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Vincent Van Gogh: Lettres à son frère Théo


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"La première lettre de Vincent Van Gogh à son frère Théo, datée d'aout 1872, est envoyée de La Haye. Il a dix-neuf ans. Il ne sait pas qu'il va peindre.

La dernière lettre, inachevée, Théo la trouve dans la poche de Vincent qui s'est tiré une balle dans la poitrine le 27 juillet 1890 à Auvers-sur-Oise. Des dizaines de toiles encombrent sa chambre.

Presque quotidiennement, dix-huit ans, Vincent a écrit à Théo. Et Vincent a écrit à propos de tout à Théo comme il lui envoie toutes ses toiles.. Il lui montre ce qu'il peint comme ce qu'il est.

Ces lettres incomparables-des récits, des aveux, des appels-sont nécessaires pour découvrir le vrai Van Gogh, devenu mythe... Il n'est pas un peintre fou. Au contraire, solitaire, déchiré, malade, affamé, il ne cesse d'écrire, lucide, comme il traque la lumière."

15 octobre 1879:

Je dois maintenant t'entretenir avec certaines choses abstraites, pourtant je voudrais bien que tu les entendes avec patience. Moi je suis un homme à passions, capable et sujet à faire des choses plus ou moins insensées, dont il arrive de me repentir plus ou moins. Il m'arrive bien de parler ou d'agir un peu trop vite, lorsqu'il vaudrait mieux attendre avec plus de patience. Je pense que d'autres personnes peuvent aussi quelquefois faire pareilles imprudences.

Maintenant cela étant, que faut-il faire, doit-on se considérer comme un homme dangereux et incapable de quoi que ce soit? Je ne le pense pas. Mais il s'agit de tâcher par tout moyen de tirer de ces passions mêmes, un bon parti. Par exemple, pour nommer une passion entre autres, j'ai une passion plus ou moins irrésistible pour les livres, et j'ai besoin de m'instruire continuellement, d'étudier si vous voulez, tout comme j'ai besoin de manger mon pain. Toi tu pourras comprendre cela. Lorsque j'étais dans un autre entourage, dans un entourage de tableaux et de choses d'art, tu sais bien que j'ai alors pris pour cet entourage-là une violente passion, qui allait jusqu'à l'enthousiasme. Et je ne m'en repens pas, et maintenant encore loin du pays, j'ai souvent le mal du pays pour le pays des tableaux.

Tu te rappelles peut-être bien que j'ai bien su (et il se peut bien que je le sache encore) ce que c'était que Rembrandt, ou ce que c'était que Millet, ou Jules Dupré, ou Delacroix, ou Millais ou M. Maris. Bon-maintenant je n'ai plus cet entourage-là- pourtant ce quelque chose qui s'appelle âme, on prétend que cela ne meurt jamais, et que cela vit toujours et cherche toujours et toujours, et toujours encore. Au lieu de succomber au mal du pays, je me suis dit: le pays ou la patrie est partout. Au lieu donc de me laisser aller au désespoir, j'ai pris le parti de la mélancolie active, pour autant que j'avais la puissance d'activité, ou en d'autres termes, j'ai préféré la mélancolie qui espère et qui aspire et qui cherche à celle qui, morne et stagnante, désespère.

(...)

Il est vrai que j'ai gagné tantôt ma croûte de pain, tantôt tel ami me l'a donné par grâce, j'ai vécu comme j'ai pu, tant bien que mal, comme cela allait; il est vrai que j'ai perdu la confiance de plusieurs, il est vrai que mes affaires pécuniaires sont dans un triste état, il est vrai que l'avenir est pas mal sombre, il est vrai que j'aurais pu mieux faire, il est vrai que tout juste pour gagner mon pain j'ai perdu du temps, il est vrai que mes études sont elles-mêmes dans uns état assez triste et désespérant, et qu'il me manque plus, infiniment plus que je n'ai. Mais cela s'appelle-t-il bisser, et cela s'appelle-t-il ne rien faire?

(...)

Cet état de choses a son mauvais côté pour celui qui n'est pas d'accord avec tout cela, et qui de toute son âme, et de tout son cœur, et avec toute l'indignation dont il est capable, proteste là-contre.

(...)

