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Pépé raconte-moi encore tes histoires ! (2)


Blaquière

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Blaquière Membre 18 852 messages
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Pépé raconte-moi encore tes histoires ! (2)


 

Quand on est rentrés en sixième, pour nous, le grand mystère, c'était l'anglais ! Pour tout te dire, on mangeait du "câque" comme c'était marqué sur les paquets, et au cinéma, on allait voir des films de "cov bois" !

-- Ah bon ?

-- Ben oui; on dit bien un "vagon", on dit pas un "ouagon" ! Et un « a » ça se dit « a »  Non ?

-- C'est vrai !

-- Tu vas rire ! Je me souviens du premier jour. On attendait devant l'entrée du lycée avec nos valises... On rentrait un par un quand on nous appelait. Et on faisait connaissance. Il y avait des garçons qui venaient d'un peu tout le département... Dont un grand costaud, Jourdan qu'il s'appelait. Il était de Nans. Il disait :  "Moi je sais des mots en anglais !"  Il épatait tout le monde en disant ça ! Et il nous explique : "Un "boy" ça veut dire un "esclave" ! Parce que dans le film de Tarzan, les "boys", c'est les serviteurs noirs !"

-- Non ?!

-- Je te jure qu'il a dit ça !

-- Quand même !

-- Après on est allés s'installer au dortoir des sixièmes. De l'autre côté du lycée. C'était un bâtiment à part. On avait apporté nos draps, notre couverture, la « taie » de traversin. Et tout était marqué à notre nom ! Ma mère avait cousu sur toutes mes affaires un petite bande de tissu qu'on avait fait broder avec mon numéro de "trousseau" : "E. Blaquière 153"...  C'était pour pas qu'on perde nos affaires ni qu'on nous les pique. Oh ! Et en cinquième, c'était encore le même dortoir, avec des lits superposés. J'avais pris la place d'en haut. Et tu sais quoi ?  Un jour, en me levant, je devais pas être bien réveillé, j'ai tendu la main pour m'appuyer au lit d'à côté... et je l'ai raté ! Je suis tombé en bas la tête la première !

-- Tu t'es rien cassé ? Tu es allé à l'infirmerie ?

-- Ben non ! Rien de cassé ! Je suis resté un moment "ensuqué", groggy ! Je me revois encore assis sous les lavabos... je tenais plus debout ! J'avais la tête qui tournait.... Il m'a fallu un moment pour reprendre mes esprits. Tout le dortoir me regardait, les surveillants était inquiets... Puis ça a passé ! Et la journée a repris son cours normal...

C'était sous le dortoir des sixièmes et des cinquièmes qui était au premier étage, qu'au rez-de-chaussée il y avait l'atelier des travaux manuels. Et le fameux Fédéroff ! Je t'ai dit que j'avais choisi le bois ?

-- Oui!

-- Mais ça avait été un grand dilemme pour moi ! J'avais pas prévu à l’avance que j’aurais ce choix à faire ! En plus, je savais que mon père, lui, il avait choisi le fer ! Sur la cheminée de la maison, traînaient depuis toujours trois petites pièces de fer, une ronde, un carrée, et une octogonale…. C’est ce qu’il avait fait lui, au collège en travaux manuels. Mais surtout il y avait aussi la fameuse clé en fer de l’arrière grand-père qui lui était carrément un génie ! Un inventeur ! Le penne était carrément une dentelle de fer, tout à angles droits et qui s’encastrait parfaitement dans un cube de fer creusé comme un vrai labyrinthe ! Quand on l’enfonçait dedans, on voyait même pas le jour entre les deux !

Mais j’ai choisi le bois comme je t’ai dit !

– Çà doit plus servir de savoir travailler le bois !

– Oui ! C’est ce que j’ai pensé ! On nous apprenait comment tenir un scie, une lime, un rabot, comment scier, limer, avec des gestes longs, calmes, sur toute la longueur de la lame... « zzzzzzzzzzzzz….. zzzzzzzzzzzzz... » et pas « zzz, zzz, zzz, zzz » ! Çà, c’est les bricoleurs qui font comme ça, pas les « pro » !

Et comme Popof, le prof, il était russe… (C’est vrai qu’on l’avait surnommé « Popoff », Fédéroff !) Oui, comme il était russe il nous avait fait faire un fusée ! Obligé ! Mais… une fusée en BOIS ! La même forme que celle de Tintin dans la BD.

– Grosse comment ?

