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Membre+, Posté(e)
Doïna Membre+ 17 468 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)

Bonjour,

Triste jour de juin 1858, en Italie. L'inquisiteur de Bologne, escorté des forces de police, arrache un enfant de 7 ans à sa famille pour le placer d'autorité à l'hospice des Catéchumènes*, à Rome.

Mais pourquoi ?

À cette époque, la péninsule italienne est morcelée en divers états, tous dépendants de pouvoirs différents. Certains sont indépendants, d'autres sous influence étrangère, d'autres enfin sous l'autorité directe du pape souverain théocratique dans une bonne partie de l'Italie centrale, Rome et ses alentours, Bologne, l'Ombrie, les Marches, la Romagne...

Garibaldi, à raison, voit là un obstacle à l'unification. Et à l'heure où Napoléon III, empereur des Français favorable à Garibaldi, prend une place grandissante sur la scène politique européenne, ce drame qui deviendra l'affaire Mortara prend place dans un contexte où le pouvoir pontifical se sent menacé.

Au début de l'année 1858, une étrange histoire parvient aux oreilles de l'ex-Inquisition : la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Edgar, le fils aîné des Mortara, famille israélite bolognaise, était tombé gravement malade alors qu'il était en bas âge. Désespérée et désireuse de le sauver, la servante de la maison, une chrétienne du nom d'Anna Morisi avait tenté une ultime manœuvre : elle avait secrètement administré à l'enfant les sacrements du baptême afin d'en faire un chrétien. Elle avait beaucoup prié et l'enfant avait guéri.

Plus tard, elle confia à une amie ce qu'elle n'avait jamais révélé à personne, se lamentant de voir ce petit chrétien malgré lui, baptisé à l'insu de tout le monde et élevé dans la religion juive.

La confidence remonte jusqu'à la Congrégation qui décide, conformément au droit canon**, de placer cet enfant qui a désormais sept ans dans un contexte où il sera élevé dans le christianisme.

Le Vatican développe à ce sujet quatre arguments : 1) Le sacrement du baptême, même non administré par une personne consacrée, a introduit le petit Mortara dans l'Eglise. 2) L'Eglise a acquis un droit sur lui supérieur au droit humain, culturel ou biologique. 3) Les Mortara doivent se soumettre aux lois de l'Etat où ils vivent qui est sous autorité papale. 4) Les Mortara se sont de toute façon placés dans l'illégalité en employant une servante chrétienne, ce qui est formellement interdit dans les Etats pontificaux.

La famille Mortara, dépossédée de son enfant par la force, alerte des institutions israélites et des journaux à travers l'Europe. La presse française s'empare de l'affaire et le gouvernement s'alarme de la tournure des choses. Par voie diplomatique, Napoléon III rappelle à Pie IX les prérogatives et les devoirs paternels. Peine perdue puisque pour le clergé : un fait religieux appartient au domaine spirituel et ne saurait en aucun cas relever même de la volonté du chef de l'Eglise ; le baptême étant de plus un sacrement indélébile et la paternité spirituelle primant sur la paternité naturelle.

En France, les journaux libéraux et républicains s'insurgent devant l'intransigeance pontificale. La campagne de presse prend un tour très nettement anticlérical, tandis que la presse catholique demeure modérée, bien que se faisant l'écho de membres influents du clergé tels les chanoines de Notre-Dame ou d'Orléans qui tempèrent la doctrine officielle et préfèrent l'apaisement et la négociation pour tenter de sortir de la situation. C'est alors qu'un agité du nom de Louis Veuillot entre en scène : furieux de ce qui n'est pour lui que mollesse, cet ultra-conservateur, journaliste à L'Univers, plus gros titre de sa catégorie, accuse la famille Mortara et, à travers elle, tous les Juifs en général. Il les accable : non contents d'être d'un peuple déicide, ils ne respectent pas les lois de l'Etat où ils vivent, tout comme leurs coreligionnaires pratiquent la collusion transfrontalière et ourdissent un complot international, notamment en infiltrant les banques.

On sent les prémices de l'affaire Dreyfus. De là, une grande agitation qui irrite Napoléon III. Fin novembre 1858, le ministère de l'Intérieur prévient officieusement mais fermement les médias de ce temps : plus question d'agiter la question de l'affaire Mortara ! Veuillot, intimidé, s'arrête net et la polémique se dégonfle instantanément. Quant à l'enfant, il restera dans l'institution catholique.

