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Membre, nyctalope, 39ans Posté(e)
Criterium Membre 2 852 messages
39ans‚ nyctalope,
Posté(e)

Bonsoir.

J'ai vu cette vidéo intéressante.

(Par contre c'est en anglais, accent british)

Je vais résumer pour les non-anglophones de manière concise pour commencer:

— Prenez un rat, mettez-le dans une cage, avec deux bouteilles d'eau. L'une contient une drogue hallucinogène (héroïne typiquement). Le rat va rapidement préférer boire à cette bouteille, jusqu'à mourir d'une overdose; cela se répète quasiment systématiquement. Est-il devenu addict? - C'est là que ça devient intéressant: prenez un rat et mettez-le dans une cage non pas petite et avec le strict minimum, mais plutôt dans une grande cage pleine de jouets, de nourriture, de copains, de jolies rattes, etc. un environnement excitant et cool pour un rat; et, de même, les deux bouteilles d'eau dont l'une contient la drogue. Ce rat-là préférera la bouteille sans drogue, et ne mourra pas d'overdose; il ne devient pas addict. D'autres expériences vont dans le même sens chez d'autres espèces, dont l'homme.

Donc, un aspect important des phénomènes d'addiction, plutôt que la substance chimique en elle-même, serait l'environnement direct de la personne. Or cette perspective change le paradigme de l'addiction: d'une problème individuel l'on passe à un problème sociétal. – Une société dans laquelle les individus ne sont pas épanouis et dans laquelle les contacts sociaux directs (fessebouc ne compte pas) sont fortement diminués, crée naturellement un vide latent qui amène à l'addiction — à tout type d'addiction: l'on ne parle pas seulement d'héroïne mais également de ces autres compulsivités (allons du pastis au porno en passant par le tabac et le travail).

Cela rejoint bien l'idée déjà ancienne que l'homme ayant besoin de contacts sociaux (appelés par Eric Berne caresses pour bien faire passer l'idée qu'ils soient aussi important que le contact physique, lequel est absolument nécessaire pour qu'un nourrisson survive - le fait même que beaucoup ignorent cela est d'ailleurs bien un symptôme de notre époque), tout contact social — y compris un contact mauvais, dysfonctionnel ou néfaste — est supérieur et préférable à l'absence de contact social.

Cela résonne assez avec la détresse souvent formulée au début de l'ère industrielle, et encore de nos jours, de ceux qui passaient de l'organisation sociale de la vie de village – où tout le monde se connaît et se rencontre – à celle des immenses métropoles – où l'on se croise sans jamais se voir, ces regards vides qui nous ont tous fascinés durant notre enfance.

De nos jours, les nouvelles méthodes de communication nous engloutissant toujours un peu plus, nous n'avons jamais eu autant de connexions les uns aux autres, tout en n'ayant jamais été aussi seuls, enfermés dans nos petites cages connectées - pour reprendre une image que j'ai souvent entendue. De même, les familles s'éclatent et se dispersent. Lorsque vous êtes malades; lorsque vous êtes moribonds; lorsque vous avez le plus besoin de vos amis, ce ne sera pas vos abonnés qui viendront au chevet — ce sera des êtres en chair et en os, et ceux-là se font rares. Voilà: notre société moderne nous aliène.

Ressentez-vous cette aliénation?

Avez-vous des addictions et vous êtes vous jamais posés la question de comment celle-ci vous mène, comment celle-ci est-elle venue à vous mener?

Vous êtes-vous blâmés ou aviez-vous eu une intuition d'un fait public?

:|

— Mais surtout:

Que proposeriez-vous pour soigner la chose publique?

N'est-ce pas là une autre face noire de la société de consommation?

Pensez-vous que ce climat est entretenu par certains?

Quelles sont les actions que vous proposeriez pour changer le monde?

:)

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Invité Karbomine
Invités, Posté(e)
Invité Karbomine
Invité Karbomine Invités 0 message
Posté(e)

1. Ressentez-vous cette aliénation?

2. Avez-vous des addictions et vous êtes vous jamais posés la question de comment celle-ci vous mène, comment celle-ci est-elle venue à vous mener?

