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L'Archipel du Goulag

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January

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January Modérateur 59 347 messages
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Première partie - L'Industrie pénitentiaire

Chapitre 3 - L'instruction - Extraits choisis

Quelques-uns des procédés qui brisent la volonté et la personnalité du prisonnier (librement résumé) :

Prenons d'abord la nuit elle-même. Pourquoi est-ce la nuit que s'effectue l'essentiel du broyage des âmes ? Parce que la nuit, arraché au sommeil, le prisonnier ne peut avoir autant d'équilibre et de lucidité que pendant le jour, il est plus malléable.

La persuasion sur le ton de la franchise : "Tu vois bien que de toute façon, tu n'y couperas pas d'une condamnation. Mais si tu résistes, la prison va te transformer en crevard, te ruiner la santé. Tandis que si tu pars en camp, tu retrouveras l'air, la lumière... Tu as donc intérêt à signer tout de suite".

Les insultes grossières. Un procédé simplet, mais qui peut agir à merveille sur les gens bien élevés. Je connais deux exemples de prêtres qui ont cédé à de simples insultes.

Le choc créé par le contraste psychologique. On passe brusquement d'un ton à un autre, d'extrêmement aimable, on passe à brandir un presse-papier en hurlant "Bon dieu d'ordure ! Ce qu'il te faut, c'est neuf grammes dans la nuque !"

L'humiliation préalable. Dans les célèbres caves du Guépéou de Rostov ("le 33"), on forçait les détenus en instance d'interrogatoire à s'étendre face contre terre dans le couloir et on les y laissait plusieurs heures, avec interdiction de relever la tête et de proférer le moindre son.

L'intimidation. Procédé très varié.

"Vous n'avouez pas ? Eh bien il vous faudra aller faire un tour aux Solovki. Ceux qui avouent, nous les relâchons"

"C'est de moi que dépend le choix du camp où tu vas être envoyé. Il y a camp et camp..."

Le mensonge. L'intimidation alliée aux promesses alléchantes est le principal moyen de pression sur les parents de l'inculpé convoqués pour témoigner : "Si vous ne déposez pas dans ce sens-là, vous allez aggraver son cas... le perdre définitivement". Voit-on l'effet de ces paroles sur une mère ?

La méthode qui consiste à jouer sur l'attachement d'un homme pour ses proches agit également très bien sur l'inculpé. On menace de jeter en prison tous ceux qui vous sont chers.

Méthodes physiques et psychologiques. Entre autres amusements : le procédé sonore. Faire asseoir l'inculpé à une distance de six à huit mètres et le forcer à parler très fort en répétant chaque phrase. Pour un homme déjà épuisé, ce n'est guère facile.

Le procédé lumineux : Lumière électrique crue H24 dans la cellule ou le box où vous êtes enfermé, avec une ampoule d'une intensité démesurée pour un local aussi exigu et aux murs peints en blanc. Vos paupières s'enflamment, c'est très douloureux.

La prison commence par le box, c'est à dire une sorte de coffre ou de placard. Le prisonnier ne peut s'y tenir que debout. On le laisse là des heures, la plupart se désorientent rapidement et perdent courage.

On manque de box ? Qu'à cela ne tienne ! Au NKVD de Novotcherkassk, Iélèna Stroutinskaïa dut rester six jours assise sur un tabouret, dans un couloir sans qu'on la laisse ni s'appuyer contre quoi que ce soit, ni dormir, ni tomber, ni se lever. Six jours et six nuits ! Essayez donc de tenir seulement six heures.

La privation de sommeil est un moyen de torture supérieur (ils n'avaient rien compris au moyen-âge), combinée à la station debout ou à genoux, à la soif, la faim, à la lumière violente, à la peur et à l'incertitude (la poire d'angoisse est vraiment dépassée) elle trouble la raison, mine la volonté et on cesse d'être soi-même.

Bien sûr il y a les coups aussi, mais on s'arrange pour qu'ils ne laissent aucune trace...

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January Modérateur 59 347 messages
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Nous nous fîmes pincés, mon co-inculpé et moi, comme de vrais gamins et non comme des officiers combattant sur le front. alors que nous échangions en temps de guerre, des lettres soumises à la censure militaire, nous ne pouvions nous empêcher d'exprimer presque ouvertement nos indignation politiques et d'injurier le Sage d'entre les Sages, dont nous avions codé de façon transparente le nom de Père en celui de Caïd. Chaque fois que, par la suite, dans les prisons, je racontai mon affaire, notre naïveté ne souleva que rire et étonnement. On me disait qu'il n'était pas possible de trouver de pareils gogos !

