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24 avril 1671. Cet idiot de Vatel s'embroche sur son épée pour quelques poissons.


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24 avril 1671. Cet idiot de Vatel s'embroche sur son épée pour quelques poissons.

Croyant son honneur à jamais perdu à cause d'une marée n'arrivant pas, François Vatel se fait hara-kiri à Chantilly.

vatel-559797-jpg_384097.JPGLa mort de Vatel. © DR

Peut-on imaginer le chef des cuisines de l'Élysée se pendre parce que le livreur de pizzas se fait attendre ? Faut pas rêver. Autre temps, autres moeurs. Au XVIIe siècle, François Vatel, lui, a bel et bien choisi de s'embrocher sur son épée, croyant que le poisson qu'il avait commandé n'arriverait pas à temps à Chantilly. Ça, c'est la classe.

Aujourd'hui, il n'y a plus que des lavettes aux fourneaux. Trêve de plaisanterie, ce suicide a paru tellement improbable aux historiens que beaucoup ont cherché une autre raison à cet acte insensé. Certains prétendent qu'il se tue car il a été ridiculisé la veille par une dame de la cour dont il aurait été amoureux. D'autres allèguent l'existence d'une liaison homosexuelle mal vécue avec Monsieur, frère de Louis XIV. C'est chercher midi à quatorze heures. La vérité, il faut la chercher dans le vrai nom de François Vatel : Fritz Karl Watel. Effectivement, le bougre est d'origine suisse ! Or, pour un Suisse, la ponctualité est quoi ? ELLE EST FONDAMENTALE ! Du poisson qui pose un lapin, c'est donc insupportable. Un suicide s'impose...

Les faits nous sont connus grâce à une de ces merveilleuses lettres écrites par la cancanière de Madame de Sévigné à sa fille. En 1671, Vatel, qui a 40 ans, est le "contrôleur général de la bouche" du Grand Condé au château de Chantilly. Autrement dit, en tant que maître d'hôtel, il est chargé d'assurer la tortore de la boutique. Quand Condé lui annonce avoir invité Louis XIV et toute la cour au château pour trois jours de fastueuses fêtes, le bonhomme sent monter la pression.

D'autant que son maître lui fait bien comprendre qu'il n'a pas intérêt à se planter, car il compte sur cette réception pour faire oublier au roi plusieurs de ses faux pas passés. Vatel doit organiser trois banquets comptant au bas mot 3 000 convives chacun dont 600 nobles C'est autre chose qu'un défi de Top Chef. Louis XIV ne se satisfait pas d'un menu routier style entrée-plat-dessert. Il lui faut plusieurs dizaines de plats de viandes et de poissons. Sans compter la nécessité de distraire les invités avec des ballets, des pièces de théâtre, de la musique et même un feu d'artifice.

L'ampleur de la tâche écrase déjà ce pauvre homme. Vatel va-t-il s'en sortir ? Rien que la conception des menus est un casse-tête à filer la migraine à un Chinois. Il envoie des dizaines d'émissaires dans tout le pays pour collecter les meilleurs produits. Il engage une armée de musiciens, comédiens, danseurs, cuisiniers, valets. C'est bien simple, au cours des douze jours précédant la réception, Vatel ne ferme pas l'oeil une minute. Et à l'époque pas de petit rail à renifler pour se maintenir au top.

"Tout va bien"

Le jeudi 23 avril, Louis XIV et la cour se pointent enfin à Chantilly. Durant la matinée, les invités participent à une grande chasse dans la forêt voisine avant de venir banqueter. Autant dire qu'ils crèvent la dalle. Vatel est sur des charbons ardents. Il veille à tout. Il semble avoir la situation en main quand, soudain, drame ! Oh, mon Dieu ! La honte ! François Vatel est effondré : les invités sont plus nombreux que prévu, du coup des rôtis viennent à manquer sur deux des vingt-cinq tables d'honneur.

