
If you don't want, you Kant...,
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Bonjour Loufiat,

je pense voir mieux ce que tu cherches à m'(nous) expliquer, tu ne questionnes manifestement pas ce qu'est la Raison, mais comment se manifeste la raison chez l'Homme, mon approche était générale, là où la tienne est particulière, voilà sans doute pourquoi on n'arrivait pas à se trouver, je crois.

 

Le 18/06/2022 à 05:02, Loufiat a dit :

Très bien, mais là n'était pas mon argument. J'ai du mal à saisir ce que tu essaies de montrer.

D'accord.

 

Le 18/06/2022 à 05:02, Loufiat a dit :

Lorsque j'avance que la raison est un phénomène de la parole, qu'est-ce qui pose problème ? Que la raison existe avant la parole ?

Oui, étant donné que la raison est antérieure à l'acte de parole, cette dernière n'en est qu'une facette, bien que pas n'importe laquelle, dans la mesure où le langage en retour influe sur l'extensivité de la raison, et ainsi de suite.

 

Le 18/06/2022 à 05:02, Loufiat a dit :

Pour moi, il n'y a de raison à proprement parler, de façon certaine et constatable, qu'à partir du moment où elle se connaît elle-même, comme telle.

Sans vouloir chipoter, cette façon de définir un concept ressemble plus à ce que l'on entend par conscience !

 

 

Le 18/06/2022 à 05:02, Loufiat a dit :

Je ne pose pas les questions de savoir si la raison existe indépendamment de la parole, ou si c'est l'intelligence qui anime la parole ou l'inverse. Que le comportement d'un animal montre qu'il est capable de calculs, de prévision et de projection, d'organisation, que les animaux soient intelligents et communiquent sans cesse, ne retranche rien à mon propos, puisque c'est le phénomène humain qui m'intéresse, c'est "la raison et l'homme", ou "la raison comme puissance dans la vie et l'histoire des hommes" et pas autre chose, que j'essaie de comprendre. Je n'ai pas besoin de décider si les animaux sont raisonnables ou non, je ne sais même pas ce que ça pourrait vouloir dire en fait.

Tu limites donc ton propos à la place de la raison dans l'histoire humaine.

 

Le 18/06/2022 à 05:02, Loufiat a dit :

Mais c'est avoir réduit la raison à la faculté de raisonner, de calculer, ce que j'essaie d'éviter, car ça me semble très insuffisant, cf. tout ce que j'ai écris à ce sujet. Par ailleurs je n'ai pas d'objection sur ce que tu avances, sauf quand tu dis que ces animaux sont raisonnables.

Oui ils sont raisonnables, comparativement à l'Homme qui est une créature avant tout de déraison !:

Cupidité, hubris, soif de domination en tout genre, envies insatiables, avarice, curiosité maladive, insatisfaction chronique, amusement ou néoténisme, egotisme, incapacité récurrente au renoncement ou au contentement voire à la sobriété, peurs sous-jacentes/inconscientes non maitrisées/incontrôlées, quête de sens sans fin, idéologies diverses et variées, etc...

 

 

Le 18/06/2022 à 05:02, Loufiat a dit :

Là encore, je ne sais plus de quoi on parle. J'essaie de montrer devant quelles alternatives la raison s'est trouvée dans son développement. J'essaie d'explorer les rapports entre raison et vie humaine. Que des rats en laboratoire deviennent addicts jusqu'à en crever, qu'est-ce que ça démontre ? Que la peur de la mort n'est pas la seule passion, ou pas la passion humaine la plus forte et répandue, sur laquelle du moins on peut efficacement fonder un ordre politique, juridique, lequel est dit "naturel" ?

Comme en toute chose, on peut voir " le verre à moitié vide ou à moitié plein ".

Si on pense que la raison humaine est une chose positive, elle a aussi son corolaire particulièrement négatif: la rationalisation ! ( Il a été montré - expérimentalement/scientifiquement - que les personnes pessimistes ou misanthropes étaient bien plus lucides que les autres ! )

Ce qui se passe bien évidemment pour ce petit mammifère se produit aussi pour un plus grand, comme l'humain, nous n'échappons pas à notre biologie ni à la circuiterie interne, comme les jeux hormonaux totalement hors de portée de notre esprit conscient, et donc d'une quelconque raison qui en ferait partie.

 

Si on regarde ce qui se passe par exemple chez les chimpanzés, notre plus proche " cousin ", dépourvus de parole articulée, ils sont organisés aussi de manière très hiérarchisée ( C.f. Frans de Waal, très grand primatologue actuel: Le bon singe, ou Le singe en nous, ou La politique du Chimpanzé ( non lu ) ), de façon similaire à celle des humains, pour une bonne et simple " raison ", c'est qu'ils répondent comme nous-même à des pulsions animales. La raison humaine aide seulement à trouver d'autres modes opératoires ou d'autres modalités d'application de la même tendance naturelle et commune aux primates et les autres animaux sociaux, d'ailleurs P. Jouventin pense que l'Homme aurait une organisation très similaire à celle des loups ( L'homme cet animal raté, P. Jouventin ). En clair, nous n'échappons pas à notre déterminisme biologique sur le fond, pas plus que de porter des vêtements ne changent quelque chose à ce qui se passe en nous, nous ne jouons que superficiellement, de manière épidermique, avec ce que nous sommes foncièrement. 

 

 

Le 18/06/2022 à 05:02, Loufiat a dit :

Le premier exemple ne constitue pas une exception, car si c'est le père qui déflore la fille, ce n'est pas avec le père que la fille s'unit. L'interdit de l'inceste est un problème d'alliances : les enfants trouvent leurs partenaires en dehors de leurs parents. Qu'il y ait des incestes, des actes sexuels entre parents et enfants, même institutionnalisés ou seulement très répandus, ne change pas que l'interdit de l'inceste détermine un certain système de parenté (en fait, on peut se demander s'il peut y avoir un système de parenté, s'il n'y a pas cet interdit). Par ailleurs, il y a bien d'autres exceptions du genre de celle que tu opposes, par exemple à l'occasion de fêtes où tous les interdits qui règlent habituellement la vie sont levés, voire méthodiquement enfreints, où la reine s'accouple avec ses subalternes, bref où toutes les valeurs sont renversées. Ces exceptions ont généralement lieu à des occasions bien définies. Enfin, je n'ai pas parlé d'universels, mais d'impondérables. Je me contentais de dire que la vie humaine est marquée par certains impondérables, comme les passions, la peur, la souffrance en effet, ou le plaisir, ou encore l'interdit de l'inceste, déterminant un système de parenté, des échanges entre les groupes, etc.

Effectivement l'inceste ainsi revisitée, ne constitue pas un mode de fonctionnement permanent des peuplades ou peuples humains, ce n'est certainement pas ce qui en fait le ciment, bien que l'on remarquera que les sociétés entières sont bien souvent calquées sur le fonctionnement atomique familial, par exemple le patriarcat, y compris les religions monothéistes ! Nous ne faisons que réutiliser indéfiniment le même schéma/pattern, avec quelques micro-variantes ci et là selon le contexte, l'époque et les mœurs et/ou l'historicité locales. Existe t-il une société au-delà du degré de la tribu qui fonctionne ou ait jamais fonctionné sur un modèle hétérarchique ?

 

**********

 

Je ne sais plus à quel moment j'aurais du écrire ce qui va suivre lors de notre échange: parfois la raison suffisamment développée ou mature, conduit non pas à chercher un arrangement basé sur l'argumentation raisonnée - impossible, mais au contraire à la désobéissance, en l'occurrence civil, comme par exemple chez Henry David Thoreau, bien que je n'ai pas attendu de l'avoir lu, très récemment, pour m'en être enquis tout au long de mon existence...

Personnellement je ne vois aucune différence tangible entre des primates humains et non-humains de mon point de vue, c'est blanc bonnet et bonnet blanc, c'est-à-dire bien en-deça de ce que moi j'appelle la raison au sens plein du terme et pas seulement dans une seule de ses dimensions possibles extrêmement limitative et bien souvent intéressée, tel l'anthropocentrisme la plupart du temps, voire un cran en-dessous aussi, comme on peut le voir avec le nationalisme, le racisme ou le sexisme !

 

:bienvenue:

 

 

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Membre, Posté(e)
le merle Membre 21 480 messages
Maitre des forums‚
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bonjour

si nous reconnaissons que nous sommes des animaux qui ont mal tournés ? nous avons une responsabilité dans la vie de ceux qui sont resté les mêmes .

mais en réalité ,ce n'est qu'une illusion  ,car nous ne somme responsable de rien pour affirmer cet  état .

bonne journée

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 727 messages
If you don't want, you Kant...,
Posté(e)

Bonjour Ambre Agorn,

 

Le 18/06/2022 à 07:40, Ambre Agorn a dit :

J'avoue que ce n'était pas du tout à partir de la philosophie que j'ai commencé à creuser les mots et leusr significations. Mais via ces recherches, j'ai découvert la philosophie et plein d'autres domaines. Je reproche beaucoup de choses à la philosophie en général, même si elle peut aussi beaucoup apporter.

Je te rejoins sur ta critique, la Philosophie sans la Science, ne serait ou n'est que pure spéculation la plupart du temps, voire pire, d'où mon recours massif aux sciences humaines, à l'éthologie et aux sciences dures...

 

Le 18/06/2022 à 07:40, Ambre Agorn a dit :

Je me méfie de ce genre de croyance pour moi-même: se sentir plus savant ou avec une vision plus large que l'interlocuteur parce que les faits qu'on perçoit tentent de le prouver. J'ai eu à déchanter quelques personnes, et j'ai été prise aussi sur le fait quelques fois! Il y a différentes strates dans la connaissance et dans l'expérimentation: quelqu'un qui n'a pas bougé peut en savoir bien plus ou avoir une bien plus grande expérience qu'un autre qui aurait des caisses de savoirs et des kilomètres à ses pieds. On peut tellement savoir et pourtant se retrouver bête et gonflé devant une simple réflexion d'enfant. Ca ne contredit en rien ce que tu dis, bien sûr!

Je comprends ta réticence, elle est légitime, bien évidemment on ne peut pas être parfait ou à l'abri de toute erreur. J'en découvre aussi sur mon compte de temps à autres.

Toutefois, tu reconnaitras qu'un sprinter ou marathonien expérimenté comprendra mieux que le débutant dans une de ces disciplines, il en va de même entre le professeur de mathématique et l'élève, il y a des personnes qui savent bien mieux que d'autres, et cela ne concerne pas uniquement des choses académiques ou en lien avec le sport, il en va de même avec la conduite de sa raison, de son entendement ou de son discernement, et même de sa sensibilité, de son niveau de conscience ou de lucidité ! Nous ne sommes pas tous au même niveau, bien que ce soit complètement invisible, contrairement à une activité physique ou montrable/exhibable, tout comme il existe pareillement des handicaps invisibles par ailleurs.

Je suis d'accord avec ta dernière partie, tout simplement parce que je pense exactement comme toi depuis un moment déjà, l'importance du bagage de connaissances n'est rien si on ne les comprend pas, alors effectivement on peut savoir peu mais très bien le comprendre et mieux s'en sortir qu'une personne cultivée ou ayant de grandes connaissances mais ne sachant pas s'en servir en tant que de besoin ou à bon escient, il en va pareillement avec une boite à outils, un incompétent pourrait avoir une boite pleine à ras bord il n'en fera rien du tout ou rien de probant, alors qu'un mécanicien ou bricoleur hors-pair par exemple avec moins d'un dixième des outils ou même une poignée d'entre eux fera des merveilles ou s'en sortira suffisamment bien !

 

Il ne suffit pas d'avoir ceci ou cela, telle compétence, telle capacité, tel avantage, tel don, etc... il faut une certaine harmonie ou au moins aucun maillon faible - non compensable - dans la chaine décisionnelle ou réflexive !

 

 

Le 18/06/2022 à 07:40, Ambre Agorn a dit :

En fait, je suis contente que ça fonctionne ainsi: la richesse des miroirs que nous proposent les personnes est un outils des plus formidables. Si je re-connais l'incohérence ou l'inconsistance d'untel, c'est que ça fait écho en moi. C'est comme un théâtre burlesque: je rit des défauts des autres mais je sais bien au fond que c'est exactement comme ceci que je fonctionne moi-même. Observer les autres permet d'avoir une certaine acuité sur soi-même. Bon, je ne voudrai pas étendre ma façon de voir les choses à tout le monde, alors peut-être que ce n'est pas ainsi pour tout le monde.

Tu as compris une chose essentielle, si on a du mal à se voir tel que l'on est, les autres peuvent grandement nous y aider, tel un miroir non déformant. Car seul c'est comme si un hémi-négligent revérifiait sans cesse ce qui pourrait bien lui échapper, étant donné sa cécité, rien n'y ferra aussi concentré et attentif sera t-il, il y a de fortes chances que ce soit autrui qui lui signale sa difficulté.

Effectivement, quel que soit le défaut constaté chez autrui, il est sage de considérer qu'il est aussi en nous à un degré ou à un autre - La réciproque étant vraie également ! C'est un premier pas vers l'amélioration de soi, accepter ses propres faiblesses, car tant que l'on est dans le déni, il est clair qu'aucun progrès ne peut être attendu. 

 

Le 18/06/2022 à 07:40, Ambre Agorn a dit :

Ne dis pas ça comme si c'était une fatalité! L'introspection n'est pas une solution, c'est un outil tout au plus.

Oui c'est vrai, il n'y a pas qu'un seul chemin qui mène à Rome, toutefois il a aussi été montré dans le cadre de l'introspection, que ceux faisant preuve de métacognition et d'une sincérité/honnêteté robuste, envers eux-mêmes, pouvaient ne pas se fourvoyer dans leur quête intérieure ( contrairement aux autres donc ) ! Mais comme ces deux qualités sont assez rares indépendamment l'une de l'autre, leur réunion est encore plus rarissime, autrement dit peu d'individus sont capables de se connaitre eux-mêmes, comme l'annoncait le fronton du temple de Delphes !

 

Le 18/06/2022 à 07:40, Ambre Agorn a dit :

Et il y a plusieurs outils. Chercher une solution, c'est concevoir qu'il y a un problème, non? Mais quel est le problème?

Là c'est moins évident, des personnes cherchent des solutions qui n'ont que peu à voir avec le - véritable - problème sous-jacent, faute d'une bonne identification et détermination de celui-ci. D'autres ne pensent pas qu'il y ait un problème mais veulent bien malgré tout faire comme on leur dit/demande ( obéissance ) ou comme les autres font ( conformisme ) ou comment s'y prennent les autres ( mimétisme ), ou encore reproduisent/transmettent inconsciemment ( mèmétique ), ou encore comme on l'exige d'eux ( soumission à l'autorité ), dans tous ces cas ils appliquent des " solutions " à des problèmes qui ne se sont jamais présentés comme tels à eux !

 

Le 18/06/2022 à 07:40, Ambre Agorn a dit :

Une multitude de problèmes ou une multitude de façon de se plaindre? On est incapable d'entendre avec nos oreilles telles que programmées les ultrasons, mais si nous en avions besoin, nous trouverions comment les capter d'une façon ou d'une autre, alors le problème est-il que nos besoins ne correspondent pas à nos désirs ou que nos capacités ne répondent pas à nos besoins?

La curiosité ou l'esprit scientifique peut nous amener à découvrir et avec un peu d'imagination à inventer, parfois avec comme finalité en tête, la gloire, le succès, la notoriété, la reconnaissance, l'argent, etc... Dans ce cas il n'est plus que question de moyens et non de comprendre pour comprendre, désintéressé ou avec abnégation.

 

 

Le 18/06/2022 à 07:40, Ambre Agorn a dit :

La science et les savoirs ne sont-ils pas aussi responsables des limitations de nos propres capacités?

Ils forment un cadre de pensées, qui d'une manière ou d'une autre, nous donnent une façon d'appréhender le monde, la science-fiction n'y est pas étrangère non plus cela-dit en passant. Mais tout cela reste nos propres productions, si elles sont limitatives, c'est parce que le(les) cerveau(x) qui les a(ont) pensé étai(en)t tout aussi limité(s), on retrouve à la fin ce que l'on y avait mis dedans dès le départ, par exemple la Science n'ayant pas à se poser - par sa constitution même - la question des débouchés et des usages de ses trouvailles, reste totalement inopérante sur les maux qu'elle engendre en amplifiant le pouvoir de nuisance de l'Homme. Il y a aussi un autre mal qui nous frappe de manière insidieuse, c'est la démultiplication toujours plus avancée des responsabilités, au point de les diluer à un niveau homéopathique, résultat, plus personne ne se sent véritablement responsable et donc coupable de ses actes et actions quotidiennes, ( On pourrait s'intéresser à " la tyrannie des petites décisions " pour ce faire - non encore lu ).

 

 

Le 18/06/2022 à 07:40, Ambre Agorn a dit :

Oublier est peut-être l'ultime chose à apprendre?

Oublier ne serait certainement pas la meilleure chose à faire, dans la mesure où les leitmotivs humains demeureraient, " nous " referions sensiblement les mêmes types d'erreurs nocives/délétères, plus tard avec d'autres générations.