[...]

Le commissaire-instructeur était déjà assis au bureau et rédigeait l'acte d'accusation.

A peine avais-je ouvert l'épais dossier que je lus, dans le texte imprimé sur l'envers de la couverture, cette chose renversante : pendant la durée de l'instruction, on avait le droit de porter plainte par écrit contre toute irrégularité et le commissaire-instructeur était tenu de verser ces pièces au dossier dans l'ordre chronologique ! Pendant l'instruction ! Mais pas quand elle était terminée...

[...]

"Je ne suis pas d'accord. Vous avez instruit l'affaire de façon irrégulière, dis-je, pas très sûr de moi.

- Bon, eh bien, on va tout recommencer depuis le début ! Tu vas voir, on va te flanquer au quartier des politsaï."

Il me semblait qu'il valait mieux mourir que de tout recommencer depuis le début.

Et je signai.

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Première partie - L'Industrie pénitentiaire

Chapitre 4 - Les liserés bleus - Extraits choisis

Certes, le métier de commissaire-instructeur n'est pas un sinécure : il faut travailler de jour comme de nuit, rester assis pendant des heures et des heures à un bureau, mais enfin, vous n'avez nul besoin de vous casser la tête pour trouver des "preuves" (ça, c'est le travail de l'inculpé : à lui de se torturer les méninges). Il dépendra de vous que l'instruction soit plutôt agréable, point trop fatigante, ou du moins distrayante. C'est lassant à la fin, ces mains tremblantes, ces yeux suppliants, cette docilité poltronne. S'il y en avait seulement un qui résiste un peu ! "J'aime les adversaires forts ! C'est agréable de leur briser les reins !" (le commissaire Chitov, de Leningrad).

Devant qui, du reste, auriez-vous besoin de vous gêner ? Vous avez rencontré quelque part une jeune fille et jeté sur elle votre dévolu ? Elle est à vous. C'est une femme mariée que vous avez remarqué ? Elle est à vous : éliminer son mari est un jeu d'enfant. Tout objet aperçu est à vous ! Tout appartement qui vous plaît : à vous ! Toute femme : à vous ! Tout ennemi : à vous, pieds et poings liés ! A vous la terre sous votre talon, à vous le ciel au-dessus de votre tête : il est bleu, lui aussi !

[...]

Quand on jouit d'un tel pouvoir, et sans aucun contrôle, comment ne pas l'utiliser pour s'enrichir ? Il faudrait être un saint !...

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Il n'est pas si rare que les liserés bleus finissent par échouer eux-mêmes en prison. Contre ce tragique retour du sort ils n'ont aucune véritable garantie. Seule leur parle l'intelligence inférieure, qui dit : ça n'arrive pas souvent, ce sont des cas isolés, tu passeras bien au travers et, de toute façon, les copains ne te laisseraient pas tomber.

En effet, ces gens-là s'efforcent de ne pas laisser tomber ceux qui sont des leurs. Une convention tacite veut qu'ils leur assurent au moins un régime de faveur.

Mais les agents de la Sécurité qui sont happés par un flot (car eux aussi ont leurs flots !) ceux-là risquent tout. Là, nul ne vous viendra en aide, de peur d'être soi-même entraîné dans le gouffre.

[...]

Cependant, écoutons aussi la sagesse populaire : poignez le loup, plaignez le loup.

Cette engeance féroce, comment est-elle apparue dans notre peuple ? N'a-t-elle pas les mêmes racines que nous ? N'est-elle pas du même sang ?

Pour ne pas se pavaner trop vite dans sa tunique immaculée de juste, que chacun de nous se demande : si ma vie avait tourné autrement, ne serais-je pas devenu, moi aussi, l'un de ces bourreaux ?

C'est une question terrible si l'on veut y répondre honnêtement.

[...]

Ce serait trop simple si tout se réduisait à de sombres personnages qui se livreraient dans un coin à de noires machinations et qu'il suffirait d'identifier et de supprimer. Non. La ligne qui sépare le bien du mal passe par le coeur de chaque homme. Et qui est prêt à détruire un morceau de son propre coeur ?

