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Naissance du concept d’existence

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satinvelours

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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[Reprise d’un sujet publié ailleurs]

L’existence pose plusieurs problèmes philosophiques. Mais pourquoi et en quoi l’existence pose un certain nombre de problèmes philosophiques ? 

La Nausée, 1938 (Jean-Paul Sartre) : « Donc j’étais tout à l’heure au jardin public. La racine du marronnier s’enfonçait dans la terre juste au dessous de mon banc… quand on s’en rend compte, cela tourne le cœur. Et tout se met à flotter ».( la Nausée- collection Folio : p.181)

 Ce texte nous dit tout ou presque de l’existence. La première chose que dit le texte, qui va tant intéresser les existentialistes, est que l’existence se manifeste en se cachant, invisibilité habituelle de l’existence. Nous sommes donc ce qu’on appelle des existants. Précisément parce que nous sommes des existants nous ne sentons pas, nous ne voyons pas, nous ne remarquons pas notre existence. 

Le texte de la Nausée est un moment particulier dans le roman puisque le narrateur, Roquentin, assis sur son banc dans le jardin public découvre tout à coup l’épaisseur, la consistance de l’existence. Cette découverte est une découverte très angoissante, très inquiétante : « extase horrible ». Sartre utilise le terme d’extase dans son sens littéral : état dans lequel nous nous trouvons comme à l’intérieur de nous-mêmes.

 Les choses, dit Sartre, sont pétries, s’enferment dans l’existence, laquelle constitue la pâte même des choses. Nous pourrions décliner la métaphore culinaire, nous mangeons la pâte, mais nous ne la sentons pas. Découvrir tout à coup cette pâte des choses, habituellement dissimulée, est qualifiée par Sartre d’obscène. 

 La découverte de l’existence, si l’on en croit Sartre, n’est pas quelque chose qui va de soi, mais quelque chose qui va peut-être nous révéler une partie de nous-mêmes qu’il faudra ensuite assumer, à laquelle il faudra se confronter. Dans le texte il y a évidemment une découverte majeure non seulement que l’existence est la pâte même des choses et se dissimule, mais aussi qu’elle est  contingente (contingent : non nécessaire).

 Découverte de la contingence de l’existence. « Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et moi-même ». Dire que l’existence est contingente revient à dire que nous ne pouvons que constater que nous existons. L’existence est de l’ordre du constat, du factuel. Certes j’existe, je suis, je suis là, « da sein » » dira l’allemand, mais je ne pourrai jamais dépasser ce constat. Comme le dit Sartre « Je ne peux jamais déduire mon existence ». L’existence ne se déduit pas, nous ne sommes donc pas nécessaires. Je suis là, mais j’aurais bien pu ne pas être là.

Quand on se hisse à cette notion de contingence, que notre esprit s’empare de cette notion, le résultat de cette extase horrible est que tout se met à tourner, à flotter. Nous commençons à éprouver ce curieux sentiment métaphysique que Sartre va appeler, particulièrement dans son roman, la nausée : la nausée étant ce vertige qui était sans doute le vertige pascalien devant l’infinité du cosmos, à la différence que ce vertige ne va pas se saisir de nous devant l’immensité qui s’ouvre devant nous, mais devant le fait que moi, qui suis ce à  partir de quoi le monde et les autres existent, j’aurais pu ne pas exister. Dans cette belle page littéraire se trouve la majeure partie des problèmes philosophiques qui occuperont tous les courants existentialistes.

  • Confus 1
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Membre, Talon 1, 78ans Posté(e)
Talon 1 Membre 22 854 messages
78ans‚ Talon 1,
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Alors, c'est nier "la conscience de soi." Si vous faites un projet, c'est grâce à elle. Si vous vous jugez, aussi. Si vous craignez la mort, itou. Le nouveau-né ne sait pas qu'il existe jusqu'au moment où il acquiert la notion de "je".

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Membre, 68ans Posté(e)
Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 68ans‚
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Il y a 2 heures, satinvelours a dit :

Ce texte nous dit tout ou presque de l’existence. La première chose que dit le texte, qui va tant intéresser les existentialistes, est que l’existence se manifeste en se cachant, invisibilité habituelle de l’existence.

La première des choses qui frappe les consciences
lorsqu'un être vient au monde,
c'est le cri du bébé.

Puis l'existant disparaît.
Il se cache derrière
l'invisibilité.

:bo:

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Membre, Posté(e)
aliochaverkiev Membre 1 978 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a 3 heures, satinvelours a dit :

[Reprise d’un sujet publié ailleurs]

L’existence pose plusieurs problèmes philosophiques. Mais pourquoi et en quoi l’existence pose un certain nombre de problèmes philosophiques ? 

La Nausée, 1938 (Jean-Paul Sartre) : « Donc j’étais tout à l’heure au jardin public. La racine du marronnier s’enfonçait dans la terre juste au dessous de mon banc… quand on s’en rend compte, cela tourne le cœur. Et tout se met à flotter ».( la Nausée- collection Folio : p.181)

 Ce texte nous dit tout ou presque de l’existence. La première chose que dit le texte, qui va tant intéresser les existentialistes, est que l’existence se manifeste en se cachant, invisibilité habituelle de l’existence. Nous sommes donc ce qu’on appelle des existants. Précisément parce que nous sommes des existants nous ne sentons pas, nous ne voyons pas, nous ne remarquons pas notre existence. 

Le texte de la Nausée est un moment particulier dans le roman puisque le narrateur, Roquentin, assis sur son banc dans le jardin public découvre tout à coup l’épaisseur, la consistance de l’existence. Cette découverte est une découverte très angoissante, très inquiétante : « extase horrible ». Sartre utilise le terme d’extase dans son sens littéral : état dans lequel nous nous trouvons comme à l’intérieur de nous-mêmes.

 Les choses, dit Sartre, sont pétries, s’enferment dans l’existence, laquelle constitue la pâte même des choses. Nous pourrions décliner la métaphore culinaire, nous mangeons la pâte, mais nous ne la sentons pas. Découvrir tout à coup cette pâte des choses, habituellement dissimulée, est qualifiée par Sartre d’obscène. 