Ben, que veux-tu, ce qui se passe au dedans, cela paraît-il au dehors? Tel a un grand foyer dans son âme et personne ne vient jamais s'y chauffer, et les passants n'en aperçoivent qu'un petit peu de fumée en haut par la cheminée, et puis s'en vont leur chemin.

Maintenant voilà, que faire, entretenir ce foyer en dedans, avoir du sel en soi-même, attendre patiemment pourtant avec combien d'impatience, attendre l'heure dis-je, où quiconque voudra, viendra s'y asseoir, demeurera là, qu'en sais-je?(...) Maintenant, pour le moment, mes affaires vont mal à ce qu'il paraît, et cela a été déjà ainsi pour un temps pas tout à fait inconsidérable, et cela peut rester comme cela pour un avenir de plus ou moins longue durée , mais il se peut qu'après que tout a semblé aller de travers, tout aille mieux ensuite. Je n'y compte pas, peut-être cela n'arrivera-t-il pas, mais en cas qu'il y vint quelque changement pour le mieux, je compterais cela comme autant de gagné, j'en serais content, je dirais: enfin! voilà pourtant, il y avait quelque chose.

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Membre, Forumeur confit, Posté(e)
Enchantant Membre 15 615 messages
Forumeur confit,
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Bonjour Hdbecon,

Ma pensée vagabonde en lisant votre portrait de Van Gogh…

En cette fin de 19ème siècle, le marché de la peinture est complètement ravagé économiquement par l'irruption de la photo. Les portraits peint,répondant à la demande des grandes familles industrielles ne font plus recette, le marché des peintres et de la peinture est sinistré.

Tous ces artistes peintre de l'époque, complètement pénétré de leur art, répondent en priorité à ce qui leur plaît, c'est un peu comme une fuite en avant, car tout vrai artiste est une personne qui investit totalement son être dans son art.

Mais un artiste,n'en est pas moins un homme ou une femme qui doit se nourrir pour vivre. Or pour vivre lorsqu'on est peintre, il faut vendre sa peinture.

Pas de chance pour ces générations de peintres, le public n'a pas encore le goût de ce type de peinture que nous nommons les impressionnistes. Tous ces peintres de leur vivant sont des traînes misère et des traînes savates.

Lorsqu'on pense aux prix de vente délirant atteint par ces tableaux de nos jours, on ne peut s'empêcher de penser, qu'elle dommage que de leur vivant, ces artistes n'aient pas eu une petite part économique du gâteau qu'ils avaient eux mêmes confectionnés ?

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Membre, 63ans Posté(e)
S.A.S Membre 3 368 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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Ben, que veux-tu, ce qui se passe au dedans, cela paraît-il au dehors? Tel a un grand foyer dans son âme et personne ne vient jamais s'y chauffer, et les passants n'en aperçoivent qu'un petit peu de fumée en haut par la cheminée, et puis s'en vont leur chemin.

Maintenant voilà, que faire, entretenir ce foyer en dedans, avoir du sel en soi-même, attendre patiemment pourtant avec combien d'impatience, attendre l'heure dis-je, où quiconque voudra, viendra s'y asseoir, demeurera là, qu'en sais-je?(...)

Voilà des questions existentielles que je me suis aussi posé à une époque de ma vie .

J'aime beaucoup les peintres impressionniste . ..j' aime pas ( les peintures ) de la période tourmenté de sa vie par contre .

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Invités, Posté(e)
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Posté(e)

Bonjour Hdbecon,

Ma pensée vagabonde en lisant votre portrait de Van Gogh…

En cette fin de 19ème siècle, le marché de la peinture est complètement ravagé économiquement par l'irruption de la photo. Les portraits peint,répondant à la demande des grandes familles industrielles ne font plus recette, le marché des peintres et de la peinture est sinistré.

Tous ces artistes peintre de l'époque, complètement pénétré de leur art, répondent en priorité à ce qui leur plaît, c'est un peu comme une fuite en avant, car tout vrai artiste est une personne qui investit totalement son être dans son art.

Mais un artiste,n'en est pas moins un homme ou une femme qui doit se nourrir pour vivre. Or pour vivre lorsqu'on est peintre, il faut vendre sa peinture.

Pas de chance pour ces générations de peintres, le public n'a pas encore le goût de ce type de peinture que nous nommons les impressionnistes. Tous ces peintres de leur vivant sont des traînes misère et des traînes savates.