Il nous faut surtout apprendre à dompter nos affects/émotions/pulsions ! Et donc nous apprendre à nous-même, et ce sera(it) révolutionnaire, et bien plus que toutes les autres révolutions passées qui n'ont été que dans le sens de ces motivations internes, car bien plus difficile et éprouvant à tout point de vue, puisqu'il nous faudra in fine savoir se satisfaire, se contenter et même renoncer ! Une gageur à l'heure actuelle de l'ego roi à toutes les échelles organisationnelles... ( où toutes les courbes de suivi - extraction, exploitation, production et consommation - ont pris une forme de croissance exponentielle ! )

 

 

Le 18/06/2022 à 07:40, Ambre Agorn a dit :

La part sombre de l'humanité? Alors vous concevez une part claire? Je suis toute ouïe!

Dison que par métaphore, la part lumineuse de l'humanité est comme les quelques grains de lumières étoilés éparses à l'acmé d'un soir de ciel pleinement dégagé, la majorité de ce que nous pouvons y voir c'est un manque totale de lumière hormis ces quelques pépites stellaires scintillantes et vacillantes sur la voûté céleste !

Pour le dire autrement, l'Humanité est tirée vers le haut par une poignée de personnes, les plus intelligentes qui ont permis des progrès par rapport au passé, que ce soit sur le plan moral/éthique, médical, technique ou scientifique, l'écrasante majorité d'entre-nous ne faisons que profiter de ces bienfaits développés par ces quelques uns ! Quand bien même ces quelques personnes, fort peu nombreuses proportionnellement, ne sont pas irréprochables dans les autres domaines de leur existence en dehors de leur contribution particulière au bien commun.

 

Le 18/06/2022 à 07:40, Ambre Agorn a dit :

En fait, comprendre qu'on est un animal confère une certaine légèreté à la vie. C'est comme se libérer d'un poids. Enfin, c'est mon propre ressenti

J'aurais aimé qu'il en aille de même pour moi, malheureusement mon niveau de conscience, de sensibilité ainsi que les quelques vertus que j'ai hissées au-dessus de tout, ne me laissent aucunement du répit, il y a bien trop de misère, de violence, de barbarie, d'hérésie, d'absurdité, de souffrance, etc... pour avoir l'esprit en paix, ce n'est pourtant pas faute d'essayer étant donné que je mets tout en œuvre pour tendre vers l'ataraxie, car je ne peux changer le Monde lui-même, puisqu'il est très loin de tourner rond, essentiellement celui qui est le fruit de l'Homme, dont je fais inexorablement partie que je le veuille ou non...

 

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Bonjour Loufiat

Le 16/06/2022 à 13:52, Loufiat a dit :

Sur la "nature humaine" : quelle est-elle ? Je suis réticent à engager cette discussion parce qu'elle provoque généralement des blocages. Mais avant d'emprunter ces sentiers, il faut préciser ce qu'on entend par "nature". Lorsque nous parlons de "nature" humaine, la plupart d'entre nous mobilisent aujourd'hui une conception de la nature comme ensemble de mécanismes autonomes, objectifs et universels, par opposition à ce qui est culturel, artificiel ou encore relevant des conventions. Les anciens ont une compréhension plus dynamique et "intérieure" de la nature. La nature d'une chose est ce qu'elle tend à être. Et lorsqu'ils s'interrogent sur la nature humaine, les anciens ne cherchent pas seulement à déterminer ce qui est donné et commun à tous les êtres humains (ils le font aussi), ils vont au-delà, s'interroger sur quelle est la plus haute valeur, qu'est-ce qui est le meilleur de l'homme. Leur perspective n'est pas strictement descriptive, et les anciens ne sont pas non plus obsédés par l'égalité. Ils célèbrent l'individu entendu comme celui qui est différent et meilleur que les autres, par exemple l'athlète, le philosophe ou le guerrier, l'esthète, etc.

Vous voulez vraiment éviter les blocages? Moi non! (je vous taquine)

Vous parlez de "la plupart d'entre nous mobilisent une conception de la nature(...)". Ajouté à ceci votre seconde phrase, j'entends que vous avez une autre mobilisation de conception...et que vous n'avez pas trop envie de vous y coller. La vôtre  serait-elle proche de celle que vous décrivez en parlant de celle des "anciens"?

Le mot "nature" semble être comme le mot "raison" et qu'il est utilisé avec différents sens dans différents contextes.

Cela dit, je crois que je saisi l'idée de la nature dans le sens: l'aspiration vers laquelle un être est attiré (oui, en fait vous le dites vous-même: ce qu'un être tend à être)

Donc vous faites un lien entre la nature qui tend à être, et ce que les anciens cherchaient à concevoir par la raison: la nature de l'homme. En fait, je rectifie ce que je dis. Ils la concevaient forcément et donc ils cherchaient à la circonscrire, à la nommer, la formaliser, la décrire pour répondre à l'insatiable question du sens. C'est ça? Ou alors ce serait plutôt pour concevoir un cadre, une civilisation, une éducation qui favoriserait le développement de la nature de l'homme?

Le 16/06/2022 à 13:52, Loufiat a dit :

Quelque part, vous réfléchissez comme si vous étiez hors de la société et qu'elle se déroulait et vivait indépendamment de vous, que cela ne vous concernait pas

Est-ce que ce serait impossible?

 

Le 16/06/2022 à 13:52, Loufiat a dit :

Par ailleurs je dois rectifier quelque-chose dans votre exposé. Vous écrivez : "Selon ceux qui utilisent ce postulat [le droit naturel], il y aurait donc une sorte de morale universelle qui ne serait pas soumise à l'arbitraire humain (postulat réfuté par d'autres). Je dis morale, mais c'est appelé raison. Une morale qui fournirait un référencement "neutre" du point de vue humain, donc non soumise aux aléas du temps, des lois humaines, des penchants humains, des coutumes ou cultures diverses et variées: un immuable." En fait, morale et raison ne se confondent pas. D'autre part, cette morale ne fournit pas un référencement neutre du point de vue humain. Quelque part, vous réfléchissez comme si vous étiez hors de la société et qu'elle se déroulait et vivait indépendamment de vous, que cela ne vous concernait pas. Mais vous vivez dans un pays qui s'appelle la France, doté d'institutions, dont la justice, une assemblée législative votant des lois auxquelles vous êtes confrontée au quotidien. Le problème du droit naturel n'est pas un problème seulement intellectuel ou théorique. Et si vous revenez à l'exposé, dans le blog dont le lien a été fourni par @deja-utilise, vous voyez le premier exemple d'invocation du droit naturel : Antigone. Or Antigone invoque ce droit pour désobéir au décret du roi. Parce que l'obéissance est due au roi, simplement parce qu'il est roi. La force et l'autorité sont entre ses mains. Mais le décret du roi est injuste aux yeux d'Antigone. Il n'y a rien d'évident à ce qu'un décret du roi puisse être injuste : il est roi ; la loi, c'est lui. Le droit naturel, ou quelque soit les termes qu'on utilise pour l'évoquer, intervient d'abord comme perception d'un écart entre ce que prescrit la loi et ce qui est juste. Qu'il puisse y avoir un tel écart n'a rien d'évident. Je ne sais pas comment rendre perceptible la signification d'un tel évènement. Il faudrait se replacer dans les vieilles traditions, pour comprendre le choc, la dimension cosmique cet évènement : la désobéissance à la loi, à cause d'une justice placée au-dessus de la loi, au-dessus du roi et de sa libre volonté.

Bien sûr reprenez-moi sur les termes utilisés, vu que je vous demande régulièrement si j'ai bon (si ce que je capte correspond à ce que vous voulez me montrer). J'ai une question: il me semble que depuis le début vous laissez entendre que les "anciens cherchaient...", ont-ils trouvé ce qu'ils cherchaient? Je veux dire, est-ce qu'ils ont défini la nature, ont-ils cerné ce vers quoi l'être tend à être? Ou est-ce juste la façon qu'ils avaient de chercher (avec leur conception et utilisation de la raison) dans un sens particulier qui a influencé les autres (les non-anciens, la suite)?

Vous laissez entendre qu'à cette époque (vous parlez d'Antigone) il n'était pas aussi évident qu'aujourd'hui de pouvoir dire que les lois du roi puissent être trouvées comme injustes? Que c'était nouveau de concevoir qu'il y ait une autre justice que celle qui existait alors uniquement: celle des lois de ceux qui gouvernent?

Pour faire le lien d'avec aujourd'hui (oui, vous me dites que ce n'est pas uniquement un problème intellectuel), il serait donc facile de concevoir que les lois puissent être injustes par rapport à une idée de la justice qu'on concevrait parce qu'elle serait "dictée", accessible, par notre nature. Si ce n'est pas uniquement intellectuel, concrètement, vous parlez de quoi: effectivement certaines lois nous les trouvons injustes (et ce serait le cas pour tout un chacun vu que nous aurions une même nature)?

Le 16/06/2022 à 13:52, Loufiat a dit :

Je ne sais pas si je parviens à être clair (ça me semble très embrouillé), mais du coup, dans votre exposé, vous réfléchissez comme à reculons, comme si le droit naturel était une solution intellectuelle à un problème intellectuel. Mais c'est tout autre chose. C'est d'abord un problème, une contradiction, un coin dans le mur des institutions qui fait éclater le problème de la constitution et de l'ordre des groupes humains. Les théoriciens arrivent ensuite. Une fois que l'ordre social est rompu, en particulier quand l'occident entre dans la modernité, il faut trouver des nouvelles fondations à l'ordre politique et social. Mais aujourd'hui, aussi bien, une loi injuste peut être dénoncée. Si l'on s'en tient au droit positif, la loi ne peut jamais être injuste, sauf défaut de procédure. La justice, c'est la loi. Le droit naturel est un problème davantage qu'une solution. Et c'est un problème qui a travaillé la raison, et que la raison a travaillé, pendant plusieurs millénaires, et nos sociétés, nos institutions résultent de ces contradictions.

Ha! Oui, je crois bien que le droit naturel est un problème. Pourquoi vous pensez que je l'ai pris pour une solution à un problème? Je vois bien que c'est un problème...peut-être même depuis la première fois que je vous ai vu le mentionner dans un autre sujet.

Par contre, peut-être puis-je me permettre cette suggestion: je n'ai pas du tout cette représentation des choses et les mots et concepts me sont totalement étrangers, nouveaux (en tout cas l'étaient jusqu'à depuis peu). Alors, je conçois pleinement, et cela depuis bien plus longtemps que le début de ce fil, que ce que vous dites est certainement d'une grande sagesse. Cela dit, j'ai besoin d'un total paramétrage pour y avoir accès, d'où la lenteur perceptible de l'intégration de ce que vous décrivez (ce n'est pas la première fois que nous avons, vous et moi, des discussions où le manque de paramétrage me laisse mal en point). De plus, en même temps, j'essaye de transposer dans ma propre représentation et mes mots (donc ceux de mon milieu, pour pouvoir communiquer avec lui) ce que j'ai compris de vous. Je ne veux pas de rupture entre ce que vous me dites et ce qui existe dans mon monde: si je vous écoute et veux vous comprendre, c'est pour fondre les représentations, pour élargir mon champ de vision, non pas pour le pluraliser.

Alors, parfois je pose des questions qui paraissent peu-être tatillonnes, alors que c'est juste qu'elles posent de sacrés problèmes dans le travail de transposition, et que ces détails sont parfois des pierres d'angles que je ne veux pas écorcher ou prendre à la légère. Parfois je passe par-dessus pour accéder plus facilement à ce que vous dites, mais je me retrouve bloquée avec moi-même quand la traduction doit-être faite...alors je tourne en rond et je repose les questions.

Voici un exemple parfait de l'utilisation de la raison comme justification!

Le 17/06/2022 à 16:08, Loufiat a dit :

Bonjour,

Sur la rationalité. Vous évoquiez avec D-U la distinction entre rationalité instrumentale et rationalité axiologique. Cette distinction est attribuée à Max Weber, sociologue allemand de 1900. Elle résulte de ses tentatives pour étudier la vie humaine, elle-même inscrite dans son engagement général dans la vie de son temps, à la fois intellectuel et politique.

Il cherchait à développer une compréhension la plus vaste et rigoureuse des phénomènes sociaux, à cause des alternatives décisives qui se posaient à l'humanité sous ses yeux. Il s'intéressait particulièrement aux valeurs, à la façon dont les valeurs interviennent dans la vie humaine, car certains comportements, certaines actions ou attitudes devant la vie, ne sont intelligibles que comme des choix qu'opèrent les êtres humains entre des valeurs qui s'excluent mutuellement.

Pour Weber, vos choix de vie, Ambre Agorn, impliquent certaines valeurs, car vous agissez "pour", en vue de certaines choses que vous cherchez à réaliser ou à atteindre, ou au contraire à éviter ; vous avez des raisons d'agir, et lorsque vous agissez, vous ne cessez d'opérer des choix où vous attribuez davantage de valeur à certaines choses qu'à d'autres. Guerre ou paix. Conservation ou sacrifice. Mais ceci va des alternatives les plus graves aux choix les plus anodins.

Les valeurs sont ainsi, chez Weber, comme des axiomes, des postulats de base à partir desquels s'articulent des ensembles de croyances et de comportements qui sont cohérents, ou du moins compréhensibles, car dotés d'une certaine logique et puissance propres (ces axiomes étant admis). Par exemple, Weber est célèbre pour son étude des origines du capitalisme protestant, dont il a fait remonter la genèse au moment où l'opinion était devenue commune, chez les protestants, que l'élection divine se manifeste dans la vie active, par la réussite, en particulier la réussite matérielle, dans l'industrie et le commerce.

Les valeurs chrétiennes archaïques excluaient une telle idée ; aucun chrétien, avant le protestantisme, ne pouvait admettre publiquement que l'enrichissement personnel, s'il est enviable, est non seulement bon plutôt que mauvais, mais le signe de l'élection, la mission même des hommes sur cette terre. Parce que le christianisme archaïque constituait lui-même un ensemble cohérent, organisé différemment, autour de valeurs, d' "axiomes" différents, en somme d'autres finalités que s'est donnée la vie humaine, en fonction desquelles elle s'est organisée, s'est donnée un sens, une forme et une intelligibilité.

Les comportements humains se développent et s'expliquent en même temps, comme des choix que les êtres humains opèrent entre des valeurs qui s'excluent entre elles. Cette rationalité, cette organisation et intelligibilité des comportements en fonction des valeurs, c'est ce que Weber appelle la rationalité axiologique. 

Est-ce que ça se rapproche de l'idée que se faisaient les anciens quand ils voulaient définir ce qu'était la nature de l'être et donc en déduire le droit humain?

Sous-entendez-vous que les chrétiens d'aujourd'hui pensent différemment? De quels chrétiens parlez-vous?

(edit: j'ai supprimé la dernière question...vous y aviez déjà répondu)

 

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Bonsoir deja-utilise
 

Citation

Il y a 7 heures, deja-utilise a dit :

Sans vouloir chipoter, cette façon de définir un concept ressemble plus à ce que l'on entend par conscience !

(ce n'était pas à moi que tu t'adressais, mais j'ai besoin de te poser quelques questions sur ce qui a été dit entre vous deux. D'ailleurs je m'excuse pour la chronologie, je risque de faire des écarts)

Et bien, figure-toi que j'en étais arrivée là aussi. Et du coup, il y a plusieurs choses que j'ai comprises à partir de ce constat et qui m'a aidé à saisir ce que je prenais pour des détails. De ce que j'ai pu en comprendre, dans mon milieu c'est appelé encore différemment. C'est pour cela qu'il est difficile d'accéder à ce que disent les uns et les autres, mais c'est magique quand j'arrive enfin à faire les ponts nécessaires! (à vérifier tout de même)

Le 15/06/2022 à 22:22, deja-utilise a dit :

Je ne suis pas certain que " la peur de la mort ", en elle-même, soit ce qui est le plus craint, mais bien plutôt de souffrir ! Demande par curiosité à ceux de ton entourage d'envisager de mourir " naturellement ", et ce qu'ils redoutent le plus ?

En fait, j'ai tiqué quand tu as écrit ceci, alors j'y reviens.

J'ai trouvé que @Loufiat m'avait fortement éclairci un point, soit sur quoi se base la législation en général: la peur de la mort. Dans mes propres réflexions, j'en étais arrivée à un point où je me disais que c'était la seule peur en réalité et que toutes les peurs s'y reportaient. Je m'explique. Quelle que soit le nom de la peur que nous ressentons, elles ont toutes une seule et même source que j'appelais la peur de la mort (ou la peur de la perte). Quand tu dis que "souffrir" est une peur plus forte encore que celle de la mort, et tu le "prouves" en t'appuyant sur les réponses le plus souvent reçues à cette question "que redoutes-tu le plus: mourir ou souffrir?", je me suis dis que peut-être que je me trompais quelque part. Voici comment je voyais les choses:

Quand je parle avec d'autres, il est évident que la souffrance est au cœur de leurs préoccupations, mais elle l'est uniquement parce qu'ils ne connaissent en général de la mort que la souffrance qui l'y précède, et celle qui est la leur quand ils perdent un être cher. Autrement dit, la souffrance est la seule expérience que l'on ait de la mort. Ainsi donc, répondre que la mort est naturelle et la souffrance redoutable, c'est presque une preuve de l'incompréhension, de l'inimagination, de l'impossibilité de se représenter ce qu'est la mort. Il y a aussi le fait que la souffrance est la représentation de la diminution de la vie (du potentiel de vie, du potentiel d'action), voire l'étape qui précipite la mort, et que la mort est vue comme la délivrance des soucis. Alors que la réalité me semble quasiment inverse. C'est à dire que la souffrance est la preuve qu'on est encore en vie, et la mort n'est qu'une extinction pure et simple, nullement une délivrance vu qu'il n'y a pas de "après"; ou alors c'est une personne croyant à une vie après la mort physique. Quand quelqu'un me répond qu'il n'a pas peur de la mort, mais peur de souffrir, je me demande quelle partie de lui-même répond: son corps, son mental, son expérience, son aspiration, autre, etc?

