Serre-Moi Fort
En sangsues, d’autres sons m’arraisonnent :
Taillés pour le pire, ils savent nuire,
Ceux que le suicide aide à produire. Pour les conjurer, je t’évoque, enfant.
Car tu es le sens, l’intuition, la foi,
Un « parce que » : or je ne sais pourquoi –
Arbre sans fruits – je ne sais que comment. Je nous souhaite, espérant ton arrivée,
Ces belles choses dont j’ai profité ;
Ces plats que je te préparerai
Auront le goût du bonheur… J’en jurerais ! Serre-moi fort, que je sois mère ou père.
Serre-moi fort, car tu es réel :
Emplis ce vide, en moi virtuel,
Avant-goût de la mort – dévorant, apert. Raison d’espérer pour qui n’en sut jamais
Autre qu’argent, sexe ou m’as-tu-vu,
Qui firent tourner ce monde obtus.
Douce revanche que tes yeux guillerets Car la vie n’est pas que souffrance ;
Pour l’espèce humaine, c’en est même loin…
Puis je crois ne pas être batracien :
Pour toi, mon têtard, que d’espérance ! Mes lèvres, d’amour, biseront ton front.
Totems contre Destin, le Vicomte :
Ce dernier – préserve qui l’affronte –
Nous abandonne si nous lui cédons. Serre-moi fort, que je sois mère ou père.
Serre-moi fort, car tu es réel :
Emplis ce vide, en moi virtuel,
Avant-goût de la mort – dévorant, apert. Où te caches-tu, marionnette ?
Mes liens, sans toi, ne sont pas à la fête
Quand j’attends de t’unir à l’être –
Mais désolé, demain, de disparaître. Il me faut vieillir pour que tu grandisses,
Puis mourir pour que tu survives :
Cette perte semble incisive
Pourtant je suis en toi… Ma fille… Mon fils… Donc, lorsqu’à ton tour, tu sauras vieillesse,
Seras oubli, désert, mollesse –
J’espère que mon souvenir t’aidera,
Que ton cœur flétri me serrera Fort, encore… que je sois mère ou père.
Fort, encore… car je suis réel :
J’emplis ce vide, en toi virtuel,
Avant-goût de la mort – dévorant, apert.
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