 La découverte de l’existence, si l’on en croit Sartre, n’est pas quelque chose qui va de soi, mais quelque chose qui va peut-être nous révéler une partie de nous-mêmes qu’il faudra ensuite assumer, à laquelle il faudra se confronter. Dans le texte il y a évidemment une découverte majeure non seulement que l’existence est la pâte même des choses et se dissimule, mais aussi qu’elle est  contingente (contingent : non nécessaire).

 Découverte de la contingence de l’existence. « Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et moi-même ». Dire que l’existence est contingente revient à dire que nous ne pouvons que constater que nous existons. L’existence est de l’ordre du constat, du factuel. Certes j’existe, je suis, je suis là, « da sein » » dira l’allemand, mais je ne pourrai jamais dépasser ce constat. Comme le dit Sartre « Je ne peux jamais déduire mon existence ». L’existence ne se déduit pas, nous ne sommes donc pas nécessaires. Je suis là, mais j’aurais bien pu ne pas être là.

Quand on se hisse à cette notion de contingence, que notre esprit s’empare de cette notion, le résultat de cette extase horrible est que tout se met à tourner, à flotter. Nous commençons à éprouver ce curieux sentiment métaphysique que Sartre va appeler, particulièrement dans son roman, la nausée : la nausée étant ce vertige qui était sans doute le vertige pascalien devant l’infinité du cosmos, à la différence que ce vertige ne va pas se saisir de nous devant l’immensité qui s’ouvre devant nous, mais devant le fait que moi, qui suis ce à  partir de quoi le monde et les autres existent, j’aurais pu ne pas exister. Dans cette belle page littéraire se trouve la majeure partie des problèmes philosophiques qui occuperont tous les courants existentialistes.

Il me semble que, ce dont tu parles ici, c'est de la prise de conscience, que, justement, nous sommes conscients. Et cette prise de conscience, du seul fait  que la conscience "est", nous ne l'opérons quasiment jamais, car, nous avons toujours conscience de quelque chose. Nous sommes immédiatement portés vers ce "quelque chose" et ce mouvement nous empêche de "voir" que nous sommes dotés de cette capacité à être conscient. C'est surtout le fait de penser que nous ne pourrions pas être conscients qui nous donne cette idée que nous pourrions ne pas exister (contingence de l'existence). Le fait conscient engendre les mots tels que "moi" , "je", car immédiatement il est nécessaire de savoir qui est conscient. Mais Sartre me semble-t-il ou Roquentin n'en sont pas là, il n'y a encore aucun sujet pour eux, comme s'ils étaient absolument "pleins" de l'activité consciente. Cette activité les emplit totalement. Ensuite avec l'effroi commence à apparaître un sujet, qui me semble naitre sous l'exigence de la raison, sous l'exigence de la causalité. Mais si je reste en dehors de cette exigence qui peut n'être qu'un reflexe du à notre complexion mentale, alors je reste envahi par l'activité consciente dont je ne puis plus sortir. Je suis noyé dedans. Je peux en sortir en instituant le "moi" mais alors je suis radicalement coupé de tous et de tout, car ce "moi" est le seul à être tel dans l'univers, ce moi ne peut jamais être l'autre. Le moi m'institue dans une solitude absolu. En outre l'effort à saisir ce qu'est le fait conscient est voué à l'échec : je ne peux pas "déduire" mon existence. Il est probable que la conscience soudaine d'être conscient a dû dans l'histoire de l'humanité provoquer cet effroi dont parle Roquentin. La conscience d'être conscient, non seulement institue le "moi" et la radicalité de sa solitude mais aussi elle sépare l'homme de la nature, elle l'arrache même à la nature.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Il y a 18 heures, aliochaverkiev a dit :

Il me semble que, ce dont tu parles ici, c'est de la prise de conscience, que, justement, nous sommes conscients. Et cette prise de conscience, du seul fait  que la conscience "est", nous ne l'opérons quasiment jamais, car, nous avons toujours conscience de quelque chose. Nous sommes immédiatement portés vers ce "quelque chose" et ce mouvement nous empêche de "voir" que nous sommes dotés de cette capacité à être conscient. C'est surtout le fait de penser que nous ne pourrions pas être conscients qui nous donne cette idée que nous pourrions ne pas exister (contingence de l'existence). Le fait conscient engendre les mots tels que "moi" , "je", car immédiatement il est nécessaire de savoir qui est conscient. Mais Sartre me semble-t-il ou Roquentin n'en sont pas là, il n'y a encore aucun sujet pour eux, comme s'ils étaient absolument "pleins" de l'activité consciente. Cette activité les emplit totalement. Ensuite avec l'effroi commence à apparaître un sujet, qui me semble naitre sous l'exigence de la raison, sous l'exigence de la causalité. Mais si je reste en dehors de cette exigence qui peut n'être qu'un reflexe du à notre complexion mentale, alors je reste envahi par l'activité consciente dont je ne puis plus sortir. Je suis noyé dedans. Je peux en sortir en instituant le "moi" mais alors je suis radicalement coupé de tous et de tout, car ce "moi" est le seul à être tel dans l'univers, ce moi ne peut jamais être l'autre. Le moi m'institue dans une solitude absolu. En outre l'effort à saisir ce qu'est le fait conscient est voué à l'échec : je ne peux pas "déduire" mon existence. Il est probable que la conscience soudaine d'être conscient a dû dans l'histoire de l'humanité provoquer cet effroi dont parle Roquentin. La conscience d'être conscient, non seulement institue le "moi" et la radicalité de sa solitude mais aussi elle sépare l'homme de la nature, elle l'arrache même à la nature.

Je n’existe que pour autant que j’ai conscience d’exister. Cela exige donc, littéralement, que je me fasse exister. L’existence est le produit de l’activité de ma conscience qui est toujours en action, sauf sommeil, coma… Autrement dit c’est cela qui génère notre propre existence. Il y a tout un long monologue de Roquentin qui dit penser, ne plus penser, arrêter de penser, faire tous ces efforts pour arrêter de penser, je n’y parviens pas car vouloir cesser de penser c’est penser encore. Ce mouvement est incessant c’est pour cela que j’existe, et en même temps parce que cette existence est d’abord la saisie d’un mouvement interne qu’on appelle la transcendance de la conscience, j’en ai une espèce de vertige. 

Je suis, mais je ne peux jamais déduire mon existence. La nausée est le vertige devant l’existence. Je ne puis justifier ma propre existence, je n’en suis pas l’auteur. Cette existence m’apparaît comme quelque chose qui va de soi, et cette existence m’apparaît comme un abîme.