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En Allemagne de l'Ouest, entre la fin de la guerre et l'année 1966, il a été condamné quatre vingt six mille criminels nazis - et, suffoquant d'indignation, nous ne lésinons pas sur les pages de journaux ni les heures d'antenne, nous restons même à notre travail pour assister à des meetings et voter : ça n'est pas assez ! Même 86 000, ça n'est pas assez ! Vingt ans de poursuites, ça n'est pas assez !

Chez nous, il a été condamné une trentaine de personnes.

Voilà une énigme dont nous autres, contemporains, n'arriverons jamais à trouver la clé : pourquoi est-il donné à l'Allemagne de châtier ses criminels et pourquoi cela n'est il pas donné à la Russie ? Quelle voie funeste sera la nôtre s'il ne nous est pas donné de nous laver des impuretés qui pourrissent dans notre corps ?

quand, à quatre vingt six mille reprises, un pays a condamné le vice du haut de l'estrade des tribunaux (et qu'il l'a irrévocablement condamné dans la littérature et au sein de la jeunesse), cela veut dire que peu à peu, année après année, marche après marche, il s'en purifie.

Mais nous, nous ?... Un jour, nos descendants nous appelleront les générations de chiffes molles : après nous être docilement laissé massacrer par millions, nous aurons bichonné tendrement les assassins dans leur vieillesse quiète.

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Première partie - L'Industrie pénitentiaire

Chapitre 5 - Première cellule premier amour - Extraits choisis

Une cellule et de l'amour... comment comprendre ?

Asseyez-vous, fermez les yeux, rappelez vous toutes les cellules où vous êtes passé. Le compte n'est pas facile, il y en a eu tant ! Et tous ces hommes, ces hommes à chaque fois... Dans celle-ci ils étaient deux, dans telle autre, cent cinquante. Ici, vous êtes resté cinq minutes ; là, tout au long d'un été.

Mais entre toutes, vous mettrez toujours à part celle où pour la première fois vous vous êtes retrouvé avec des hommes semblables à vous, au destin brisé comme le vôtre.

[...]

Pendant une semaine ou un mois, vous avez été seul, entouré d'ennemis ; déjà vous sentiez la raison et la vie vous abandonner - or voici que vous vous retrouvez vivant, entouré d'amis. Et que la raison vous revient.

La première cellule, c'est cela !

Vous l'attendiez, cette cellule, vous en rêviez presque comme de la liberté, tandis qu'on vous transférait de fente de souris en trou de rat, de Léfortovo dans quelque diabolique et légendaire Soukhanovka.

[...]

Mais si le long duel avec la folie, si toutes les tentations de la solitude n'ont pas eu raison de vous, alors vous avez bien mérité votre première cellule commune ! Là, votre âme va se cicatriser. Maintenant, pour la première fois, vous allez voir des gens qui ne sont pas des ennemis. Maintenant, pour la première fois, vous allez voir d'autres êtres vivants qui font la même route et que vous allez pouvoir englober avec vous dans mot joyeux : "nous".

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Les heures les plus pénibles de la journée sont les deux premières : dès que nous entendons le crac-croc de la clef dans la serrure, nous nous levons d'un bond, sans traîner, et faisons nos lits, puis nous restons assis dessus, le corps désoeuvré et l'âme vide, sous la lumière de l'ampoule électrique. Cette veille forcée à partir de six heures du matin, heure où votre cerveau ensommeillé est encore si paresseux, où le monde entier vous semble odieux et votre vie irrémédiablement fichue, et où de plus il n'y a pas une gorgée d'air dans la cellule, cette veille est particulièrement absurde pour ceux qui ont subi un interrogatoire pendant la nuit. Si, il y a tout de même une opération qui s'effectue au cours de ces deux heures : la visite aux cabinets.

Il s'agit de cette nécessité grossière dont il n'est pas de mise de parler en littérature. Cette manière de commencer la journée, qui semble naturelle, renferme déjà un piège où le prisonnier va rester englué pour le reste du temps. Le manque d'exercice, la nourriture frugale, la lourde torpeur de la nuit font que vous êtes absolument hors d'état de vous mettre en règle avec la nature dès le lever. Or on vous ramène bien vite dans votre cellule où vous allez rester enfermé jusqu'à six heures du soir. Maintenant l'approche de l'heure des interrogatoires diurnes et les différents événements de la journée vont commencer à vous travailler, maintenant vous allez vous lester de pain, d'eau et de soupe-lavure, mais personne ne vous laissera retourner dans cet endroit grandiose auquel le reste de l'humanité accède si facilement, sans apprécier son bonheur.

