En Philosophie, on définit traditionnellement le réel par la formule lapidaire "ce qui est". Je pense que ça parle à tout le monde si l'on définit le réel par l'ensemble des choses qui existe.
La question nous inviterait donc à nous demander si l'ensemble des choses qui existent est une invention, une construction de la Société. L'idée apparaît de prime abord bien saugrenue, à moins de considérer que la Société serait le Dieu de ce monde, la chose première par laquelle toutes les choses existeraient par elle.
Le problème qui est posé ici n'est pas tant de s'interroger sur la construction sociale du réel, que sur la connaissance qu'on a de lui, c'est à dire si l'ensemble des discours qu'on considère comme vrais (représentatifs du réel ou en accord avec le réel) est une construction sociale.
A cela, il est assez difficile de proposer une réponse générale. Je propose comme 1er élément de réponse de décomposer le sujet en distinguant les phénomènes qui suscitent une intuition et une intelligibilité immédiate (la présence d'un objet) et les phénomènes plus complexes, objets abstraits, relations entre objets, comportements des objets, etc.
Tous ces phénomènes font souvent appel à un ensemble de représentations qui effectivement ne sont pas indépendantes des représentations que la société s'en fait. De là, on pourrait développer bien plus longuement mais je pense qu'on peut dire que l'ensemble des savoirs scientifiques sont des constructions sociales. En revanche cela n'implique pas nécessairement que ces constructions sociales sont parfaitement indépendantes des objets qu'elles étudient, en ce sens qu'elles ne diraient absolument rien de vrai sur le réel.
Prenons l'exemple des sciences sociales : Etaient inscrits au DSM I et II l'homosexualité considérée comme une pathologie, une maladie mentale. Plus récemment, le transsexualisme était aussi considéré comme maladie mentale. Il est certain que la désignation "scientifique" qu'on fait d'un comportement comme trouble mental est une construction sociale, et qui trouve ses fondements dans le regard social qu'on fait de ce comportement.
C'est peut être moins le cas dans les sciences dures, mais je pense que les réponses qu'une institution scientifique obtient du réel dépend de la façon dont elle l'interroge, et cette interrogation dépend des besoins de la société, et de ses représentations, à un endroit donné et à une époque donnée.