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Lettre À Monsieur Diderot le 2 mars 1758....


Invité Netra

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Invité Netra
Invités, Posté(e)
Invité Netra
Invité Netra Invités 0 message
Posté(e)

Je suis un méchant homme, nʼest-ce pas? Vous en avez les témoignages les plus sûrs ? cela
vous est bien attesté ? Quand vous avez commencé de lʼapprendre, il y avait seize ans que jʼétais
pour vous un homme de bien, et quarante ans que je lʼétais pour tout le monde. En pouvez-vous
dire autant de ceux qui vous ont communiqué cette belle découverte? Si lʼon peut porter à faux
si longtemps le masque dʼun honnête homme, quelle preuve avez-vous que ce masque ne
couvre pas leur visage aussi bien que le mien? Est-ce un moyen bien propre à donner du poids à
leur autorité que de charger en secret, un homme absent, hors dʼétat de se défendre? Mais ce
nʼest pas de cela quʼil sʼagit.
Je suis un méchant: mais pourquoi le suis-je? Prenez bien garde, mon cher Diderot, ceci
mérite votre attention. On nʼest pas malfaisant pour rien. Sʼil y avait quelque monstre ainsi fait,
il nʼattendrait pas quarante ans à satisfaire ses inclinations dépravées. Considérez donc ma vie,
mes passions, mes goûts, mes penchants. Cherchez, si je suis méchant, quel intérêt mʼa pu
porter à lʼêtre? Moi qui, pour mon malheur, portais toujours un coeur trop sensible, que
gagnerais-je à rompre avec ceux qui mʼétaient chers? A quelle place ai-je aspiré, à quelles
pensions, à quels honneurs mʼa-t-on vu prétendre, quels concurrents ai-je à écarter, que mʼen
peut-il revenir venir de mal faire? Moi qui ne cherche que la solitude et la paix, moi dont le
souverain bien consiste dans la paresse, lʼoisiveté, moi dont lʼindolence, les maux me
laissent à peine le temps de pourvoir à ma subsistance, à quel propos, à quoi bon mʼirai-je
plonger dans les agitations du crime, mʼembarquer dans lʼéternel manège des scélérats?
Quoique vous en diriez, on ne suit point les hommes quand on cherche à leur nuire; le méchant
peut méditer ses coups dans la solitude, mais cʼest dans la société quʼil les porte. Un fourbe a de
lʼadresse du sang-froid; un perfide se possède, ne sʼemporte point. Reconnaissez-vous en moi
quelque chose de tout cela? Je suis emporté dans la colère, souvent étourdi de sang-froid. Ces
défauts sont-ils le méchant? Non sans doute; mais le méchant en profite pour perdre celui qui
les a.
Je voudrais que vous pussiez aussi réfléchir un peu sur vous-même. Vous vous fiez à votre
bonté naturelle; mais savez-vous à quel point lʼexemple, lʼerreur peuvent la corrompre?
Nʼavez-vous jamais craint dʼêtre entouré dʼadulateurs adroits qui nʼévitent de louer
grossièrement en face, que pour sʼemparer plus adroitement de vous sous lʼappât dʼune feinte
sincérité ?



Jean-Jacques Rousseau.

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Membre, Pépé fada , râleur , et clairvoyant ., 78ans Posté(e)
Maurice Clampin Membre 10 954 messages
78ans‚ Pépé fada , râleur , et clairvoyant .,
Posté(e)

:pap:   Ce bon Rousseau et son "bon sauvage "  , non , pas vraiment méchant , mais un peu à l' ouest .....

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Membre, 68ans Posté(e)
Phylou Membre 10 396 messages
Maitre des forums‚ 68ans‚
Posté(e)

Un peu de contexte serait le bienvenu.

Qui est l'auteur, pourquoi écrit-il cette lettre, Diderot a-t-il répondu ?

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Membre, 76ans Posté(e)
G2LLOQ Membre 20 811 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Il est mort Diderot  !:diablo:

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 850 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)
Le 19/03/2022 à 11:56, Maurice Clampin a dit :

:pap:   Ce bon Rousseau et son "bon sauvage "  , non , pas vraiment méchant , mais un peu à l' ouest .....

Finalement, le bon sauvage de Rousseau c'est un peu Adam et Eve avant que le serpent leur enseigne l'existence du bien et du mal.

(D'accord, je sais que c'est des blagues au niveau littéral.)

On se fout de Rousseau, mais tout animal est un bon sauvage...

Pas de bien, pas de mal juste sa survie...

Qui peut le lui reprocher ?

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Invité Gremlyne
Invités, Posté(e)
Invité Gremlyne
Invité Gremlyne Invités 0 message
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Les crises mystiques de l'adolescence, la révolte magnifique qui nous fait douter de la voie tracée par d'autres, un jour, nous nous en éloignons et décidons de payer une dette imaginaire à la société, nous acceptons de mourir à nous-mêmes. Et la plus grande supercherie c'est que de cette mort-là, personne ne s'i en inquiète. Au contraire, on la guette, on l'accueille, on la récompense. (Daniel Odier)

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Invité Éphron
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Invité Éphron
Invité Éphron Invités 0 message
Posté(e)

Rousseau était un homme d'une grande sensibilité, une sensibilité à fleur de peau que l'on peut contempler pour notre plus grand plaisir dans le style somptueux de sa prose. Mais, cette sensibilité, couplée aux revers de la fortune et à la discorde d'avec ses pairs philosophes, lui ont donné un goût prononcé pour la solitude qui n'a fait que s'approfondir avec le temps et l'âge ; il s'en explique à sa manière dans son œuvre dernière et posthume que sont Les Rêveries du promeneur solitaire. Or, peut-on dire d'un homme qui se refuse à la compagnie de ses semblables qu'il est un homme méchant ? Rousseau l'était-il ? Certainement pas, comme il le démontre très bien dans cette lettre. Il était seulement un homme au cœur beaucoup trop sensible pour souffrir la société des hommes, toujours si iniques et cruels entre eux.

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