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Comment l'enquête sur le meurtre d'Elodie Kulik a été relancée par l'ADN d'un parent


Invité David Web

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Comment l'enquête sur le meurtre d'Elodie Kulik a été relancée par l'ADN d'un parent

Il aura fallu dix ans. Dix longues années pour leverun premier voile sur les circonstances du viol puis du meurtre d'Elodie Kulik, 24 ans, retrouvée le 12 janvier 2002 sur un terrain militaire désaffecté de la petite commune de Tertry (Somme). Une décennie d'enquête inlassable durant laquelle les efforts des gendarmes n'ont abouti qu'à des impasses ou à des fausses pistes. La scène de crime leur avait pourtant offert de précieux indices. Un ADN nucléaire, c'est-à-dire complet, extrait du sperme retrouvé dans un préservatif, quatre ADN incomplets et une empreinte digitale. Autant de signatures que les assassins n'avaient pu effacer en brûlant le corps de leur victime, surnommée localement "la banquière de Péronne" parce qu'elle dirigeait une agence bancaire de cette ville de la Somme.Ratissée dans les grandes largeurs par les gendarmes, la Picardie est restée muette. Au moins 10 000 personnes entendues, 14 000 factures téléphoniques passées au crible et près de 600 hypothèses suivies. Sans succès. L'ADN, nouvelle "reine des preuves", n'a pas parlé. L'empreinte génétique retrouvée sur place ne correspondait à aucun profil référencé au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg), qui recense les personnes condamnées ou mises en cause au cours d'une enquête. Pas plus qu'aux milliers de prélèvements effectués sur des hommes pendant les recherches.

UNE APPROCHE INÉDITE

Jusqu'à ce qu'en janvier 2011, un capitaine de la section de recherche d'Amiens, biologiste de formation passé par l'Institut de recherche criminel de la gendarmerie nationale (IRCGN), ait l'idée d'interroger à nouveau le Fnaeg avec une approche inédite. Celle-ci repose sur une composante "familiale" de l'identité génétique : chaque enfant possède un allèle (c'est-à-dire une version d'un gène héréditaire) du père et un allèle de la mère. En se fondant sur ce point commun, les enquêteurs pouvaient espérer identifier non plus le meurtrier, mais un membre de sa famille.

Cette recherche est une première dans l'histoire judiciaire française. Elle repose sur un pari : l'hypothèse qu'un parent du meurtrier aurait déjà eu affaire à la justice, sans quoi il ne figurerait pas au Fnaeg. Les gendarmes se lancent sur cette piste à l'automne 2011. Et il faut une semaine pour que le Fnaeg révèle l'existence d'une personne qui possède un point génétique commun avec le meurtrier. Et qui, de surcroît, est localisé dans la région où a eu lieu le meurtre.

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Un kit de prélèvement d'ADN buccal au Service central de préservation des prélèvements biologiques à Cergy-Pontoise, le 12 octobre 2007.AFP/MEHDI FEDOUACH

Cet homme est en prison, depuis 2001, pour agressions sexuelles. "L'ADN de départ a ensuite été comparé à celui de la conjointe de ce détenu, explique une source proche du dossier. Cette analyse a confirmé que l'empreinte génétique retrouvée sur place appartenait bien à l'un des enfants de ces deux personnes". Ceux-ci ont donné naissance à une fratrie de six frères et s?urs, parmi lesquels les enquêteurs isolent l'un des fils. Il s'agit de Grégory Wiart, un plombier-chauffagiste de Montescourt-Lizerolles (Aisne), commune située à 27 km de Tertry. Il est mort en 2003 dans un accident de la route.

Le juge d'instruction Jordan Duquenne ordonne alors l'exhumation du corps de ce suspect pour que la comparaison avec l'ADN retrouvé sur place ôte tout doute sur la validité des recherches de parentèles effectuées sur le Fnaeg. Cette mesure a confirmé le travail des gendarmes, comme l'a annoncé le 26 janvier le procureur d'Amiens. Le jeune homme est bien l'un des meurtriers de la jeune banquière Elodie Kulik. Entre persévérance, innovation et coup de chance, les enquêteurs viennent de relancer une enquête enlisée. Et de démontrer la validité d'une nouvelle technique de recoupement par l'ADN familial qui ouvre des perspectives pour d'autres affaires criminelles.

L'AFFAIRE "GRIM SLEEPER"

En France, cette technique était déjà utilisée dans l'identification des personnes victimes de catastrophe civiles. Ainsi, explique l'ancien sous-directeur à la Direction centrale de la police judiciaire chargé de la police technique et scientifique, Christian Jalby, "lors du tsunami de l'hiver 2006, du crash du Concorde ou de l'incendie dans le tunnel du Mont-Blanc, des prélèvements biologiques ont été effectués sur des débris de corps retrouvés sur place afin de les comparer à des ADN parents." L'objectif étant d'identifier formellement les victimes. Toutefois, dans ces cas de figures, le Fnaeg n'intervenait pas.