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Ce qui nous attendrit le plus, c'est d'apprendre qu'autrefois, la qualité de prisonnier politique était un motif de fierté et que non seulement on n'était pas renié par ses propres parents, mais que des jeunes filles inconnues se présentaient comme votre fiancée pour obtenir le droit de visite. Et l'ancienne et universelle tradition des colis aux prisonniers pour les jours de fête ? Personne en Russie ne se serait mis à table le jour de Pâques sans avoir porté à des prisonniers anonymes un colis pour améliorer l'ordinaire. Les gens donnaient des jambons de Noël, des pâtés en croûte de toutes sortes, des brioches de Pâques. Même une pauvre vieille qui n'avait rien apportait une dizaine d'oeufs durs qu'elle avait teints, et repartait le coeur léger. Cette bonté russe, où donc est-elle passée ?

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Première partie - L'Industrie pénitentiaire

Chapitre 6 - Ce printemps là - Extraits choisis

Déjà, tandis que nous coupions en deux la Prusse-Orientale, j'avais vu de mornes colonnes de prisonniers qui rentraient, seuls affligés au milieu de l'allégresse générale, et leur tristesse m'avait stupéfié, bien que je n'en comprisse pas encore la raison.

[...]

Ces hommes furent déclarés Traîtres, mais juges, procureurs et instructeurs firent à cette occasion une curieuse faute de langue. Et les condamnés eux-mêmes, le peuple entier, les journaux la reprirent à leur tour et l'ancrèrent dans l'usage, mettant involontairement à nu la vérité : on avait voulu les déclarer traîtres à la patrie, mais personne, en parlant ou en écrivant, et jusque dans les documents judiciaires, ne les appelait autrement que "Traîtres de la patrie".

Tu l'as dit ! Ce n'étaient pas des traîtres à la patrie, c'étaient ses traîtres, les siens. Ce n'étaient pas eux, les malheureux, qui avaient trahi leur patrie, c'était elle, la patrie calculatrice, qui les avait trahis, et cela par trois fois.

La première fois, elle les avait trahis par incurie sur le champ de bataille

[...]

La deuxième fois, elle les avait trahit par cruauté, en les laissant crever en captivité.

Et elle venait maintenant de les trahir pour la troisième fois, avec cynisme, en leur faisant miroiter son amour maternel pour leur passer la corde au cou dès la frontière.

Gigantesque infamie dont furent victimes des millions et des millions d'hommes : déclarer traîtres ses propres soldats après les avoir soi-même trahis !

[...]

On les a tous coffrés pour éviter qu'ils ne parlent de l'Europe dans leurs villages (ce que n'ai vu, rêver n'y puis...)

Les rescapés de Buchenwald ? Comment auraient-ils pu réchapper d'un camp de la mort ? Il y avait là quelque chose de louche !

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Nous voyions que nous étions des millions à inonder les prisons et qu'en arrivant dans les camps, nous y trouverions des masses encore plus importantes. Il n'était quand même pas pensable qu'on laisse autant d'hommes en prison après la plus grandiose des victoires ! Assurément, il allait y avoir une grande amnistie et nous serions tous relâchés. Quelqu'un jurait même avoir lu de ses propres yeux dans un journal que Staline, répondant à un correspondant de presse américain (son nom ? je l'ai oublié...), avait dit qu'après la guerre, il y aurait chez nous une amnistie comme le monde n'en avait jamais vu.

[...]

Nous n'écoutions pas les quelques têtes lucides qui jouaient les oiseaux de malheur : en un quart de siècle, disaient-ils, il n'y avait jamais eu d'amnistie pour les politiques et il n'y en aurait jamais. Nous envoyions promener les raisonneurs qui expliquaient que si nous étions des millions dans les prisons, c'était précisément parce que la guerre était terminée : au front, on n'avait plus besoin de nous ; à l'arrière, nous serions dangereux ; sur les chantiers lointains, au contraire, pas une seule brique ne pouvait être posée sans nous.

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Première partie - L'Industrie pénitentiaire

Chapitre 7 - Dans la chambre des machines - Extraits choisis

"Mais c'est épouvantable ! Huit ans ! Pourquoi ?"

Et j'entendis moi-même que mes paroles sonnaient faux. Ni lui ni moi n'avions le sentiment d'une chose épouvantable.