Le maître d'hôtel est inconsolable, il se dit atteint dans son honneur même si aucun reproche ne lui est adressé. Le reste de la soirée se déroule impeccablement. Le spectacle mêlant danseurs, musiciens et acteurs est apprécié du roi, le cadre est magnifique, les illuminations sont superbes. Seul le feu d'artifice laisse à désirer à cause de nuages. Mais voilà, la viande a manqué ! En pleine crise d'hystérie, Vatel court d'un endroit à l'autre, répétant : "Je suis perdu d'honneur ; voici un affront que je ne supporterai pas." Et de répéter à l'intendant de Condé, le baron de Gourville : "La tête me tourne, il y a douze nuits que je n'ai dormi ; aidez-moi à donner des ordres." Bon prince, le baron lui file un coup de main.

Et Vatel de continuer à se lamenter. Il monte se réfugier dans sa chambre. Gourville, qui commence à s'inquiéter, court prévenir Condé. Celui-ci vient trouver son maître d'hôtel : "Tout va bien, rien n'était si beau que le souper du roi." Mais rien à faire, l'ex-pâtissier répète en boucle : "Monseigneur, votre bonté m'achève ; je sais que le rôti a manqué à deux tables." Le prince répond avec patience : "Point du tout, ne vous fâchez point, tout va bien." Autant vouloir calmer un éléphant dépressif en lui jouant un air de viole.

Vatel finit par rassembler ses esprits, il lui faut enchaîner avec le banquet du lendemain. Le malheureux a prévu du poisson, beaucoup de poisson. Encore, s'il avait joué la sécurité avec du poisson d'étang dont il aurait pu faire provision dans les bassins du château, mais, non, cet inconscient a voulu offrir du poisson de mer. Du saumon, de la sole, du bar, de la plie, de la raie, du turbot... C'est prendre un immense risque en matière d'approvisionnement. Pour tenter de pallier cela, Vatel a passé commande dans une vingtaine de ports de Haute-Normandie.

Comme à cette époque, on n'a pas encore eu l'idée, en France, de garder le poisson au frais avec de la glace, il faut l'acheminer le plus rapidement possible après sa pêche. Pour être servi à la table du roi le vendredi, le poisson doit être ramené au port le jeudi matin, puis être conditionné pour le transport, et enfin parcourir un peu plus de 200 kilomètres en moins de 24 heures. C'est du véritable flux tendu.

Vatel a pris un énorme risque. D'autant que la météo joue contre lui. Depuis plusieurs jours, la pluie rend les routes boueuses. Les chevaux ont du mal à avancer, les carrioles s'enlisent. Normalement, les chemins des marées menant à Paris sont spécialement entretenus par des élus de la mer autorisés à lever des taxes sur les paroisses à cet effet. Mais quelques années auparavant, Colbert avait mis fin à cette fonction car certains élus détournaient une partie des sommes à leur profit. En fait, le ministre voyait d'un mauvais oeil, des "privés" prélever des taxes publiques. Depuis lors, les chemins des marées se détériorent gravement. Voilà une raison, parmi d'autres, expliquant le retard du poisson commandé par Vatel.

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Membre, Posté(e)
_Desaix Membre 75 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Et pourtant, la vérité est bien que Vatel cru que son honneur étant perdu, il se suicide : jusqu’au début du 20e siècle, la question de l'honneur est bien une réalité.

Jusqu'à même le plus modeste des paysans, l'honneur est une question tellement importante que l'on peut aller jusqu'à se provoquer en duel et risquer de mourir en son nom.

Il est d'ailleurs à noter qu'il y avait jusqu'à des batailles rangées entre village pour une simple insulte.

Clémenceau lui-même participa à de nombreux duels.

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Membre+, Posté(e)
Doïna Membre+ 17 448 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)

ça aura été une nouvelle "affaire des poissons" !:smile2:

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Membre, 116ans Posté(e)
nerelucia Membre 12 886 messages
Baby Forumeur‚ 116ans‚
Posté(e)

Suicide oui mais peur des nobles surtout.

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Membre, Posté(e)
_Desaix Membre 75 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Peur des nobles , je crois pas : le Grand Condé lui avait déjà dit que sa fête était une réussite.

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