3. Vous êtes-vous blâmés ou aviez-vous eu une intuition d'un fait public?

:|

1. Oui, oui, OUI.

2. Évidemment, je ne m'étendrai pas sur les réponses, tu les connais.

3. Idem.

— Mais surtout:

Que proposeriez-vous pour soigner la chose publique?

N'est-ce pas là une autre face noire de la société de consommation?

Pensez-vous que ce climat est entretenu par certains?

Quelles sont les actions que vous proposeriez pour changer le monde?

:)

Questions épineuses. Je fais personnellement une fixations sur les nouvelles technologies, qui nous donnent le luxe et l'illusion de faire des rencontres de qualité en sélectionnant à l'entrée, comme pour économiser des interactions. C'est tout à fait antinomique avec la notion de rencontre ou celle même d'interaction mais le fait est qu'on est de moins en moins nombreux (en moi-même y compris) à avoir du "temps à perdre" avec l'idiot du coin alors qu'on peut venir sur Forumfr et discuter avec Criterium. :hehe:

Je crois que l'on a sacrifié les espaces de sociabilisation uniquement basés sur la localisation géographique (écoles de secteur, cafés, bals, ...) au profit d'un élitisme. Le souci, c'est que l'élitisme ne concernait autrefois que les élites et que, par la publicité et l'accès à la consommation, nous nous prenons tous pour des parties prenantes d'une élite. Le refus de la mixité sociale est criant, il pénètre tous les aspects de la vie et il nous pousse à pré-sélectionner nos interactions.

De plus, si certaines addictions sont frappées d'opprobre (alcool, drogues dures, cannabis, jeux vidéos), d'autres sont au contraire valorisées ; qui n'a jamais vu un connard ou une connasse de base se vanter de son addiction au sport, au shopping ou aux produits Apple ? Pourquoi ? Par déficit d'identité. Pourquoi ? Par abandon des valeurs spirituelles représentées par une vie religieuse sensée ou par l'art. La dévalorisation des filières littéraires marque par exemple un grand choix, un choix durable et invisible pour une société de l'efficacité au détriment de la réflexion existentielle/intra-personnelle.

En somme, il faut à mes yeux travailler sur :

- l'espace de la ville et aller vers de la mixité ;

- retrouver la fréquentation du café ;

- travailler sur la famille ;

- se remettre à lire/aller au musée/au cinéma.

Si on fait ça, naturellement, on se remettra à créer de vrais liens, de chair et d'os. Tu remarqueras que les quartiers riches sont devenus inabordables, même en chambre de bonne, que les tarifs des cafés ont doublé ou triplé en vingt ans et que le prix de la place de ciné a augmenté vertigineusement.

La dernière saison de South Park parle de la gentrification ; elle expose bien une partie du problème.

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Invité TTX
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Invité TTX
Invité TTX Invités 0 message
Posté(e)

Lorsque, par son volet compassionnel, la loi du 31 décembre 1970 jetait les bases d’une réponse thérapeutique aux problèmes de drogue, il était peut-être difficile d’imaginer que certaines structures seraient encore adéquates quarante-un ans plus tard. Pourtant, nous avons vu émerger depuis une discipline nouvelle et en pleine expansion : l’addictologie, et celle-ci touche à des domaines si vastes qu’elle peine à être contenue dans l’univers de la médecine et de la biologie. La clinique des addictions ne se résumera jamais à une technique « standardisable », le plus important restant de l’ordre de la qualité de relation et d’écoute. Les addictions ne seront jamais des « maladies comme les autres », et dire que la toxicomanie est « une maladie chronique du cerveau » n’a pas grand sens. Par ailleurs, il faut aussi faire place aux addictions sans drogues, aux « pharmaka » non chimiques, comme le jeu pathologique, qui sont de plus en plus reconnues comme des causes de souffrances individuelles et de coûts sociaux non négligeables.