"Ici", me dit-il en me désignant à nouveau l'endroit où signer.

Et je signai.

[...]

Mon voisin me dit, lénitif et quiet :

"Ca n'est pas terrible : nous sommes encore jeunes, nous aurons encore le temps de vivre. L'essentiel est de ne plus faire de faux pas, maintenant. Une fois au camp : pas un mot à personne, pour éviter qu'on nous flanque une nouvelle peine. Nous travaillerons honnêtement et nous nous tairons, motus et bouche cousue."

Il y croyait tant, à ce programme, il était si plein d'espoir, ce petit grain de blé innocent happé par les meules staliniennes ! On avait envie de lui donner raison : purger bien quiètement sa peine et rayer ensuite de sa mémoire tout ce qu'on aurait vécu.

Mais voilà que je commençais à sentir en moi autre chose : si, pour vivre, il fallait Ne Pas vivre, alors à quoi bon ?...

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Première partie - L'Industrie pénitentiaire

Chapitre 8 - La loi enfant - Extraits choisis

Nous oublions tout. Que gardons-nous en tête ? Pas le réel, non, pas l'histoire. Mais une ligne uniforme de pointillés, la même pour tous, qu'on a pris soin de nous buriner jour après jour dans la mémoire.

Je ne sais s'il faut voilà un trait commun à tous les hommes, mais, assurément, c'est un trait de notre peuple. Un trait vexant. Découlant de la bonté, peut être, mais vexant.

Il fait de nous la proie des menteurs.

[..]

"Notre tribunal n'est plus le prétoire de jadis où l'on doive voir renaître subtilités et astuces juridiques... Nous sommes en train de créer un nouveau droit... et de nouvelles normes éthiques" ; "Quelles que soient les qualités individuelles de l'accusé, on ne saurait lui appliquer qu'une seule méthode d'appréciation : celle qui se fonde sur la rationalité sociale".

(A. Soljénitsyne cite ici N.V. Krylenko, révolutionnaire bolchevik qui joua un rôle important dans la révolution d'octobre 1917. Il fut membre du premier Conseil des commissaires du peuple, chargé des affaires militaires. Il devint ensuite procureur général de la RSFS de russie avant d'être finalement exécuté durant les purges staliniennes.)

En ces-années là, beaucoup de gens qui vivaient tout tranquillement apprirent soudain que leur existence était irrationnelle.

[...]

Ainsi se leva le soleil de notre liberté. Ainsi, petite fille espiègle et joufflue, grandit notre Loi, cette enfant d'Octobre.

Nous l'avons tout à fait oublié.

Dans ce chapitre, A. Soljénitsyne explique le système embryonnaire de Lois et son développement qui devient tout à fait arbitraire à partir de 1917.

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Première partie - L'Industrie pénitentiaire

Chapitre 9 - La loi devient adulte - Extraits choisis

Notre loi a maintenant l'âge d'entrer chez les pionniers ; suivons, là aussi, ses pas.

Elle fut riche en procès publics, l'année 1922, première année de paix.

A la fin de la guerre civile et comme sa conséquence naturelle, une famine inouïe s'abattit sur le bassin de la volga. Et quelle famine se fut : jusqu'au cannibalisme, les parents mangeant leurs propres enfants - une famine comme la Russie n'en avait pas connu au Temps des Troubles.

Mais le trait de génie, pour un homme politique, est de se tailler un succès jusque dans la misère du peuple. Ce fut comme une illumination : d'une pierre trois coups : aux curés, à présent, de nourrir les gens de la Volga ! Ce sont des chrétiens, ce sont de bonnes âmes, n'est-ce pas ?

1) Ils refusent : nous mettons la famine entièrement sur leur dos et nous liquidons l'Eglise

2) Ils acceptent : nous nettoyons les églises

3) Dans un cas comme dans l'autre, nous gonflons nos réserves de devises.

Ainsi, dès le début de la famine, l'Eglise avait déjà créé des comités diocésains et des comités panrusses pour venir en aide aux affamés et l'on avait commencé à collecter de l'argent. Mais permettre à l'Eglise de porter directement secours aux affamés en les nourrissant de sa main, c'était saper la dictature du prolétariat. Les comités furent interdits et l'argent confisqué au profit du Trésor.

[...]

Idée : un coup de tonnerre ! Idée : un décret ! Saisir dans les églises tous les objets précieux au profit des affamés !

[...]