– Oh ! A peine 25 centimètres de haut ! Mais bien fuselée, et avec des ailettes pointues en contre plaqué…

Ca me fait penser que souvent on donnait des surnoms aux profs ! « Popoff » pour un russe ça allait de soi. Mais on avait un prof de math, je sais pas pourquoi, on l’appelait « Banane » ! Et tout le monde l’appelait Banane ! « Vous avez qui en math ? » « On a Banane ! » On savait qui c’était ! Il parlait lentement ce Banane ! Du nez ! Un peu gnan gnan… la fin du cours de math, c’était la terreur : « Brenez vodre gahier de dexte ! Pour demain vous ferez : les exerzizes numéro 42, 43, 44, 45, 46, 47, page 25 ! » Là on se disait ouf : QUE 6 exercices ! Et on refermait le cahier de texte ! Mais c’était pas fini ! Il continuait : « ET les exerzizes 50, 51, 52, 53... » Ca n’en finissait plus ! Mais le plus étonnant, c’est que lent comme il était, avec lui, et lui seul, on finissait toujours le programme à la fin de l'année! C’était un très bon prof !

Et j’en veux pour preuve que je l’ai eu en sixième et en cinquième et que j’étais devenu un champion en maths !

En quatrième et en troisième, j’avais eu un autre prof. Il était tout maigrichon, petit, tout étriqué… Lui c’était bizarre il était certainement bon en maths puisqu’il était prof, mais pour te faire apprendre : zéro ! « M’sieur, j’ai pas compris » que je lui ai dit plusieurs fois… Réponse ? « Y’a rien à comprendre ! » Quelques fois comme ça et tu tires l’échelle, tu laisses courir... Et en maths ? Tu sombres ! En seconde, J’ai eu Raspaldo en math. Un grand bonhomme, sympathique, décontracté. Le lundi matin, le cours de math, c’était le compte rendu des matchs de foot du dimanche !

Mais en seconde, on avait commencé la géométrie dans l’espace… Et tu sais que l’espace, c’était mon truc : les spoutniks, les soucoupes volantes…

– Et les fusées en bois !

– Exactement ! Donc l’espace, les trois dimensions, le volume j’ai pigé tout de suite ! Attention, là c’est ma grande fierté ! On rigole plus ! Un jour, Raspaldo après avoir dit un truc sur des angles de volumes dans l’espace, qui à moi me paraissait évident, alors que les autres nageaient, il nous sort : « Mais y’a que « Blaquière » ici qui y comprends quelque chose à ce que je dis ! »

Waouh !

Les autres, ils en étaient restés au penalty du dimanche, quand moi je m’embarquais déjà pour Saturne !

(Bon, J’exagère !)

– C’est aussi ma planète préférée !

En revanche, la honte, je l’ai eu quand j’ai encore eu Banane en première ou en philo, je ne sais plus : « Blaquière ? Je vois que vous n’êtes plus celui que j’ai connu ANTAN ! » Textuellement ! Mets-toi ça dans la poche avec le mouchoir par dessus !

Mais c’était pas vraiment de ma faute ! Entre temps, depuis la cinquième j’avais eu deux ans « il n’y a rien à comprendre ! » puis le spécialiste du football brignolais : j’avais un peu décroché !

Pour en revenir au football, mon père il aimait ça. Et moi ça ne m’intéressait pas du tout ! Mais alors, pas du tout, du tout…

– Moi non plus !

– Pourtant, pour lui faire plaisir, je m’étais quand même inscrit dans l’équipe des sixièmes…

J’ai fait UN match !

Bon Dieu que j’étais mal ! Je courrais presque à reculons, pour me tenir toujours le plus loin possible du ballon ! C’était horrible ! Est-ce que j’y ai seulement envoyé un seul coup de pied dans ce ballon ? Est-ce que je l’ai seulement touché rien qu’une fois ? J’en doute !

Bref le prof de gym, (Routier c’était son nom) a dit à mon père que c’était pas mon truc le foot ! Ce qui l’a bien fait marrer : il était gentil, mon père ! On en a même rigolé ensemble : « Alors, Routier, il m’a dit : je crois qu’il vaudrait mieux qu’il trouver autre chose que le foot ! » Et on rigolait !...

Moi, je voulais apprendre à jouer de la guitare !

Curieusement, cet échec retentissant au foot m’a fait trouver un super bon copain : Roland ! Un grand de cinquième ! Il avait tout pigé, il aimait bien le foot lui pourtant et il jouait bien ; mais il m’avait vu désemparé sur le stade et le lendemain, en me voyant tout penaud, dans la cour, il était venu me consoler : « C’est pas grave, ça ! C’est pas important, le foot !»

Il avait dû « morfler », lui aussi en sixième. Pourquoi ? Comment ? Aucune idée ! D’ailleurs son surnom « Cocotte » qu’il n’aimait pas du tout, devait être une séquelle de cette période sombre pour lui… Mais c’était un costaud capable de se défendre. Et là il était venu me soutenir.

On est toujours restés amis. Même une fois mariés, après qu’on ait eu des enfants, on s’est encore revus… Les vrais braves gens, ça existe !

 

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