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Gérard Dou (1613 - 1675)


Oncle_Julien

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Oncle_Julien Membre 322 messages
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Une œuvre de commande

Il est rare que je réalise une reproduction. De surcroit une copie de mon peintre préféré. Mais c'est sur la demande de notre amie Juliette et sur l'insistance de Clémentine que j'ai accepté cette commande. L'originale de cette peinture sur bois se trouve au Musée du Louvre. Intitulé "Femme versant de l'eau" ce tableau mesure 36 cm sur 27 cm. Je connais bien ce chef-d'œuvre dont je possède quelques photographies très précises. Je suis allé de nombreuses fois dans la galerie des Hollandais du Siècle d'Or au Musée du Louvre. J'y ai admiré longuement ce merveilleux tableau. 

La loi interdit formellement de reproduire un tableau aux dimensions de l'original. De même qu'elle interdit de reproduire la signature de l'artiste. C'est donc sur un panneau de vieux chêne séché depuis plus de vingt ans que j'ai décidé de réaliser ma reproduction. D'une épaisseur de 10 mm, avec des dimensions très proches de 35 cm sur 26 cm, j'ai choisi avec soin un bois exempt de tout défaut structurel. Conformément aux préceptes des vieux Maîtres hollandais du XVII ème, j'ai consciencieusement et amoureusement préparé mon support. Cela me rappelait mes travaux de jeunesse aux Beaux-Arts. 

J'ai préparé la colle de peau de lapin le dimanche soir. Huit grammes dans 100 ml d'eau. Le lendemain matin, j'ai fait cuire la colle de peau au bain-marie. A chaud, avec un pinceau large de trois centimètres, j'ai passé la couche de colle de peau sur les deux faces et sur les tranches. Une heure de séchage avant de passer la seconde couche. Dans le reste de colle de peau, j'ai plongé deux rectangles de toile de lin fine de 35 cm sur 26 cm. Je les ai laissé macérer 24 h. Le mardi matin j'ai fait cuire la colle contenant la toile. Toujours au bain-marie. Clémentine adore l'odeur de cette colle. 

Avec une pince, j'ai retiré la première toile pour l'étaler à chaud sur le support encollé hier. De la paume de la main, j'ai marouflé soigneusement la toile. En lissant bien. En chassant le surplus de colle de peau. Clémentine, avec le sèche-cheveux, adore sécher la toile. Cinq minutes. J'applique la seconde toile de l'autre côté du support. Voilà mon panneau de chêne marouflé sur ses deux faces d'une belle toile de lin au maillage fin et régulier. D'anciens draps de lin que je conserve précieusement dans une malle de mon atelier. Il suffit de découper les dimensions souhaitées. Avec des ciseaux.

Je prépare mon nouveau flacon de colle de peau. Huit grammes que je laisse reposer toute une nuit dans 100 ml d'eau. Le lendemain matin, il me suffit d'y rajouter huit grammes de blanc de Meudon. Cette craie blanche et fine comme de la farine bise. Je fais cuire au bain-marie. Je procède alors à l'enduction. Avec un pinceau large, j'étale cette pâte bouillante sur la toile marouflée. Clémentine passe le sèche-cheveux. Je procède à la même opération sur les deux faces. Il est très important, afin d'assurer la stabilité du support, de l'enduire de la même façon sur les deux côtés.  Je m'y applique. 

La seconde couche est passée avec le "sabre". Cette spatule en métal qui ressemble à une truelle mais toute en longueur. C'est le principe de la "tartine". Ce procédé permet de boucher tous les pores, de remplir les creux du maillage tissulaire. J'applique toujours quatre couches de chaque côté. Je laisse sécher. Ce n'est que le jeudi matin que je ponce la face que je vais peindre. Je la ponce jusqu'à obtenir un polis ivoirin. La surface est alors lisse comme une plaque de marbre. Elle permettra une écriture du pinceau absolument parfaite. J'aime ces surfaces sans aspérités. Des miroirs. 

Il me suffit alors de réaliser le dessin préparatoire. Je dessine toujours avec une précision extrême. Je porte une loupe frontale qui me permet les plus sublimes finesses. Le dessin préparatoire doit déjà être une véritable œuvre d'Art en lui-même. Je fais ce dessin à la mine de plomb. Ainsi, lorsque je le recouvre d'une couche d'impression Terre de Sienne, ce dessin transparaîtra sans risquer de s'estomper, de se diluer dans le mélange du pigment et de l'essence de térébenthine. Pour éviter de devoir respirer cette substance toxique, je procède à cette opération dans la véranda. 

Je laisse sécher durant huit jours. Ce sont des pigments BLOCKX dilués dans de l'essence de térébenthine de la même marque. Les tous meilleurs produits disponibles dans le domaine des Beaux-Arts. Je fixe toujours deux photos sur les montants de mon chevalet. Il y a une loupe à portée de main. Il y a la loupe frontale fixée sur ma tête. Je peux commencer la peinture de ce merveilleux chef-d'œuvre. Je m'applique à tout reproduire scrupuleusement. Jusqu'aux effets du temps. L'original a franchi plus de trois siècles pour parvenir jusqu'à nous. Je veux rendre hommage à cet ensemble. 

Je suis un habile copiste. Clémentine, en riant, me dit souvent : << Tu pourrais être le plus grand faussaire du siècle ! >>. Car une fois mon tableau réalisé, il est tout à fait impossible de discerner la copie de l'original. Ce qui est encore le cas au bout de 120 heures de travail que cette œuvre m'a demandé. Je peins avec les peintures BLOCKX. Je n'utilise aucun solvant. Mon seul et unique médium est l'huile de lin que je fais cuire deux fois huit heures. Avant d'y rajouter quelques gouttes d'ambre dissous à froid de chez BLOCKX. BLOCKX qui e retrouvé ce secret ancien à la fin du XIX ème siècle. 

La couche de peinture est donc vernie dans son épaisseur. L'ambre dissous, en séchant, enferme à tout jamais chaque grain de pigment comme elle le ferait d'un insecte dans un bijoux. L'ambre est une matière cornée. Quasiment indestructible en conditions naturels et "normales". (Sauf incendies bien évidemment). Il est donc tout à fait inutile d'appliquer une couche de vernis supplémentaire. Si ce n'est une fine couche d'ambre dissous mélangée à de l'essence de térébenthine. Ce n'est pas souhaitable. Ce vernis supplémentaire mettra longtemps à sécher. Donc il attirera de la poussière. 

Je signe de mon monogramme en bas à droite. Voilà. Juliette prendra possession de sa commande avant que nous partions pour l'Ecosse à la fin du mois de juin. Je la devine. Impatiente à l'idée de pouvoir accrocher ce petit tableau dans son intérieur de style victorien. Pour moi, ce sera un travail récréatif, ludique, source de joies indicibles. Une sorte d'exercice de style comme je les pratiquais dans mes jeunes années d'études à l'Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris. Que de souvenirs dans cette grande et prestigieuse institution avant qu'elle ne disparaissent. C'est aujourd'hui une simple école "d'arts plastiques". Chacun comprendra...

 

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