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Qu’il est beau mon jardin ! !


Arn

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Membre, Couillon de première, 70ans Posté(e)
Arn Membre 3 801 messages
70ans‚ Couillon de première,
Posté(e)

Dans mon jardin, assise au près du pommier, habillée en robe des années 30, occupée à écrire sur une sorte de cahier, penchée et absorbée dans son activité, il y a Marguerite Yourcenar. Elle est là superbe, magique et posée, une femme d'une maturité étonnante malgré ses vingt-sept printemps. Elle donne la sensation que les choses n'ont pas d'importance. Les choses, quelles choses ? Ce vieux râteau un peu rouillé, ce puits au toit d'ardoises, cette voiture sublime au long capot brillant, garée dans la cour ? Les choses, quelles choses ? Les choses tout simplement. Elle sait en parler avec tant de finesse. Son chapeau est à large bord. Le chaud soleil du mois d'août frappe, vous accable et vous remplit d'une profonde joie. Sa peau est douce au toucher et belle au regard. Comme on est bien ! Non loin d'elle, Mozart le tout fou est en grande discussion avec le vieil Albert. Celui-là a toujours la pipe aux lèvres, ses cheveux longs et blancs, entourent un visage duquel rayonne la sympathie. De ma place, j'entends la conversation :
MOZART: "Ah ! Si vous aviez été un musicien, vous auriez été un génie",
EINSTEIN: "......",
MOZART (en martelant les mots) : "...., mais si je vous assure". 
EINSTEIN: "Vous croyez ? Mais savez vous que je jouais du violon ? ........en fait, c'était ma détente préférée, mon inspiration, ma muse en quelque sorte. J'en jouais déjà, enfant. J'ai parlé très tard, mes parents s'inquiétaient, d'ailleurs. Ils me croyaient sot. Et bien, ils avaient raison finalement. J'ai toujours été sot. Toute ma vie, j'ai adoré faire des plaisanteries d'enfant. Et voulez-vous que je vous dise un secret ?
MOZART: "Oui. Dîtes toujours... ",
EINSTEIN: "Quand personne n'est près de moi, j'ai presque honte de vous dire cela, et bien j'adore me mettre les doigts dans le nez."
Et Mozart, se met à rire, d'un rire à la Mozart, grand, contagieux, joyeux. Les conversations s'arrêtent, les yeux se détournent des livres, les demi-sommeils deviennent des demi éveils, le soleil continue son charme, les petites bêtes ne grignotent plus. Mozart, le grand Mozart, le divin Mozart, le vulgaire Mozart, Mozart a ri. Et Albert n'y tient plus, il s'esclaffe lui aussi, il ne sait plus très bien pourquoi. Mais faut-il une bonne raison pour rire ? Il s'en fout. Georges s'approche du duo, tranquillement, attend qu'ils se calment, et leurs propose : "Voulez-vous m'accompagner les gars ? Je prends ma guitare, Albert son violon, et l'on peut déplacer le piano du patio sous l'arbre pour Wolfang. Marguerite, tu accepteras bien de te déplacer ?". 
"Mais avec plaisir, bien entendu. Que ne ferait-on pour toi Georges !" répond Marguerite, moqueuse,  en se levant.
Les hommes vont au patio prendre le piano. Les femmes installent des couvertures sur l'herbe. En quelques instants, le concert improvisé est en place. Mon père se démène comme d'habitude, prévenant, aimable, sympathique, beau. Toutes les femmes le regardent, je le vois bien. Il a l'air tellement sud-américain avec sa peau halée, et sa fine moustache brune.  Il danse à merveille, en sifflant, le paso-doble, la valse mais surtout le tango quand Carlos Gardel prend son bandonéon. Il est tellement séduisant, et si gentil. Georges se met à chanter, et les conversations cessent pour mieux l'écouter. "Dans un coin pourri du pauvre Paris, Sur un' place, L'est un vieux bistrot Tenu par un gros Dégueulasse.....".  Mozart glisse à l'oreille de mon père : "Tout est bon chez lui, y'a rien à jeter". Mon père rigole et fait signe que oui de la tête. La poésie imprègne l'air. La poésie des gens simples et heureux. Le soleil, les amis, la chaleur, un peu de vin dans les verres, le chant d'un oiseau, le jaune d'une jonquille, le rouge d'une tulipe, le décolleté d'une femme, le sourire du chien, l'ombre rafraîchissante, les regards qui s'égarent, les gens qui parlent, ceux qui écoutent, ceux qui ne disent rien, les moins nombreux, à qui la seule présence des autres suffit. L'esprit vagabonde vers les contrées familières du bonheur si proches et si lointaines. Pourquoi est-il difficile d'y aller, et encore plus d'y rester ?