Dans toutes les approches de la souffrance psychique se pose alors la question des limites de la science, à travers l’opposition entre explication et compréhension, histoire singulière et faits généralisables, valeurs et faits objectifs. Les problèmes soulevés sont aussi complexes qu’anciens : il s’agit de reposer sur de nouvelles bases les oppositions entre le « bio » et le « psycho », les sciences « dures » et les « douces » (selon l’expression de Michel Serres), sinon la nature et la culture, voire le corps et l’âme…

À cette dimension épistémologique s’ajoute la tension entre liberté individuelle – liberté de consommer – et devoir de protection des citoyens, de plus en plus citoyens-consommateurs. En effet, que la société produise et promeuve les objets mêmes dont elle prétend protéger les individus est une évidence. L’addict d’aujourd’hui est devenu la caricature de notre société, la victime de ses injonctions, et de l’idée que la consommation peut « réenchanter le monde ».

Travaux, Hautefeuille. ( voir travaux de R.Castel et Laborit aussi )

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Membre, Raven, 42ans Posté(e)
Mak Marceau Membre 5 697 messages
42ans‚ Raven,
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Sérieusement, le test sur les rats ce n'est pas fort.

Moi je dis que même si l'être à tout, il a de grande chance de rester accro. Tout simplement parce que la vie est souvent dur et la drogue elle est facile. Sans compter que ce monde comporte une grande bande de cons qui ne seront en aucun cas capable de ne pas tomber accro aux drogues.

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Membre, 45ans Posté(e)
renard79 Membre 3 212 messages
Baby Forumeur‚ 45ans‚
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Merci criterium pour le résumé de cette vidéo. En effet, ce point de vue est très intéressant. On peut aussi résumer cela en disant que la solitude mène aux addictions...

Donc, la solution, c'est de se trouver des amis, de sortir, de prendre part aux "animations" de quartier etc... Le problème survient lorsque justement, ces amis sont eux-mêmes addicts, d'où ce constat: être + en phase avec la société, développer son entourage, ses connaissances, je dis oui à condition cependant de ne pas "s'attrouper" entre addicts d'un même produit. Et malheureusement, surtout chez les jeunes, on remarque que les "bandes" de potes se forment souvent autour d'une addiction... Donc, finalement, la solution n'est pas aussi simple que ça. Se trouver de nouveaux amis n'ayant pas d'addiction nous concernant, ça semble compliqué à partir du moment où, comme on dit, qui se ressemble s'assemble... Et puis généralement, les non-addict évitent les gens qui ont justement une addiction, surtout aux drogues...

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Invité Karbomine
Invités, Posté(e)
Invité Karbomine
Invité Karbomine Invités 0 message
Posté(e)

Merci criterium pour le résumé de cette vidéo. En effet, ce point de vue est très intéressant. On peut aussi résumer cela en disant que la solitude mène aux addictions...

Donc, la solution, c'est de se trouver des amis, de sortir, de prendre part aux "animations" de quartier etc... Le problème survient lorsque justement, ces amis sont eux-mêmes addicts, d'où ce constat: être + en phase avec la société, développer son entourage, ses connaissances, je dis oui à condition cependant de ne pas "s'attrouper" entre addicts d'un même produit. Et malheureusement, surtout chez les jeunes, on remarque que les "bandes" de potes se forment souvent autour d'une addiction... Donc, finalement, la solution n'est pas aussi simple que ça. Se trouver de nouveaux amis n'ayant pas d'addiction nous concernant, ça semble compliqué à partir du moment où, comme on dit, qui se ressemble s'assemble... Et puis généralement, les non-addict évitent les gens qui ont justement une addiction, surtout aux drogues...

Je pense que tu fais un contre-sens.

Ici, il ne s'agit précisément pas de dire aux addicts de se mêler à la société ; il s'agit de dire à la société qu'elle génère des êtres seuls et donc des addicts.

Le problème ne me semble pas individuel ou thérapeutique mais culturel.

Non ?

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Membre, 45ans Posté(e)
renard79 Membre 3 212 messages
Baby Forumeur‚ 45ans‚
Posté(e)

Disons que la solitude est aussi bien perçue d'un point de vue individuel que d'un point de vue sociétal. Notre modèle de société pousse à la solitude (grandes villes, metro boulot dodo). Cependant, certains arrivent à créer du lien social dans notre société. Ce sont ceux qui justement ont un environnement propice à la rencontre. Mais je pense aussi que le tempérament individuel joue un grand rôle dans notre façon d'évoluer, de nous comporter, de nous ouvrir aux autres.