Et c'est alors que commencèrent à Petrograd, comme partout ailleurs, les confiscations, accompagnées de graves incidents. On avait donc à présent des motif légaux pour entamer des procès ecclésiastiques.

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Première partie - L'Industrie pénitentiaire

Chapitre 10 - La loi dans la force de l'âge - Extraits choisis

Le code pénal amélioré qui entra en vigueur en 1926 rassemblait tous les fils des articles politiques de jadis pour en tisser un unique et solide filet n°58, et c'est lui qu'on lança pour cette pêche. Très vite, la pêche s'étendit à l'intelligentsia des ingénieurs et des techniciens, d'autant plus dangereuse qu'elle occupait une position de force dans l'économie nationale et qu'il était malaisé de la contrôler avec la seule ressource de la Doctrine d'avant-garde.

Or notre loi accédait enfin à la pleine force de l'âge et pouvait montrer au monde quelque chose de réellement parfait ! Un unique, un grand procès, bien mis au point, et cette fois contre les ingénieurs.

Dans ce chapitre sont décrits en détail deux procès publics retentissants contre les "nuiseurs" (l'affaire de Chakhty - sur le prétendu sabotage et la "contre révolution économique" dans les mines du Donbass ; et le procès du "Parti Industriel", qui n'a jamais existé mais qu'on accusa de sabotage dans différentes branches de l'industrie soviétique et dans les transports, ainsi que d'espionnage au profit de pays occidentaux préparant une intervention.)

Bien sûr les accusations étaient fabriquées de toutes pièces, les faux aveux extorqués sous la torture. Ceux qui résistèrent à la torture furent jugés à huis clos, la plupart d'entre eux furent exécutés.

[...]

Ces spectacles revenaient trop cher, même les grands succès, et donnaient trop de tintouin. Staline décida de renoncer désormais aux procès publics.

Tout homme de bon sens accordera maintenant que si le NKVD avait dû continuer à se donner un tel tintouin avec des procès publics, jamais il n'aurait mené à bien sa noble mission.

Et voilà pourquoi, dans notre pays, les procès politiques publics n'ont pas pris.

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Première partie - L'Industrie pénitentiaire

Chapitre 11 - La mesure suprême - Extraits choisis

En Russie, la peine de mort a une histoire en dents de scie (C'est peu de le dire). Le Code d'Alexis Mikhaïlovitch prévoyait le châtiment suprême dans cinquante cas, le règlement militaire de Pierre le Grand dans deux cents. Elisabeth, sans abroger ces dispositions légales, ne les appliqua pas une seule fois. Est-il pourtant difficile de dénigrer Elisabeth : elle a remplacé l'exécution par la peine de fouet, l'arrachage des narines, l'application du sceau "brigand" ou l'exil à perpétuité en Sibérie. Qui sait si le condamné à mort d'aujourd'hui, pourvu seulement que le soleil ne s'éteigne pas pour lui, n'opterait pas de son plein gré pour la totalité de ces châtiments que, par souci humanitaire, nous nous gardons bien de lui proposer ? Dix ou vingt ans de nos camps peuvent-ils être une peine plus lourde que les châtiments d'Elisabeth ?

Sous Paul 1er, l'abolition de la peine de mort fut confirmée. Et au cours du long règne d'Alexandre 1er, le châtiment suprême fut réintroduit pour les crimes commis par des militaires en campagne (1812).

Jusqu'en 1905, la peine de mort resta une mesure exceptionnelle. En 1906, lors de la création des cours martiales, l'un des problèmes les plus complexes fut de savoir qui procéderait aux exécutions. Les têtes pré-communistes n'avaient pas encore découvert qu'un seul et unique bourreau pratiquant la balle dans la nuque peut traiter beaucoup de monde...

Le Gouvernement provisoire abolit la peine de mort sans restriction aucune. Mais voilà qu'en juillet 1917, il la rétablit pour les crimes commis par les militaires (pillages, viols, assassinats etc...). Ce fut l'une des mesures les plus impopulaires du Gouvernement provisoire, de celles qui causèrent sa perte.

La peine de mort fut rétablie dans tous ses droits à partir de 1918. Ou plutôt, elle ne fut pas "rétablie", mais instaurée de façon nouvelle. En l'espace de 16 mois plus de 16 000 personnes seront fusillées, donc : 1000 personnes par mois...