Je ne sais pas si j'ai été claire. Cela dit, il est probable que j'ai loupé quelque chose que tu aurais vu mieux que moi.

 

Il y a 8 heures, deja-utilise a dit :

La curiosité ou l'esprit scientifique peut nous amener à découvrir et avec un peu d'imagination à inventer, parfois avec comme finalité en tête, la gloire, le succès, la notoriété, la reconnaissance, l'argent, etc... Dans ce cas il n'est plus que question de moyens et non de comprendre pour comprendre, désintéressé ou avec abnégation.

En fait, je voulais dire que nous n'avons pas besoin d'entendre les ultrasons et que c'est pour cela que nous ne les entendons pas. Parfois j'entends dire que maintenant, nous savons voler grâce à l'avion. Pardon, mais c'est l'avion qui vole, pas nous. Nous avons désiré voler, mais nous n'en n'avions pas besoin, alors nous n'avons pas appris à voler, nous avons simplement inventé un artifice qui nous permettait un simulacre de vol. Si nous avions besoin de savoir voler (et non plus uniquement le désir, mais la nécessité), alors nous apprendrions à voler. Je ne dis pas que ce serait faisable dans une vie humaine, ça prendrait sans doute plusieurs générations, mais la nécessité serait comme l'eau d'un barrage: elle appuierait en continue dans une direction et attendrait la moindre occasion pour suivre son cours. Ce ne serait pas en vue d'une finalité individuelle de gloire ou succès ou autre désir d'existence humaine, mais une nécessité dictée, un "poids" nous poussant à apprendre cette fonction.

 

Il y a 8 heures, deja-utilise a dit :

Il y a aussi un autre mal qui nous frappe de manière insidieuse, c'est la démultiplication toujours plus avancée des responsabilités, au point de les diluer à un niveau homéopathique, résultat, plus personne ne se sent véritablement responsable et donc coupable de ses actes et actions quotidiennes

Je fais une différence entre responsable et coupable.  Je crois que la déresponsabilisation amène l'inconscience, l'infantilisation et l'assistanat, mais pas pour autant la situation de coupable. Soit on se considère coupable et on l'est tous, soit on n'est pas coupable et on l'est tous. Cela dit, la prise en charge de nos responsabilités est un pas nécessaire pour avoir la capacité d'agir convenablement ou de façon plus réfléchie, plus sobre.

 

Il y a 8 heures, deja-utilise a dit :

Oublier ne serait certainement pas la meilleure chose à faire, dans la mesure où les leitmotivs humains demeureraient, " nous " referions sensiblement les mêmes types d'erreurs nocives/délétères, plus tard avec d'autres générations.

Il nous faut surtout apprendre à dompter nos affects/émotions/pulsions ! Et donc nous apprendre à nous-même, et ce sera(it) révolutionnaire, et bien plus que toutes les autres révolutions passées qui n'ont été que dans le sens de ces motivations internes, car bien plus difficile et éprouvant à tout point de vue, puisqu'il nous faudra in fine savoir se satisfaire, se contenter et même renoncer ! Une gageur à l'heure actuelle de l'ego roi à toutes les échelles organisationnelles... ( où toutes les courbes de suivi - extraction, exploitation, production et consommation - ont pris une forme de croissance exponentielle ! )

En fait, je voulais dire qu'il y a différentes façons d'apprendre. On peut apprendre intellectuellement, de façon superficielle si je puis dire, ou subir lors d'un apprentissage, une mutation cellulaire qui va obliger l'organisme à agir différemment. C'est pour cela que je disais que les sciences étaient responsables de la limitations de nos capacités et que je dis qu'il faut apprendre à oublier. J'ai l'impression que certaine barrières, certains cadres doivent être brisés, certaines représentations doivent être abolies pour avoir accès à une volonté d'agir sur soi véritablement et durablement. Je pense que je rejoins un peu ce que tu dis quand tu parles de l'"ego roi" et tout ce qui en découle, et que moi je dis qu'il faut apprendre à oublier, oublier ce personnage ridicule et tyrannique, oublier tout ce qui est construit et appris en son nom, oublier les conditionnements génétiques, sociétaux, moraux et éducatifs. Ton "renoncer" m'y fait penser aussi.

Je te rejoint aussi quand tu dis qu'il faut apprendre à dompter ses affects/émotions/pulsions, mais je crois cela possible uniquement si on parvient à trouver dans son propre corps comment agir, par l'esprit, sur ses propres cellules. Quand je dis ça, en général, on me dis que je rêve et que c'est impossible. Alors que c'est totalement faux, mais que ce n'est pas pour autant facile ou donné à tout le monde d'y parvenir. Le corps est un formidable apprenti, et les cellules sont programmables. Dit autrement ça donne: on s'habitue à tout, et l'auto-suggestion, ou l'auto-hypnose, est une façon de se convaincre et d'apprendre.

Il y a 9 heures, deja-utilise a dit :

J'aurais aimé qu'il en aille de même pour moi, malheureusement mon niveau de conscience, de sensibilité ainsi que les quelques vertus que j'ai hissées au-dessus de tout, ne me laissent aucunement du répit, il y a bien trop de misère, de violence, de barbarie, d'hérésie, d'absurdité, de souffrance, etc... pour avoir l'esprit en paix, ce n'est pourtant pas faute d'essayer étant donné que je mets tout en œuvre pour tendre vers l'ataraxie, car je ne peux changer le Monde lui-même, puisqu'il est très loin de tourner rond, essentiellement celui qui est le fruit de l'Homme, dont je fais inexorablement partie que je le veuille ou non...

Tu n'as peut-être pas bien compris.

Je ne parlais pas du tout d'une quelconque paix ou du répit. Au contraire, je crois que la guerre est la quotidien normal d'une personne saine d'esprit, sans pour autant se tromper sur l'identité de la cible, ni sur le genre de guerrier apte à cette guerre. Peut-être que le mot souplesse conviendrait mieux dans ma phrase à la place de légèreté?

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Loufiat Membre 2 272 messages
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Il y a 15 heures, Ambre Agorn a dit :

Vous voulez vraiment éviter les blocages? Moi non! (je vous taquine)

Vous parlez de "la plupart d'entre nous mobilisent une conception de la nature(...)". Ajouté à ceci votre seconde phrase, j'entends que vous avez une autre mobilisation de conception...et que vous n'avez pas trop envie de vous y coller. La vôtre  serait-elle proche de celle que vous décrivez en parlant de celle des "anciens"?

Le mot "nature" semble être comme le mot "raison" et qu'il est utilisé avec différents sens dans différents contextes.

Cela dit, je crois que je saisi l'idée de la nature dans le sens: l'aspiration vers laquelle un être est attiré (oui, en fait vous le dites vous-même: ce qu'un être tend à être)

Donc vous faites un lien entre la nature qui tend à être, et ce que les anciens cherchaient à concevoir par la raison: la nature de l'homme. En fait, je rectifie ce que je dis. Ils la concevaient forcément et donc ils cherchaient à la circonscrire, à la nommer, la formaliser, la décrire pour répondre à l'insatiable question du sens. C'est ça? Ou alors ce serait plutôt pour concevoir un cadre, une civilisation, une éducation qui favoriserait le développement de la nature de l'homme?

Bonjour Ambre,

J'essaie de ramasser l'essentiel de mon message pour que les relations entre les divers thèmes apparaissent plus clairement. 

La raison est l'activité humaine consistant à délibérer au moyen de la discussion argumentée. Mais les êtres humains ne délibèrent pas de n'importe quoi, ce sont les problèmes auxquels la vie humaine se confronte qui fournissent à la raison son occasion et sa matière, en particulier les problèmes du bien et de la justice.

Par la discussion argumentée, les êtres humains en viennent à s'interroger sur les prémisses et les finalités de la vie et à dégager les grandes alternatives auxquelles ils font face. C'est alors que le problème de la nature apparaît ou est découvert, lié originellement au problème de la justice et du bon gouvernement (de soi-même et de la vie collective).

La discussion argumentée amène ou suppose que la tradition soit mise en suspend. Normalement, habituellement, c'est la tradition qui permet de régler les problèmes auxquels la vie humaine est confrontée. Les ethnologues parlent en ce sens de "sociétés traditionnelles", basées sur la tradition. Il n'y a pas d'espace pour un écart entre tradition, autorité et justice dans ce "référentiel", bien que la tradition puisse elle-même faire l'objet de discussions, car son interprétation est rarement évidente. Mais, donc, la tradition fournit à la vie humaine ses solutions pratiques, politiques, morales immédiates ; elle est au principe de l'autorité et de la justice.

La discussion argumentée amène ou suppose une suspension de la tradition : elle est questionnée, sa valeur est mise en doute. Ce qui vient alors se substituer à la tradition, ce qui vient fournir le critère encore supérieur, en fonction duquel cette tradition peut être examinée, admise ou rejetée en tout ou partie, c'est : la nature. La nature est antérieure et supérieure à la tradition, plus fondamentale encore, autant du point de vue de l'origine que des finalités. La nature est l'ultime conquête de la raison, la matrice originelle et l'horizon dernier de toute vie humaine.

La nature en ce sens est à entendre à la fois comme le Tout (la totalité de ce qui est) et comme la tendance individuelle des êtres qui la composent. Et elle se substitue à la tradition comme source et principe de la justice.

Pour savoir plus précisément comment ces problèmes apparaissent aux anciens et quelles solutions ils imaginent, il n'y a rien de mieux que de retourner aux sources mêmes, de lire les ouvrages qui sont parvenus jusqu'à nous. Par exemple Platon pour les grecs et Cicéron pour les romains. Mais si je dois insister ici sur un point caractéristique des anciens, c'est l'amour de la cité. La Cité est ce qui a la plus grande valeur (dans ce référentiel même de la nature : la nature appelle la constitution de la cité). Un citoyen est normalement prêt à tout sacrifier pour elle, c'est son honneur que de consacrer sa vie à la bonne constitution de la cité, à l'éducation de ses enfants et à l'amélioration de ses concitoyens, au prestige de la cité devant l'éternité comme de mourir pour sa défense. Là-dessus il me semble que la plupart des anciens se rencontraient. Il en allait de même à Rome.

L'héroïsme des anciens est saisissant par contraste avec le repli des modernes sur la conservation de soi et l'intérêt individuel.

Il y a 17 heures, Ambre Agorn a dit :

Est-ce que ce serait impossible?

Oui et non. Vous pouvez vivre dans la plus grande indifférence ou le plus grand mépris vis-à-vis de la société comme telle (car je ne crois pas que vous soyez indifférente aux individus qui vivent à vos côtés, de proche en proche), mais il se pourrait que ce soit la société qui ne veuille vous laisser tranquille. Vous êtes un sujet de droit et vous êtes une citoyenne française par défaut. L'Etat français s'octroie le droit de piétiner toute votre vie et celle de vos enfants s'il estime que l'intérêt de la nation le nécessite. Il vous oblige, à commencer, à mettre vos enfants à l'école. Ce qui n'implique pas que vous n'ayez pas la possibilité de désobéir ou de vous soumettre sans enthousiasme à ses décrets. C'est la façon dont vous vous rapportez à cet impondérable qui peut varier, ce qui nous fait entrer d'ailleurs dans le problème spécifiquement moderne des rapports entre l'individuel et le collectif, en particulier entre ce qui tient de la liberté individuelle et ce qui tient de la souveraineté, de l’État. Ce problème est le nœud de la politique et de la théorie politique (et juridique, du droit) modernes.

 

Il y a 17 heures, Ambre Agorn a dit :

Bien sûr reprenez-moi sur les termes utilisés, vu que je vous demande régulièrement si j'ai bon (si ce que je capte correspond à ce que vous voulez me montrer). J'ai une question: il me semble que depuis le début vous laissez entendre que les "anciens cherchaient...", ont-ils trouvé ce qu'ils cherchaient? Je veux dire, est-ce qu'ils ont défini la nature, ont-ils cerné ce vers quoi l'être tend à être? Ou est-ce juste la façon qu'ils avaient de chercher (avec leur conception et utilisation de la raison) dans un sens particulier qui a influencé les autres (les non-anciens, la suite)?

Vous laissez entendre qu'à cette époque (vous parlez d'Antigone) il n'était pas aussi évident qu'aujourd'hui de pouvoir dire que les lois du roi puissent être trouvées comme injustes? Que c'était nouveau de concevoir qu'il y ait une autre justice que celle qui existait alors uniquement: celle des lois de ceux qui gouvernent?

Pour faire le lien d'avec aujourd'hui (oui, vous me dites que ce n'est pas uniquement un problème intellectuel), il serait donc facile de concevoir que les lois puissent être injustes par rapport à une idée de la justice qu'on concevrait parce qu'elle serait "dictée", accessible, par notre nature. Si ce n'est pas uniquement intellectuel, concrètement, vous parlez de quoi: effectivement certaines lois nous les trouvons injustes (et ce serait le cas pour tout un chacun vu que nous aurions une même nature)?

Je crois avoir à peu près répondu aux premières questions qui concernent les anciens (le mieux étant de les lire directement, pas nécessairement pour se laisser convaincre, quoi qu'il ne faille pas exclure cette possibilité a priori, mais pour comprendre d'où nous venons), sauf pour ce qui concerne Antigone. Je ne mettais pas Antigone comme origine historique de l'éclatement du problème de la justice et du droit naturel, c'est l'évènement qui est mis en scène dans cette pièce de théâtre, qui est significatif. Cet évènement, sa nature même veut qu'il puisse advenir n'importe où, n'importe quand. En revanche nous ne parlons pas alors simplement d'une rébellion ou d'une dissension dans un groupe, ce qui est très commun. Nous parlons de la perception même de l'injustice, de ce qui généralement reste dans l'obscurité, cette tendance à la justice en tant que telle, d'une justice qui exige pour elle-même l'éternité, fondée en éternité. L'évènement en lui-même implique la transcendance, le passage d'un plan à un autre plan. Et c'est ça qui est significatif, qui lui donne sa dimension proprement cosmique. (J'ai peur que ce soit encore moins clair... mais je vous fais confiance pour explorer tous les blocages !) 

J'en viens directement aux dernières questions. La raison se trouve aujourd'hui devant des problèmes anciens et, surtout, devant des problèmes inédits. La guerre est depuis longtemps l'un des problèmes qui préoccupent le plus les êtres humains. Mais la guerre n'est plus ce qu'elle était, par exemple entre l'empire perse et les cités grecques. Aujourd'hui il y a, pour faire court, "la bombe atomique". Bref, toutes les données des problèmes qui se posent à la raison ont été transformées par les évolutions historiques, à la fois sociales, politiques, et bien évidemment techniques, des derniers siècles jusqu'aux plus récentes, si bien que la raison doit innover, tout en trouvant dans son histoire des ressources immenses. Il n'est pas dit que nous parvenions à surmonter les difficultés qui se posent à nous. Il n'est pas dit non plus que ce soit la raison qui nous permettra d'y parvenir. La discussion argumentée à des limites internes (elle arrive à des prémisses, des présupposés qui ne peuvent plus être fondés par la discussion argumentée elle-même) et externes.

Il y a 17 heures, Ambre Agorn a dit :

Est-ce que ça se rapproche de l'idée que se faisaient les anciens quand ils voulaient définir ce qu'était la nature de l'être et donc en déduire le droit humain?

Sous-entendez-vous que les chrétiens d'aujourd'hui pensent différemment? De quels chrétiens parlez-vous?

Les chrétiens de l'antiquité et du moyen-âge ne valorisent pas l'enrichissement personnel par dessus tout. L'enrichissement ne peut être une bonne chose s'il n'est pas entièrement consacré à la gloire de Dieu (ou de la patrie, du moment qu'elle même se rattache à l'Eglise). Les protestants renversent cette perspective. Et dans certaines versions populaires du protestantisme (qui constituent elles-mêmes des déviations par rapports à la Réforme), l'enrichissement personnel devient le signe de l'élection divine. C'est un retournement considérable et qui n'est pas dénué d'ironie, quand on y pense... Quant aux chrétiens d'aujourd'hui, nous avons le plus souvent affaire à des chrétiens "sociologiques" et très, très rarement à des chrétiens en fait, en acte. L'éthique chrétienne est d'une exigence surhumaine. Les saints sont le "petit nombre" et il ne peut pas en aller autrement. En particulier à cause de la lutte à mort et véritablement désespérée qu'ils doivent livrer aux puissances spirituelles qui dominent le monde terrestre (argent, pouvoir, etc.).

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Bonjour Ambre Agorn,

 

Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

(ce n'était pas à moi que tu t'adressais, mais j'ai besoin de te poser quelques questions sur ce qui a été dit entre vous deux. D'ailleurs je m'excuse pour la chronologie, je risque de faire des écarts)

Il n'y a bien évidemment aucun souci d'aucune sorte à le faire, d'une part c'est un forum de discussions, donc ouvert à toute prise de " parole " par définition i.e. sans exclusivité, et d'autre part tu es l'autrice même de ce Topic, enfin ce n'est pas interdit ou prohibé dans les CGU du site.

 

 

Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

J'ai trouvé que @Loufiat m'avait fortement éclairci un point, soit sur quoi se base la législation en général: la peur de la mort.

Ah bon !?

