Aller au contenu
  • billets
    117
  • commentaires
    381
  • vues
    695 401

L'obéissance compulsive


existence

1 171 vues

Appelons "obéissance compulsive" le phénomène par lequel on se soumet de façon compulsive à une autorité. Et si on ne trouve pas d'autorité, on en recherchera une. Cela va donc avec un besoin d'autorité.

Il en résulte qu'au lieu de nous demander ce qui nous semble juste et de nous tenir à cela, souvent nous allons chercher des autorités qui nous plaisent pour les suivre. Ou bien nous allons nous demander ce qui nous semble juste, et chercher des autorités qui peuvent confirmer nos dires, afin d'avoir une validation de notre pensée. Ainsi on cherchera à citer un philosophe, un écrivain, suffisamment connu pour générer l'approbation.

Cette compulsion nous amène à associer la notion de bien avec la notion d'autorité. Comme elle est répandue, il y a une valorisation sociale de cette soumission. Ainsi, le croyant soumis à sa religion sera un "bon croyant". L'enfant soumis à ses parents sera un "bon fils" ou une "gentille fille".

Il s'agit d'un phénomène en grande partie inconscient. Nous avons emmagasiné au cours de notre enfance des expériences, associées à des sentiments positifs ou négatifs. C'est notamment le cas avec les récompenses et les punitions. Quand nous étions enfants, nos parents, puis nos éducateurs ont cherché mille façons de nous faire agir d'une certaine façon. Il est donc très répandu d'avoir associé dans son esprit la notion d'autorité avec la récompense en cas d'obéissance et la punition en cas de désobéissance. Plus tard, à l'âge adulte, les autorités cherchent à avoir l'image du bien pour obtenir le consentement des gens qu'elles veulent diriger. Nous sommes donc conditionnés à cette association entre autorité et bien. La Bible érige cela en principe métaphysique avec Dieu qui est censé être l'Autorité et le Bien par essence.

On comprend aisément pourquoi les parents ont cherché notre obéissance. Et même, quand on est tout petit, on n'a pas de volonté, on est comme une éponge et on obéit sans se poser de question. Quand apparait notre volonté et notre capacité à nous déplacer par nos propres moyens, nos parents peuvent avoir peur pour nous. En effet, nous ne sommes pas conscients de la plupart des dangers. Les parents ont donc une raison de chercher à cadrer notre comportement. Et ils peuvent s'habituer à cela, il peut y avoir un certain confort au contrôle d'autrui (qui va aussi avec un inconfort puisque l'on doit être là pour dire ce qu'il faut faire). Les parents peuvent donc s'attacher au contrôle de leur enfant, et ne jamais sortir d'une vision du monde où ils ont tous les pouvoirs "sous leur toit". Et même pour les parents qui prennent soin d'expliquer à leur enfant que leur avis n'est que leur avis, il reste de toutes façons une ensemble de conditionnements. Il faut aussi tenir compte du fait que souvent les gens extérieurs à notre famille vont aussi valoriser l'obéissance aux parents, ou au moins la respecter pour ne pas avoir de problèmes avec les parents en question. Voilà pourquoi le principal facteur déterminant notre religion est celle de nos parents. Quelque soit l'ouverture d'esprit de nos parents, nous sommes formatés par notre enfance, et nous commençons dans la vie avec un certain point de vue au sujet du bien et du mal, et de l'autorité.

Il y a donc différents facteurs qui concourent à la formation de l'obéissance compulsive, l'éducation par les parents et les professeurs, les expériences emmagasinées de façon inconscientes, globalement la valorisation par autrui de l'obéissance aux parents, puis aux supérieurs hiérarchiques et la menace de licenciement.

De plus, la flatterie de notre ego et de notre sentiment de toute puissance peut nous amener à désirer le principe de la soumission, et nous faire participer activement à cette obéissance compulsive. En effet, à partir du moment où l'on affirme qu'autrui doit être soumis, il est difficile de s'opposer à notre propre soumission du fait du principe de cohérence.

7 Commentaires


Commentaires recommandés

Le début me fait penser à ça : « Par des citations on affiche son érudition, on sacrifie son originalité. » Schopenhauer

Mais, je fais, du coup, ce que la phrase, et ton texte, met en évidence, et quelque part, dénonce.

Seulement, est-ce la même chose si nous l'avons appris seul? Si j'ai bien saisi : oui, puisque ce serai une impulsion dû à notre conditionnement.

Conditionnement qui est, oui, probable. Maintenant, voir tout comme une sorte de manipulation, inconsciente ou non, c'est avoir une vision assez négative des choses (vision que je partage, parfois), et, on n'est pas loin de dire que les relations sociales sont à elles seules un conditionnement de notre esprit. Non?

Lien vers le commentaire

Tu fais allusion, de mon point de vue, à la question du libre arbitre dans la mesure du conditionnement. Les conditionnements bien entendu sont possibles, et on peut avoir l'impression de faire des choix éclairés alors qu'on est d'une façon ou d'une autre influencé. Les relations sociales à ce titre peuvent être assez ambivalentes. Cependant, il est possible d'aller vers l'objectivité, en récoltant des informations, et vérifiant leur validité, leur cohérence etc. Cela fait que, même si nous sommes plus ou moins conditionnés à la base, on peut aller vers un libre choix.