"Tu me semble bien pensif mon jeune ami" me dit le jardinier. Je m'échappe de mon rêve, et le regarde, l'air ahuri, certainement, car il se met à rire. Il porte un chapeau de paille et un tablier. Moi, comme tous les enfants, je le préfère avec sa canne, son chapeau melon, sa petite moustache, et ses grosses chaussures.   "As-tu perdu ta langue ?" reprend-il. Et comme je ne dis rien, il se met à rire de plus belle. Ses yeux ont l'air tellement malicieux. Ils pétillent d'intelligence.  "Ne jamais se conformer, surtout. Souviens-toi bien de ça. Les imbéciles sont toujours conformistes. Toujours. Et tellement sûrs d'eux qu'ils toisent les autres avec dédain. Alors, que sans les autres, ils ne sont rien. Ils n'agissent que pour avoir l'air. Avoir l'air intelligent, avoir l'air instruit. Ils croient qu'en accumulant les savoirs dans leur gros sac sans malice, ils seront plus intelligents. Et quel manque de confiance ! C'est pour cela qu'ils sont capables de dire les pires âneries avec un tel aplomb. En fait ce sont de pauvres gens. Il faut les plaindre. Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Mais s'ils prennent le pouvoir, alors la médiocrité règne. Ils disent : "il n'y a pas d'autre politique possible" ; "Les choix économiques que j'ai fait sont les seuls qui permettront au pays de se redresser" ou bien "On ne met pas ses coudes sur la table quand on est un petit garçon bien élevé". Ils ont tous les mêmes cravates, les mêmes chaussettes, les mêmes conseillers. Ils lisent les mêmes journaux ou plutôt le même journal sous des formes différentes. Entre eux, ils s'appellent "mon ami untel" mais se font les pires vacheries. Comme dirait le Petit Prince ce ne sont que des champignons ! Je les hais tous ces enfonceurs de portes ouvertes, tous ces minables qui se prétendent supérieurs. Dans les camps, les kapos étaient souvent les pires tortionnaires."
Il cesse de parler, et me fait signe de m'approcher de lui. Je me baisse. Et soudain une fleur, étire ses ailes et s'envole avec grâce, sans direction précise, en virevoltant pareille à la feuille emportée par le vent. Mais la feuille ne tombe pas. Elle change de direction et se pose sur un autre bouquet de couleurs. 
Les yeux du petit homme à moustache parlent. Ils disent : "Regarde. Le monde n'est-il pas beau ?  Regarde comme un tout petit papillon de rien du tout peut te rendre ta gaieté. Soit naïf, sois un enfant toute ta vie. Elle est si courte ta vie. Et tant de choses sont si surprenantes. Ne fait pas attention aux imbéciles. Laisse les parler tout seuls. Laisse les se bouffir d'orgueil. Vois le bourgeon sur la branche, et le moineau dans son nid, et le torrent qui coule entre les rochers. Les gros boursouflés ne pensent pas à un pré, oh ! Non ! Ce serait trop facile. Ils imaginent un parking de supermarché, et puis des chariots, des milliers de chariots pleins de boîtes de conserves, de cartons d'emballage, de bouteilles plastiques, de sacs poubelles, de fromages sous cellophane, et de crevettes surgelées. Regarde les ces bienfaiteurs de l'humanité tout moisis, tout rances".
Le petit homme esquisse un pas de danse, et se dandine comme le petit "kid" qu'il a été, qu'il est, qu'il sera. Les femmes l'adorent lui aussi, il est si frêle, si naïf, si humain. 
Et là, je la vois, dans toute sa beauté. Elle s'approche, une main cachée derrière son dos, puis, souriante, me tend une pomme fraîchement cueillie, un beau fruit rouge. "Regarde, comme je l'ai frotté pour qu'elle brille." Et c'est vrai, qu'elle est belle cette pomme. Eve me prend la main, et m'entraîne sur le chemin gorgé de soleil. Les bruits de la musique s'estompent doucement. Ne reste que le chant d'un grillon.  Le blé doré s'agite tranquillement. Ce n'est pas la tempête aujourd'hui. La mer est calme, sans écume et sans vagues. Sa main me dirige, et je ne suis pas rebelle. Pourquoi le serais-je ? Je n'ai que cette envie de me laisser faire. Sa jupe est si légère et son chemisier si fleuri. Je croque la pomme à pleines dents. Nous nous asseyons à l'ombre d'un arbre centenaire. Eve me caresse la joue tendrement. "Tu sais, dit-elle tout bas, le vieux barbu de l'autre fois, il est en vacance. Je lui ai parlé, c'est un vieux monsieur charmant. La grande maison là-bas, elle lui appartient. Il m'a laissé la clé et m'a demandé si je pouvais arroser ses plantes de temps à autre. Et il m'a même dit que l'autre monsieur, celui d'avant, était parti sans laisser d'adresse. Il a ajouté qu'il fallait manger les pommes de son verger, car sinon elles allaient pourrir. De si belles pommes, ce serait dommage de les jeter !".
Je me penche vers Eve. Je la regarde avec douceur. C'est vrai, ce serait si dommage.....
 