L'élaboration et l'édition de Lois ne seraient que sur cette base ? Ne serait-ce pas plutôt un moyen de réguler les comportements humains vivant en société, pour la perduration de cette dernière ?

 

Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

Dans mes propres réflexions, j'en étais arrivée à un point où je me disais que c'était la seule peur en réalité et que toutes les peurs s'y reportaient. Je m'explique. Quelle que soit le nom de la peur que nous ressentons, elles ont toutes une seule et même source que j'appelais la peur de la mort (ou la peur de la perte).

Si je suis d'accord que toutes les peurs n'en sont qu'une, c'est sur l'émotion en elle-même, qui de surcroit n'a qu'un seul support biochimique identique dans tous les cas de figures, alors oui, il n'y a qu'une seule sorte de peur, déclinée en différentes modalités d'application sous des degrés d'intensité divers et qui répondraient à la question de " quoi ", un peu comme le goût salé qui se retrouve dans une myriade de plats ou d'aliments, il n'y a qu'un seul goût sensible pour nous à différents niveaux dans différents éléments culinaires. 

( La " peur " de la perte est plutôt une aversion ( déception, dégoût, peine anticipée, etc ), qu'une réelle peur ( effarouchement, effrayement, épouvante )

 

Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

Quand tu dis que "souffrir" est une peur plus forte encore que celle de la mort, et tu le "prouves" en t'appuyant sur les réponses le plus souvent reçues à cette question "que redoutes-tu le plus: mourir ou souffrir?", je me suis dis que peut-être que je me trompais quelque part. Voici comment je voyais les choses:

Quand je parle avec d'autres, il est évident que la souffrance est au cœur de leurs préoccupations, mais elle l'est uniquement parce qu'ils ne connaissent en général de la mort que la souffrance qui l'y précède, et celle qui est la leur quand ils perdent un être cher. Autrement dit, la souffrance est la seule expérience que l'on ait de la mort. Ainsi donc, répondre que la mort est naturelle et la souffrance redoutable, c'est presque une preuve de l'incompréhension, de l'inimagination, de l'impossibilité de se représenter ce qu'est la mort. Il y a aussi le fait que la souffrance est la représentation de la diminution de la vie (du potentiel de vie, du potentiel d'action), voire l'étape qui précipite la mort, et que la mort est vue comme la délivrance des soucis. Alors que la réalité me semble quasiment inverse. C'est à dire que la souffrance est la preuve qu'on est encore en vie, et la mort n'est qu'une extinction pure et simple, nullement une délivrance vu qu'il n'y a pas de "après"; ou alors c'est une personne croyant à une vie après la mort physique. Quand quelqu'un me répond qu'il n'a pas peur de la mort, mais peur de souffrir, je me demande quelle partie de lui-même répond: son corps, son mental, son expérience, son aspiration, autre, etc?

Je ne sais pas si j'ai été claire. Cela dit, il est probable que j'ai loupé quelque chose que tu aurais vu mieux que moi.

Je ne sais pas si j'y vois mieux que toi, disons que cela ne doit pas me turlupiner les méninges autant que toi, bien qu'étant plus proche de l'article de la mort que toi-même, statistiquement parlant.

Les stoïciens auraient dit et ils l'ont rabâché, c'est que " la mort n'est rien pour nous ", faisant sensiblement écho à ton analyse supra, en effet on ne peut redouter ou pâtir de ce qui n'est pas encore advenu, et une fois que la mort a frappé, nous ne sommes plus, par définition même de la mort, pour sentir, réfléchir à celle-ci et ainsi éventuellement s'en plaindre ou s'en lamenter; autrement dit, avant qu'elle ne soit elle n'est pas - encore, et une fois qu'elle est passée elle n'est déjà plus, c'est une frontière temporelle d'une épaisseur infinitésimale en somme.

À l'inverse, de passer de vie à trépas non pas en tant que concept abstrait, de même médicalement mal défini, mais comme sensation somatique, il y a un risque non négligeable d'un atermoiement dans la souffrance ou la douleur, ce dont chacun est plus ou moins conscient. Et effectivement cette peur de souffrir d'avant la mort prochaine ou d'une blessure non létale, est un mélange d'innée, d'acquis par ses propres expériences comme celles des autres rapportées, de sa propre sensibilité, de son éducation, de son rapport à son propre corps, etc... C'est la résultante de tout ceci qui nous fera " apprécier " l'acceptation de la douleur à venir, si tant est que l'on y ait réfléchi un tant soit peu avant. Ceux qui font des sports à hauts risques savent quelque part qu'ils risquent de mourir, je dirais abstraitement comme ils savent par exemple que la lune a une face cachée ou que Pi a un rapport avec le cercle dans son périmètre et sa surface, ou encore ceux qui partent parfois en guerre pour la première fois, il n'y a qu'au moment fatidique que le cerveau fera le rapprochement entre le vécu présent et l'implication concrète, tout comme pour le jeune enfant que l'on avertit et défend de mettre ses doigts dans l'espace des charnières d'une porte, qui pourtant " sait " qu'il ne faut pas le faire dans un coin de sa tête, mais ne comprend véritablement la conséquence de son geste qu'une fois les doigts écrasés par la fermeture de la porte. Dit autrement notre cognition n'est pas indépendante de notre corps, d'ailleurs aujourd'hui on parle volontiers de psychologie incarnée pour refléter cette nouvelle évidence, en grande partie soutenue par les neurosciences et l'imagerie médicale, et donc à l'exact opposé à présent de la vision dualiste cartésienne ! ( Et dire qu'on voit sieur Descartes comme un grand-homme, cela m'a toujours dépassé, je n'y avais vu que des banalités et surtout pas mal d'âneries déjà à l'époque où je l'avais lu. Épictète ou Aristote pourtant bien plus anciens, ont bien mieux traversés le temps je trouve ). En clair on ne peut pas séparer le corps de l'esprit, ni d'avec la mémoire, cela forme un tout holistique, qu'on ne peut séparer sans perdre en même temps la substantielle moelle de la compréhension !

 

 

Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

En fait, je voulais dire que nous n'avons pas besoin d'entendre les ultrasons et que c'est pour cela que nous ne les entendons pas. Parfois j'entends dire que maintenant, nous savons voler grâce à l'avion. Pardon, mais c'est l'avion qui vole, pas nous. Nous avons désiré voler, mais nous n'en n'avions pas besoin, alors nous n'avons pas appris à voler, nous avons simplement inventé un artifice qui nous permettait un simulacre de vol. Si nous avions besoin de savoir voler (et non plus uniquement le désir, mais la nécessité), alors nous apprendrions à voler. Je ne dis pas que ce serait faisable dans une vie humaine, ça prendrait sans doute plusieurs générations, mais la nécessité serait comme l'eau d'un barrage: elle appuierait en continue dans une direction et attendrait la moindre occasion pour suivre son cours. Ce ne serait pas en vue d'une finalité individuelle de gloire ou succès ou autre désir d'existence humaine, mais une nécessité dictée, un "poids" nous poussant à apprendre cette fonction.

Bravo, tu viens de redécouvrir la Théorie de l'évolution ! ( Je ne me moque pas, je te félicite si je peux me permettre )

Effectivement c'est l'environnement qui met à la fois la pression et qui favorise ou pénalise la sélection, d'ailleurs peu se souviennent sans doute que dans " L'origine des espèces " de C. Darwin, pour mettre sur pied sa " théorie " de la sélection naturelle, il s'est en réalité grandement inspiré de celle - sélection - artificielle opérée de mains d'hommes, de son temps !

 

Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

Je fais une différence entre responsable et coupable.  Je crois que la déresponsabilisation amène l'inconscience, l'infantilisation et l'assistanat, mais pas pour autant la situation de coupable. Soit on se considère coupable et on l'est tous, soit on n'est pas coupable et on l'est tous. Cela dit, la prise en charge de nos responsabilités est un pas nécessaire pour avoir la capacité d'agir convenablement ou de façon plus réfléchie, plus sobre.

Tu fais bien, culpabilité et responsabilité sont deux concepts corrélés, mais ne marchant pas toujours de concert.

Si je ne me trompe pas je te dirais bien de mémoire, puisque j'y avais songé il y a déjà fort longtemps, que l'on ne peut pas être coupable sans être aussi responsable(1), mais que l'on peut être responsable sans être coupable(2) étrangement a priori, tout comme si l'on est reconnu irresponsable on ne peut pas être par voie de conséquence coupable(3) !

La culpabilité laisse entendre une intention de nuire que ne fait pas la notion de responsabilité, qui quant à elle est dépendante de la pleine possession de ses facultés délibératives et que l'on soit la " cause " de l'évènement/grief.

 

(1) J'attends dans le couloir la venue d'untel et lui fais un croc-en-jambe au moment où il passe devant moi: je suis la cause de la chute de ce personnage, j'étais lucide au moment des faits, je serais reconnus coupable.

(2) Je bouscule untel en marchant car je ne regardais pas devant moi et que j'ai perdu mon équilibre, je le fais trébucher, je suis responsable mais je ne suis pas coupable de ses blessures éventuelles, c'était involontaire bien que j'en suis à l'origine.

(3) Je fais une crise d'épilepsie au moment où untel passe près de moi, je le fais tomber et il se cogne sévèrement la tête contre un rebord quelconque, il a de graves blessures cérébrale, pourtant je ne suis ni coupable, ni responsable de cet accident, c'était un acte totalement involontaire et non délibéré car j'avais perdu mes " moyens " d'être doué de raison à ce moment précis.

 

 

Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

En fait, je voulais dire qu'il y a différentes façons d'apprendre. On peut apprendre intellectuellement, de façon superficielle si je puis dire, ou subir lors d'un apprentissage, une mutation cellulaire qui va obliger l'organisme à agir différemment. C'est pour cela que je disais que les sciences étaient responsables de la limitations de nos capacités et que je dis qu'il faut apprendre à oublier. J'ai l'impression que certaine barrières, certains cadres doivent être brisés, certaines représentations doivent être abolies pour avoir accès à une volonté d'agir sur soi véritablement et durablement. Je pense que je rejoins un peu ce que tu dis quand tu parles de l'"ego roi" et tout ce qui en découle, et que moi je dis qu'il faut apprendre à oublier, oublier ce personnage ridicule et tyrannique, oublier tout ce qui est construit et appris en son nom, oublier les conditionnements génétiques, sociétaux, moraux et éducatifs. Ton "renoncer" m'y fait penser aussi.

D'un point de vue culturo-éducatif, on pourrait même aller jusqu'à parler de formatage des esprits, ou si le terme est trop fort ou connoté négativement, on pourrait employer le terme d'empreinte comme K. Lorentz l'avait fait en parlant de ses volatiles au moment de leur naissance.

Il y a toute une " colonne vertébrale psychique " qui se met en place dans les toutes premières années d'existence ( 7-8 ans environ, C.f.: Judith Rich Harris: Pourquoi les enfants deviennent ce qu'ils sont, par exemple ), ensuite tout vient se greffer dessus, toute nouvelle expérience est intégrée sous le prisme de cette ossature déjà rigide, afin qu'elle y trouve une place, qu'elle fasse sens avec la vision du monde qu'est déjà la sienne, très tôt des mécanismes se mettent en place aussi bien par le milieu extérieur qu'intérieurement pour éviter autant que faire se peut la dissonance cognitive, particulièrement inconfortable, car renvoyant justement à des émotions ancestrales des plus négatives, peur de l'inconnu, peur du rejet ou de la marginalisation, peur de l'isolement ou d'être seul ou encore face à seulement soi-même, peur de s'ennuyer ou de ne rien faire ou ne rien avoir à faire, peur de souffrir d'une manière ou d'une autre...

 

Il y a bien parfois enregistrement des troubles importants dans notre propre corps, pas tant au niveau cellulaire à proprement parler, mais dans la cellule à un niveau protéinique, en l'occurrence sur l'ADN, cette dernière n'est pas modifiée en elle-même, mais sa lecture est soit facilité soit rendu impossible sur certains tronçons, modifiant l'expression génétique de la cellule ou plutôt du groupe de cellules concernées, et ces modifications épigénétiques sont parfois transmissibles à la descendance ! C'est en Roumanie je crois, où il y a plusieurs dizaines d'années de jeunes femmes avaient été très durement touchées par un contexte alimentaire et social calamiteux, ces femmes qui avaient subi ce stress ont donné naissance à des enfants eux mêmes particulièrement sensibles au stress, ayant des paramètres physiologiques et corporels éloignés de la " normale " des autres époques ou des autres groupes de femmes n'ayant pas été touchées de plein fouet par ces circonstances. De même, des expériences sur des - pauvres - rates de laboratoire, honteusement stressées, a montré que le marquage épigénétique pouvait perdurer sur au moins 3 générations de la même descendance !

 

 

Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

Je te rejoint aussi quand tu dis qu'il faut apprendre à dompter ses affects/émotions/pulsions, mais je crois cela possible uniquement si on parvient à trouver dans son propre corps comment agir, par l'esprit, sur ses propres cellules. Quand je dis ça, en général, on me dis que je rêve et que c'est impossible. Alors que c'est totalement faux, mais que ce n'est pas pour autant facile ou donné à tout le monde d'y parvenir. Le corps est un formidable apprenti, et les cellules sont programmables. Dit autrement ça donne: on s'habitue à tout, et l'auto-suggestion, ou l'auto-hypnose, est une façon de se convaincre et d'apprendre.

Néanmoins la malléabilité du cerveau ou de " l'esprit " est inversement proportionnelle à son âge !

Par exemple sur le Climat, il a été montré par tranches d'âge, des plus jeunes au plus âgés, que malgré les mêmes informations factuelles dispensées aux différents groupes, plus les individus étaient jeunes, plus ils se sentaient concernés par ces problématiques, là où les plus anciens y étaient les plus réfractaires et imperméables. Une fois qu'une vision ou appréhension du monde est établie, et ce depuis fort longtemps, moins il y aura de chances qu'un changement advienne, sauf évènement cataclysmique dans la vie de tel ou tel individu, c'est-à-dire mis devant l'urgence impérieuse de la réalité du moment présent.

Le souci du changement, que si l'on veut qu'il soit mélioratif, demande des sacrifices, des efforts de chaque instant, apporte des difficultés, réclame de l'énergie et du temps à y consacrer régulièrement, etc... strictement à l'opposé de la tendance actuelle, de la facilité, de la rapidité, du sans effort, du pré-fait, du plaisant, etc... D'ailleurs, tout ceci a été parfaitement bien vu par S. Bohler dans son excellent livre " Le bug humain ". Nous avons plus que du mouron à nous faire, vu la pente " naturelle " du cerveau de l'être humain, absolument pas adapté à un monde d'opulence et de profusion, et même de saturation mentale, comme le rappelle quant à lui G. Bronner dans " La démocratie des crédules " par exemple.  

 

 

Il y a 19 heures, Ambre Agorn a dit :

Tu n'as peut-être pas bien compris.

Je ne parlais pas du tout d'une quelconque paix ou du répit. Au contraire, je crois que la guerre est la quotidien normal d'une personne saine d'esprit, sans pour autant se tromper sur l'identité de la cible, ni sur le genre de guerrier apte à cette guerre. Peut-être que le mot souplesse conviendrait mieux dans ma phrase à la place de légèreté?

Possiblement. Je ne peux répondre convenablement qu'à ce que j'ai moi-même digéré au préalable, si on me présente une chose nouvelle, je me retrouve aussi démuni que le commun des mortels le temps que je l'ausculte sous toutes les coutures.

D'un autre côté, si la parole est l'optimum - relativement - de ce qui existe pour communiquer entre deux cerveaux dans l'état actuel des choses, cela reste dans l'absolu très en deçà du maximum, ou de ce qui serait idéal, vu toutes les complications qui peuvent exister dont nous n'avons pas véritablement fait le tour jusqu'à présent dans nos échanges, métaphoriquement pour faire court, aujourd'hui on ne fait que donner au mieux quelques ingrédients que l'on arrive à lire sur l'étiquette de notre bocal d'une mixture réflexive propre, c'est-à-dire quelques idées ou pistes à l'autre, alors qu'on ne les donne pas tous car à un niveau parfois inconscient, et d'autre part, nous n'avons pas non plus retenu ou compris nous-même la recette du contenu vu que celle-ci aura pu se mettre en place depuis notre plus tendre enfance et agrémentée ci et là d'adjonctions maison au fil du temps, nous ne pouvons alors que donner le produit final à tester à notre interlocuteur, de son côté, muni des quelques ingrédients que nous lui avons dressé, il essaie tant bien que mal de retrouver/inférer une recette ou de faire avec ce qu'il a lui-même en magasin portant des noms d'ingrédients semblables, il a donc toutes les chances, avec ses propres recettes de cuisine dont il a peu conscience, de produire autre chose que ce qu'on lui avait soumis préalablement, chacun faisant en quelque sorte sa propre pitrouille machinalement en ne pouvant exhiber que des bribes d'information dessus, aussi bien le contenu précis que sa réalisation noyée dans notre propre temporalité existentielle. Tout sauf une sinécure !

 

Peut-être que la terminologie " guerre " est-elle ici trop forte, sans doute que " lutte " ou " adaptation " seraient plus appropriées ?

Remarque-bien que pris plus littéralement, il n'y aurait pas à faire la " guerre " si les gens étaient tous pourvus de suffisamment de raison, ils finiraient pas se respecter malgré les différences, trouver des solutions palliatives et efficientes, la plus à-propos dans chaque cas, ils réguleraient assez bien leur émotions et autres pulsions, réduisant à zéro les conflits, convoitises et les agressions, rendant caduque armée, gendarmerie, police et palais de Justice et autres textes de Lois...