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  • 2 semaines après...
Membre, nyctalope, 39ans Posté(e)
Criterium Membre 2 852 messages
39ans‚ nyctalope,
Posté(e)

@Renard: plus que la solitude, c'est la non-connexion qui compte; l'on peut aisément être très social et très seul. Toujours est-il qu'ensuite, la solution dépend d'où tu places ton point de vue: l'individu ou la société? — Si tu ne veux te sauver que toi-même, alors oui, faire en sorte de changer son environnement direct peut aider. Jusqu'à une certaine mesure. (Parce que de un, c'est difficile de changer son environnement car notre perception y contribue, ainsi quelqu'un qui fuit de pays en pays ne fuira pas ses problèmes intérieurs; de deux, la société étant addictogène, tu dois changer de manière sociable et non-sociable à la fois... dilemme).

Cependant, admettons que tu y arrives, et tu évites ainsi les comportements addictifs avec aise. Es-tu sauvé? Tu regardes autour de toi et tu observes des êtres chers, et des inconnus, se détruire ainsi. Le problème n'est pas vaincu: tout au plus tu as pu t'en extirper... et finalement on revient à la dimension sociétale de ce problème, qui dépasse chacun dans son individualité; c'est cela que je voulais exposer.

Interlude: les nouvelles technologies utilisent des techniques de prestidigitation et de manipulation afin d'augmenter leur emprise sur nous.

Lien (en anglais, illustré)

@Karbomine: je suis tout à fait d'accord sur ces points:

(1) La perte d'espace de sociabilisation basés uniquement sur un point géographique (le bal du village, le bar du village...). Je le vois comme un espace à mi-chemin entre la famille et la société: des personnes avec qui l'on est forcé de co-exister dans une certaine mesure - ce qui a des bons et des mauvais côtés certes, mais fournit une toile de fond, nous connectant.

(2) La perte générale de valeurs spirituelles dans notre société — nous sommes maintenant les serviteurs de Mammon — que chacun s'empresse de balayer sans penser en avoir besoin, surtout ceux qui en auraient définitivement besoin. Nous savons maintenant que la façon dont fonctionne notre cerveau le prédispose aux croyances à la fois superstitieuses et religieuses (cf. Pascal Boyer); dépasser cette influence va requérir plus que quelques décades et quelques iPhone... ainsi tout refuser en bloc contribue à nous créer ce problème de non-connexion plutôt que de résoudre les problèmes inhérents aux religions. L'immense appel d'air généré nous porte vers sectes new-age et vers les pires courants pseudo-scientifiques.

(3) Le fait que chacun se sente partie d'une élite, sans l'être (malgré le fait que l'on bannisse ce mot, ce qui est intéressant en soi). À toute époque le peuple a voulu imiter les élites et les riches, que ce soit par l'accoutrement, les rites, les mets, les habitudes... Avec la société de consommation, le fordisme, et l'augmentation de la classe moyenne et (petite)-bourgeoise, notre époque le fait sans doute encore plus. C'est sans doute un progrès, dont toutefois la conséquence directe est une perte générale d'humilité et la généralisation de ce sentiment appelé en anglais l'entitlement - la notion que tout nous serait dû. Tout le monde regarde donc vers le haut, plutôt que de créer du lien social: la société est le nouvel espace de compétition de libre-marché. L'extension de cet espace aux interactions humaines se voit partout, y compris dans le domaine de la séduction: ainsi je vois le livre de Houellebecq "Extension du domaine de la lutte" comme un symptôme du même mal. (Et déjà au XIXe/XXe le Heimatroman exposait certaines de ces problématiques)

— En somme, je crois que beaucoup de ces problèmes sont la conséquence quasiment directe de la perte de la vie de village, de l'exode rural. Cependant, comme je crois aussi que ces structures sont plus résilientes à certaines crises — perdre le courant pendant deux mois n'aura pas la même conséquence dans une ville pleine de viande pourrie, de pilleurs et de cadavres, que dans un village modérément soudé avec du terrain et des potagers — on y reviendra sans doute.

Ce climat est-il entretenu par certains — Qui aurait intérêt à bénéficier d'un vaste panel de consommateurs aux comportements addictifs, parqués dans de petits appartements, rassemblés là pour fournir un travail de tertiaire?

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