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 821 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Ouch !

..........................................................

 

Dans mon jardin secret à moi,

y'a que des vers  de terre.

Croquant la terre par devant

Et par derrière la chiant plus fine.

C'est des cacas de terre

En petits monticules torsadés,

très décoratifs.

Qu'ont-ils mangé dedans ?

 je ne saurais le dire.

Les vers de terre sont gras,

mous, capricieux,

et un peu dégouttants.

Il arrive qu'ils saignent !

D'un beau sang rouge, comme nous.

Il paraît que si on coupe un vers de terre en deux,

La partie la plus grosse refait un ver de terre.

C'est la démocratie des vers de terre.

(La majorité qui l'emporte.)

Il faudrait prendre un ver,

le mesurer exactement

et le couper en deux moitiés parfaitement égales

aux ciseaux

pour voir s'il en repousse deux.

Mais ce serait inhumain.

 

(De remettre ainsi en cause la démocratie ?)

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  • 4 semaines après...
Membre, 120 LOLA 120, 105ans Posté(e)
120lola120 Membre 3 108 messages
105ans‚ 120 LOLA 120,
Posté(e)

J'aime l'idée.

Je voudrais plus d'alinéas pour aérer le texte. Un petit recul des paragraphes (id).

"Aéré", je le relirais avec plaisir.

Un peu dingue comme Yourcenar me poursuit, en ce moment.

L'histoire d'Eve se lit à plusieurs niveaux.

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Membre, 120 LOLA 120, 105ans Posté(e)
120lola120 Membre 3 108 messages
105ans‚ 120 LOLA 120,
Posté(e)
Le 19/05/2017 à 19:36, Arn a dit :

Dans mon jardin,

Revenue faire un tour dans ton jardin.

 

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Membre, Couillon de première, 70ans Posté(e)
Arn Membre 3 801 messages
70ans‚ Couillon de première,
Posté(e)
Le 20/06/2017 à 15:31, 120lola120 a dit :

Revenue faire un tour dans ton jardin.