On peut aussi le lire à l'envers, c'est en constatant la présence de ces différentes forces et instances régulatrices, que l'on peut être certain que - tous - les êtres humains sont très loin d'être en possession de leur raison, au même titre que la présence d'un extincteur trahit le risque d'incendie !

 

:bienvenue:

 

 

 

Modifié par deja-utilise
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Le 19/06/2022 à 13:15, deja-utilise a dit :

Oui, étant donné que la raison est antérieure à l'acte de parole, cette dernière n'en est qu'une facette, bien que pas n'importe laquelle, dans la mesure où le langage en retour influe sur l'extensivité de la raison, et ainsi de suite.

Bonjour !

Si je comprends correctement (tu diras), tu confonds intelligence et raison. Je crois saisir l'intérêt de cette réunion, à terme, peut-être, sans pouvoir l'appliquer à ce stade. L'intelligence me paraît n'avoir pas nécessairement besoin du raisonnement. L'intelligence inclue des phénomènes qui échappent à la raison, comme la saisie immédiate de certains objets, de pensée ou d'expérience, ou encore des capacités créatrices. Un ami d'enfance est un génie de la mécanique. Mais il est incapable de rendre compte de ce qu'il sait et fait. Lui-même est surpris par sa propre intuition, de savoir ce qu'il sait en situation. Sa saisie est immédiate quand le raisonnement embrouille et obscurcit ce qu'il sait. Alors que la raison est une médiation, mais pas une médiation vers l'intelligence : vers la sagesse. Intelligence et sagesse ne se confondent pas non plus. La sagesse est, à la rigueur, une forme d'intelligence particulière, morale (ou éthique si l'on préfère). C'est pourquoi je ne peux pas dire que les animaux sont raisonnables (quand certes l'être humain est très souvent déraisonnable), pourtant il est clair qu'ils sont intelligents. La raison est à mes yeux un objet (une puissance) trop spécifique pour être confondue avec l'intelligence ou avec la sagesse. Mais elle n'est pas sans rapport avec elles puisqu'elle implique une intelligence à l’œuvre et qu'elle est en elle-même une médiation, médiatrice vers la sagesse, du moins c'est sa raison d'être, ce qu'elle tend à être. En bref, donc, la raison est le moyen que se donne l'intelligence pour parvenir à la sagesse.

Le 19/06/2022 à 13:15, deja-utilise a dit :

Tu limites donc ton propos à la place de la raison dans l'histoire humaine.

Ce qui implique bien la raison en tant que telle. En quoi dès lors est-ce limiter, particulièrement ? Il me semble au contraire élargir la perspective habituelle.

Le 19/06/2022 à 13:15, deja-utilise a dit :

Si on regarde ce qui se passe par exemple chez les chimpanzés, notre plus proche " cousin ", dépourvus de parole articulée, ils sont organisés aussi de manière très hiérarchisée ( C.f. Frans de Waal, très grand primatologue actuel: Le bon singe, ou Le singe en nous, ou La politique du Chimpanzé ( non lu ) ), de façon similaire à celle des humains, pour une bonne et simple " raison ", c'est qu'ils répondent comme nous-même à des pulsions animales. La raison humaine aide seulement à trouver d'autres modes opératoires ou d'autres modalités d'application de la même tendance naturelle et commune aux primates et les autres animaux sociaux, d'ailleurs P. Jouventin pense que l'Homme aurait une organisation très similaire à celle des loups ( L'homme cet animal raté, P. Jouventin ). En clair, nous n'échappons pas à notre déterminisme biologique sur le fond, pas plus que de porter des vêtements ne changent quelque chose à ce qui se passe en nous, nous ne jouons que superficiellement, de manière épidermique, avec ce que nous sommes foncièrement. 

Ce paragraphe me semble quelque peu contradictoire, quand quelques échanges plus haut, tu reprochais au droit naturel de postuler une nature humaine, soit d' "essentialiser" l'être humain, quand, par rapport à ce que je suggérais, ton paragraphe est ici bien plus sévère et définitif dans ses conclusions. Mais c'est sans doute que je comprends mal ?

En fait, tes réponses provoquent un malaise chez moi parce qu'il me semble que tu introduis toi-même, en cherchant à les contrer, des confusions qui ne sont pas les miennes, qui n'ont pas trait à ce que j'ai pu écrire mais peut-être davantage à ce que tu penses ou comprends que j'écrirais. Par exemple sur la parole ou sur la question animale. Que l'homme soit un animal est une évidence, il n'y a pas là l'objet d'un débat. (Mais ce n'est pas un argument susceptible d'aller contre le droit naturel...) Pourtant cet animal est particulier, il a ses spécificités. Il n'y a pas de contradiction, sauf dans l'opposition de deux postures également caricaturales : l'homme est un animal, signifiant il n'a aucune particularité, ou au contraire, l'homme n'est pas du tout un animal, il a une supériorité absolue en vertu de... ceci ou cela. Que de telles postures existent ne nécessite pas que toute discussion doive se soumettre à leurs excès.

Le 19/06/2022 à 13:15, deja-utilise a dit :

Effectivement l'inceste ainsi revisitée, ne constitue pas un mode de fonctionnement permanent des peuplades ou peuples humains, ce n'est certainement pas ce qui en fait le ciment, bien que l'on remarquera que les sociétés entières sont bien souvent calquées sur le fonctionnement atomique familial, par exemple le patriarcat, y compris les religions monothéistes ! Nous ne faisons que réutiliser indéfiniment le même schéma/pattern, avec quelques micro-variantes ci et là selon le contexte, l'époque et les mœurs et/ou l'historicité locales. Existe t-il une société au-delà du degré de la tribu qui fonctionne ou ait jamais fonctionné sur un modèle hétérarchique ?

Mais je n'ai pas "revisité" l'inceste, D-U... je suis seulement (un peu) au courant des débats qui ont animé l'anthropologie jusque dans les années 80 à ce sujet. Il faut lire Claude Levi-Strauss par exemple, qu'on ne peut soupçonner d'avoir "revisité" l'inceste, mais plutôt d'être parvenu à une clarté et un degré d'élucidation inédit des implications de cet interdit. (Par exemple dans Anthropologie structurale.) L'interdit de l'inceste n'implique pas l'absence d'inceste, il implique seulement qu'il y ait des échanges entre les groupes, que les jeunes filles soient échangées plutôt qu'elles ne restent dans le giron de leurs géniteurs ou parents (car le père biologique n'est pas toujours le "père"). René Girard est allé plus loin, en proposant une théorie qui explique l'origine de cet interdit, là où Lévi-Strauss s'était arrêté.

Concernant ces micro-variantes, eh bien, si la nature humaine me semble assez stable en effet, je suis bien obligé de constater que des micro-variations aboutissent en la matière à des phénomènes et des résultats considérablement différents selon les lieux et les époques.

Le 19/06/2022 à 13:15, deja-utilise a dit :

 

Je ne sais plus à quel moment j'aurais du écrire ce qui va suivre lors de notre échange: parfois la raison suffisamment développée ou mature, conduit non pas à chercher un arrangement basé sur l'argumentation raisonnée - impossible, mais au contraire à la désobéissance, en l'occurrence civil, comme par exemple chez Henry David Thoreau, bien que je n'ai pas attendu de l'avoir lu, très récemment, pour m'en être enquis tout au long de mon existence...

Personnellement je ne vois aucune différence tangible entre des primates humains et non-humains de mon point de vue, c'est blanc bonnet et bonnet blanc, c'est-à-dire bien en-deça de ce que moi j'appelle la raison au sens plein du terme et pas seulement dans une seule de ses dimensions possibles extrêmement limitative et bien souvent intéressée, tel l'anthropocentrisme la plupart du temps, voire un cran en-dessous aussi, comme on peut le voir avec le nationalisme, le racisme ou le sexisme !

:bienvenue:

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Loufiat Membre 2 272 messages
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Le 19/06/2022 à 20:15, Ambre Agorn a dit :

Est-ce que ça se rapproche de l'idée que se faisaient les anciens quand ils voulaient définir ce qu'était la nature de l'être et donc en déduire le droit humain?

Je reviens une seconde sur cette question qui fait suite à l'exposé rapide de la notion de rationalité axiologique chez Max Weber. Le cas de cet auteur est intéressant (et très troublant) parce qu'il se tient également à distance des classiques et des modernes. Contre ses contemporains, il réaffirme l'importance des valeurs qu'il replace au centre des débats de son temps. Mais il s'éloigne également des classiques, des anciens, parce qu'il part du postulat que la raison est incapable de décider entre les valeurs qui sont exclusives entre elles, par exemple entre noblesse et bassesse. Mais Weber est incapable de ne pas porter lui-même des jugements qui supposent cette solution. Par exemple que la noblesse est supérieure à la bassesse. Il répète que finalement, il n'y aucun fondement que l'arbitraire à choisir entre embrasser une cause ou être un "spécialiste sans âme ni vision", et pourtant toute son œuvre est animée par le soucis d'échapper au nihilisme de ces spécialiste sans âme ni vision. Cette contradiction entre valeurs et indécidabilité est le moteur de sa notion de rationalité axiologique, qui est une sorte de compromis instable entre les conséquences nihilistes du préjugé qu'il admet et l'incapacité dans laquelle il est de ne pas porter des jugements de valeur. Il doit admettre les jugements de valeur et leurs implications, sans les admettre pour autant, en les maintenant constamment dans une sorte de distance, (il en fera sa méthode d'investigation : la "neutralité axiologique"). Ce postulat, ce préjugé que la raison est incapable de décider entre les valeurs (autrement dit la raison au sens plein est impossible ou impuissante), est propre à son temps et abouti aux déboires qui seront ceux de l'Europe et en particulier de l'Allemagne au 20eme siècle (et qui sont encore largement les nôtres). Les nazis porteront ce postulat nihiliste jusqu'à ses extrémités pratiques. La guerre vaut mieux que la paix (ce qui est paradoxale, puisque c'est annuler le conflit des valeurs). La destruction, la négation de toutes les valeurs est bonne en soi. Il n'y a pas de vérité mais seulement des visions du monde dont le seul critère est l'efficacité et la puissance, soit l'écrasement de l'une par l'autre. Bref la rationalité axiologique est une notion qui traduit l'éclatement ou la dégénérescence moderne de la raison.

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 727 messages
If you don't want, you Kant...,
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Bonsoir Loufiat,

j'ai pris le temps de relire tes posts pour être plus sûr de ne pas avoir zappé quelque chose de ta part, il appert que tu vois la raison comme une faculté générale là où j'avais donné l'idée d'un certain état d'esprit, nous ne nous focalisons manifestement pas sur les mêmes aspects et dans les mêmes perspectives, expliquant que nous ne nous comprenions pas alors même que nous disons assez similairement la même chose dans le fond, je crois que nous ne mettons pas les mêmes " signes " sur les mêmes " signifiés " en somme ( approche linguistique ).

 

Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

Si je comprends correctement (tu diras), tu confonds intelligence et raison.

Je vais juste redire ce que j'ai dit dès ma première intervention, peut-être légèrement différemment, il ne faut pas forcément rechercher qui implique quoi, ou qui est inclus strictement dans quoi, la réalité est bien plus intriquée et complexe qu'une simple relation unidirectionnelle. Il y a de l'intelligence dans la Raison et il y a de la raison dans l'Intelligence, tout dépend à ces moments là à quel sens interprétatif on se réfère. Je n'insiste pas, on ne ferait que répéter les mêmes choses chacun de son côté, parfois il suffit qu'il manque un simple ingrédient et la mécanique est bloquée, rendant impossible de s'approprier ce que l'autre dit.

 

Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

Je crois saisir l'intérêt de cette réunion, à terme, peut-être, sans pouvoir l'appliquer à ce stade. L'intelligence me paraît n'avoir pas nécessairement besoin du raisonnement. L'intelligence inclue des phénomènes qui échappent à la raison, comme la saisie immédiate de certains objets, de pensée ou d'expérience, ou encore des capacités créatrices. Un ami d'enfance est un génie de la mécanique. Mais il est incapable de rendre compte de ce qu'il sait et fait. Lui-même est surpris par sa propre intuition, de savoir ce qu'il sait en situation. Sa saisie est immédiate quand le raisonnement embrouille et obscurcit ce qu'il sait.

C'était redit différemment de ce que je viens d'écrire, quand bien même je pense que nous avons sensiblement la même chose en tête.

Toutefois, il existe plusieurs " formes " d'intelligence, dans le cas que tu cites ce serait l'intelligence cristallisée versus l'intelligence fluide, voire plusieurs intelligences tout court comme avec H. Gardner et ses intelligences multiples au nombre de 7 ou 8 et même un peu plus selon la chronologie des versions de son livre phare.

 

Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

Alors que la raison est une médiation, mais pas une médiation vers l'intelligence : vers la sagesse. Intelligence et sagesse ne se confondent pas non plus. La sagesse est, à la rigueur, une forme d'intelligence particulière, morale (ou éthique si l'on préfère). C'est pourquoi je ne peux pas dire que les animaux sont raisonnables (quand certes l'être humain est très souvent déraisonnable), pourtant il est clair qu'ils sont intelligents. La raison est à mes yeux un objet (une puissance) trop spécifique pour être confondue avec l'intelligence ou avec la sagesse.

Manifestement ! Bien qu'aucune de ces notions n'existe à l'état pur, elles sont toutes une sorte de mélange de tout cela à des degrés divers, la raison n'est jamais complètement détachée de l'intelligence, ni d'un minimum de sagesse, de même que l'intelligence n'est jamais totalement étrangère à la raison ou à la sagesse, et la sagesse non foncièrement indépendante d'une portion congrue de raison et d'intelligence.

 

Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

Mais elle n'est pas sans rapport avec elles puisqu'elle implique une intelligence à l’œuvre et qu'elle est en elle-même une médiation, médiatrice vers la sagesse, du moins c'est sa raison d'être, ce qu'elle tend à être. En bref, donc, la raison est le moyen que se donne l'intelligence pour parvenir à la sagesse.

Ce n'est sans doute pas aussi simple, mais encore une fois, nous nous tournons autour dans la valse des mots et des concepts tout en restant finalement proches.

 

Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

Ce qui implique bien la raison en tant que telle. En quoi dès lors est-ce limiter, particulièrement ? Il me semble au contraire élargir la perspective habituelle.

Par exemples, à cause de cela:

L'exercice de la raison suppose par exemple l'existence d'un espace public, entendu moins comme un lieu géographique que comme la possibilité pour les hommes de se réunir pour discuter et décider ce qui regarde le bien public, les affaires collectives, la justice, la constitution du groupe qu'ils forment (cité, nation, etc.). Cet espace public s'incarne dans des espaces géographiques (assemblées, forums, etc.).

Le présupposé fondamental, le préjugé sur lequel repose toujours finalement le développement de la raison, c'est que les hommes peuvent découvrir leur raison d'être et ce qui est bien, ce qu'il convient de faire, ce qui est juste, par la discussion argumentée.

[...]


La raison est l'activité humaine consistant à délibérer au moyen de la discussion argumentée. Mais les êtres humains ne délibèrent pas de n'importe quoi, ce sont les problèmes auxquels la vie humaine se confronte qui fournissent à la raison son occasion et sa matière, en particulier les problèmes du bien et de la justice.

 

 

On voit bien qu'il est question de délibération collective, " argumentée ", avec une ou quelques finalités quasi-fixistes prédéterminées ! Ça n'ouvre pas la notion de raison, mais ça la ferme ou la restreint à une volonté ou une intention contextuelle ou situationnelle.

 

 

Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

Ce paragraphe me semble quelque peu contradictoire, quand quelques échanges plus haut, tu reprochais au droit naturel de postuler une nature humaine, soit d' "essentialiser" l'être humain, quand, par rapport à ce que je suggérais, ton paragraphe est ici bien plus sévère et définitif dans ses conclusions. Mais c'est sans doute que je comprends mal ?

Possiblement, pour faire court, " essentialiser ", et je l'ai relu dans tes précédents messages, tu recherches une finalité à la nature humaine, son " être ", son essence, autrement dit son ontologie, qui à mes oreilles chantent les sirènes de la métaphysique ou quelque chose de cet acabit. Alors que de mon côté je fais plutôt allusion à des considérations phénoménologiques si je puis dire - ou factuelles, au plus près de ce que la Science peut nous instruire. Je ne fais alors que constater les grandes similarités entre les espèces dont seul l'Homme cherche à se séparer de tout temps, de se distancier par peur de perdre on-ne-sait-quoi de sa superbe, ou par orgueil ou vanité. Il est évident il me semble que le biologique nous condamne à des états de faits, on ne peut pas respirer dans l'espace, on ne peut pas supporter le froid plus que glacial en ce milieu, ni les rayonnements directs non atténués par l'atmosphère, bref nous sommes prisonniers d'une sorte d'homéostasie sur le très court terme, les mêmes causes produisant les mêmes effets, que l'on soit un être biologique de quelques centimètres ou de plusieurs tonnes, avec un cerveau de la taille d'une noisette ou d'une pastèque. Le constat de ses régularités est ce qui constitue la démarche scientifique, non de supputer des qualités - ou pires des finalités - transcendantes invérifiables en somme, c'est là la grande différence entre les " anciens " de l'antiquité et les savants modernes, on ne spécule plus sur l'essence de ceci ou de cela, on fait des hypothèses que l'on teste expérimentalement, si ces hypostases échouent elles sont purement et simplement évincées. La Science décrit ( comment ) et prédit ( combien ) grâce et par l'expérimentation, elle ne cherche plus à trouver les causes ( premières ) ou les finalités ( dernières ) depuis sa séparation d'avec la Philosophie perdue dans la seule Raison !