Lorsqu'on pense aux prix de vente délirant atteint par ces tableaux de nos jours, on ne peut s'empêcher de penser, qu'elle dommage que de leur vivant, ces artistes n'aient pas eu une petite part économique du gâteau qu'ils avaient eux mêmes confectionnés ?

Merci Enchantant...

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Ben, que veux-tu, ce qui se passe au dedans, cela paraît-il au dehors? Tel a un grand foyer dans son âme et personne ne vient jamais s'y chauffer, et les passants n'en aperçoivent qu'un petit peu de fumée en haut par la cheminée, et puis s'en vont leur chemin.

Maintenant voilà, que faire, entretenir ce foyer en dedans, avoir du sel en soi-même, attendre patiemment pourtant avec combien d'impatience, attendre l'heure dis-je, où quiconque voudra, viendra s'y asseoir, demeurera là, qu'en sais-je?(...)

Voilà des questions existentielles que je me suis aussi posé à une époque de ma vie .

J'aime beaucoup les peintres impressionniste . ..j' aime pas ( les peintures ) de la période tourmenté de sa vie par contre .

Vincent est né tourmenté: "Je suis né pour être mélancolique", écrira-t-il dans une de ses lettres. Le drame de sa vie, c'est qu'il est né un an juste après la mort de son frère, prénommé Vincent. Si cet enfant avait vécu, il n'aurait lui jamais existé. Il doit sa vie à un mort, et vivra dans l'ombre de son souvenir. Cet aspect est bien abordé dans le "Van Gogh ou l'enterrement dans les blés" de Viviane Forrester. Plus que tout autre, Van Gogh a investi tout son être dans son art, comme le souligne très justement enchantant. Ce qui rend sa peinture particulière, c'est, au delà de l'esthétique, la souffrance qu'elle lui a coûté. Une toile de Van Gogh sera pour moi toujours plus émouvante que celle d'un autre...

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Invité Tar Baby
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Invité Tar Baby
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Tout d'abord merci pour ce partage, je me suis un peu penchée sur sa vie, mais je n'avais jamais lu ses lettres.

Voilà un homme qui a toujours vécu en dépression grave et qui a beaucoup souffert. Un artiste qui a peint avec frénésie, comme si c'était un besoin viscéral, vital, comme s'il y avait urgence. Cette passion l'a-elle aidée à vivre ou plutôt à ne pas mourir ?

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15 octobre 1879 (suite) :

Je t'écris un peu au hasard ce qui me vient dans ma plume, j'en serais bien content si en quelque sorte tu pouvais voir en moi autre chose qu'une espèce de fainéant.

Puisqu'il y a fainéant et fainéant qui forment contraste.

Il y a celui qui est fainéant par paresse et lâcheté de caractère, par la bassesse de sa nature, tu peux si tu juges bon me prendre pour un tel.

Puis il y a l'autre fainéant, le fainéant bien malgré lui, qui est rongé intérieurement par un grand désir d'action, qui ne fait rien, parce qu'il est dans l'impossibilité de rien faire, puisqu'il est comme en prison dans quelque chose, parce qu'il n'a pas ce qu'il faudrait pour être productif, pare que la fatalité des circonstances le réduit à ce point; un tel ne sait pas toujours lui-même ce qu'il pourrait faire, mais il sent par instinct: pourtant je suis bon à quelque chose, je me sens une raison d'être! Je sais que je pourrais être un tout autre homme! à quoi donc pourrais-je être utile, à quoi pourrais-je servir! Il y a quelque chose au-dedans de moi, qu'est-ce que c'est donc?

Cela est un tout autre fainéant, tu peux si tu juges bien, me prendre pour un tel.

Un oiseau en cage au printemps sent fortement bien qu'il y a quelque chose à quoi il serait bon, il sent fortement bien qu'il y a quelque chose à faire, mais il ne peut le faire, qu'est-ce que c'est? Il ne se le rappelle pas bien, puis il a des idées vagues, et se dit: " Les autres font leurs nids et font leurs petits et élèvent la couvée." Puis il se cogne le crâne contre les barreaux de la cage. Et puis la cage reste là et l'oiseau est fou de douleur.