 

Je vous le remets le texte plus aérée, j'espère:

 

     Dans mon jardin, assise au près du pommier, habillée en robe des années 30, occupée à écrire sur une sorte de cahier, penchée et absorbée dans son activité, il y a Marguerite Yourcenar. Elle est là superbe, magique et posée, une femme d'une maturité étonnante malgré ses vingt-sept printemps. Elle donne la sensation que les choses n'ont pas d'importance. Les choses, quelles choses ? Ce vieux râteau un peu rouillé, ce puits au toit d'ardoises, cette voiture sublime au long capot brillant, garée dans la cour ? Les choses, quelles choses ? Les choses tout simplement. Elle sait en parler avec tant de finesse. Son chapeau est à large bord.

     Le chaud soleil du mois d'août frappe, vous accable et vous remplit d'une profonde joie. Sa peau est douce au toucher et belle au regard. Comme on est bien ! Non loin d'elle, Mozart le tout fou est en grande discussion avec le vieil Albert. Celui-là a toujours la pipe aux lèvres, ses cheveux longs et blancs, entourent un visage duquel rayonne la sympathie. De ma place, j'entends la conversation :
     MOZART: "Ah ! Si vous aviez été un musicien, vous auriez été un génie",
     EINSTEIN: "......",
     MOZART (en martelant les mots) : "...., mais si je vous assure". 
     EINSTEIN: "Vous croyez ? Mais savez vous que je jouais du violon ? ........en fait, c'était ma détente préférée, mon inspiration, ma muse en quelque sorte. J'en jouais déjà, enfant. J'ai parlé très tard, mes parents s'inquiétaient, d'ailleurs. Ils me croyaient sot. Et bien, ils avaient raison finalement. J'ai toujours été sot. Toute ma vie, j'ai adoré faire des plaisanteries d'enfant. Et voulez-vous que je vous dise un secret ?
     MOZART: "Oui. Dîtes toujours... ",
     EINSTEIN: "Quand personne n'est près de moi, j'ai presque honte de vous dire cela, et bien j'adore me mettre les doigts dans le nez."


     Et Mozart, se met à rire, d'un rire à la Mozart, grand, contagieux, joyeux. Les conversations s'arrêtent, les yeux se détournent des livres, les demi-sommeils deviennent des demi éveils, le soleil continue son charme, les petites bêtes ne grignotent plus. Mozart, le grand Mozart, le divin Mozart, le vulgaire Mozart, Mozart a ri. Et Albert n'y tient plus, il s'esclaffe lui aussi, il ne sait plus très bien pourquoi. Mais faut-il une bonne raison pour rire ? Il s'en fout.

    Georges s'approche du duo, tranquillement, attend qu'ils se calment, et leurs propose : "Voulez-vous m'accompagner les gars ? Je prends ma guitare, Albert son violon, et l'on peut déplacer le piano du patio sous l'arbre pour Wolfang. Marguerite, tu accepteras bien de te déplacer ?". 


     "Mais avec plaisir, bien entendu. Que ne ferait-on pour toi Georges !" répond Marguerite, moqueuse,  en se levant.


    Les hommes vont au patio prendre le piano. Les femmes installent des couvertures sur l'herbe. En quelques instants, le concert improvisé est en place. Mon père se démène comme d'habitude, prévenant, aimable, sympathique, beau. Toutes les femmes le regardent, je le vois bien. Il a l'air tellement sud-américain avec sa peau halée, et sa fine moustache brune.  Il danse à merveille, en sifflant, le paso doble, la valse mais surtout le tango quand Carlos Gardel prend son bandonéon. Il est tellement séduisant, et si gentil.

    Georges se met à chanter, et les conversations cessent pour mieux l'écouter.

    "Dans un coin pourri du pauvre Paris, Sur un' place, L'est un vieux bistrot Tenu par un gros Dégueulasse.....".  

    Mozart glisse à l'oreille de mon père :

    - "Tout est bon chez lui, y'a rien à jeter".