 

 

Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

En fait, tes réponses provoquent un malaise chez moi parce qu'il me semble que tu introduis toi-même, en cherchant à les contrer, des confusions qui ne sont pas les miennes, qui n'ont pas trait à ce que j'ai pu écrire mais peut-être davantage à ce que tu penses ou comprends que j'écrirais. Par exemple sur la parole ou sur la question animale. Que l'homme soit un animal est une évidence, il n'y a pas là l'objet d'un débat.

Je veux bien en convenir si tel est ton ressenti.

En revanche de mon point de vue, les choses sont foncièrement différentes si je peux me permettre, c'est comme si ta thèse était un bateau et que mes critiques ou réfutations - qui ne font pas mouche selon ton appréciation - étaient autant de trous dans la coque sous la ligne de flottaison, ça n'a sans doute l'air de rien de ton côté, mais pour moi, un seul de ces trous était une condamnation de la thèse soutenue, et étant donné que j'en ai formulés plusieurs, à mon sens je vois sombrer le Titanic lentement mais sûrement.

C'est un peu comme une démonstration mathématique ou même une conjecture, il suffit d'un malheureux contre-exemple pour ruiner tous les espoirs !

Là où tu vois par un biais d'optimisme de la raison en l'humain, je n'y vois que billevesée, au mieux " le verre à moitié plein " ne contient en réalité que quelques pauvres gouttes au fond, le reste n'étant que vacuité et surtout poudre aux yeux, quand on sait à quel point la " raison " peut aussi bien être employée ou utilisée pour faire le bien que son strict contraire, le Mal pris pour un bien par emballement, aveuglement ou cécité de la raison, que cette même raison peut nous amener à déformer la vérité ou même à mentir ou à raconter n'importe quoi ou tout simplement de se raconter des histoires ( C.f.: M. Gazzaniga, Le libre-arbitre et la science du cerveau ), à prendre de mauvaises décisions pour de bonnes raisons apparentes, etc... ( C.f.: Les décisions absurdes, de C. Morel ou encore L'empire de l'erreur ou L'empire des croyances, de G. Bronner ou encore Système 1, Système 2 de D. Kahneman et A. Tverski  et bien d'autres encore... )

En clair ou dit autrement, la raison dont tu loues les mérites n'est concrètement/effectivement qu'une raison utilitariste, tel que J.S. Mill l'aurait énoncé, même si je comprends bien que ton souhait serait certainement tout autre ! En effet, ce n'est pas par la discussion argumentée que les Hommes évoluent le plus, mais par l'accroissement de leur intelligence émotionnelle, ou ce que pour ma part, j'appellerais plus volontiers l'élévation des sensibilités ( ce qui est à l'extérieur de la notion de raison ) : de devenir réceptif ou sensible à...

 

Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

(Mais ce n'est pas un argument susceptible d'aller contre le droit naturel...) Pourtant cet animal est particulier, il a ses spécificités. Il n'y a pas de contradiction, sauf dans l'opposition de deux postures également caricaturales : l'homme est un animal, signifiant il n'a aucune particularité, ou au contraire, l'homme n'est pas du tout un animal, il a une supériorité absolue en vertu de... ceci ou cela. Que de telles postures existent ne nécessite pas que toute discussion doive se soumettre à leurs excès.

Oui, l'excès peut avoir comme avantage à faire ressortir certains aspects, à les rendre plus saillants. Mais je suis d'accord avec toi, il faut savoir raison garder, dit-on.

 

Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

Mais je n'ai pas "revisité" l'inceste, D-U... je suis seulement (un peu) au courant des débats qui ont animé l'anthropologie jusque dans les années 80 à ce sujet. Il faut lire Claude Levi-Strauss par exemple, qu'on ne peut soupçonner d'avoir "revisité" l'inceste, mais plutôt d'être parvenu à une clarté et un degré d'élucidation inédit des implications de cet interdit. (Par exemple dans Anthropologie structurale.) L'interdit de l'inceste n'implique pas l'absence d'inceste, il implique seulement qu'il y ait des échanges entre les groupes, que les jeunes filles soient échangées plutôt qu'elles ne restent dans le giron de leurs géniteurs ou parents (car le père biologique n'est pas toujours le "père"). René Girard est allé plus loin, en proposant une théorie qui explique l'origine de cet interdit, là où Lévi-Strauss s'était arrêté.

Je n'en doute pas, le terme " revisité " était mal approprié ou du moins mal associé, c'est le cadre que tu avais donné qui permettait de revisiter l'idée d'inceste, c'est-à-dire de construire ou édifier une société sur l'inceste comme on l'a construit sur la liberté ou l'égalité, n'était effectivement pas mon propos et donc je ne pouvais qu'être d'accord avec une telle approche historique. Mon intervention n'avait que pour mission de montrer que l'inceste pouvait être " institutionnalisée " par la tradition et massivement pratiquée, sans que cela pose manifestement une prise de conscience sociétale dans le pays concerné, je n'ai pas soutenu que cela en faisait un fondement procréatif. 

 

Il y a 10 heures, Loufiat a dit :

Concernant ces micro-variantes, eh bien, si la nature humaine me semble assez stable en effet, je suis bien obligé de constater que des micro-variations aboutissent en la matière à des phénomènes et des résultats considérablement différents selon les lieux et les époques.

Le temps joue un rôle non négligeable, couplé avec la manie de respecter les coutumes et autres traditions; supposons que toutes les lignes partent du même point, mais que certaines dévient seulement de 1% tous les X temps, il est clair qu'à un moment, ces lignes vont finir par décrire des courbes de plus en plus serrées, voire même des circonvolutions et autres " turbulences " pendant que d'autres auront voyagé différemment, à un moment elles ne seront plus du tout aux mêmes endroits, et même avoir abouti en des lieux diamétralement éloignés les uns des autres, parfois évoluant en " sens inverse ".

On pourrait le voir par exemple avec l'alimentation, chaque humain a le même besoin naturel de manger, mais les " modalités d'application " de nourriture sont très différentes d'une époque à une autre, d'un lieu à un autre, d'une culture à une autre, alors même que l'on sait que nous venons tous - les " hommes modernes " - d'un très lointain ancêtre commun africain, d'une même source commune au départ. 

La multiplication des hasards et des contingences, ainsi que des choix faits pour différentes raisons, aussi petits soient-ils finissent sur le temps long à rendre dissemblable toute chose, rendant caduque toute idée de finalité ou de convergence. Si les actes et les règlements sont différents, les leitmotivs primaires eux restent les mêmes, on peut avantageusement s'intéresser aussi à ce que R. Boudon a écrit dans Le vrai et le Juste.

 

Bonne soirée, D-U

 

 

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
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Bonjour @Loufiat

J'aimerais faire un ch'tit complément, qui n'est autre qu'un oubli de ma part:

 

Il n'aura pas échappé aux entomologistes et à de grands intellectuels que les fourmis sont extrêmement bien organisées socialement, mieux sans doute que n'importe laquelle des sociétés humaines présentes ou passées. Elles sont a priori pourtant dépourvues de la faculté de raison, c'est bien donc que cette dernière n'est pas nécessaire ou indispensable pour le vivre ensemble, elle est plutôt accessoire voire anecdotique pour/dans la vie de groupe. 

De même, je ne suis pas le premier à le dire ainsi, mais il est notable que la Raison est surtout au service de nos " Passions ", elle en est son serviteur et non l'inverse comme on se plait ou plairait à le penser, au final, pour les actions réalisées ou résultantes cela ne fait ainsi pas grande différence, étant donné que nos motivations profondes/intrinsèques sont d'ordre affectif, que cela passe par la moulinette d'une(de la) raison ou non, à la fin nos actes sont surtout empreints de ces volitions, orientées et en direction et même pour la satisfaction de ceux-ci ( affects ) ou celles-ci ( passions/pulsions ). 

D'ailleurs je suis surpris que tu n'aies pas répondu à la seule véritable question que j'ai posée depuis l'ouverture de ce Topic ( dans ma réponse d'avant celle d'hier ) au sujet d'un société humaine digne de ce nom fonctionnant ou ayant fonctionné sur un mode hétérarchique ?

 

De même j'aimerais ou j'apprécierais que tu me donnes une situation contextualisée assez concrète ou exemplaire de ce que tu entends par l'usage de la raison dans une discussion argumentée pour délibérer des affaires humaines ? Je te montrerais en quoi la raison y est défectueuse ou non la seule en lice...

Je te donne un premier exemple de la déraison humaine, qui repose comme tu l'as soulevé toi-même sur les habitudes ( traditions dans tes propos ) que je nommerais habitus ici comme P. Bourdieu, je le vois tous les jours de ma p*t* de vie sur les routes de France, quand bien même les gens seraient des êtres soit-disant de raison et qu'il existe un code de la route et même de fréquents contrôles, la totalité des conducteurs quasiment sans exception ne savent pas conduire correctement, ne serait-ce que sur les distances de sécurité que personne ne respecte pour ce qu'elles sont et à quoi elles servent réellement, tous conditionnés autant qu'ils sont par les " habitudes de la route " en tant que fait social, mais il en va de même sur celui du stockage des bagages dans le coffre, l'écrasante majorité du temps, il n'y en a pas un qui a manifestement compris les risques encourus en cas de choc avec quelque chose ou d'arrêt brutal, car pas un seul ne fait le rapprochement entre les phénomènes d'inertie enseignée à l'école et le fait d'entasser les bagages dans le coffre sans attache ou système de retenu quelconque, ils n'utilisent là encore que leur raison utilitariste, en fonction d'un but/objectif prédéfini, mettre leurs affaires dans la voiture, sans se soucier le moins du monde de ce qui est pourtant essentiel ou devrait l'être, leur sécurité ou celles des autres passagers ou bien des autres usagers de la route... Bref comme d'habitude selon mon regard acéré, du grand n'importe quoi, que l'on retrouve à tous les niveaux organisationnel des sociétés humaines dites civilisées ( à ce titre on pourra aussi s'intéresser à La civilisation des mœurs de N. Elias ) 

 

Bonne journée

 

 

 

 

 

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
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@Loufiat

 

Il ne s'agit pas de harcèlement, simplement je sens bien que quelque chose cloche dans ce que tu distilles dans ce fil de discussions, je m'interroge donc et cherche à trouver où se trouve le Shmilblick.

 

Je me demande si malgré un exposé plus que propre, une pensée ordonnée, surtout quand tu réponds à Ambre Agorn, il ne se cacherait pas autre chose tenue secrète ou non-dite, mais sciemment en ce qui te concerne, contrairement à la plupart des cas habituels dus surtout à de l'ignorance.

 

Je subodore que derrière une vision relativement argumentée exposée ici, il y aurait des racines " spiritualistes " de ta part, comme j'en ai perçus quelques indices disséminés ci et là dans les 3 pages de ce Topic ? Ceci expliquerait que je tique sur certains passages quand sur d'autres cela glisse correctement et sur lesquels je te suis sans arrière pensée, comme le subjectivisme culturel ou la non-extraction de sa propre culture, ce qui au final donne une vision différente pour toi et moi respectivement; nous aurions des ingrédients communs bien qu'étiquetés parfois différemment, mais qui donnent des plats finaux distincts car tu y adjoins un mode opératoire et d'autres éléments non mentionnés - gardés secret - pour présenter le résultat élaboré.

Il est clair aussi que tu as une très haute estime pour la Raison, elle fait à la fois partie de tes croyances, vu la foi que tu places en elle, et de ton système de valeurs ( rationalité axiologique dont tu as reparlé ) puisque tu y donnes une place de choix et même privilégiée. Dans de telles conditions, il te sera très difficile, comme pour n'importe qui dans ce même cas de figure d'ailleurs, de relativiser ou te distancier de cette attache fortement amarrée en toi, et donc a contrario de manifester une certaine promptitude à une forme de prosélytisme si j'ose dire et sans vouloir t'offenser le moins du monde.

 

 

                                                                         ********************

 

D'un autre côté, étant donné mon très haut niveau d'exigence, en toute chose, je reconnais si cela peut aider à comprendre un petit peu, que même les plus grands penseurs/intellectuel·le·s me paraissent déjà limite par moments aussi bien dans leur propre domaine de prédilection et encore plus au fur et à mesure qu'on s'en éloigne, autrement dit, si le meilleur de l'humanité est de mon point de vue très imparfait et en-deça de mes expectatives, on ne peut décemment pas s'attendre à ce que je trouve les gens " ordinaires " en possession de quoi que ce soit de remarquable, comme la Raison. Madame et monsieur tout le monde sont pilotés par bien des choses, mais rarement par autre chose qu'une rationalité instrumentale ou fonctionnelle, et donc une raison éponyme.

D'ailleurs si on fait un effort mental pour se saisir de ce qui va suivre, on comprendra - peut-être - ce que je tente sans doute maladroitement de signifier: supposons qu'une espèce soit constituée de membres atteints d'une forme de folie, dans la mesure où cette folie est commune à tous les individus de l'espèce moyennant quelques variations ou fluctuations statistiques autour d'une médiane/moyenne, on aura tôt fait, machinalement ou automatiquement à trouver cet état normal, par définition, cela constituera une " normalité " pour cette espèce, ainsi si il n'y avait aucun observateur pour faire un tel constat, il viendrait que cette folie serait normative et que donc, elle passerait totalement inaperçue, comme les idéologies très majoritaires cela-dit en passant, on devient insensible à ce qui est habituel, confondant ce caractère récurrent avec le naturel et de surcroit le normal, on fait inconsciemment un amalgame, ainsi on devient parfaitement aveugle - à ce que nous sommes, et bien, roulement de tambour... c'est exactement ce qui se passe avec l'espèce humaine, frappée de stupidité et de bêtise permanentes, au même titre qu'une odeur dans une pièce finit par ne plus être ressentie/perçue par notre odorat au bout d'un moment, il y a là aussi un phénomène d'habituation ! Nous sommes incapables de percevoir, hormis quelques spécialistes de la cognition ( dans la psychologie, sociologie et l'économie en l'occurrence mais pas uniquement ) notre propre connerie, y compris quand on utilise notre raison, qui n'est utilisée que comme un outil/moyen vers une fin, un objectif, un besoin, etc... ( C.f.: La psychologie de la connerie, sous la direction de F. Marmion, par exemple, pour une introduction sommaire. Aujourd'hui on peut même parler de conologie ! ), la raison ne préserve pas de la bêtise, elle y participe en tant que simple outil mis à disposition pour satisfaire autre chose qu'elle-même ( i.e. la raison ), elle n'est pas sa propre fin en somme !

Si la raison seule était auto-suffisante, l'esclavage aurait été décrié dès l'époque antique, en particulier chez les philosophes, les mieux placés pour le faire, il n'en est rien car aussi aveugles/insensibles que les autres ( pour la cécité cognitive se référer à Le gorille invisible, de C. Chabris et D. Simons ), tout comme la citoyenneté des femmes exclues du droit de vote au même moment, et plus près de nous toutes les formes de discrimination/ségrégation/exploitation quelles qu'elles soient ne devraient même pas exister, et pourtant, on privilégie encore son endogroupe tout le temps ( les hommes, les blancs, les hétéros, les " neuro-typiques ", notre communauté, les membres de notre famille, de notre quartier, de notre club, de notre nation, de notre espèce, etc...  n'importe quoi est prétexte à " Eux " et " Nous ", même pour des raisons frivoles, comme lors d'expériences en psychologie, avec des rubans de couleur, ou encore le nom de son équipe " les crotales " ou les " aigles "... )

 

 

Je ne suis pas sûr d'être convenablement entendu, car cela fait appel à bien des disciplines différentes, qui fort heureusement sont convergentes pour mon propos, que si elles te sont inconnues, méconnues ou étrangères ne peut que te donner une appréhension foncièrement différente de la mienne. Si certes chacun de nous a un caléidoscope devant les yeux et donc voit le monde de manière déformée à travers son propre filtre, il m'est plus aisé ou plus propice d'y voir clair avec une approche polymathique qu'une seule comme " la littérature " ou tout autre chose unitaire, je me range derrière E. Morin qui a développé une grande partie de sa vie de philosophe quasiment un seul concept/idée, celui de " pensée complexe ", appelé de ses vœux, et appliqué quotidiennement par moi-même ( bien avant de l'avoir lu qui plus est )... 

Il y a deux écueils au Savoir, soit être un spécialiste extrême, autrement dit savoir beaucoup sur peu, ou soit être comme l'individu lambda/Tartempion, de savoir très peu sur beaucoup de choses. Je pense que la polymathie évite au mieux ces deux travers falsificateurs et toutes les conséquences plus ou moins désastreuses, déjà sur un plan purement intellectif !

 

Bien cordialement, D-U

 

Nota Bene: en espérant ne pas t'avoir chiffonné outre mesure, ou pire, maladroit que je peux être parfois, focalisé que je suis souvent sur le fond de ma pensée au détriment du reste.

 

 

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Ambre Agorn Membre 2 067 messages
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Bonsoir deja-utilise

Le 20/06/2022 à 19:22, deja-utilise a dit :

Il n'y a bien évidemment aucun souci d'aucune sorte à le faire, d'une part c'est un forum de discussions, donc ouvert à toute prise de " parole " par définition i.e. sans exclusivité, et d'autre part tu es l'autrice même de ce Topic, enfin ce n'est pas interdit ou prohibé dans les CGU du site.