Une pratique effrayante consistait à couler des barges entières chargées de centaines d'hommes dans le golfe de Finlande, dans les mers Blanche, Noire, Caspienne, ainsi que dans le lac Baïkal. Cette mode, c'est l'histoire des moeurs : la source de tout ce qui nous est arrivé ensuite.

En 1927, on abroge à nouveau : la peine de mort oui, pour les crimes contre l'Armée et l'Etat.

Et c'est reparti pour un tour quelques années plus tard avec la loi dite du 7-8, essentielle au socialisme en marche, qui promet à chaque citoyen une balle dans la tête s'il s'approprie la moindre miette appartenant à l'Etat.

Un exemple ?

Six kolkhoziens des environs de Tsarkoïé Sélo qui avaient commis le crime suivant : une fois menée à bien (par leurs propres bras) la fenaison du kolkhoze, ils étaient revenus faucher, pour leurs vaches à eux, l'herbe des petits monticules. Six paysans exécutés pour quelques touffes d'herbe. Staline n'eût-il jamais plus tué personne - rien que pour ces six paysans il aurait mérité à mon avis d'être écartelé.

Et l'on ose encore glapir à nos trousses : "Comment avez-vous pu troubler le repos de cette grande ombre ?", "Staline appartient au mouvement communiste mondial !". Oui. Et au Code pénal également.

En 1947, la peine de mort est (encore ??) abolie et remplacée par le "quarteron" (25 ans de camp).

Mais notre peuple est ingrat et incapable d'apprécier la magnanimité. C'est pourquoi, deux ans et demi plus tard la peine de mort est rétablie (bah oui, encore) pour les traîtres à la patrie, les espions et les saboteurs envoyés par l'étranger qui s'entassaient déjà dans les prisons.

Mais tout cela à titre provisoire, bien entendu...

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Un agronome fut condamné à mort pour s'être trompé en analysant le grain kolkhozien, un chef d'une équipe d'artisans qui fabriquaient des bobines de fil, fut condamné parce-qu'un incendie, provoqué par l'étincelle d'une locomobile, s'était déclaré dans son atelier. Chez celui-là on a retrouvé des devises, tel autre vendait du ruban métallique pour la fabrication des plumes, ce jeune paysan a frappé le cheval d'un milicien, que dire de celui-ci, qui tire un mouchoir blanc pour se moucher, alors que ses fenêtres donnent sur la Néva ? C'est un signal ! On l'embarque. "Donnez les noms de 40 membres de votre organisation". Il les donne.Si vous êtes placeur au théâtre Alexandra, il y a peu de chances que vous soyez nommé. Mais professeur à l'Institut de Technologie, vous voilà sur la liste - et dites-moi ce qui a dépendu de vous ? Or cette liste garantit à tous le peloton d'exécution.

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Première partie - L'Industrie pénitentiaire

Chapitre 12 - La réclusion - Extraits choisis

L'énorme Archipel s'était déjà bien déployé, mais la réclusion ne s'étiolait pas pour autant . La vieille tradition carcérale continuait gaillardement.

Tout individu happé par la Grande Machine ne devait pas nécessairement se fondre parmi les indigènes de l'Archipel. Les étrangers de marque, les personnalités en vue, les prisonniers secrets, les kaguébistes en disgrâce ne pouvaient en aucun cas être exhibés ouvertement dans les camps : toutes les brouettes qu'ils auraient pu rouler n'eussent jamais justifié pareille divulgation ni le préjudice moralo-politique qui en serait résulté. Il en allait de même pour les socialistes : en lutte constante pour leurs droits, ils ne pouvaient être admis à se fondre dans la masse, et c'est précisément sous le couvert de leurs droits et privilèges qu'ils furent détenus et étranglés à part. Beaucoup plus tard, dans les années cinquante, comme nous l'apprendrons, les TON (prisons à destination spéciale) serviront également à isoler les émeutiers des camps.

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450 g de pain, deux morceaux de sucre, un rata chaud mais guère nourrissant deux fois par jour ; à gogo, que de l'eau bouillante.

La lumière elle, fut toujours rationnée, dans les années trente comme dans les années quarante, l'obscurité est un facteur important pour déprimer le détenu. A la TON de Vladimir, on compensait ce déficit de lumière diurne en laissant allumées toute la nuit de puissantes ampoules électriques qui empêchaient de dormir.

L'air, rationné aussi, les vasistas verrouillés. La promenade variait, selon les prisons et les années, de quinze à quarante-cing minutes.Interdiction de lever la tête vers le ciel "Les yeux à terre !" (prison de Kazan).