Mais ce n'est pas ce dont je parlais. C'est un peu ce que dit ta citation de Shopenhauer, mais plus précisément, c'est le fait de rechercher une validation extérieure, et de ne pas se faire confiance sous prétexte qu'on ne serait pas une autorité soi-même. Ce n'est pas qu'une question de paraitre vis-à-vis des autres avec des citations ou bien de ne pas paraitre original. Ce sont des considérations de l'ego.

La problématique que j'évoque est plutôt une compulsion, plus ou moins inconsciente, qui empêche de penser par soi-même, d'aller au-delà de réactions émotionnelles simplistes. Les informations qu'on a ne sont pas nécessairement originales. Cette soumission compulsive peut nous empêcher de faire des déductions qui peuvent être élémentaires ou plus complexes.

Lien vers le commentaire

Ton premier paragraphe me fait largement penser à la citation de Rousseau que l'on m'a laissé dans les conseils de lecture pour la rentrée. Une citation qui disait, en gros, qu'il fallait lire de tout, et beaucoup. Du bon, et du mauvais, et ceci, afin de trancher lorsqu'on sera "prêt" à en juger soi-même. En gros, recouper en vérifiant, comme tu dis, la validité, leur cohérence. Je fonctionne pas mal comme ça, pour ma part : quand je lis ou vois quelque chose, je pense souvent à une autre chose, en rapport, ou non. Du coup, je l'indique. J'ignore si c'est une bonne chose, mais voilà^^

Je vois. Je crois. Donc, ce serait par complexe d'infériorité, quelque part? On s'imagine que les grands penseurs, les grands noms, parce qu'ils sont retenus par l'Histoire, et qu'ils nous sont appris, ont un poids plus conséquents que notre propre opinion? En cela, oui, ma citation est mauvaise.

Autrement dit, nous serions notre propre limite à notre désobéissance? Un compulsion qui aurait pour origine un certain formatage non voulu dans l'enfance?

Je suis désolé de reformuler, hein, mais j'ai tendance à vouloir m'assurer de bien comprendre le fond. Le doute de ma capacité à en saisir moi-même le sens, si on veut.

Lien vers le commentaire

J'ai aussi tendance à reformuler pour vérifier si j'ai bien compris. Je pense qu'on est à peu près d'accord. Je n'ai juste pas compris ce que tu veux dire par "Je vois. Je crois."

Le complexe d'infériorité, les penseurs mis sur un piédestal, le formatage dans l'enfance, oui tout cela sont des causes de cette obéissance compulsive. Plus fondamentalement, je pense aussi que les êtres humains étant le résultat de l'évolution, et étant passé par un stade de hiérarchie primaire (mâle dominant etc.), ils ont une certaine fragilité à ce niveau. L'idée de liberté, la pensée raisonnable, sont des résultats récents de l'évolution, qui se sont surajoutés à ce qu'on appelle habituellement le cerveau primitif.

Le formatage en question est donc en quelque sorte une réactivation de cet état. Ce que je veux dire, c'est qu'on n'a pas besoin d'apprendre aux enfants ce qu'est la hiérarchie, on n'a pas besoin d'apprendre ce qu'est une figure d'autorité. Quand en cours de philo certains sont mis sur un piédestal, on a tendance à se dire qu'ils doivent avoir raison. On ne se rend pas compte alors que les figures d'autorités visibles dans la société résultent d'un filtrage, et ce filtrage peut être questionné.

Lien vers le commentaire

Tu reprends la thèse freudienne, non ? « La religiosité est en rapport biologiquement avec le long dénuement et le continuel besoin d'assistance du petit enfant humain », nous dit Freud dans Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci. Il veut dire par-là que c'est parce que nous avons été habitués, enfant, à être dépendant d'une autorité, que nous régressons vers cette dépendance enfantine quand, face aux situations difficiles de la vie, nous nous sentons encore faibles et abandonnés. La psychanalyse décrit la religion en rapport avec le complexe paternel. Un enfant qui rejette l'autorité parentale aura peu de chance de développer une religiosité, car de même qu'il s'est défait des chaînes de l'autorité, il pourra facilement se soustraire au joug de la religion. Tandis que ceux qui auront su se soumettre afin de retirer les avantages de l'autorité parentale, ils constituent la multitude qui auront une facilité à rentrer dans une croyance religieuse, pour peu qu'elle apaise leur angoisse de la vie, se sentant protégés et soutenus par la bienveillance divine. De plus la religion fournit l'espérance d'une réalisation totale de leur être (dans l'au-delà) quand dans la réalité, souvent leur horizon est limité. Pour Freud, la religiosité, même si elle naît d'une illusion, a toujours tendance à se développer chez l'homme.

Lien vers le commentaire

Même si je suis en partie d'accord avec une partie de la thèse freudienne, je suis en désaccord avec la plupart des choses qu'il a dite. En l'occurrence, je suis d'accord l'idée de parentalité qui se prolonge à l'âge adulte, mais je n'identifie pas cette parentalité au père, mais aux deux parents (hétéro ou homo) et à tout adulte faisant autorité, par exemple les professeurs à l'école. La loi du père de Freud est le reflet de la loi du Père dans la religion ou encore du patriarcat, qui relègue la mère au statut d'étrangeté irrationnelle.

Lien vers le commentaire
Invité
Ajouter un commentaire…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

Chargement
×