Oui, c'est vrai. Cela dit, ayant remarqué que tu es pointilleux sur le fait de répondre chronologiquement, je ne voulais pas être insensible sur ce point

Le 20/06/2022 à 19:22, deja-utilise a dit :

Ah bon !?

L'élaboration et l'édition de Lois ne seraient que sur cette base ? Ne serait-ce pas plutôt un moyen de réguler les comportements humains vivant en société, pour la perduration de cette dernière ?

En fait, j'ai parlé trop vite. Je m'en excuse

Quand j'ai lu ceci de @Loufiat, j'avais en tête quelque chose qui m'était arrivé et qui m'avais mise face à l'absurdité de certaines lois. Je n'arrivais pas à voir le schéma logique que pouvait suivre ces lois. Et, sur le coup, pour cet exemple précis, je trouvais réponse à mon incompréhension...d'où ma réflexion (qui m'a valu ton étonnement). J'ai donc parlé trop vite, car je n'ai pas cherché plus loin ni confronté d'autres situations ou d'autres lois. Je n'y ai pas remis le nez dedans, mais je vois bien que ce n'est pas un sujet que j'ai suffisamment potassé pour en dire véritablement quelque chose d'intelligent!

Cela dit, vu les résultats, même si les lois servaient à réguler les comportements humains vivant en société, elles ont l'air plutôt inefficaces.

Le 20/06/2022 à 19:22, deja-utilise a dit :

Si je suis d'accord que toutes les peurs n'en sont qu'une, c'est sur l'émotion en elle-même, qui de surcroit n'a qu'un seul support biochimique identique dans tous les cas de figures, alors oui, il n'y a qu'une seule sorte de peur, déclinée en différentes modalités d'application sous des degrés d'intensité divers et qui répondraient à la question de " quoi ", un peu comme le goût salé qui se retrouve dans une myriade de plats ou d'aliments, il n'y a qu'un seul goût sensible pour nous à différents niveaux dans différents éléments culinaires. 

Oui, exactement, je n'ai pas su aussi bien le dire.

 

Le 20/06/2022 à 19:22, deja-utilise a dit :

Tu fais bien, culpabilité et responsabilité sont deux concepts corrélés, mais ne marchant pas toujours de concert.

Si je ne me trompe pas je te dirais bien de mémoire, puisque j'y avais songé il y a déjà fort longtemps, que l'on ne peut pas être coupable sans être aussi responsable(1), mais que l'on peut être responsable sans être coupable(2) étrangement a priori, tout comme si l'on est reconnu irresponsable on ne peut pas être par voie de conséquence coupable(3) !

La culpabilité laisse entendre une intention de nuire que ne fait pas la notion de responsabilité, qui quant à elle est dépendante de la pleine possession de ses facultés délibératives et que l'on soit la " cause " de l'évènement/grief.

 

(1) J'attends dans le couloir la venue d'untel et lui fais un croc-en-jambe au moment où il passe devant moi: je suis la cause de la chute de ce personnage, j'étais lucide au moment des faits, je serais reconnus coupable.

(2) Je bouscule untel en marchant car je ne regardais pas devant moi et que j'ai perdu mon équilibre, je le fais trébucher, je suis responsable mais je ne suis pas coupable de ses blessures éventuelles, c'était involontaire bien que j'en suis à l'origine.

(3) Je fais une crise d'épilepsie au moment où untel passe près de moi, je le fais tomber et il se cogne sévèrement la tête contre un rebord quelconque, il a de graves blessures cérébrale, pourtant je ne suis ni coupable, ni responsable de cet accident, c'était un acte totalement involontaire et non délibéré car j'avais perdu mes " moyens " d'être doué de raison à ce moment précis.

Est-ce que tu me donnes ces exemples pour illustrer ce que serait alors l'application de la loi? Il m'est arrivé de faire des choses que les autres ont jugées mauvaises: je suis devenue coupable à leurs yeux. Pour autant, je n'arrivais pas à reconnaître ma culpabilité. Bien sûr, on pourrai me rétorquer que j'étais alors de mauvaise foi et qu'il était donc facile de me sentir innocente. Je reconnaissais mes erreurs, mon imbécilité, mon immaturité, mes incohérences, je voyais, avec ma vision du présent sur le passé, ce qui pouvait être répréhensible. Pourtant, je savais aussi que sur le moment, je n'avais pas suffisamment de recul ou de possibilité pour m'apercevoir de ce qui pourrait advenir à la suite de mes actes. Même quelqu'un qui fait un croc-en-jambe, n'est pour moi pas coupable. S'il savait véritablement les implications d'un tel acte, alors il n'aurait pas fait ce croc-en-jambe. L'ignorance est peut-être la plus grosse tare de l'humain et, paradoxalement, peut-être aussi sa plus grande chance.

Dans le second exemple, l'erreur est toujours un manque d'attention. Beaucoup d'erreurs et de maltraitances pourraient être évitées si on s'entraînait à plus d'attention, de précision, de discipline.

Dans le troisième exemple, c'est juste la manifestation du monde, ce que d'autres appellent la chance. Un jour on m'avait dit ceci: "Image que tu doives lacer tes chaussures en montagne. Qu'est-ce qui décidera ou empêchera un rocher de te tomber sur la tête? Tu ne peux pas savoir, tu ne peux pas éviter, la seule chose que tu puisses faire c'est t'appliquer à faire tes lacets, rien d'autre."

Le 20/06/2022 à 19:22, deja-utilise a dit :

Il y a bien parfois enregistrement des troubles importants dans notre propre corps, pas tant au niveau cellulaire à proprement parler, mais dans la cellule à un niveau protéinique, en l'occurrence sur l'ADN, cette dernière n'est pas modifiée en elle-même, mais sa lecture est soit facilité soit rendu impossible sur certains tronçons, modifiant l'expression génétique de la cellule ou plutôt du groupe de cellules concernées, et ces modifications épigénétiques sont parfois transmissibles à la descendance ! C'est en Roumanie je crois, où il y a plusieurs dizaines d'années de jeunes femmes avaient été très durement touchées par un contexte alimentaire et social calamiteux, ces femmes qui avaient subi ce stress ont donné naissance à des enfants eux mêmes particulièrement sensibles au stress, ayant des paramètres physiologiques et corporels éloignés de la " normale " des autres époques ou des autres groupes de femmes n'ayant pas été touchées de plein fouet par ces circonstances. De même, des expériences sur des - pauvres - rates de laboratoire, honteusement stressées, a montré que le marquage épigénétique pouvait perdurer sur au moins 3 générations de la même descendance !

Tu en sais visiblement beaucoup plus que moi! Je ne sais que dire. Je sais juste que j'ai un pouvoir sur moi-même que personne ne m'a appris et que je ne vois de témoignage nul part (mais je ne bouge pas beaucoup, alors c'est difficile aussi!). Alors, en parler devient une gageure. Je ne suis pas équipée pour communiquer sur ce point.

 

Le 20/06/2022 à 19:22, deja-utilise a dit :

Possiblement. Je ne peux répondre convenablement qu'à ce que j'ai moi-même digéré au préalable, si on me présente une chose nouvelle, je me retrouve aussi démuni que le commun des mortels le temps que je l'ausculte sous toutes les coutures.

Ho! Je ne voulais pas dire que tu ne "comprenais pas les choses". J'aurai dû dire: "je me suis mal exprimée, alors tu n'as pas compris ce que j'ai écris".

Je voulais dire que lorsque j'ai accepté le fait que j'étais avant tout un animal, j'ai lâché des idées de devenir quelqu'un, de faire ce que les autres attendaient de moi, des idées de grandeur, de destinée, j'ai lâché l'idée de changer les autres, ou qu'ils soient coupables, justes incapables, j'ai compris que j'étais, que nous étions en devenir, immatures, j'ai lâché de la culpabilité qui n'avait pas lieu d'être. Mais du fait de me rendre compte de ceci m'ouvrait un devoir, un engagement profond pour ce que je suis, une inaliénable obligation de toujours faire de mon mieux, et non pas uniquement ce que je m'imaginais être mon mieux. L'exemple des animaux me montre des limites auxquels je crois et qui ne sont en réalité que barrières mentales. Ma capacité de m'extraire et de m'observer ne me rend pas plus grande ou plus importante, elle me rend plus responsable et me charge du devoir d'en être digne.

Cela dit, je sais bien qu'il faut avoir accès à mon paramétrage précédent ce "soulagement" pour comprendre ce que je voulais dire. Ce ne sont que mots en l'air au final, qui ne sont que le pâle reflet de ce qui se passe.

Le 20/06/2022 à 19:22, deja-utilise a dit :

Peut-être que la terminologie " guerre " est-elle ici trop forte, sans doute que " lutte " ou " adaptation " seraient plus appropriées ?

Je suis encore bien jeune, alors je pêche parfois par excès. Je t'accorde "lutte" au lieu de "guerre"!

 

Le 20/06/2022 à 19:22, deja-utilise a dit :

Remarque-bien que pris plus littéralement, il n'y aurait pas à faire la " guerre " si les gens étaient tous pourvus de suffisamment de raison, ils finiraient pas se respecter malgré les différences, trouver des solutions palliatives et efficientes, la plus à-propos dans chaque cas, ils réguleraient assez bien leur émotions et autres pulsions, réduisant à zéro les conflits, convoitises et les agressions, rendant caduque armée, gendarmerie, police et palais de Justice et autres textes de Lois...

On peut aussi le lire à l'envers, c'est en constatant la présence de ces différentes forces et instances régulatrices, que l'on peut être certain que - tous - les êtres humains sont très loin d'être en possession de leur raison, au même titre que la présence d'un extincteur trahit le risque d'incendie !

Ho! Je ne parlais que d'une guerre avec soi-même, toutes autres ne sont que le reflet, l'incarnation de ce qui devrait rester une guerre intérieure.

La raison "pure" mènerait à une mort certaine. Les pulsions et les émotions "pures" mèneraient à une mort certaine. Bien souvent, c'est une incapacité à l'équilibre, à la sobriété qui engendre l'irrespect de soi, des autres, de l'environnement, de la vie en général.

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Loufiat Membre 2 272 messages
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Bonjour D-U,

Tu me trouves bien heureux de tes réponses et sollicitations, loin d'y voir un harcèlement.

Je ne reprends de tes écrits, que j'ai bien lus entièrement, que ce qui me semble poser problème :

Le 21/06/2022 à 23:02, deja-utilise a dit :

(...) je l'ai relu dans tes précédents messages, tu recherches une finalité à la nature humaine, son " être ", son essence, autrement dit son ontologie, qui à mes oreilles chantent les sirènes de la métaphysique ou quelque chose de cet acabit. Alors que de mon côté je fais plutôt allusion à des considérations phénoménologiques si je puis dire - ou factuelles, au plus près de ce que la Science peut nous instruire.

Pour clarifier ce point, je suggère une distinction de registre. Pour le moment, sur ce fil, je me suis contenté d'exposer des façons de penser, en particulier celle des anciens. Je n'ai pas pris position à titre personnel entre les anciens et les modernes ou pour telle doctrine. Il y a seulement deux points où j'ai occupé une place active : dans la façon d'appréhender "la raison" (délibération par la discussion argumentée, etc.) et sur la permanence relative des problèmes auxquels font face les êtres humains (en particulier dès lors qu'ils vivent en groupes), qui donnent "son occasion et sa matière à la raison". Je dis "permanence relative" de ces problèmes, car je me suis gardé de parler d'universels ou d'employer d'autres termes qui impliquent cette fixité que tu dénonces, pour parler d' "impondérables". Je laisse en suspend la question de savoir jusqu'à quel point ces impondérables le sont. Un moine ermite ne fait sans doute pas face aux mêmes impondérables qu'un homme d'Etat.

Si, maintenant, je dois prendre position, je dois dire que je suis très réticent devant la façon dont nous sommes aujourd'hui enclins à balayer d'un revers toute question concernant les finalités de la vie humaine. Car tu n'es pas le premier à me faire ce procès en 'essentialisme' alors que j'expose des points de doctrine chez les anciens. Je trouve cela curieux. Au vrai, comment faire l'économie d'une réflexion sur les finalités de l'existence, sur les valeurs ? Lorsque tu agis, lorsque tu portes des jugements, par exemple que les êtres humains sont déraisonnables et inconséquents, ou bien qu'il faille favoriser la sécurité lorsqu'on prend la voiture, ne vois-tu pas que tu introduis de fait de telles finalités ? Lorsque tu expliques te rapprocher de l'ataraxie, n'es-tu pas en train de dire qu'à titre personnel, au moins, c'est la finalité de ce que tu entreprends, ce que tu trouves conforme à ton bien ? 

Finalement, on se retrouve avec (je ne parle pas de toi spécialement), comme métaphysique ne voulant plus dire son nom, s'ignorant elle-même (donc sujette à tous les retournements), une anti-métaphysique. C'est toute la position d'un Camus (lorsqu'il allait mal), que je n'ai jamais pu comprendre dans le fond : l'absurde comme métaphysique, élevé au rang de raison d'être. (A la fin de sa vie, lorsqu'il est allé mieux, ses écrits avaient une toute autre teinte). Et aujourd'hui tous répètent à satiété que la vie humaine est sans objet, sans destination particulière, que l'absurde est tout ce qu'il y a. Ça me semble d'une grave inconséquence.

Enfin, si, donc, je n'exclue pas que l'existence ait des finalités, peux-tu dire où précisément j'ai introduis de telles finalités, et en quoi elles sont fixistes (et peux-tu préciser ce que ça signifie ?)

Le 21/06/2022 à 23:02, deja-utilise a dit :

En clair ou dit autrement, la raison dont tu loues les mérites n'est concrètement/effectivement qu'une raison utilitariste, tel que J.S. Mill l'aurait énoncé, même si je comprends bien que ton souhait serait certainement tout autre ! En effet, ce n'est pas par la discussion argumentée que les Hommes évoluent le plus, mais par l'accroissement de leur intelligence émotionnelle, ou ce que pour ma part, j'appellerais plus volontiers l'élévation des sensibilités ( ce qui est à l'extérieur de la notion de raison ) : de devenir réceptif ou sensible à...

Je ne crois pas avoir loué particulièrement les mérites de la raison. Peux-tu me dire ce qui t'a fait penser ça dans mes messages ?

Le 21/06/2022 à 23:02, deja-utilise a dit :

La multiplication des hasards et des contingences, ainsi que des choix faits pour différentes raisons, aussi petits soient-ils finissent sur le temps long à rendre dissemblable toute chose, rendant caduque toute idée de finalité ou de convergence. Si les actes et les règlements sont différents, les leitmotivs primaires eux restent les mêmes, on peut avantageusement s'intéresser aussi à ce que R. Boudon a écrit dans Le vrai et le Juste.

Je ne suis pas si sûr que toi de cette absence de finalité ou de convergence. Peut-être est-ce mon refus de cette position (dogmatique à mon avis) qui induit un blocage ?

Qu'a écris Boudon dans le vrai et le juste, à quoi penses-tu ?

Le 22/06/2022 à 06:53, deja-utilise a dit :

Il n'aura pas échappé aux entomologistes et à de grands intellectuels que les fourmis sont extrêmement bien organisées socialement, mieux sans doute que n'importe laquelle des sociétés humaines présentes ou passées. Elles sont a priori pourtant dépourvues de la faculté de raison, c'est bien donc que cette dernière n'est pas nécessaire ou indispensable pour le vivre ensemble, elle est plutôt accessoire voire anecdotique pour/dans la vie de groupe. 

Mais je n'ai pas écris que la raison était nécessaire ou indispensable. J'ai au contraire écris qu'elle constituait une exception. Rares sont les groupes humains où la délibération se fait par la discussion argumentée, plus rares encore où les institutions reposent explicitement sur elle. (Ce qui n'est pas dire que ces institutions sont idéales, ou que la raison y est seule maîtresse.)

Le 22/06/2022 à 06:53, deja-utilise a dit :

D'ailleurs je suis surpris que tu n'aies pas répondu à la seule véritable question que j'ai posée depuis l'ouverture de ce Topic ( dans ma réponse d'avant celle d'hier ) au sujet d'un société humaine digne de ce nom fonctionnant ou ayant fonctionné sur un mode hétérarchique ?

Je devrai revenir sur cette question. En attendant, puis-je te demander si l'anarchie (ou hétérarchie) est, selon toi, ce qu'une société humaine peut viser de meilleur, de plus équilibré ou autre ? Pourquoi cette question de l'hétérarchie est-elle importante ?

Le 22/06/2022 à 06:53, deja-utilise a dit :

De même j'aimerais ou j'apprécierais que tu me donnes une situation contextualisée assez concrète ou exemplaire de ce que tu entends par l'usage de la raison dans une discussion argumentée pour délibérer des affaires humaines ? Je te montrerais en quoi la raison y est défectueuse ou non la seule en lice...

Eh bien par exemple il y a les tribunaux et plus généralement la Justice (majuscule pour l'institution). Ou encore, il y a la science entendue comme un "champ" constitué par les controverses et où les meilleures explications sont sensées l'emporter.

Tu n'as pas besoin de montrer que la raison serait défectueuse ou seule en lice car je ne l'ai pas affirmé. J'ai précisé à plusieurs reprises que la raison trouve des limites internes et externes. 

