Incohérence
Pour apprécier le niveau de développement d’un pays, d’une région, trois types de situations peuvent être observées :
1 - Les moyens d’un pays ne suffisent pas à assurer protection et ressources vitales à l’ensemble de la population : il n’est pas surprenant d’y constater des inégalités.
2 - Le potentiel technique est suffisant pour atteindre ces objectifs basiques, mais il y subsiste en la matière d’importantes disparités : vraisemblablement, une partie de la population a pu s’organiser pour bénéficier, au détriment des autres citoyens, d’un confort incomparable en abondance comme en qualité.
3 - Si, de plus, à l’échelle de la planète :
a) Les situations 1 et 2 perdurent,
b) Une grande partie de la population se trouve au chômage,
c) Il y a pléthore de produits obsolescents (ou non consommés) et de ressources dilapidées,
d) Il existe, en même temps, une prolifération planétaire de diverses nuisances,
il est difficile de s’en tenir à cette simple hypothèse du point 2 pour expliquer la persistance et l’extension des conflits sociaux et géopolitiques.
Comment imaginer, en effet, tout en reconnaissant l’animosité que peuvent se manifester entre elles différentes catégories ou communautés, qu’un tel désordre ait pu être concerté à cette échelle et durablement mis en œuvre à travers le monde, à seule fin de maintenir certaines d’entre elles dans la pauvreté, le dénuement ?
Comment comprendre, surtout, la coexistence
d’avancées exceptionnelles dans les techniques et certaines formes d’organisation
avec une perte manifeste des fondamentaux de la société, la menaçant de régression ?
Clairement, la maîtrise du développement mondial échappe à tous les intervenants, les plus puissants y compris.
Ce qu’on peut observer, c’est un glissement progressif de schéma de la société mondiale :
- d’un modèle de souveraineté des États et d’autonomie des ménages et des entreprises
- vers un modèle de dépendances mutuelles _ souvent de dépendances tout court _ entre les un(e)s et les autres.
En effet :
- d’une part, la notion d’États souverains est fortement battue en brèche, au point que leur indépendance _ dans l’Union Européenne, par exemple _ vienne à être de plus en plus mise en question, notamment sur le plan financier,
- d’autre part, se multiplient les mises en œuvre de plans d’assistance, tant pour les entreprises, y compris bancaires, que pour de nombreux ménages, voire des populations entières.
Rien d’étonnant à ce que se fassent entendre des revendications d’autonomie, voire d’indépendance et que se développent des économies parallèles.
Quant au marché, sa "bonne santé" s'appuie en principe sur l'abondance et la diversité des investissements engagés et des transactions réalisées, garantes de la fluidité de circulation des biens. Sur le maintien de l'équilibre entre offre et demande.
Par ailleurs, l'existence de conflits nombreux et répétés est de nature à lui porter atteinte, en fragilisant les entreprises et les collectivités, en dissuadant les investisseurs.
Malheureusement, force est de constater :
1) la réalité des déséquilibres entre offre et demande dans différents secteurs et territoires, essentiellement parce que l'une au moins des deux conditions favorables à cet équilibre n'est pas réalisée :
- la disponibilité suffisante de services basiques _ publics ou non _ pour couvrir la demande correspondante (compte tenu de perspectives de rendement limitées),
- l'accessibilité des demandeurs potentiels à nombre de services ou produits disponibles _ limitée qu'elle est par leur faible solvabilité _ (cette offre se trouve donc pénalisée);
2) l'évolution régulièrement conflictuelle des confrontations sur le terrain :
- d'une part,
.entre la logique écologique, celle des exigences biologiques des animaux, des plantes, des êtres humains qui tous en vivent
et la logique économique, celles des exigences éthiques de responsabilité comptable des personnes morales représentant les différents acteurs économiques,
- d'autre part,
.entre ces mêmes acteurs économiques, la réussite des uns reposant _ selon les critères de la responsabilité comptable _ sur la liquidation des autres, en fonction du rapport des forces, seul autre élément constitutif du marché.
En soi, il n'y a rien d’anormal à ce qu'apparaissent des conflits entre différentes exigences, particulièrement entre besoins biologiques _ au sens le plus large _ et nécessités économiques. Le fait qu'ils soient de plus en plus fréquents et étendus _ n'est-ce pas ce qu'on observe ? _ tend à démontrer que les arbitrages sont de plus en plus difficiles à réaliser, ce qui signifie que soit les uns, soit les autres, selon les cas de figure, voire les deux, ne peuvent plus être tempérés.
Si, malgré cela, on postule qu'il n'est pas réalisable _ ou pas souhaitable _ de réviser significativement projets et objectifs, tels qu'ils sont définis et déterminés, il est clair que les acteurs économiques poursuivront leurs périlleuses surenchères....
Sans égards particuliers pour les personnes physiques (leur personnel, celui des fournisseurs ou sous-traitants, voire les "utilisateurs finaux") qu'ils sont censés représenter : en effet, dans une compétition sans limites ni répit, leurs objectifs demeurent prioritairement concentrés autour des créneaux de rentabilité les plus recherchés.
Il s’ensuit que les secteurs les moins rentables sont délaissés : services non disponibles, emplois supprimés, revenus, notamment salariaux, comprimés, d'où prestations de base non accessibles pour une part grandissante de la population...ce n'est pas de la fiction. D’où les déséquilibres désormais structurels entre offre et demande.
A part revoir mondialement les objectifs économiques, définis sans concertation préalable, quel autre chemin ?
Nous sommes aujourd’hui prisonniers d’un système dans lequel les moyens et les objectifs sont inversés.
Nous produisons d’abord pour constituer des revenus ; la destination des produits est devenue secondaire devant cette finalité, leur justification résidant essentiellement dans les bénéfices retirés de leur vente et les salaires qu’ils procurent _ le cas échéant….
Cependant la vocation primordiale des entreprises, des établissements publics ou privés, est de fournir des services et des biens consommables pour les personnes dans leur vie quotidienne.
Si cette fonction, l’une des fondatrices de la société, n’est plus assurée, les garanties individuelles deviennent illusoires et les relations sociales se détériorent.
Dans le projet apparemment insurmontable, utopique, de restaurer cette vocation, le plus gros défi n’est-il pas, à l’heure où s’installe la défiance vis-à-vis de la classe politique _ ainsi que de la finance actuelle qui perturbe gravement l’économie réelle _ de retrouver la confiance en nous-mêmes et entre nous ?
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