"Voici un fainéant", dit un autre oiseau qui passe, celui-là c'est une espèce de rentier. Pourtant le prisonnier vit et ne meurs pas, rien ne paraît au dehors de ce qui ce passe en dedans, il se porte bien, il est plus ou moins gai au rayon de soleil. Mais vient la saison des migrations. Accès de mélancolie, -mais, disent les enfants qui le soignent dans la cage, il a pourtant tout ce qu'il lui faut- mais lui de regarder au dehors le ciel gonflé, chargé d'orage, et de sentir la révolte contre la fatalité au-dedans de soi. "Je suis en cage, je suis en cage, et il ne me manque rien, imbéciles! j'ai tout ce qu'il me faut moi! ah de grâce, la liberté, être un oiseau comme les autres oiseaux!"

Tel homme fainéant ressemble à tel oiseau fainéant.

Et les hommes sont souvent dans l'impossibilité de rien faire, prisonniers dans je ne sais quelle cage horrible, horrible, très horrible.

Il y a aussi, je le sais, la délivrance, la délivrance tardive.

Une réputation gâtée à tort ou à raison, la gêne, la fatalité des circonstances, le malheur, cela fait des prisonniers.

On ne saurait toujours dire ce que c'est qui enferme, ce qui mure, ce qui semble enterrer, mais on sent pourtant je ne sais quelles barres, quelles grilles, des murs.

Tout cela est-ce imaginaire, fantaisie? Je ne le pense pas; et puis on se demande: mon Dieu, est-ce pour longtemps, est-ce pour toujours, est-ce pour l'éternité?

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Tout d'abord merci pour ce partage, je me suis un peu penchée sur sa vie, mais je n'avais jamais lu ses lettres.

Voilà un homme qui a toujours vécu en dépression grave et qui a beaucoup souffert. Un artiste qui a peint avec frénésie, comme si c'était un besoin viscéral, vital, comme s'il y avait urgence. Cette passion l'a-elle aidée à vivre ou plutôt à ne pas mourir ?

Cette passion l'a aidé à vivre, et l'a tué. Le sublime de sa vie est qu'il a décidé de la vivre malgré tout. Dans la détresse morale, dans la misère, dans la folie, dans le génie...

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Scénon Membre 3 531 messages
Forumeur alchimiste ‚
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J'espère ne pas être hors sujet en livrant le témoignage suivant sur Van Gogh, rédigé par le peintre français Louis Cattiaux (1904-1953), témoignage franchement curieux, “fantastique”, mais qui sait? peut-être plus actuel et véridique qu'on serait tenté de le penser au premier abord...

La condition de l'artiste

Fut-ce un rêve ou une vision ? Fut-ce une hallucination ou une apparition ? Je ne sais. Mais j’ai vu et entendu certainement et je ne saurais celer la chose qui m’a été si étrangement révélée, sans pécher gravement contre les vivants, contre les agonisants, et contre les morts qui peuplent le monde.

Donc, une de ces dernières nuits, je me trouvai tout à coup réveillé par le bruit insolite de la soie qu’on froisse…, et je reconnus, dans une forme lumineuse, le fantôme vivant de Vincent van Gogh, dont les reliques reposent, abandonnées des collectionneurs, dans le cimetière d’Auvers-sur-Oise…

Vincent van Gogh ! balbutiai-je, écrasé par la présence du génie légendaire. Vincent, ta gloire brille dans le monde, et tes œuvres éclatantes comme des feux d’artifice, illuminent les musées des nations et enrichissent les collections particulières. Ta vie prodigieuse est décrite en long et en large dans les livres numérotés, et nous, tes petits frères, nous t’aimons et nous t’admirons dans nos cœurs.

Comme ton éternité doit être heureuse de te voir ainsi reconnu, honoré, fêté, vénéré, comblé ! Toi qui n’as jamais pu vendre aux riches de ton temps un seul de tes prestigieux tableaux, voilà que ces mêmes riches se disputent la moindre de tes études à coups de millions. Toi qui n’as pu trouver grâce devant les « intelligents », voilà que ces mêmes intelligents te sacrent génie, sans que nul ne le leur demande. Toi qui as souffert les railleries et les injures des imbéciles, voilà que ces mêmes imbéciles te louent et prennent ta défense, à présent que nul ne te crucifie plus !