Il y a 20 heures, deja-utilise a dit :

Je subodore que derrière une vision relativement argumentée exposée ici, il y aurait des racines " spiritualistes " de ta part, comme j'en ai perçus quelques indices disséminés ci et là dans les 3 pages de ce Topic ? Ceci expliquerait que je tique sur certains passages quand sur d'autres cela glisse correctement et sur lesquels je te suis sans arrière pensée, comme le subjectivisme culturel ou la non-extraction de sa propre culture, ce qui au final donne une vision différente pour toi et moi respectivement; nous aurions des ingrédients communs bien qu'étiquetés parfois différemment, mais qui donnent des plats finaux distincts car tu y adjoins un mode opératoire et d'autres éléments non mentionnés - gardés secret - pour présenter le résultat élaboré.

Il est clair aussi que tu as une très haute estime pour la Raison, elle fait à la fois partie de tes croyances, vu la foi que tu places en elle, et de ton système de valeurs ( rationalité axiologique dont tu as reparlé ) puisque tu y donnes une place de choix et même privilégiée. Dans de telles conditions, il te sera très difficile, comme pour n'importe qui dans ce même cas de figure d'ailleurs, de relativiser ou te distancier de cette attache fortement amarrée en toi, et donc a contrario de manifester une certaine promptitude à une forme de prosélytisme si j'ose dire et sans vouloir t'offenser le moins du monde.

Je pense que c'est l'inverse. Je suis sur la réserve, à titre personnel. D'autre part il est exact que je n'exclue pas d'autres modes d'appréhension du réel. Je n'exclue pas le divin par exemple. Mais là encore, c'est tout un ensemble de malentendus et d'imbroglios qui viennent interférer, aussi je préfère ne pas entrer dans ces débats, qui ne m'intéressent pas, sauf rares exceptions (et je n'ai à convaincre quiconque, n'ayant pas moi-même de conviction arrêtée, il s'agit d'avantage, là aussi, d'une recherche. Mais je me garderai de faire intervenir dans un débat ici, en philo, ce qui ne relève plus de la discussion argumentée. Je me contente de recherches "philologiques" (en amateur), pour employer un terme pompeux).

Il y a 20 heures, deja-utilise a dit :

Nota Bene: en espérant ne pas t'avoir chiffonné outre mesure, ou pire, maladroit que je peux être parfois, focalisé que je suis souvent sur le fond de ma pensée au détriment du reste.

Tu ne me chiffonne pas, ne t'inquiète pas pour ça, nous sommes entre grandes personnes, capables de revoir leurs jugements, d'admettre que l'autre soit différent, il n'y aucun problème. Au contraire ces échanges permettent de clarifier nos idées, pour quoi je dois te remercier.

Bonne journée

 

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Membre, If you don't want, you Kant..., Posté(e)
deja-utilise Membre 5 727 messages
If you don't want, you Kant...,
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Bonjour Ambre Agorn,

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Oui, c'est vrai. Cela dit, ayant remarqué que tu es pointilleux sur le fait de répondre chronologiquement, je ne voulais pas être insensible sur ce point

Je vois, c'était par respect envers mes correspondants que vous êtes que je l'ai fait, même si j'avais également dit que j'étais quelque peu psychorigide, j'ai appris par la force des choses à une plus grande flexibilité et patience: De m'être mis en couple, d'avoir eu des enfants, un travail en lien avec beaucoup d'interlocuteurs de sources, personnalités et qualités fort différentes, et une activité forumique de dix ans.

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Je n'y ai pas remis le nez dedans, mais je vois bien que ce n'est pas un sujet que j'ai suffisamment potassé pour en dire véritablement quelque chose d'intelligent!

Peut-être pas à ce point là à la vue de tes explications, disons que localement ( en étendue et temporellement ) c'était sans doute pertinent pour toi, ce n'est pas forcément une question d'intelligence dont il est question, mais bien plutôt de conditions de véracité ou de cadre de validité.

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Cela dit, vu les résultats, même si les lois servaient à réguler les comportements humains vivant en société, elles ont l'air plutôt inefficaces.

La toute fin de ma phrase était capitale, ce n'est pas tant dans le but de réguler les comportements pour le " bien-être " des membres humains de ladite société, mais pour La Société en tant qu'entité elle-même, en tant que tout, à l'instar d'un organisme vivant si tu veux, c'est bien l'organisme qui tente de perdurer quitte à sacrifier, détruire et/ou reconstruite une partie de ses cellules/éléments/organes, de même c'est La Société qui s'auto-régule à travers ses constituants pour ne pas péricliter ou disparaitre, le Tout étant plus que la somme de ses parties. 

 

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Est-ce que tu me donnes ces exemples pour illustrer ce que serait alors l'application de la loi?

Oui des illustrations grossières de ma part, pour donner un ordre d'idées.

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Il m'est arrivé de faire des choses que les autres ont jugées mauvaises: je suis devenue coupable à leurs yeux. Pour autant, je n'arrivais pas à reconnaître ma culpabilité. Bien sûr, on pourrai me rétorquer que j'étais alors de mauvaise foi et qu'il était donc facile de me sentir innocente. Je reconnaissais mes erreurs, mon imbécilité, mon immaturité, mes incohérences, je voyais, avec ma vision du présent sur le passé, ce qui pouvait être répréhensible. Pourtant, je savais aussi que sur le moment, je n'avais pas suffisamment de recul ou de possibilité pour m'apercevoir de ce qui pourrait advenir à la suite de mes actes.

C'est là justement que Loufiat a bien fait de parler du côté législatif ou juridique des règles sociales et de l'autre, celui de la Morale, dont j'adjoindrais un troisième auquel nous avons eu affaire sur un autre topic: la rationalité.

On peut donc appréhender tout problème de relations et d'évènements entres individus sous le spectre de la Justice, de la Morale ou de la Rationalité dont la Logique n'en est qu'une sous partie restrictive, j'exclue volontairement les actes marchands, de soins, etc... trop éloignés de ce que l'on cherche à faire, entre autre à justifier le ou les comportements produits. Je te rappelle sur un plan rationnel, que cela est dépendant de l'observateur, car tout dépendra des briques que l'on a bien voulu mettre au départ de notre raisonnement, et il est fort probable qu'entre la " victime " et le " responsable/accusé " il n'y ait justement pas des prémisses identiques ! Conduisant inexorablement à un constat différent. Ne partant pas du même lieu, nous ne pouvons guère espérer arriver au même endroit avec le même cheminement intellectif.

C'est pourquoi aussi on ne juge pas un enfant ou une personne gâteuse de la même manière qu'une personne mature et en possession de ses moyens cognitifs normaux: un adulte ordinaire ou tout venant.

 

Rassure-toi, j'ai aussi fait bien des bourdes par le passé, qui avant de les commettre n'ont pas réussi à allumer suffisamment le signal d'alerte et de retenue dans mon ciboulot, parfois en une fraction de seconde les choses basculent, et en ce court laps de temps il y a pourtant eu un calcul pendant l'action, ou juste avant, mais quelque chose à empêcher d'atteindre le cortex cérébral pour mieux peser ce qui aller arriver après. Parfois c'est simplement un manque d'imagination, d'expérience ou de capital inné d'hypersocialisation - propre aux " normotypiques " ( d'ailleurs une fois j'avais lu que quelqu'un s'était amusé à reprendre les critères diagnostiques du TSA, en les réarrangeant d'une façon pathologique pour les " neuro-typiques " et l'hypersocialisation, perçue comme normale et naturelle habituellement par eux, faisait partie de leurs troubles du comportement ! C'est donc bien une question de point de vue ! Et en général c'est le plus grand nombre qui donne la mesure de toute chose... ). L'essentiel puisqu'on ne peut revenir sur ce qui a été fait, est comme tu le fais en tirer quelque chose, essayer de comprendre, de s'améliorer non pour faire plaisir à on-ne-sait-qui, mais pour être en phase avec soi-même si je puis dire.

 

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Même quelqu'un qui fait un croc-en-jambe, n'est pour moi pas coupable. S'il savait véritablement les implications d'un tel acte, alors il n'aurait pas fait ce croc-en-jambe.

 

L'ignorance est peut-être la plus grosse tare de l'humain et, paradoxalement, peut-être aussi sa plus grande chance.

La vengeance, par amusement ou le sadisme situé en-deça du pathologique pourraient expliquer le geste, alors même que l'auteur serait conscient de mal agir. Il en va de même quand les conducteurs dépassent la limitation de vitesse autorisée ou utilise leur téléphone à la main en roulant, ils savent très bien qu'ils sont hors-la-loi et ce qu'il en coûte au moins pour leur porte-feuille et leur permis à points, beaucoup moins sur le versant sécuritaire sans être ignare non plus c'est seulement une question de hiérarchisation dans leur tête sur l'instant, ce n'est donc pas qu'ils ne comprennent pas, c'est qu'ils ne prennent pas la pleine mesure ou le temps de délibérer dans le sens de ce qui est juste pour tous les intéressés en jeu et pas seulement leur intérêt immédiat en cas de prise sur le fait ( P.V. et points ) ou de le faire quand même dans une perspective utilitariste ( gain de temps ) ou émotionnelle ( grisement ou plaisir d'être en lien communicatif avec tel autre humain ou à l'inverse la colère lors de la conversation téléphonique ).

Il y a pléthore d'endroits où l'on sait, où l'on détient le savoir, mais on agit malgré tout contre cette connaissance, ne serait-ce qu'à cause du décalage temporel entre les deux, je peux fort bien manger maintenant un truc bien gras contraire à l'hygiène diététique car le plaisir procuré tout de suite/maintenant est plus fort que les problèmes de santé demain encore intangibles ! Combien d'entre-nous savons que c'est mal de tromper son(sa) conjoint(e), pourtant beaucoup passe quand même à l'acte, par un tour de passe-passe notre esprit nous montre ce qui est le plus profitable sur le moment au détriment de ce que sera plus tard si on " se fait prendre "... éventuellement ! Voilà comment fonctionne monsieur et madame tout-le-monde, des calculateurs incontinents !

 

Bien heureux les simples d'esprit ! Mais si eux sont " heureux " cela ne signifie qu'il en va de même pour les autres autour, il faut y voir comme une sorte de tape-cul, le gain d'un côté se fait au détriment de l'autre !

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Dans le second exemple, l'erreur est toujours un manque d'attention. Beaucoup d'erreurs et de maltraitances pourraient être évitées si on s'entraînait à plus d'attention, de précision, de discipline.

Il faut d'abord en avoir la Volonté ou un désir ardent ! C'est pourquoi, les vertus ne sont pas toutes égales, certaines doivent être placées avant d'autres, mais aujourd'hui malheureusement, même si elles n'ont pas disparues dans les sociétés développées, elles ne sont plus qu'une simple composante comportementale ou décisionnelle, et encore si elles abondent dans le sens expecté bien souvent. Nous sommes dans l'ère de la Post-vérité avec son florilège de relativisme qui l'accompagne, par exemple qui ou quoi met en exergue la Sagesse de nos jours !? On préfère l'amusement, la télé-réalité, le divertissement, le tourisme, le jeu, les relations interpersonnelles du couple voyeurs-exhibitionnistes ( ce que j'appelle dans mon jargon le comparasitivisme ), la reconnaissance, le pouvoir, la jouissance, etc... Que des choses " faciles " immédiates dans le ressenti, tout ce qui tourne autour de la sensation en fin de comptes, d'où un désintérêt énorme pour la Vérité, le Bien ou le Juste, la Sagesse, l'amélioration de soi comparativement à soi et pour soi...

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Dans le troisième exemple, c'est juste la manifestation du monde, ce que d'autres appellent la chance. Un jour on m'avait dit ceci: "Image que tu doives lacer tes chaussures en montagne. Qu'est-ce qui décidera ou empêchera un rocher de te tomber sur la tête? Tu ne peux pas savoir, tu ne peux pas éviter, la seule chose que tu puisses faire c'est t'appliquer à faire tes lacets, rien d'autre."

La " peur " ne doit pas paralyser toute action, et même aujourd'hui chacun sait que rester à la maison serait mauvais pour sa propre santé, d'où les messages d'incitation au sport et à l'activité, ce que l'on pourrait gagner ici pourrait être perdu là, d'ailleurs il y a un petit - double - paradoxe dans notre société grandement sédentarisée:

• On a réduit drastiquement la pénibilité et les efforts pendant les heures de travail, au point qu'il faille en faire en-dehors à présent pour rester en bonne santé, manifestement le curseur est passé de gauche à droite sans trouver le milieu, on en fait tellement peu ici qu'il faut en faire là-bas, on a donc fait qu'une translation. 

• Le temps que l'on passe à faire des activités d'entretien sanitaire/hygiénique est aussi du temps en moins pour/dans notre existence ainsi a priori prolongée ! Est-ce que le gain de longévité octroyée proportionnellement au temps passé à l'activité, couvre ou dépasse ou est inférieur à si on n'avait rien fait du tout hormis " profiter " de la vie comme " d'hab. " ?!

 

Tout ou presque ( Le Juste et le Vrai n'en font pas partie ) est une question d'équilibre ou de dosage !

 

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Ho! Je ne voulais pas dire que tu ne "comprenais pas les choses". J'aurai dû dire: "je me suis mal exprimée, alors tu n'as pas compris ce que j'ai écris".

okay.

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Je voulais dire que lorsque j'ai accepté le fait que j'étais avant tout un animal, j'ai lâché des idées de devenir quelqu'un, de faire ce que les autres attendaient de moi, des idées de grandeur, de destinée, j'ai lâché l'idée de changer les autres, ou qu'ils soient coupables, justes incapables, j'ai compris que j'étais, que nous étions en devenir, immatures, j'ai lâché de la culpabilité qui n'avait pas lieu d'être. Mais du fait de me rendre compte de ceci m'ouvrait un devoir, un engagement profond pour ce que je suis, une inaliénable obligation de toujours faire de mon mieux, et non pas uniquement ce que je m'imaginais être mon mieux. L'exemple des animaux me montre des limites auxquels je crois et qui ne sont en réalité que barrières mentales. Ma capacité de m'extraire et de m'observer ne me rend pas plus grande ou plus importante, elle me rend plus responsable et me charge du devoir d'en être digne.

Voilà qui est sagace !

Indéniablement en procédant ainsi, tu as fait un immense pas en avant dans ta propre élévation " spirituelle ", que ce soit ton niveau de conscience, de compréhension, d'une certaine sensibilité et même vers la sagesse. La direction que tu as prise me semble excellente, il est fort dommage et regrettable qu'elle soit aussi peu répandue...

Deviendras-tu pour toi-même, une Hypatie ?

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Cela dit, je sais bien qu'il faut avoir accès à mon paramétrage précédent ce "soulagement" pour comprendre ce que je voulais dire. Ce ne sont que mots en l'air au final, qui ne sont que le pâle reflet de ce qui se passe.

Probablement, ou non. Si je n'en ai pas le détail et je ne te demande pas de le faire, publiquement, et si il est vrai que ton vécu t'est propre inévitablement, on peut malgré tout avoir traversé, toi et moi, des difficultés/problématiques similaires ou semblables. Je ne suis pas né saint ou sage, ni dans une boite de coton, j'en suis passé par toutes sortes de bouleversements et mêmes horreurs, qui cahin-caha ont contribué à ce que je suis devenu. Mais il est vrai que comme toi, un jour, et même plusieurs, j'ai pris des résolutions suite à des évènements singuliers mais pas forcément impressionnant pour autrui, et si on accorde quelque crédit au libre-arbitre, dans mon cas, il se sera manifesté par une poignée de refus catégoriques - faisant écho in fine aux impératifs catégoriques de Kant mais dans sa version négative si je puis dire. L'avant dernier en date, s'est produit suite à une " simple " question/remarque de ma fille qui avait 8 ans à ce moment-là, à laquelle je n'ai pas su répondre/justifier avec toute la rigueur et justesse qui me caractérisent dorénavant.

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

Ho! Je ne parlais que d'une guerre avec soi-même, toutes autres ne sont que le reflet, l'incarnation de ce qui devrait rester une guerre intérieure.

Oui, le " développement personnel " ne devrait effectivement n'avoir à voir qu'avec nous-même, et non dans une perspective performatrice quelconque, pour la vie sociale en général ou d'un groupe en particulier, comme la famille, le travail, les affaires, un public, des pairs, etc...

Nous devrions ne regarder que les progrès que nous avons fait par rapport à une ancienne version de nous-même, non vis-à-vis de telle personne ou tel personnage, ou même avatar fictif fantasmé ou culturellement valorisé; on peut donc finir par être moins bon que bien d'autres personnes, mais avoir fait d'immenses progrès par rapport à d'où l'on est parti. Le challenge étant de ne pas refaire deux fois le même type d'erreur de surcroit. Ainsi que d'être en phase en permanence entre ce que l'on pense, ce que l'on dit et ce que l'on fait !

 

 

Il y a 21 heures, Ambre Agorn a dit :

La raison "pure" mènerait à une mort certaine. Les pulsions et les émotions "pures" mèneraient à une mort certaine. Bien souvent, c'est une incapacité à l'équilibre, à la sobriété qui engendre l'irrespect de soi, des autres, de l'environnement, de la vie en général.

Il faut malgré tout un guide ou une boussole pour orienter la Raison et les Émotions/intuitions, c'est une sorte de sensibilité aux choses ( réceptivité et discernement en même temps ), faute d'un vocabulaire plus approprié, bien que sans les vertus de la Vérité et du Juste ( de la non Injustice ) placées tout en haut de notre rapport axiologique au monde, on serait encore mal équipé, l'Entendement se chargeant de tout assembler convenablement.

 

Bien à toi, D-U

 

Modifié par deja-utilise
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