Tout le roman de la Nausée pourrait se résumer de la façon suivante : la nausée n’est pas autre chose, par les yeux de Roquentin, que l’histoire, le récit, la découverte de l’existence. Dans la Nausée il y a le récit extrêmement précis de ce dévoilement par une conscience qu’est l’existence, en précisant que justement ce dévoilement de l’existence va produire ce sentiment métaphysique, ontologique qui portera le nom de nausée.

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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On peut donc se demander quelle est cette existence avec laquelle chacun se confond et qui cependant nous apparaît comme une énigme, laquelle à son tour ne tarde pas à nous apparaitre comme étant l'énigme suprême. C'est-à-dire je ne puis rendre compte, je ne puis justifier ma propre existence, je n'en suis pas l'auteur, je n'en suis pas la cause, l'origine, je n'en suis pas non plus, sauf exception, le sujet et l'instance qui en décidera de la fin. Je suis là, jeté dans l'existence, et cette existence m'apparaît à la fois comme quelque chose qui va de soi et en même temps m'aveugle.

Sous cette mauvaise évidence, non pas l'évidence philosophique travaillée, mais l'évidence au sens commun du terme, se cache un abîme susceptible de nous donner cette nausée dont nous parle Sartre. Donc évidence et en même temps énigme suprême car notre être est par définition un être existant. Ce qui nous conduit à noter que, au départ sur le plan philosophique, nous sommes conduits à confondre, à assimiler "être et exister". Nous ne faisons pas dans la vie courante de différence entre être et exister. Lorsque la différence sera faite, elle sera très tardive et sera le fait des travaux des existentialistes.

Si on ouvre les "méditations métaphysiques", grand moment de Descartes, celui-ci emploie "être" au sens "exister", à commencer dans la formulation "cogito" : "je pense donc je suis", voulant dire j'existe. Je pense, et par ma pensée j'ai bien la certitude d'exister. Nous avons du mal à ne pas mélanger "être et exister". Nous assimilons être et exister parce qu'il nous semble que notre existence est par définition ce qui fonde notre être. Être ceci ou cela présuppose que tout d'abord je sois, c'est-à-dire j'existe. Je suis, j'existe donc cela semble hors de doute. Cette position va valoir, va s'imposer à deux niveaux, un niveau existentiel et un niveau ontologique.

L'ontologie appartient au domaine de la métaphysique, domaine qui essaye de connaître les êtres en dehors de notre portée, les êtres transcendants sur lesquels on ne peut mener aucune expérience, voire expérimentation. L'ontologie est la partie la plus extrême de la métaphysique. C'est une discipline qui remonte à Aristote, est définie par Aristote comme la science de l'être en tant qu'être. "Être-exister" référence à certaines définitions qu'Aristote nous donne dans son ontologie, dans certains livres de la métaphysique, parce que ces définitions vont marquer totalement la pensée occidentale jusqu'à Sartre. Et ce n'est pas par hasard que Sartre a écrit "L'être et le néant".

(J'emploie la formule "Être-exister" pour signifier que, pour le moment-chez Aristote- ces deux mots ne sont pas encore significativement dissociés).
 

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aliochaverkiev Membre 1 978 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a 1 heure, satinvelours a dit :

Je n’existe que pour autant que j’ai conscience d’exister. Cela exige donc, littéralement, que je me fasse exister. L’existence est le produit de l’activité de ma conscience qui est toujours en action, sauf sommeil, coma… Autrement dit c’est cela qui génère notre propre existence. Il y a tout un long monologue de Roquentin qui dit penser, ne plus penser, arrêter de penser, faire tous ces efforts pour arrêter de penser, je n’y parviens pas car vouloir cesser de penser c’est penser encore. Ce mouvement est incessant c’est pour cela que j’existe, et en même temps parce que cette existence est d’abord la saisie d’un mouvement interne qu’on appelle la transcendance de la conscience, j’en ai une espèce de vertige. 

Je suis, mais je ne peux jamais déduire mon existence. La nausée est le vertige devant l’existence. Je ne puis justifier ma propre existence, je n’en suis pas l’auteur. Cette existence m’apparaît comme quelque chose qui va de soi, et cette existence m’apparaît comme un abîme.

Tout le roman de la Nausée pourrait se résumer de la façon suivante : la nausée n’est pas autre chose, par les yeux de Roquentin, que l’histoire, le récit, la découverte de l’existence. Dans la Nausée il y a le récit extrêmement précis de ce dévoilement par une conscience qu’est l’existence, en précisant que justement ce dévoilement de l’existence va produire ce sentiment métaphysique, ontologique qui portera le nom de nausée.

 

Il y a probablement là, actuellement, une limite à notre volonté de connaissance. Expérimenter le fait d'être conscient  est impossible. Il faut que je sois conscient pour décider d'expérimenter le fait d'être conscient. Je ne peux pas m'en sortir. Je suis affronté à une aporie. Bon, ce n'est pas non plus si grave, simplement je suis là sur le front, celui qui sépare la connaissance de l'inconnaissance. 

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aliochaverkiev Membre 1 978 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a 2 heures, satinvelours a dit :

On peut donc se demander quelle est cette existence avec laquelle chacun se confond et qui cependant nous apparaît comme une énigme, laquelle à son tour ne tarde pas à nous apparaitre comme étant l'énigme suprême. C'est-à-dire je ne puis rendre compte, je ne puis justifier ma propre existence, je n'en suis pas l'auteur, je n'en suis pas la cause, l'origine, je n'en suis pas non plus, sauf exception, le sujet et l'instance qui en décidera de la fin. Je suis là, jeté dans l'existence, et cette existence m'apparaît à la fois comme quelque chose qui va de soi et en même temps m'aveugle.

Sous cette mauvaise évidence, non pas l'évidence philosophique travaillée, mais l'évidence au sens commun du terme, se cache un abîme susceptible de nous donner cette nausée dont nous parle Sartre. Donc évidence et en même temps énigme suprême car notre être est par définition un être existant. Ce qui nous conduit à noter que, au départ sur le plan philosophique, nous sommes conduits à confondre, à assimiler "être et exister". Nous ne faisons pas dans la vie courante de différence entre être et exister. Lorsque la différence sera faite, elle sera très tardive et sera le fait des travaux des existentialistes.

