Aller au contenu

Mort d’Ibrahima Sylla, grand monsieur de la musique africaine


Phob

Messages recommandés

Robots, Newser, Posté(e)
Phob Robots 159 151 messages
Newser,
Posté(e)
forum

Mort d’Ibrahima Sylla, grand monsieur de la musique africaine

[DATE][/DATE]
Dans l’histoire de la musique africaine moderne, il y a un avant et un après Ibrahima Sylla. Comm...

Dans l’histoire de la musique africaine moderne, il y a un avant et un après Ibrahima Sylla. Comme il y a eu un avant et un après Coxsone Dodd pour la musique Jamaïquaine, ou un “ante” et un “post” Berry Gordy pour la soul américaine. Sylla qui vient de disparaître à l’âge de 58 ans appartient à cette espèce bien à part que sont les bâtisseurs d’empire sonore. On lui doit notamment la mise en orbite internationale de plusieurs grands noms du continent dont Salif Keita, Ismael Lô, Youssou N’Dour, Baaba Maal et bien d’autres. Lorsqu’en 2002, à l’occasion de la célébration des 20 ans du label Syllart qu’il avait fondé, était paru un luxueux coffret de 18 CD parcourant l’ensemble de son œuvre de producteur, on avait été quelque peu sidéré par la somme phénoménale de musique enregistrée sous sa direction – ainsi que par la variété des sources explorées allant du Sénégal au Congo en passant par le Mali, la Guinée, le Cap Vert… – derrière laquelle l’homme Sylla disparaissait presque intégralement.On ne savait rien de lui, ou si peu. On aurait été bien en peine de le reconnaître dans la rue ou dans une salle de concert vu qu’aucune photo, à une époque où Internet balbutiait encore, ne circulait. Cette discrétion quasi méthodique au sein d’un univers où chacun cherche à se mettre en avant correspondait à des principes plutôt qu’à une phobie. Elle semblait n’avoir pour objectif que la mise en évidence du cœur de son métier (et moins sa mise en scène), à savoir cette passion immodérée et dévorante pour la musique qui l’animait. Cette passion a été son inspiratrice. Elle l’a conduit à prendre des risques, à se prendre parfois les pieds dans le tapis, mais également à connaître de prestigieux et profitables succès. Elle aura surtout contribué à changer radicalement la perspective d’ensemble sur des musiques africaines rarement acceptées “au naturel” par un public occidental peu curieux et pas franchement ouvert sur les autres cultures mais que la science de papa Sylla savait rendre “friendly” aux oreilles de beaucoup.Peut-être que sommeillait en lui une âme de diplomate, un de ces esprits capables de rapprocher des mentalités opposées sans que l’une ou l’autre ne se sente amputée dans son essence… Pourtant si un sang parlait dans ses veines, ce n’était pas celui du médiateur, ni du griot, mais celui du marabout. Né dans la ville sénégalaise de Kaolak, Ibrahima Sylla avait pour père le chef de l’une des communautés religieuses les plus prestigieuses d’Afrique de l’Ouest, les Diakhanké, mandingue d’ethnie et affiliée à la confrérie soufie des Tidjiane. Prise en main par ce paternel dont l’autorité rayonnait bien au-delà du cercle familial, son éducation ressemblera à celle évoquée par  Cheikh Amidou Kane  dans son récit L’Aventure Ambiguë, dispatchée entre une école française de Dakar, des études coraniques au Tchad et un cursus d’économie à Paris.C’est dans la capitale française que son amour pour la musique, en particulier cubaine, prendra une forme plus active, notamment à travers la conception de compilations. De retour à Dakar, il est engagé comme assistant au studio Golden et y travaille alors que l’Orchestre Baobab et l’Etoile de Dakar, où brille déjà un certain Youssou N’Dour, enregistrent. C’est là que germe l’idée du label Syllart fondé en 1981. Il a 25 ans. “Mon père a tout donné aux griots se dit le jeune Sylla. Moi je vais travailler avec eux…” Débute alors une aventure de pionnier qui enjambe frontières et continents. A Paris, il ouvre rue de Rocroy dans le 10ème arrondissement un petit magasin de disques, Kubaney Music, qui devient  le laboratoire de ses futures productions.Musiciens sénégalais, maliens, congolais ou cap verdiens s’y retrouvent. Et sur ce petit maquis panafricain flottent les rêves et les ambitions d’une génération. En 1987, le label obtient son premier grand succès avec l’album Soro de Salif Keita, prototype d’un genre  afro pop en gestation. Arrangé par Jean Philippe Rykiel et réalisé par François Bréant, Soro lancera la carrière internationale de Salif, établira la réputation de Sylla comme producteur et servira de sésame à des artistes africains dont commencent à s’inspirer ouvertement Miles Davis ou Carlos Santana et que courtisent les multinationales.“En Afrique, ce qui manque c’est la direction artistique” affirmait celui qui, mieux que quiconque, savait combien la délicate opération consistant à raffiner le minerai musical africain afin de le conformer à l’esthétique occidentale ne peut être une question de méthode mais bien plutôt d’intuition. C’est à elle qu’il doit d’avoir déniché des talents comme Ismael Lô, Baaba Maal ou Youssou N’Dour, leur donnant accessoirement la clef qui allait leur ouvrir la porte de la consécration internationale. C’est avec ce flair inimitable qu’il initiera la création du all star diasporatique de musique afro cubaine qu’est Africando, avec lequel il signera du reste sa dernière production quelques semaines avant sa disparition.C’est encore guidé par ce même flair qu’il se lancera dans le projet pharaonique Orientissime pour lequel le chanteur sénégalais Thione Seck, ancien de l’Orchestre Baobab, voyagera entre Dakar, Paris, Le Caire et Madras et se verra accompagné par un big band fait de sénégalais, de français, d’indiens et d’égyptiens. Soit 50 musiciens et 30 000 kilomètres parcourus. C’est ainsi que Sylla nous apparaît aujourd’hui : producteur avisé mais aussi incorrigible rêveur capable de miser sa dernière chemise pour l’amour de l’art. Nous reste aussi l’image d’un homme trop conscient des aléas du métier pour occulter certains de ses mémorables manqués. Comme d’avoir signifié son désintérêt pour une rencontre que souhaitait Ry Cooder avec le génial Boubacar Traoré. Du coup Cooder ira voir Ali Farka Touré avec lequel il enregistrera Talkin Timbuktu qui fera un carton et remportera un Grammy. “J‘ai deux règles aimait-il à dire ne jamais signer un contrat avec un artiste pour plus d’un album et ne jamais faire ce que l’on attend de vous…” Ainsi était Sylla, grand monsieur de la musique africaine, indispensable passeur, dont l’œuvre est trop colossale pour ne pas lui survivre.



[ Lire la suite de l'Article... ]



forum Source: Inrocks - Musique
Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Annonces
Maintenant

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×