J’étais transporté par la revanche du bon Vincent, quand sa voix bien formée laissa tomber ces mots qui me clouèrent de surprise.

« Pauvre idiot ! te figures-tu que toute cette chienlit de plumitifs appointés, de spéculateurs éhontés, et d’imbéciles triomphants m’honore et se justifie, en payant des millions ce qu’ils ont refusé pour une bouchée de pain, quand j’étais vivant et que j’avais des dents, mais rien à manger ? Crois-tu que la vaniteuse canaille qui m’a fait passer pour fou, et qui s’engraisse à présent de mes dépouilles, en prodiguant des conseils hypocrites aux artistes qui désespèrent dans le monde, crois-tu que je la bénisse dans mon cœur ?

Non, je les maudis sans arrêt, et ma malédiction colle à leurs dos d’ânes bâtés comme une tunique empoisonnée, car ils enrichissent stupidement des morts qui ne peuvent plus rien faire de leur argent, tandis qu’ils continuent à laisser périr de misère les vivants qui les entourent.

Je les visite, ces glorieux qui spéculent sous le couvert de l’art, qu’ils haïssent en secret. Je les visite, ces savantasses qui bavent triomphalement sur moi, après m’avoir vomi, afin de complaire aux éternels médiocres, qui font la loi dans le monde. Je les visite et je les frappe dans tout ce qu’ils aiment : santé, argent, famille, honneurs, réputation, amis.

Va, regarde, flaire et palpe le malheur que je répands sur cette infamie dorée, et tu comprendras peut-être ce qu’est la justice cachée.

Et je ne suis pas seul à te dire cela. Regarde !... »

Et en effet, je vis d’autres formes qui s’étaient jointes à la première : Cézanne, Gauguin, Picasso, Renoir…

Baudelaire, Deubel, Poe, Verlaine, Rimbaud et d’autres que je distinguais mal, murmuraient : « Nous aussi, nous vomissons les éditions de luxe non coupées, réservées aux bibliophiles gâteux, qui nous ont repoussés et désespérés quand nous étions vivants. »

Je pleurais déjà depuis un moment sans m’en rendre compte…

Dès le matin, je me mis en quête des thuriféraires patentés des grands artistes morts dans l’abandon ; je visitai les acheteurs spécialisés de leurs signatures, enfin cotées à la Bourse, et je m’enquis discrètement de leur état. « Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Et c’était bien une peste qui n’épargnait aucun d’entre eux. Cocus, battus, trahis, agités, malades, déshonorés, traqués, trompant et trompés, toute la kyrielle des malédictions était attachée à leurs personnes.

Auditeur bien involontaire de la pensée des grands artistes morts, je conclurai en affirmant que le bénédiction des vivants qu’on aide à temps vaut bien mieux que le malédiction des morts qu’on aide trop tard.

Combien sont-ils, les artistes véritables, de métier, selon la belle définition donnée récemment par la Société des artistes peintres, sculpteurs et graveurs professionnels ?

Huit cents à Paris, le double peut-être dans toute la France. Car les autres sont en réalité des artistes occasionnels, pourvus de revenus ou d’un métier, d’amis politiques ou de confession, qui les font vivre et qui leur permettent de manifester leurs œuvres en public, au détriment des purs, qui n’ont que leur foi et leur courage dans l’art, pour toute recommandation et pour tout viatique.

L’élimination persévérante est une des lois de ce monde, mais certainement pas l’extermination aveugle et sourde !

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Membre, 63ans Posté(e)
S.A.S Membre 3 368 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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L' est pas clair le Monsieur Cattiaux ..... . :p

Je préfère les lettres de Vincent à son frère .

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J'espère ne pas être hors sujet en livrant le témoignage suivant sur Van Gogh, rédigé par le peintre français Louis Cattiaux (1904-1953), témoignage franchement curieux, “fantastique”, mais qui sait? peut-être plus actuel et véridique qu'on serait tenté de le penser au premier abord...

Pas de hors-sujet, au contraire....

Sans date:

Je sens que père et mère réagissent instinctivement à mon sujet.(je ne dis pas "intelligemment")

On hésite à m'accueillir à la maison, comme on hésiterais à accueillir un grand chien hirsute. Il entrera avec ses pattes moullées-et puis il est très hirsute. Il gênera tout le monde. Et il aboie bruyamment.