Si on ouvre les "méditations métaphysiques", grand moment de Descartes, celui-ci emploie "être" au sens "exister", à commencer dans la formulation "cogito" : "je pense donc je suis", voulant dire j'existe. Je pense, et par ma pensée j'ai bien la certitude d'exister. Nous avons du mal à ne pas mélanger "être et exister". Nous assimilons être et exister parce qu'il nous semble que notre existence est par définition ce qui fonde notre être. Être ceci ou cela présuppose que tout d'abord je sois, c'est-à-dire j'existe. Je suis, j'existe donc cela semble hors de doute. Cette position va valoir, va s'imposer à deux niveaux, un niveau existentiel et un niveau ontologique.

L'ontologie appartient au domaine de la métaphysique, domaine qui essaye de connaître les êtres en dehors de notre portée, les êtres transcendants sur lesquels on ne peut mener aucune expérience, voire expérimentation. L'ontologie est la partie la plus extrême de la métaphysique. C'est une discipline qui remonte à Aristote, est définie par Aristote comme la science de l'être en tant qu'être. "Être-exister" référence à certaines définitions qu'Aristote nous donne dans son ontologie, dans certains livres de la métaphysique, parce que ces définitions vont marquer totalement la pensée occidentale jusqu'à Sartre. Et ce n'est pas par hasard que Sartre a écrit "L'être et le néant".

(J'emploie la formule "Être-exister" pour signifier que, pour le moment-chez Aristote- ces deux mots ne sont pas encore significativement dissociés).
 

Etre-exister n'est pas différencié à l'origine selon toi. Je pense que si, mais il me semble que le fait d'exister passe à la trappe par exemple chez Parménide. Il "fonce" vers l'être sans s'apercevoir qu'il fonce ainsi vers l'être par le seul fait qu'il existe, qu'il sent qu'il existe. C'est le problème du sentiment versus la pensée, je reprends là les différences établies par Jung. Pour Jung la pensée et le sentiment sont des activités rationnelles, mais la pensée s'inspire de la perception extérieure tandis que le sentiment s'inspire de la perception interne.

Je veux dire ceci : Parménide part de l'existence mais n'en prend pas conscience. L'existence "étant", immédiatement l'être "scientifique"  qu'il est va chercher le "père" de l'existence, la 'cause" de l'existence" c'est-à-dire l'être. Nous sommes alors dans la métaphysique, nous ne sommes plus dans l'éprouvé, dans le ressenti, nous sommes dans la spéculation, dans l'obligation de céder au principe de causalité, c'est-à-dire au principe du : "cherche l'origine".

Sartre fait un retour sur l'origine, et l'origine de tout c'est l'existence, le fait conscient que : j'existe, j'existe avant d'être.

Il s'appuie d'abord sur le sentiment, avant de céder (peut-être) à la "pensée" selon Jung, c'est-à-dire à la pure raison (la causalité).

 

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satinvelours Membre 3 006 messages
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Le 19/02/2018 à 14:20, aliochaverkiev a dit :

Etre-exister n'est pas différencié à l'origine selon toi. Je pense que si, mais il me semble que le fait d'exister passe à la trappe par exemple chez Parménide. Il "fonce" vers l'être sans s'apercevoir qu'il fonce ainsi vers l'être par le seul fait qu'il existe, qu'il sent qu'il existe. C'est le problème du sentiment versus la pensée, je reprends là les différences établies par Jung. Pour Jung la pensée et le sentiment sont des activités rationnelles, mais la pensée s'inspire de la perception extérieure tandis que le sentiment s'inspire de la perception interne.

Je veux dire ceci : Parménide part de l'existence mais n'en prend pas conscience. L'existence "étant", immédiatement l'être "scientifique"  qu'il est va chercher le "père" de l'existence, la 'cause" de l'existence" c'est-à-dire l'être. Nous sommes alors dans la métaphysique, nous ne sommes plus dans l'éprouvé, dans le ressenti, nous sommes dans la spéculation, dans l'obligation de céder au principe de causalité, c'est-à-dire au principe du : "cherche l'origine".

Sartre fait un retour sur l'origine, et l'origine de tout c'est l'existence, le fait conscient que : j'existe, j'existe avant d'être.

Il s'appuie d'abord sur le sentiment, avant de céder (peut-être) à la "pensée" selon Jung, c'est-à-dire à la pure raison (la causalité).

 

Oui, il est vrai que pour Parménide essence et existence c’est la même chose. C’est un seul mot, le verbe être avec deux nuances qui dépendent de la phrase. Pour lui, (Parménide), l’être des choses c’est l’existence des choses. Cette distension qui par la suite deviendra classique n’existe pas encore. En effet à un moment donné il y a eu cette distension entre essence et existence : Saint-Thomas c’est l’essence, Sartre c’est l’existence.

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satinvelours Membre 3 006 messages
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J'existe signifie littéralement : je suis un être existant. L'existence est toujours objet d'une ellipse, c'est cela que les philosophes existentialistes vont essayer de faire ressortir, de faire apparaître : ce qui se dissimule. Mais que signifie un être existant? Quand on se pose cette question, on commence à rencontrer des petites difficultés.

Car je suis un être existant veut dire, premier niveau de transcription, je suis un être réel, un être vrai, un être qui est dans la réalité. Mais dire que je suis un être réel, un être vrai n'a de signification que lorsque je confronte le réel, l'être, et de l'autre côté le néant. Dire que je suis un être réellement existant, un être réel, signifie que je me tiens face au néant.

Or cet acte que Sartre étudiera par définition dans "L'être et le néant" l'amène à fracturer le néant, appelé aussi le non-être, à le fondre, le contraindre à s'ouvrir en deux vagues opposées que mon existence va littéralement repousser. En effet il y a le néant d'avant ma naissance, et le néant d'après, après ma mort. 

De sorte que mon existence pourrait déjà se qualifier comme cette déchirure qu'involontairement j'inflige au néant. Ma mort sera la suture, c'est-à-dire que ces deux vagues de néant vont se raccorder au-delà de mon existence.