Les visites de la famille furent interdites une bonne fois pour toute en 1937. On pouvait envoyer deux lettres par mois à ses parents les plus proches, eux ont toujours eu le droit d'écrire, hormis pendant quelques années, mais leurs lettres étaient parfois confisquées aux détenus au bout de vingt-quatre heures.

Le cantinage était autorisé à concurrence des sommes limitées que l'on était autorisé à recevoir.

Le mobilier : lit escamotable et chaises rivées au sol.

A la TON de Vladimir, Korneïev connut deux régimes différents : en 1947-1948 vous pouviez garder vos affaires personnelles, vous allonger durant le jour et le maton ne venait pas à tout moment vous épier par l'oeilleton. Mais en 1949-1953, la cellule avait deux serrures verrouillées, il était interdit de s'allonger, de parler à voix haute, les affaires personnelles avaient toutes été confisquées et les prisonniers revêtus de la tenue rayée ; les fouilles, féroces, effectuées sous forme de raids, se firent de plus en plus fréquentes (il fallait sortir de la cellule et se mettre nu). Les communications entre les cellules étaient à tel point réprimées qu'après chaque passage aux latrines, les surveillants les inspectaient avec une baladeuse pour éclairer chaque troui. Une inscription sur le mur, et toute la cellule étaient envoyée au cachot. Les cachots étaient la calamité des TON. On y était envoyé pour avoir toussé ("couvrez-vous la tête avec la couverture si vous voulez tousser !") ou pour avoir arpenté la cellule (vous passiez pour un agité).

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Pourtant les vétérans des camps sont unanimes à considérer que la TON de Vladimir était, dans les années 1950, une maison de repos.

Anna Petrovna Skripnikova, arrivée en 1956 des camps de Kémérovo, fut en particulier frappée par la possibilité d'expédier régulièrement (tout les dix jours) des requêtes (elle se mit à écrire... à l'ONU), et par l'excellente bibliothèque dont on vous apportait le catalogue complet et dans lequel vous passiez commande pour toute l'année.

N'oublions pas non plus la souplesse de notre loi : des milliers de femmes (arrêtées à titre "d'épouses") furent condamnée à la réclusion. Un coup de sifflet : "Allez ouste, toutes au camps !" Et elle y furent toutes envoyées. Sans jugement.

Dans ces conditions, la réclusion n'est-elle pas plutôt l'antichambre des camps ?

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Deuxième partie - Le mouvement perpétuel

Chapitre 1 - Les vaisseaux de l'Archipel - Extraits choisis

Les milliers d'îles de l'Archipel ensorcelé s'éparpillent du détroit de Béring jusqu'au Bosphore, ou presque. Elles sont invisibles, mais elles existent, et c'est invisiblement aussi, mais constamment, qu'il faut transporter d'île en île des esclaves eux-mêmes invisibles bien qu'ils aient une chair, un volume, un poids.

Par où les faire passer ? Et dans quoi les transporter ?

Il y a, pour cet usage, des ports importants : les prisons de transit, et des ports moindres : les camps de transit. Il y a, pour cet usage, des vaisseaux d'acier bien clos : les wagons-zak qu'aborderont, dans les rades, en guise de chaloupes et de canots, des fourgons automobiles eux aussi en acier, hermétiques et agiles.

[...]

"Wagon-zak". L'abréviation est affreuse, comme le sont, au demeurant, toutes les abréviations qu'inventent les bourreaux. Ils ont voulu dire que c'était un wagon-à-détenus (zaklioutchonnyïé).

Le wagon-zak est une voiture ordinaire, divisée en neuf compartiments ; cinq d'entre eux, destinés à recevoir les détenus, sont séparés du couloir non par une cloison continue, mais par une grille qui livre tout au regard des surveillants. Les fenêtres du couloir sont normales, mais grillagées à l'extérieur. Dans les compartiments des détenus, pas de fenêtre, seulement une petite ouverture également grillagée au niveau de la couchette du milieu (ainsi privé de fenêtres, le wagon a tout l'air d'un fourgon).

Vu du couloir, tout cela évoque fortement un ménagerie : derrière un grillage qui va du sol au plafond, des créatures pitoyables, qui ressemblent à des êtres humains, sont recroquevillées à même le sol ou sur des planches et vous implorent du regard. Mais, dans les ménageries, on n'entasse jamais les animaux de la sorte.

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