    Mon père rigole et fait signe que oui de la tête. La poésie imprègne l'air. La poésie des gens simples et heureux. Le soleil, les amis, la chaleur, un peu de vin dans les verres, le chant d'un oiseau, le jaune d'une jonquille, le rouge d'une tulipe, le décolleté d'une femme, le sourire du chien, l'ombre rafraîchissante, les regards qui s'égarent, les gens qui parlent, ceux qui écoutent, ceux qui ne disent rien, les moins nombreux, à qui la seule présence des autres suffit. L'esprit vagabonde vers les contrées familières du bonheur si proches et si lointaines. Pourquoi est-il difficile d'y aller, et encore plus d'y rester ?


     "Tu me semble bien pensif mon jeune ami" me dit le jardinier.

     Je m'échappe de mon rêve, et le regarde, l'air ahuri, certainement, car il se met à rire. Il porte un chapeau de paille et un tablier. Moi, comme tous les enfants, je le préfère avec sa canne, son chapeau melon, sa petite moustache, et ses grosses chaussures.  

     "As-tu perdu ta langue ?" reprend-il.

     Et comme je ne dis rien, il se met à rire de plus belle. Ses yeux ont l'air tellement malicieux. Ils pétillent d'intelligence.  

     "Ne jamais se conformer, surtout. Souviens-toi bien de ça. Les imbéciles sont toujours conformistes. Toujours. Et tellement sûrs d'eux qu'ils toisent les autres avec dédain. Alors, que sans les autres, ils ne sont rien. Ils n'agissent que pour avoir l'air. Avoir l'air intelligent, avoir l'air instruit. Ils croient qu'en accumulant les savoirs dans leur gros sac sans malice, ils seront plus intelligents. Et quel manque de confiance ! C'est pour cela qu'ils sont capables de dire les pires âneries avec un tel aplomb. En fait ce sont de pauvres gens. Il faut les plaindre. Ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Mais s'ils prennent le pouvoir, alors la médiocrité règne. Ils disent : "il n'y a pas d'autre politique possible" ; "Les choix économiques que j'ai fait sont les seuls qui permettront au pays de se redresser" ou bien "On ne met pas ses coudes sur la table quand on est un petit garçon bien élevé". Ils ont tous les mêmes cravates, les mêmes chaussettes, les mêmes conseillers. Ils lisent les mêmes journaux ou plutôt le même journal sous des formes différentes. Entre eux, ils s'appellent "mon ami untel" mais se font les pires vacheries. Comme dirait le Petit Prince ce ne sont que des champignons ! Je les hais tous ces enfonceurs de portes ouvertes, tous ces minables qui se prétendent supérieurs. Dans les camps, les kapos étaient souvent les pires tortionnaires."


    Il cesse de parler, et me fait signe de m'approcher de lui. Je me baisse. Et soudain une fleur, étire ses ailes et s'envole avec grâce, sans direction précise, en virevoltant pareille à la feuille emportée par le vent. Mais la feuille ne tombe pas. Elle change de direction et se pose sur un autre bouquet de couleurs. 


     Les yeux du petit homme à moustache parlent. Ils disent : "Regarde. Le monde n'est-il pas beau ?  Regarde comme un tout petit papillon de rien du tout peut te rendre ta gaieté. Soit naïf, sois un enfant toute ta vie. Elle est si courte ta vie. Et tant de choses sont si surprenantes. Ne fait pas attention aux imbéciles. Laisse les parler tout seuls. Laisse les se bouffir d'orgueil. Vois le bourgeon sur la branche, et le moineau dans son nid, et le torrent qui coule entre les rochers. Les gros boursouflés ne pensent pas à un pré, oh ! Non ! Ce serait trop facile. Ils imaginent un parking de supermarché, et puis des chariots, des milliers de chariots pleins de boîtes de conserves, de cartons d'emballage, de bouteilles plastiques, de sacs poubelles, de fromages sous cellophane, et de crevettes surgelées. Regarde les ces bienfaiteurs de l'humanité tout moisis, tout rances".