Lequel d'entre nous n'a pas été frappé d'étonnement, pris de vertige, de nausée pour reprendre le célèbre terme sartrien, face à ce constat? Celui par lequel nous découvrons que nous ne sommes qu'une forme de membrane très fragile qui sans cesse écarte deux aspects du néant. Fragilité ontologiquement extraordinaire de l'existence. C'est peut-être parce qu'il y aura une fragilité ontologique de l'existence qu'il va falloir la doper, la transformer en liberté, en action.

Etonnement devant ce double néant dont nous sommes bordés.

Réplique de Hamlet, acte III, scène 1 "To be or not to be", où toutes les traductions donnent  "Être ou ne pas être". Or, quand nous disons "être ou ne pas être", nous comprenons, nous Français, "exister ou ne pas exister". Bien sûr la réplique d'Hamlet signifie cela. Il y a une méditation d'Hamlet sur la possibilité de quitter cette vie, de cesser d'exister, de mourir, de sauter la vie par le suicide, ou bien au contraire de l'accepter. Suit la tirade où Hamlet s'interroge sur ce qui nous pousse à supporter une vie difficile, pleine de tourments "telle est la question", être, ne plus être, exister, ne plus exister.

Mais sous cette alternative, sous cette question s'en cache une autre. Au fond le choix dont il est question ici, au travers de la réplique  d'Hamlet est aussi le choix qui ne me porte plus à choisir entre l'existence et la non-existence, mais le choix entre être et exister.

D'où une première question qui sera longue quand à son traitement puisque Sartre par exempte s'y est totalement employé dans "l'Être et le néant" : si l'existence ne pouvait se comprendre réellement comme ce qui, en nous, tente d'être sans jamais précisément y parvenir ? Si au lieu de continuer à confondre comme une chose qui va de soi être et exister, nous essayions de regarder, de modifier notre regard ? Si ces deux notions n'étaient pas équivalentes, mais entretenaient des liens conflictuels, antagonistes ? Si d'une certaine façon l'existence n'était pas l'expérience fondamentale de tout être pour essayer d'être, c'est-à-dire pour essayer de réaliser son être, sous entendu : tant qu'il existe son être n'est pas réalisé?

Dissociation possible entre être et exister, mise en accusation de l'existence laquelle va très vite montrer sa défaillance  et montrer en même temps sa vassalité totale par rapport à cette leçon d'être dont nous verrons que dans la philosophie occidentale elle est première. La première catégorie qui existe est celle de l'être, c'est de l'être qu'il faudra partir pour passer à l'existence, mais cela aura de nombreuses conséquences philosophiques.
 

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aliochaverkiev Membre 1 978 messages
Baby Forumeur‚
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Il y a 22 heures, satinvelours a dit :

J'existe signifie littéralement : je suis un être existant. L'existence est toujours objet d'une ellipse, c'est cela que les philosophes existentialistes vont essayer de faire ressortir, de faire apparaître : ce qui se dissimule. Mais que signifie un être existant? Quand on se pose cette question, on commence à rencontrer des petites difficultés.

Car je suis un être existant veut dire, premier niveau de transcription, je suis un être réel, un être vrai, un être qui est dans la réalité. Mais dire que je suis un être réel, un être vrai n'a de signification que lorsque je confronte le réel, l'être, et de l'autre côté le néant. Dire que je suis un être réellement existant, un être réel, signifie que je me tiens face au néant.

Or cet acte que Sartre étudiera par définition dans "L'être et le néant" l'amène à fracturer le néant, appelé aussi le non-être, à le fondre, le contraindre à s'ouvrir en deux vagues opposées que mon existence va littéralement repousser. En effet il y a le néant d'avant ma naissance, et le néant d'après, après ma mort. 

De sorte que mon existence pourrait déjà se qualifier comme cette déchirure qu'involontairement j'inflige au néant. Ma mort sera la suture, c'est-à-dire que ces deux vagues de néant vont se raccorder au-delà de mon existence.

Lequel d'entre nous n'a pas été frappé d'étonnement, pris de vertige, de nausée pour reprendre le célèbre terme sartrien, face à ce constat? Celui par lequel nous découvrons que nous ne sommes qu'une forme de membrane très fragile qui sans cesse écarte deux aspects du néant. Fragilité ontologiquement extraordinaire de l'existence. C'est peut-être parce qu'il y aura une fragilité ontologique de l'existence qu'il va falloir la doper, la transformer en liberté, en action.

Etonnement devant ce double néant dont nous sommes bordés.

Réplique de Hamlet, acte III, scène 1 "To be or not to be", où toutes les traductions donnent  "Être ou ne pas être". Or, quand nous disons "être ou ne pas être", nous comprenons, nous Français, "exister ou ne pas exister". Bien sûr la réplique d'Hamlet signifie cela. Il y a une méditation d'Hamlet sur la possibilité de quitter cette vie, de cesser d'exister, de mourir, de sauter la vie par le suicide, ou bien au contraire de l'accepter. Suit la tirade où Hamlet s'interroge sur ce qui nous pousse à supporter une vie difficile, pleine de tourments "telle est la question", être, ne plus être, exister, ne plus exister.

Mais sous cette alternative, sous cette question s'en cache une autre. Au fond le choix dont il est question ici, au travers de la réplique  d'Hamlet est aussi le choix qui ne me porte plus à choisir entre l'existence et la non-existence, mais le choix entre être et exister.

D'où une première question qui sera longue quand à son traitement puisque Sartre par exempte s'y est totalement employé dans "l'Être et le néant" : si l'existence ne pouvait se comprendre réellement comme ce qui, en nous, tente d'être sans jamais précisément y parvenir ? Si au lieu de continuer à confondre comme une chose qui va de soi être et exister, nous essayions de regarder, de modifier notre regard ? Si ces deux notions n'étaient pas équivalentes, mais entretenaient des liens conflictuels, antagonistes ? Si d'une certaine façon l'existence n'était pas l'expérience fondamentale de tout être pour essayer d'être, c'est-à-dire pour essayer de réaliser son être, sous entendu : tant qu'il existe son être n'est pas réalisé?

Dissociation possible entre être et exister, mise en accusation de l'existence laquelle va très vite montrer sa défaillance  et montrer en même temps sa vassalité totale par rapport à cette leçon d'être dont nous verrons que dans la philosophie occidentale elle est première. La première catégorie qui existe est celle de l'être, c'est de l'être qu'il faudra partir pour passer à l'existence, mais cela aura de nombreuses conséquences philosophiques.
 

