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Hôpital Tenon


yacinelevrailefou

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Hôpital Tenon. 20ème arrondissement. Paris.

Un nouveau bâtiment a été construit juxtaposé à la bouche de métro Pelleport sur l'emplacement d'un lieu de socialisation et de solidarité pour personnes sans-abris, sans ressource ou bien en détresse sociale. C'était un lieu où les démunis de tous horizons pouvaient s'y distraire, avoir de quoi survivre. Café, thé, biscuits, petite bibliothèque, livres, personnel à l'écoute, espoir, repos, électricité, eau, chaleur humaine et, en période hivernale, une température ambiante salvatrice : en somme un lieu de vie.

Anciennement derrière la Mairie du 20ème, après la Place Gambetta, cet espace fut celui d'une association qui y menait un rude combat contre la précarité, la pauvreté : là-bas, on aimait les pauvres...

Aujourd'hui, à Palais-Royal, une autre association de bienfaisance et de charité a fermé et cela depuis deux jours. « Une histoire de subvention ou un truc comme ça.... » m'a à peu prés dit ce soir le standardiste du 115 (Samu social). On chasse les pauvres de Paris ! On y achète des mètres carrés pour ne pas y habiter... Les murs de la capitale sont devenus plus qu'un produit et moins qu'une marchandise : ce sont des valeurs immobilières (de la finance...)... Elles s'échangent avec intérêts sans aucune autres fonctions que le renom des murs, de la plaque en fer collée sur les bâtisses extérieures avec dessus le nom de la rue et l'arrondissement... Ces riches n'aiment pas les pauvres, leur être est fonction de l'avoir, de la côte du quartier, de la rue , de l'arrondissement. Achat-vente. Acheter et vendre, puis parfois construire. Construire pour vendre et acheter. Il n'est plus question de loger mais de vendre, d'acheter.

Ainsi l'hôpital Tenon s'est agrandit.

Cette nuit les urgences sont combles : personne à part moi... Les agents de sécurité en ronde, le bureau de l'accueil vide : l'infirmière après en avoir eu assez d'internet est partie ; peut-être pour tailler la bavette avec ce service « over-booké »... Et moi qui écrit, assis, attendant quelques soins... Le moteur de l'ordinateur flambant neuf fait un bruit « d'enfer ». On veille, tranquille et calme. J'ai compté les sièges de la salle d'attente qui fait face à l'accueil : 12 x 3 sièges + 1 x 2 sièges + 3 fauteuils roulants d'un style simple et épuré, d'allure sportive, je pense aisément que l'on va vite avec, surtout que les pneus sont gonflés... Je m'emmerde... J’attends dans ce silence de « achat-vente ». Ici rien, le silence, mais ça doit sentir la mort ailleurs, d'ailleurs je la sens d'ici, en ce silence. Un cimetière sans âme, sans décédé ni malade ou presque : moi, mes pieds me font mal... « La pauvreté, vous comprenez, c'est pas bon pour la santé... »

L'infirmière qui a donc fort à faire a pris ma tension, histoire de facturer quand bien même il n'y aurait rien à faire : 13,8. C'est avec une machine dernier cri qui permet aujourd'hui de ne plus remplir des papiers inutiles qu'elle me prend la tension. Grâce à elle on peut faire mille et une choses, rendant inutile les anciennes pratiques... Inutile, à la vie... ? A la mort ? J'ai intérêt d'en profiter... 13,8... Et rien pour nettoyer mes pieds ni aucuns bandages ou pansements.

« - Auriez-vous l'obligeance de me mettre à disposition une bassine ou quelques choses de ce genre, avec de l'eau iodée (bétadine ou même gros sel) ?

Le médecin va arriver... non, je ne peux pas... il me faut l'autorisation du médecin.

Non mais, je n'ai juste que quelques contusions à cause de mes marches incessantes car je n'ai pas de domicile, et ….

Non, désolé, je ne peux rien...

Vous êtes infirmière ?

Oui, pourquoi ? »

… Infirmière, une vocation … Ah tiens, on passe l'aspirateur à l'étage... Je l'entends bien car il n'y a aucun bruit, plus personne et moi qui a mal d'avoir trop marcher pour mes pieds d'errant...

On a détruit un endroit simple mais ô combien utile pour construire la suite d'un hôpital dernier cri où personne ou presque ne vient s'y faire soigner . Achat-vente.

1 Commentaire


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J'ai lu votre blog parce que j'ai accouché dans le passé à l'Hôpital Tenon. D'ailleurs, je crois même que ça faisait à peine quelques années qu'il venait d'être rénové entièrement.

A l'époque, l'accueil n'était guère plus chaleureux. Pauvre ou moins pauvre, on n'est pas intéressant.

Achat-vente. Oui ! C'est à se demander si soigner coûte plus cher que construire.

Je vous souhaite un rétablissement proche et plus d'entraide ailleurs.

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