     Le petit homme esquisse un pas de danse, et se dandine comme le petit "kid" qu'il a été, qu'il est, qu'il sera. Les femmes l'adorent lui aussi, il est si frêle, si naïf, si humain. 


     Et là, je la vois, dans toute sa beauté. Elle s'approche, une main cachée derrière son dos, puis, souriante, me tend une pomme fraîchement cueillie, un beau fruit rouge.

     "Regarde, comme je l'ai frotté pour qu'elle brille."

     Et c'est vrai, qu'elle est belle cette pomme. Eve me prend la main, et m'entraîne sur le chemin gorgé de soleil. Les bruits de la musique s'estompent doucement. Ne reste que le chant d'un grillon.  Le blé doré s'agite tranquillement. Ce n'est pas la tempête aujourd'hui. La mer est calme, sans écume et sans vagues.

    Sa main me dirige, et je ne suis pas rebelle. Pourquoi le serais-je ? Je n'ai que cette envie de me laisser faire. Sa jupe est si légère et son chemisier si fleuri. Je croque la pomme à pleines dents. Nous nous asseyons à l'ombre d'un arbre centenaire. Eve me caresse la joue tendrement.

     "Tu sais, dit-elle tout bas, le vieux barbu de l'autre fois, il est en vacance. Je lui ai parlé, c'est un vieux monsieur charmant. La grande maison là-bas, elle lui appartient. Il m'a laissé la clé et m'a demandé si je pouvais arroser ses plantes de temps à autre. Et il m'a même dit que l'autre monsieur, celui d'avant, était parti sans laisser d'adresse. Il a ajouté qu'il fallait manger les pommes de son verger, car sinon elles allaient pourrir. De si belles pommes, ce serait dommage de les jeter !".


     Je me penche vers Eve. Je la regarde avec douceur. C'est vrai, ce serait si dommage.....

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Membre, 120 LOLA 120, 105ans Posté(e)
120lola120 Membre 3 108 messages
105ans‚ 120 LOLA 120,
Posté(e)

Ah oui !

Ce jardin respire beaucoup mieux...

Très personnel et pourtant, si plein d'une large vie que l'on peut partager, en invité(e) un joli moment, si simple, si artistique et si humain.

Dense et danse...

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Membre, Couillon de première, 70ans Posté(e)
Arn Membre 3 801 messages
70ans‚ Couillon de première,
Posté(e)
il y a 13 minutes, 120lola120 a dit :

Ah oui !

Ce jardin respire beaucoup mieux...

Très personnel et pourtant, si plein d'une large vie que l'on peut partager, en invité(e) un joli moment, si simple, si artistique et si humain.

Dense et danse...

Et bien merci Lola, j'ai compris que tu avais aimé cette histoire et bien sûr cela me fait plaisir. J'ai écrit cela en 94 je crois. J'exprime d'abord une histoire et ce que je dirais comme étant une sorte de vision du bonheur par la simplicité. J'en ai écrit d'autres. Si tu veux je pourrai en mettre une autre plus tard. Les noms des personnages écrits ou pas ne sont pas anodins.

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Membre, 120 LOLA 120, 105ans Posté(e)
120lola120 Membre 3 108 messages
105ans‚ 120 LOLA 120,
Posté(e)

J'ai mis un mot dans "animaux"

A +++

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Membre, Couillon de première, 70ans Posté(e)
Arn Membre 3 801 messages
70ans‚ Couillon de première,
Posté(e)
Le 23/06/2017 à 14:34, 120lola120 a dit :

J'ai mis un mot dans "animaux"

A +++

Si tu as l'occasion (et si tu veux) tu peux écouter mon émission qui passe le lundi à 20h (émission enregistrée chez moi pour les causes que tu sais). La musique est assez douce et spirituelle. Là à l'instant démarre Richards Desjardins le grand chanteur québéquois et après Volare de Lionel Hampton grand vibraphoniste.

http://www.radio-g.fr/

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