Quand je dis "je suis un être réel" en fait je définis ainsi le "réel", le réel est ce que je perçois. Ce n'est pas le "réel" qui engendre ma perception, c'est ma perception qui engendre en moi le sentiment qu'il y a une réalité. Et, ce que j'appelle réel est d'abord ce que je perçois, ce dont j'ai conscience. La fracturation du néant, telle qu'en parle Sartre, est construite à partir de son sentiment d'exister. Il part d'un sentiment d'existence, qui est une conscience d'existence, puis il parle des deux vagues du néant (avant son existence il n' y a rien, après son existence il n'a y  rien) mais cette tirade sur les deux vagues du néant sont des constructions intellectuelles, des constructions rationnelles, des rêveries mathématiques; il déduit le néant au vu de ce qu'il constate (il constate la naissance et la mort, il le constate dans l'observation).Tout cela est intéressant mais c'est artificiel, construit, fabriqué.

L'existence (le sentiment d'existence) n'est pas en nous ce qui tente d'être, le sentiment d'existence est une simple constatation. Mais cette constatation nous angoisse, et pour vaincre l'angoisse nous tentons de transformer l'existence en être, c'est-à-dire en éternité. C'est justement parce que nous prenons d'abord conscience de l'évanescence de l'existence que nous tentons de transformer cette évanescence en éternité. En vérité ce que nous découvrons en nous c'est ce désir de permanence.

Mais ce désir de permanence est-il inhérent à notre nature ou est-il une conséquence de nos dévoiements culturels (la civilisation) ?

La catégorie de l'être est une déduction que nous transformons en induction. L'homme cède à son angoisse. Il se refugie dans l'être. Quand je dis l'homme je devrais dire "certains hommes" car il y a des hommes et des femmes qui acceptent de mourir sans jamais accepter d'en être angoissés. Il reste des hommes (et des femmes) de caractère.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Il y a 23 heures, aliochaverkiev a dit :

Quand je dis "je suis un être réel" en fait je définis ainsi le "réel", le réel est ce que je perçois. Ce n'est pas le "réel" qui engendre ma perception, c'est ma perception qui engendre en moi le sentiment qu'il y a une réalité. Et, ce que j'appelle réel est d'abord ce que je perçois, ce dont j'ai conscience. La fracturation du néant, telle qu'en parle Sartre, est construite à partir de son sentiment d'exister. Il part d'un sentiment d'existence, qui est une conscience d'existence, puis il parle des deux vagues du néant (avant son existence il n' y a rien, après son existence il n'a y  rien) mais cette tirade sur les deux vagues du néant sont des constructions intellectuelles, des constructions rationnelles, des rêveries mathématiques; il déduit le néant au vu de ce qu'il constate (il constate la naissance et la mort, il le constate dans l'observation).Tout cela est intéressant mais c'est artificiel, construit, fabriqué.

L'existence (le sentiment d'existence) n'est pas en nous ce qui tente d'être, le sentiment d'existence est une simple constatation. Mais cette constatation nous angoisse, et pour vaincre l'angoisse nous tentons de transformer l'existence en être, c'est-à-dire en éternité. C'est justement parce que nous prenons d'abord conscience de l'évanescence de l'existence que nous tentons de transformer cette évanescence en éternité. En vérité ce que nous découvrons en nous c'est ce désir de permanence.

Mais ce désir de permanence est-il inhérent à notre nature ou est-il une conséquence de nos dévoiements culturels (la civilisation) ?

La catégorie de l'être est une déduction que nous transformons en induction. L'homme cède à son angoisse. Il se refugie dans l'être. Quand je dis l'homme je devrais dire "certains hommes" car il y a des hommes et des femmes qui acceptent de mourir sans jamais accepter d'en être angoissés. Il reste des hommes (et des femmes) de caractère.

Tu projettes une approche différente de l’existence, différente de celle de Sartre, le fer de lance de la pensée existentialiste avec le Manifeste.

Cette approche différente n’en n’est pas moins très intéressante, elle apporte un tout autre éclairage sur ce thème.

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Cette dissociation et cette opposition entre être et exister va atteindre un degré extrême dans la philosophie sartrienne puisque Sartre écrit dans "L'existentialisme  est un humanisme" : " Tant que nous existons nous ne sommes pas, et quand nous sommes nous n'existons plus".

Nous devrons nous demander pourquoi cette antinomie.  Comment comprendre que l'existence que nous confondons souvent avec l'être, comment comprendre que nous avons privilégié  le verbe être au détriment du verbe exister.

Nous employons "le fait est...", nous ne disons pas  "le fait existe...". Pourquoi dans nombre d'expressions, alors que nous partons de la certitude que les deux s'équivalent, c'est quand même le verbe être que nous privilégions, que notre langue choisit ? Posons-nous cette question : être n'est-ce pas obligatoirement promouvoir l'existence ? Et si nous découvrions que non, que ce n'est pas forcément promouvoir l'existence ?

 Qu’est-ce alors exister ?

Toutes les philosophies existentielles procèdent de cette question. De cette première question nous allons découvrir d'autres questions qui sont emboitées dans celle-ci comme c'est souvent le cas en philosophie. En se demandant qu'est-ce que l'existence nous allons découvrir d'autres questions qui font problèmes.

Il y a donc un nœud de complexités philosophiques autour de l'existence et nous pouvons poser que les existentialismes, en maintenant les pluriels pour l'instant, sont des tentatives de réponses à cela.

Qu'est-ce que l'existence ?

En se posant cette question, nous éprouvons une sorte de gêne comme si le sujet n'était pas vraiment sérieux. Il semble qu'il y ait une évidence de l'existence. Sartre nous a fait comprendre que c'était une curieuse évidence, elle s'exhibe tout en se cachant.

 En même temps si nous regardons du côté de la langue, si nous remontons à l'étymologie latine, exister vient de "ex-sistere" qui veut dire se tenir à l'extérieur de soi-même. Il semble qu'il y a une sorte de paradoxe inscrit dans l'existence, dans le sens premier, puisque exister  c'est à la fois être présent à soi et séparé de soi.

