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Opération DOLMEN. (2)


Criterium

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Partie 1

— Je me réveille en sursaut. L'horloge indique, en grandes lettres vertes dans la nuit: 4 heures. Silence complet. Pourtant, dans l'air flotte ce quelque chose, indéfinissable, qui instinctivement évoque une menace. Une épée de Damoclès; une forme que l'on ne percevrait qu'aux extrêmes rebords de la vision, plus devinée que perçue. Je connais déjà cette sensation, la poussée d'adrénaline qui l'accompagne — il faut agir vite. Je me lève aussitôt, me vêts le plus rapidement possible. Deux voies de sortie: la porte de la chambre d'hôtel, ou la fenêtre. Je colle mon oreille à la porte; le silence... et pourtant, je sens que la menace vient de là, et s'approche. Ce sera la fenêtre. — Quatrième étage.

L'air frais me saisit le visage. Les balcons sont trop éloignés d'une chambre à l'autre; seul un intrépide athlète négocierait le saut pour aller à la 403 ou à la 405. — En revanche la balustrade semble robuste... Aucune hésitation: je passe de l'autre côté, négocie fermement la descente jusqu'à ce que mes mains ne s'agrippent qu'au rebord... Dans le vide, mes jambes pendent et cherchent dans la pénombre la petite surface du balcon inférieur. Un petit mouvement de bascule... Je saute! — Aussi vite que possible, je répète l'opération jusqu'au premier étage. En contre-bas, il y a une petite surface de verdure; le dernier saut sera un peu plus périlleux, mais il est possible. Il n'y a plus le temps d'hésiter. — Ça y est.

En bas, je balaie du regard l'avenue; rien à signaler, il n'y a personne; toutes les fenêtres de chaque côté de la rue sont sombres et muettes. L'issue la plus proche est une rue connexe, de l'autre côté. Je m'y rue. — Au moment où je jette un dernier regard en arrière juste avant que je ne disparaisse, là-haut, la fenêtre de la 404 soudainement s'éclaire. Ils sont là!

— Soit M. m'a trahi et a révélé mon point de chute, soit les hommes de Paul Bismuth ont été plus "informés" que ce que je supposais.

Quelques intersections plus loin, j'arrive à un quartier festif. Le long de la rue du Commerce, l'on trouve cinq kebabs de suite. Orcan, qui ouvre jusqu'à 6 heures du matin (réouverture à 8 heures), va encore me raconter son histoire favorite : il s'agirait d'une conspiration du maire, qui n'accepterait d'accueillir des kebabs qu'ici, afin qu'ils soient forcés à se faire concurrence. Je sais par ailleurs que c'est vrai (des mails du chef de cabinet le prouvent); ça ne les empêche pas pour autant de s'arranger entre eux pour blanchir quelques euros.

— "Salade, tomate, oignon?" — Lorsque l'adrénaline retombe, j'ai remarqué deux choses: pendant encore un certain temps, les gens autour le "sentent" instinctivement. Et par ailleurs, une faim soudaine. À une table que l'on ne voit pas depuis la devanture, je dévore le petit déjeuner de ce qui sera un jour long.

€€€

En 2009, un certain Monsieur Pratico contacte le service gestion de la PETEK et s'enquiert au sujet de certains mouvements de fonds. Un par un les dominos alors tombent — certains mails, habilement contrefaits et allant jusqu'à ré-utiliser des éléments de langage propres à la société-mère, ne laissent plus de doute; quelqu'un s'est fait passer pour le DG et a manœuvré des investissements non-autorisés, vers l'étranger. Cette personne — ou ces personnes — ont manifestement étudié le coup avec soin. On commence par vérifier les statuts, récupérer le K-bis au Registre; puis il faut étudier chaque procès-verbal d'assemblée générale, pister sur les réseaux sociaux professionnels les noms, coordonnées et fonctions de chaque partie de l'organigramme. Parfois, il est incroyablement facile de compléter l'étude en flânant dans les environs: dans nos villes denses, le réseau wifi d'une entreprise est parfois convenablement accessible depuis le café de la place. Or, la sécurité informatique des entreprises étant souvent reléguée au niveau des plantes vertes — ni l'une ni l'autre n'ayant été arrosées depuis longtemps — il est alors simple de convaincre le serveur que nous nous connectons avec une adresse MAC bien connue... Une petite analyse de trafic pour récupérer les paquets correspondant à du trafic SMTP (dont le cryptage n'est toujours pas standard — et le TLS contournable aisément) et l'on peut lire dans le texte un fort nombre de mails internes. L'équivalent moderne de la fameuse fouille des poubelles en fin de journée. Les anciens regretteront l'aventure. — En 2010, le phénomène se reproduit chez la CERPMA. Puis c'est le tour de certaines officines politiques, juste avant avril 2012...

Nul doute que certains amateurs aiguisent leurs outils en prévision de la seule élection qui compte: 2022. — C'était donc pour cette raison que des documents préparatoires s'étaient retrouvés mêlés à un capharnaüm de vieux papiers, une petite partie pourtant de la collection de Monsieur Tarbache, qui avait la manie de rédiger des actes sous seing privé pour tout. Et n'importe quoi. Ce qu'il entreprenait, entre autres. Ajoutons à cela que celui-ci collectionnait de plus objets et appartements. Ses deux fils et trois filles, moins portés vers les possessions matérielles mais beaucoup plus vers la solvabilité de leurs comptes, avaient déchirés la famille à peine le doyen passé de vie à trépas. — Les lots (et les poubelles) avaient été hâtivement remplis.

La politique "populaire" paraît de plus en plus tournée vers le court-terme. Peut-être n'est-ce là qu'une déformation due aux battues médiatiques. En effet, en 2012 ont été préparées des stratégies de long-terme, évidemment plus secrètes. Qu'on en juge avec ce seul fait : la réintégration de la France dans l'OTAN en 2007 n'a pas été critiquée avec la même verve en public qu'en privé... — On imagine donc le désarroi des officines lorsque la "fuite" discrète — d'autres ont dit "la contamination du fond du fonds Tarbache" — fut repérée (ironiquement, par un membre du cabinet de Manuel Valls, que beaucoup de français n'avaient découvert qu'en 2009).

— Je vérifie machinalement le revers de ma veste du bout des doigts. Connaître quelques bases en couture s'avère décidément bien utile; l'on peut affixer à un endroit discret quelques bouts de papier. Sur l'un d'entre eux, les 168 petits points de M.; sur l'autre, 400 petits points que Monsieur Tarbache ne reconnaîtrait pas.

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