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20 février 1942 : Parution clandestine du livre « Le silence de la mer de Vercors »


Invité David Web

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20 février 1942 : Parution clandestine du livre « Le silence de la mer de Vercors »

Le Silence de la mer, écrit en 1941 et publié en 1942, est un livre culte qui a consacré son auteur Vercors – de son vrai nom Jean Bruller - comme un des écrivains de la Résistance. A la Libération, ce premier volume de la maison d’édition clandestine les Editions de Minuit, a été immédiatement réimprimé, puis suivi d’une adaptation théâtrale en 1949 dans une mise en scène de Jean Mercure, et du film très fidèle de Jean-Pierre Melville.

Si on ne l’a pas lu, on en connaît du moins l’histoire, celle d’un officier allemand Werner von Ebrennac qu’un oncle et sa nièce sont obligés d’accueillir dans leur maison.

Chaque soir, cet homme cultivé comble le silence, forme de résistance de ses hôtes, par ses monologues illusoires exprimant son espoir d’union entre l’Allemagne et la France.

Quand il apprend finalement les véritables intentions de son pays, il se résigne, ce que le narrateur réprouve hautement, s’engage pour le front de l’est et quitte à jamais la nièce, symbole dans son esprit de cette France digne qu’il admire et aime tant.

puce-32883.gif « Pardonnez-moi : peut-être j’ai pu vous blesser. Mais ce que je disais je le pense avec très bon coeur : je le pense par amour pour la France. Il sortira de très grandes choses pour l’Allemagne, et pour la France. »

puce-32883.gif « Mais c’est la dernière. Nous ne nous battrons plus : nous nous marierons ! »

Cette œuvre dénonce les Nazis et leur entreprise diabolique d’avilissement de l’homme pendant la IIe Guerre Mondiale ; c’est une lutte contre les forces du mal, mais aussi un message d’espérance. La guerre change les hommes, ceux qui essaient de vivre à contre-courant ont la vie dure, « Mais l’homme ne peut pas soumettre l’homme »

A travers ce chef-d’œuvre, Vercors, homme de conviction, voulait probablement nous transmettre le message de clôture de son histoire « Post tenebras lux », « la lumière succède aux ténèbres ».

Vercors nous plonge dans un effet de sens dès le titre qu’il a choisi pour son œuvre : « Le silence de la mer » - titre qui, par sa polysémie, suggère à l’esprit du lecteur plusieurs interprétations possibles. En outre, nous sommes de l’avis que ces variantes de signification sont en rapport avec les points que l’auteur voulait aborder à travers les différentes facettes des caractères ambigus de ces trois personnages.

Le silence est omniprésent dans l’ouvrage. Tout d’abord, dans le titre énigmatique ; ensuite le mot lui-même ou ses dérivés apparaissent au moins 27 fois dans le texte, sans compter les allusions indirectes au silence.

Si l’on essaie d’imaginer une mer silencieuse, on n’y arrive pas puisque l’eau est toujours en mouvement : le bruit des vagues est répétitif et éternel. Sauf peut-être avant un orage, quand s’instaure un calme invraisemblable, présage de la tempête. Le message du titre annonce-t-il une apocalypse ? Peut-être.

Le narrateur donne une clef de l’oeuvre dans le passage suivant :

« Certes, sous le silence d’antan, - comme, sous la calme surface des eaux, la mêlée des bêtes sous la mer, je sentais bien grouiller la vie sous-marine des sentiments cachés, des désirs et des pensées qui se nient et qui luttent. »

La mer n’est-elle pas, d’ailleurs, appelée « le monde du silence » ? Mais sous le calme apparent du monde sous-marin, son silence est habité de passions, de conflits, de drames : ceux de la vie et de la mort.

La résistance passive représentée par le silence du narrateur et de sa nièce n’atteint pas son but - ignorer l’intrus, le nier - , puisque, bien au contraire, la communication s’établit. Car le silence les met dans la situation d’entendre puis d’écouter le monologue de Von Ebrennac et d’observer son comportement. Et une certaine réceptivité s’installe progressivement car cet Allemand n’est pas le monstre escompté.