C'est pour cela que l'allemand d'une façon générale utilisera l'expression " da  sein", être là.  Quand il s'agira de l'existence, telle qu'elle peut se proposer à vivre pour un être humain, l'allemand utilisera "existenz", montrant bien que nous ne sommes pas là, même si nous essayons de décrire les choses d'un point de vue spatial et temporel.

Un des fils directeur de toutes les philosophies existentielles c'est de bien montrer que l'existence, certes elle est à vivre, mais elle implique une dimension qui arrache le vivant que nous sommes à son destin biologique, c'est-à-dire, exister n'est pas vivre.

 Là aussi dans le vocabulaire courant on ne fait pas toujours la distinction, on dit "je vis". Or ce sont des abus de langage parce que la vie c'est le bios, quelque chose qui est descriptible en termes de processus physico-chimiques dont nous sommes les manifestations, de même que n'importe quel type d'organisme vivant.

L'existence est quelque chose à décider, à accomplir, à orienter, tous problèmes que ne se pose pas la vie. De même qu'il y a une différence entre être et exister, il y a une violente opposition entre vivre et exister. Si nous n'avions qu'à vivre ce serait beaucoup plus simple, moins douloureux, moins passionnant. L'existence se confond avec ce pur "être-là". Comment sommes-nous-là dans le monde ?

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Membre, 55ans Posté(e)
ping Membre 6 305 messages
Baby Forumeur‚ 55ans‚
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« Un point n'a pas de taille : il est plus petit que tout ce qui est mesurable, et pourtant il est plus grand que rien du tout. Dans un sens, on ne peut dire qu'il existe, car il ne persiste pas, il n'est pas continu dans l'espace. Mais on ne peut dire qu'il n'existe pas, puisqu'il diffère clairement du "rien". Il est semblable à la nature instantanée de l'expérience consciente. Rien n'est permanent, donc ce n'est pas quelque chose, mais quelque chose se produit, donc ce n'est pas rien4. »

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Membre, Agitateur Post Synaptique, 55ans Posté(e)
zenalpha Membre 19 060 messages
55ans‚ Agitateur Post Synaptique,
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J'aime assez l'étymologie pour révéler le sens oublier des concepts

Ex signifie 'sortir de' et sistere 'rester assis'

Exister signifie sortir de son immobilité, bouger, evoluer dans l'espace et dans le temps.

Les mathématiques sont réelles mais elles sont intemporelles

Exister suppose d'être emporté par le fux de causalité et son lot de contingences

La beauté de l'existence c'est sa temporalité, sa finitude, ses limites

Devenir devient ainsi plus important qu'être et d'ou qu'on parte et qui qu'on soit nous serons tous morts un jour

Le chemin compte davantage que la conclusion, arpenter ce chemin est transcender ce que nous sommes en ce que nous serons

Il en faut des obstacles pour goûter ces petits moments faits d'une infinitude de petits instants qui bout à bout transforment ce qui est en ce qui devient

Que deviens tu ?

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satinvelours Membre 3 006 messages
Forumeur vétéran‚
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Est-il sérieux de douter de son existence ? "Comment douter de mon existence ?" (Descartes, Méditations métaphysiques : première méditation paragraphe 4 aliéna 4). Il y a une fausse évidence de l'existence qui semble aller de soi.

Mais si je veux, comme Descartes, être assuré de la véracité de mes propres certitudes, je vais faire l'effort de mettre en doute ce qui semble irraisonnable, c'est-à-dire l'existence elle-même. "Comment pourrais-je nier que ces mains, ce corps soient à moi" demande le philosophe ? Certes je le peux, mais si je le fais, je suis comparable à ces insensés, à ces fous qui ont d'eux-mêmes une perception erronée.

Douter comme le fait Descartes, de son existence est encore témoigner de cette existence dont je doute. Douter est une modalité de la pensée, douter que j'existe est non seulement affirmer de ce fait mon existence, mais affirmer cette existence comme pensée.

C'est le sens du célèbre cogito. Ce rappel cartésien nous montre que l'existence est présupposée dans la question de l'existence. Si je me pose des questions sur l'existence, c'est que moi je suis un être existant. C'est un truisme ; mais la chose la plus difficile à exposer. 

L'existence ne saurait être détachée  de moi, je ne puis arriver qu'à une pure tautologie : je suis ma propre existence . Nous avons donc l'impression que le sens commun a tout à fait raison de confondre être et exister. Néanmoins il est remarquable que Descartes découvre cette certitude d'exister au cours d'une réflexion qui concerne les sens organiques.

Cette certitude de l'existence que nous croyons posséder dès le départ, si nous nous interrogeons par quel moyen elle se donne à nous, la réponse est la réponse cartésienne : les sens. Nous sommes certains d'exister parce que nous nous sentons. Notre existence se confond ici par les millions de sensations que notre corps enregistre en permanence.

En effet les sens nous donnent une certitude immédiate de l'existence  de toutes choses. L'existence confondue avec l'être est certaine et immédiate parce qu'elle s'impose à nous d'abord par l'entremise de la perception et des sens. C'est un constat tout à fait banal, mais ce constat va nous conduire à une deuxième confusion.

Cette confusion est que lorsque nous disons que quelque chose est, c'est-à-dire existe, nous voulons dire que cette chose existe réellement, dans la réalité matérielle. Être réellement, être vraiment  cela veut dire être d'abord, exister d'abord sous une forme matérielle, que ce soit de la nature vivante organique ou de la matière inanimée.

 Cependant toute la philosophie occidentale à commencer par l'édification de la métaphysique va nous montrer qu'être dans la réalité, être matériellement n'épuise pas le concept d'être, lequel recouvre un domaine beaucoup plus vaste.

Que veut dire être-exister ? [ les deux mots restant accolés du fait d'une distinction non encore réalisée dans les esprits]

Être-exister signifie être-exister non pas matériellement, mais idéalement. Il y a une modalité de l'existence qui est une modalité logique.

Quand je construis un concept dans mon esprit ce concept est, existe, il a une réalité, néanmoins je ne peux ni le voir, ni le toucher. Je ne peux que le concevoir dans mon esprit mais quand même lui donner un degré d'être, un degré de réalité.

Cette catégorie d'être est beaucoup plus vaste qu'il n'y paraît puisqu'elle excède complètement cette partie de la réalité où sont les choses matérielles, inanimées et animées. Il y a donc de l'être ailleurs que dans l'univers des choses matérielles qui m'entourent et dont je fais partie. Il y a de l'être au niveau de l'idée, du concept.