Bref, c'est une sale bête.

Bien. Mais l'animal a une histoire humaine, et bien que ce ne soit qu'un chien, une âme humaine. Qui plus est, une âme humaine assez sensible pour sentir ce qu'on pense de lui, alors qu'un chien ordinaire en est incapable.

Quant à moi, je veux bien admettre d'être un chien, ce qui ne change rien à leur valeur.

Le chien comprend que, si on le gardait, ce serait pour le supporter, le tolérer dans cette maison.: par conséquent il va essayer de trouver une niche ailleurs. Oh, ce chien est le fils de notre père, mais on l'a laissé courir si souvent dans la rue qu'il a du nécessairement devenir plus hargneux. Bah, père a oublié ce détail depuis des années, il n'y a donc plus lieu d'en parler.

Tout cela est exact, incontestablement.

Mais n'oublions pas que les chiens sont d'excellents gardiens.

Cela n'entre pas en ligne de compte; aucun danger ne menace notre paix, rien ne vient troubler l'ambiance, dit-on. Moi aussi, je vais donc me taire.

Evidemment, le chien regrette à par lui d'être venu jusqu'ici: la solitude était moins grande dans la bruyère que dans cette maison, en dépit de toutes leurs gentillesses. L'animal est venu en visite dans un accès de faiblesse. J'espère qu'on me pardonnera cette défaillance; quant à moi, j'éviterai d'y verser encore à l'avenir.

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Membre, Posté(e)
Scénon Membre 3 531 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Je sens que père et mère réagissent instinctivement à mon sujet...

Il est rare que je vous ne lise pas avec intérêt. Là, je n'ai rien saisi. :cool:

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Invité Tar Baby
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Invité Tar Baby
Invité Tar Baby Invités 0 message
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1471946384[/url]' post='10363273']

Il est rare que je vous ne lise pas avec intérêt. Là, je n'ai rien saisi. :cool:

Pour ce que j'en ai compris, ses parents ont un jugement sur lui, qui fait qu'ils réagissent toujours par rapport à celà, sans jamais se soucier de savoir ce qu'il en est réellement. Jugement bien évidemment négatif, et quoi que Vincent fasse, ce sera toujours pareil. Ils ne cherchent pas à le comprendre, et pire, son frère agirait ainsi, ils réagiraient différemment, et en tout cas de façon moins négative.

Il a dû beaucoup souffrir de ses relations avec ses parents.

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Scénon Membre 3 531 messages
Forumeur alchimiste ‚
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Pour ce que j'en ai compris, [...] il a dû beaucoup souffrir de ses relations avec ses parents.

Merci. Oui, en relisant, tout l'extrait devient plus clair.

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Invité
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Sans Date:

(...)

Et on manque parfois de désir de se rejeter en plein dans l'art, et de se refaire pour cela. On se sait cheval de fiacre, et on sait que ce sera encore au même fiacre qu'on va s'atteler.Et alors on n'en a pas envie, et on préfèrerait vivre dans une prairie avec un soleil, une rivière, la compagnie d'autres chevaux également libres, et l'acte de la génération.

Et peut-être au fond des fonds la maladie de cœur vient un peu de là, cela ne m'étonnerais pas. On ne se révolte plus contre les choses, on n'est pas résigné non plus, on en est malade et cela ne se passera point, et on y peut pas précisément remédier.

Je ne sais pas qui a appelé cet état: être frappé de mort et d'immortalité. Le fiacre que l'on traîne, ça doit être utile à des gens qu'on ne connaît pas. Et voilà, si nous croyons en l'art nouveau, aux artistes de l'avenir, notre pressentiment ne nous trompe pas.

Et nous qui ne sommes à ce que je suis porté à croire, nullement si près de mourir, néanmoins nous sentons que la chose est plus grande que nous, et de plus longue durée que notre vie.

Nous ne nous sentons pas mourir, mais nous sentons la réalité de ce que nous sommes peu de chose, et que pour être un anneau dans la chaine des artistes, nous payons un prix raide de santé, de jeunesse, de liberté, dont nous ne jouissons pas du tout, pas plus que le cheval de fiacre, qui traine une voiture de gens qui s'en vont eux jouir du printemps.

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