L'utilisation de cette technique dite du "familial search" (recherche familiale) dans des enquêtes criminelles vient en fait du Pays de Galles où, pour la première fois, en 2001, des enquêteurs ont résolu le meurtre, commis en 1975, de trois fillettes. Mais c'est aux Etats-Unis qu'une affaire particulièrement médiatique a popularisé cette méthode. Il s'agit de l'affaire "Grim Sleeper", du nom d'un tueur en série arrêté vingt-cinq ans après les faits. Comme dans l'affaire Kulik, les enquêteurs ont identifié, grâce à leur fichier national, un ADN proche de celui retrouvé sur les scènes de crime, appartenant à un homme détenu dans une prison californienne. Il s'agissait du fils de Lonnie David Franklin Jr., interpellé, après de multiples rebondissements, pour avoir tué et violé une dizaine de femmes.

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Lonnie David Franklin junior, suspecté d'avoir tué onze femmes aux Etats-Unis, a été arrêté après des recherches par ADN parent.AFP/AL SEIB

Ces résultats n'ont pas empêché l'émergence d'un débat sur cette méthode d'identification. Celle-ci étend le potentiel des recherches bien au-delà de ce qui était possible précédemment. Mais elle soulève également des inquiétudes sur les atteintes à la vie privée de personnes qui ne sont pas directement concernées. Certains ont soulevé le risque de voir stigmatiser les minorités afro-américaines et latines plus largement représentées dans les fichiers, expliquant par ailleurs que la tentation serait grande ensuite de voir chez certaines familles le gène de la criminalité. Pour d'autres, il s'agit d'un détournement des objectifs du fichier ADN adopté aux Etats-Unis en 1994.

"ON STOCKE UNE INFORMATION QU'ON NE MAÎTRISE PAS"

Dans l'affaire Elodie Kulik, le capitaine de gendarmerie à l'origine de la procédure "a été pendant un an en relation avec différents professeurs en France et à l'étranger, notamment des chimistes, pour faire valider son hypothèse de travail", explique une source proche du dossier. Celle-ci précise que "le feu vert final a été donné par la chancellerie", reconnaissant toutefois que "nos textes législatifs n'autorisent pas cette procédure mais ne l'interdisent pas non plus". Les enquêteurs ont donc agi au bénéfice d'un vide juridique.

Le commissaire Guillaume Le Magnen, chef du service central de l'identité judiciaire, confirme qu'il s'est assuré auprès de la direction des affaires criminelles et des grâces que les conditions étaient réunies, car "c'était une première et le logiciel n'était pas prévu pour ça". "Deux personnes à temps plein ont mené les recherches pendant une semaine, ajoute-t-il. Aux enquêteurs ensuite, avec des méthodes de travail plus traditionnelles, d'identifier le ou les proches des suspects."

"L'affaire Kulik montre que lorsqu'il y a une volonté politique, on peut faire dire aux données ADN autre chose que ce pourquoi elles étaient prévues", explique Catherine Bourgain, généticienne à l'Inserm, qui a déjà dénoncé les écueils possibles du Fnaeg. "Cela signifie que si l'un de vos proches est fiché, vous l'êtes aussi en partie", ajoute-t-elle avant de rappeler que "plus il y a de segments d'ADN prélevés, plus on réduit le risque d'erreur dans les enquêtes mais plus on augmente le nombre d'informations sur les individus. Aujourd'hui, les segments référencés au Fnaeg peuvent potentiellement donner des indications sur les origines ethnogéographiques des individus". Et de déplorer qu'"on stocke une information qu'on ne maîtrise pas".

En France, les avancées permises par la recherche d'ADN parents dans le cadre de l'affaire Kulik ont donné l'occasion à des associations de victimes de demander l'élargissement du Fnaeg aux délinquants routiers et financiers, voire à toute la population. C'est le cas par exemple du père d'Elodie Kulik ou encore de l'association "Angélique, un ange est passé", du nom d'une jeune fille assassinée il y a quinze ans et dont le meurtrier n'a été identifié qu'après un nouvel homicide. Dans Le Parisien, Marie-Pierre Mazier, mère de la victime, expliquait : "Il avait eu un retrait de permis plusieurs années auparavant. Si à l'époque on avait prélevé son ADN, il y aurait eu un procès et des réponses."

Le Monde.

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Invité Grenadine33
Invités, Posté(e)
Invité Grenadine33
Invité Grenadine33 Invités 0 message
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Passionnant ! Je suis contente que la science puisse permettre d'arrêter de tels individus et les empêche de continuer leurs forfaits.

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Membre, 72ans Posté(e)
gravellegg Membre 24 565 messages
Baby Forumeur‚ 72ans‚
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c'est une belle avancée,et tant pis si certains crient a la surveillance

quant tu n'as rien a te reprocher,tu n'as rien a craindre

domage que ca arrive si tard :hu:

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