On peut aller jusqu'à inverser les choses et dire : "Si je peux tracer un cercle géométrique sur un tableau matériellement, réellement, c'est qu'il existe idéalement" c'est-à-dire dans mon esprit il existe un concept de cercle (Platon).

Le concept de cercle dont mon esprit dispose c'est ce qui va me permettre de tracer réellement ce cercle. La réalité n'est pas que matérielle, plus exactement la réalité matérielle n'est qu'une petite partie de la réalité.

Ce qui m'abuse, c'est que, lorsque je viens au monde, cette réalité s'impose comme étant la réalité. Et ceci me marque d'une empreinte quasiment indélébile. Il faut tout le travail de la philosophie qui est un travail de construction, pour substituer peu à peu à cette empreinte, une reconstruction conceptuelle plus riche.

L'être se décline à deux niveaux. Il y a l'être réel qui se matérialise, il y a aussi l’être logique qui lui n’est que pensable.

il y a 37 minutes, satinvelours a dit :

 

 

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Membre, Posté(e)
aliochaverkiev Membre 1 978 messages
Baby Forumeur‚
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Le ‎26‎/‎02‎/‎2018 à 12:55, satinvelours a dit :

 

 

L'être se décline à deux niveaux. Il y a l'être réel qui se matérialise, il y a aussi l’être logique qui lui n’est que pensable.

 

C'est que nous croyons que nous n'existons que sous l'impulsion de stimuli donnés par l'extérieur ou par un intérieur organique (le besoin, voire le désir), mais ce que nous savons aujourd'hui c'est qu'il existe une activité neuronale "spontanée" c'est-à-dire que, même sans aucun stimulus, les neurones ont une activité, aléatoire, ils s'autoaniment. D'où ce fait : nous pouvons avoir des pensées qui surgissent non pas sous l'effet d'un désir, d'un besoin, d'un stimulus extérieur, mais aussi tout simplement d'une simple activité, aléatoire, des neurones. Il y a l'être qui se matérialise, peut-être l'être logique, mais il y a aussi l'être aléatoire qui surgit d'une activité contingente de notre cerveau.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 824 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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J'ai une lecture ou une interprétation de cette racine de marronnier et de la découverte de l'existentialisme par Sartre sous forme de nausée qui... me déplaît profondément à moi-même !

Et j'espère que vous pourrez me convaincre qu'elle est fausse.

J'écarte toute fausse piste en avouant tout de go que je suis absolument admiratif du style de Sartre, que je trouve éblouissant, Exceptionnel.

Voilà, c'est très simple, j'ai l'impression que ce qui donne la nausée à Sartre, le très intellectuel, très cérébral, très littéraire, très intelligent, c'est qu'il découvre dans cette racine, comme un relent de la sueur du prolétaire ! Du "travailleur" qui a emprise sur le  monde physique, réel, ce qui lui est totalement étranger, mais à lui, tout spécialement.

Parce que la nausée n'est pas un vertige intellectuel... C'est une réaction corporelle, viscérale...

Voilà.

N.B : Je n'aime pas ce que j'ai dit ! Mais je le ressens comme ça...

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 824 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)
Le 2/26/2018 à 12:55, satinvelours a dit :


L'être se décline à deux niveaux. Il y a l'être réel qui se matérialise, il y a aussi l’être logique qui lui n’est que pensable.

 

Oui !

L'être-exister.

L'espagnol a deux verbes (je l'ai déjà dit) : "ser" y "estar". Rarement le pont aux ânes qui nous dit l'intérêt de connaître plusieurs langues s'est avéré plus vrai.

"Ser", c'est être et "estar" c'est exister... -je caricature) Et d'instinct, les espagnols ne peuvent pas confondre les deux...

"Lola es guapa" (ser-être): Lola est jolie !

Mais "hoy, Lola esta guapa" (est momentanément, accidentellement -la pauvre!) Aujourd'hui, Lola est jolie.

L'existence en devient systématiquement prise dans l'espace et le temps. ("Exister c'est dépendre" disait Alain).

Mais l'être aussi dépend. Il dépend de l'existant. Un livre "plein d'être", n'existe absolument pas (l'être qui est contenu, pas le livre lui-même) tant qu'un existant ne pense pas cet être qu'il contient.

La pensée est de l'être mais toujours (jamais que) "portée" par un existant.

Là on rejoint le principe existentialiste : l'existence précède l'essence. Quand bien même l'être se déploie/déploiera  sur un autre mode que l'existence. L'existence n'est pas fortuite ni aléatoire, elle est l'a priori absolu. L'a priori de l'être.

 

Je remarque que être est un verbe comme exister. Mais l'être est aussi un substantif largement utilisé. L'exister n'en est pas un ! On le remplace pas "l'existant". Parfois par "l'étant". Comme s'il ne pouvait s'agir que d'un cas oblique, d'une déclinaison. Comme si l'être (substantif) était fondamentalement premier...

S'il fallait comprendre ce phénomène qui va à l'encontre de la réalité, je dirais que c'est parce que le langage (ou l'esprit) Ne sont pas le réel, mais valent pour lui (même s'ils ont UNE réalité). Veulent valoir pour lui. (Un peu comme une imposture). L'esprit peut-il rien dire, rien prouver de l'existence (nous ici). L'existence ne serait-elle pas que du domaine, de l'ordre de l'éprouvé ? (Je vous rejoins, je crois.)l

Mais peu-être qu'il y a une façon purement intellectuelle de mal comprendre les choses. (La nausée !)

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Je pense que toute réflexion part de l'idée que l'on a de soi.

Je suppose donc que les personnes qui se prennent très au sérieux  ( les existentialistes ? ) ressentent l'existence comme collante et lourde.

Alors que peut etre celles qui sentent une distance entre elles et l'existant, un non-accord, une indifférence de l'existence,  finiront par prendre tout ça a la légère.

A Sartre on peut opposer Camus:" Je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde" (l'étranger )

 

 

Dans une perspective Bouddhiste ou spiritualiste, il y a la notion d'existences multiples a travers des réincarnations successives.

L'existence, ou les existences, n'ayant d'autres buts que de nous faire comprendre que tout est vacuité, les etres et les phénomènes, et qu'il n'y a rien a désirer.

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