Ebrennac : la voix de la vérité s’adresse à ses hôtes, mais surtout il se parle à lui-même. Même s’il est adulte, il reste très naïf et ressent le besoin d’une large réflexion afin de finalement réaliser combien le monde peut être cruel. Tout au long de sa vie, il a vécu à l’intérieur de sa propre bulle qui lui servait de protection contre le monde extérieur. Il s’est créé son propre rêve afin de surmonter ses manques et ses tristesses, mais avec l’arrivée de la guerre il a fallu qu’il devienne objectif, qu’il ouvre les yeux et affronte la réalité. La guerre, le fait qu’il soit l’ennemi - et donc au service des forfaits commis par les nazis - s’opposent fortement au caractère noble et rêveur d’Ebrennac mais finissent par provoquer l’inévitable prise de conscience de la réalité - ce que montre bien la relation que fait l’officier des conversations qu’il a eues avec ses compatriotes à Paris et qui se termine sur ces mots :

puce-32883.gif « Nous ne sommes pas des musiciens. Nous ne sommes pas des fous ni des niais, nous avons l’occasion de détruire la France, elle le sera. Pas seulement sa puissance : son âme aussi. »

L’officier, qui dans son inconscient profond a toujours été capable de distinguer le Mal du Bien puisqu’il se montre plein de sagesse et d’amour pour tout ce qui l’entoure, éprouve cependant le besoin de revivre certaines sensations, de ressentir des émotions liées au passé, de s’analyser très profondément à travers toutes les heures qu’il passe en compagnie de l’oncle et de la nièce.

puce-32883.gif « Il parut dans un silence songeur, explorer sa propre pensée. Il se mordillait lentement la lèvre. »

Toute autre personne se serait sentie gênée face au silence et au total manque de réactions des deux Français, mais Ebrennac, au contraire, s’en sert, peut-être afin de libérer son âme et son cœur des peurs et des angoisses de sa vie et ainsi atteindre la vérité et la paix.

puce-32883.gif « Sa voix bourdonnante s’élevait doucement,… et ce fut au long de ces soirées sur les sujets qui habitaient son coeur, sa musique, la France… un interminable monologue ; car pas une fois il ne tenta d’obtenir de nous une réponse… Et même un regard. »

Citations :

« Les Anglais, reprit-il, on pense aussitôt : Shakespeare. Les Italiens : Dante. L’Espagne : Cervantès. Et nous [les Allemands], tout de suite : Goethe. Après, il faut chercher. Mais si on dit : et la France ? Alors, qui surgit à l’instant ? Molière ? Racine ? Hugo ? Voltaire ? Rabelais ? Ou quel autre ? Ils se pressent, ils sont comme une foule à l’entrée d’un théâtre, on ne sait pas qui faire entrer d’abord. »

« Un chef qui n’a pas l’amour des siens est un bien misérable mannequin. »

« J’appris ce jour-là qu’une main peut, pour qui sait l’observer, refléter les émotions aussi bien qu’un visage, - aussi bien et mieux qu’un visage car elle échappe davantage au contrôle de la volonté. »

« J’ai fait valoir mes droits, dit-il avec naturel. J’ai demandé à rejoindre une division de campagne. Cette faveur m’a été enfin accordée : demain je suis autorisé à me mettre en route. Je crus voir flotter sur ses lèvres un fantôme de sourire quand il précisa : pour l’enfer. »

« Ma nièce tricotait avec une vivacité mécanique. Elle ne jeta pas les yeux sur lui, pas une fois »

« Je terminai silencieusement ma pipe. Je toussai un peu et je dis : « C’est peut-être inhumain de lui refuser l’obole d’un seul mot. » Ma nièce leva son visage. Elle haussait très haut les sourcils, sur des yeux brillants et indignés. Je me sentis presque un peu rougir. »

« L’avouerai-je ? Cette absence ne me laissait pas l’esprit en repos. Je pensais à lui, je ne sais pas jusqu’à quel point je n’éprouvais pas du regret, de l’inquiétude. »

« Il y a un très joli conte pour les enfants, que j’ai lu, que vous avez lu, que tout le monde a lu… « Chez moi il s’appelle Das Tier und die Schöne, la Belle et la Bête. »

« Symbole de l’âme humaine et de ses conflits, symbole du nerveux capable d’égarement et de redressement, Œdipe entraîné par sa faiblesse dans la chute, mais puisant dans cette chute même sa force d’élévation, finit par faire figure de héros vainqueur. »

« Tout ce que j’ai dit ces six mois, tout ce que les murs de cette pièce ont entendu…(...) « il faut l’oublier ».

« Et alors pour la première fois - pour la première fois - elle offrit à l’officier le regard de ses yeux pâles. »

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Invité Grenadine33
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Invité Grenadine33
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Ah ah, encore un livre sur la seconde guerre mondiale. Je sais pas si je le lirais, j'en suis à mon 5ème d'affilés, et j'en ai encore 2 à lire. :gurp: C'est vrai que cette période est le paroxysme du pire de l'homme. Idéale pour essayer d'appréhender ses démons internes. Je vais regarder quand même pour voir les critiques à son sujet. Merci

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Invité Grenadine33
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Bon, j'ai encore craqué.... pour la modique somme de 3,80 euros je l'ai commandé via la FNAC.

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