Quelques années plus tard, l'empereur des Français changera même de cap en faveur du pape, qu'il protègera face aux garibaldiens. Cela n'empêchera pas Garibaldi de chausser la botte !

Et qu'advint-il des principaux protagonistes de cette histoire ? Anna Morisi, la servante, prit le voile. Edgar Mortara, succombant à un lavage de cerveau de longue date, se fit ordonner prêtre à l'âge de 17 ans et le restera jusqu'à sa mort, en 1940, à Liège.

Il sera admis au nombre des "bienheureux" en l'an 2000 par le pape Jean-Paul II, ce qui est la première étape vers la canonisation.

Une source parmi d'autres

* Un catéchumène est un néophyte à instruire avant de le mener au baptême chrétien.

** Droit canon : droit de l'Eglise

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Membre, 105ans Posté(e)
ThomasMann Membre 3 895 messages
Baby Forumeur‚ 105ans‚
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mortar10.jpg

C'est le grant dadet à droite sur la photo !!

C'est dingue des histoires pareilles !!!

Il me semble en avoir entendu de semblables lors de la seconde guerre mondiale aussi !

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Invité vieilledame
Invités, Posté(e)
Invité vieilledame
Invité vieilledame Invités 0 message
Posté(e)

mortar10.jpg

C'est le grant dadet à droite sur la photo !!

C'est dingue des histoires pareilles !!!

Il me semble en avoir entendu de semblables lors de la seconde guerre mondiale aussi !

Oui, il s'agit sans doute des deux petits Finaly. Il y a eu un film ou un téléfilm consacré à cette malheureuse affaire.

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Membre+, Posté(e)
Doïna Membre+ 17 468 messages
Maitre des forums‚
Posté(e)

Les frères Finaly, c'est une autre histoire et qui date d'après la Seconde Guerre mondiale : une dame n'a pas voulu rendre à leur famille deux enfants juifs. Le cas du petit Edgar Mortara, c'était sous Napoléon III au XIX° siècle.

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Invité vieilledame
Invités, Posté(e)
Invité vieilledame
Invité vieilledame Invités 0 message
Posté(e)

Les deux frères Fynaly avaient été baptisés pendant la guerre, d'une part pour échapper autant que possible à la persécution et d'autre part par conviction religieuse de la dame qui s'était occupée d'eux. C'est aussi par conviction religieuse qu'elle n'avait pas voulu les rendre, alors qu'ils vivaient dans un pensionnat et non chez elle.

Mais oui, ce n'était pas la même époque ni les mêmes circonstances. Le point commun semble être le baptême qui avait fait d'eux des catholiques et qu'on ne pouvait par conséquent pas rendre à des Juifs, fussent-ils leur propre tante et oncle.

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  • 3 ans après...
Nouveau, 63ans Posté(e)
Passage Nouveau 1 message
Baby Forumeur‚ 63ans‚
Posté(e)
Le ‎01‎/‎05‎/‎2016 à 18:27, Invité vieilledame a dit :

.... et qu'on ne pouvait par conséquent pas rendre à des Juifs, fussent-ils leur propre tante et oncle...

Qui est "on" ?

Ca, c'est le seul point de vue catholique.

Le point de vue juif est exactement inverse.

Qu'on verse de l'eau bénite, qu'on prononce des paroles (sacramentelles de baptème ou musulmanes de chahada ou vaudous), peu importe, un Juif reste juif jusqu'à sa mort. Il n'existe pas d'"excommunication". Et s'il est éloigné du judaïsme, on commet sur lui et son âme des "crimes" spirituels. 

Donc, quel point de vue adopter ? Que faire d'un enfant juif qui possède une famille ?

S'il reste kidnappé par les chrétiens, son âme juive souffre et cela a des répercutions métaphysiques ; s'il retourne dans sa famille juive, il devient "apostat" involontaire et risque l'excommunication.

Alors ?

Qui a plus de droits ? Famille naturelle ou famille kidnapeuse ? âme juvie ou âme chrétienne ? 

(Ensuite, le problème ne se pose plus puisque Mortara victime du syndrôme de Stokholm après des années de lavage de cerveau, était devenu antisémite (ben oui ! normal), n'a eu de cesse de remercier pour sa conversion au christianisme et échouant à convertir sa famille juive, la plaignait de le rester.)

 

N.B.  Après avoir écrit et sélectionner les images, on est obligé de s'inscrire en donnant des détails sur soi-même puis à nouveau sélectionner des images, pour enfin retourner ici et se remettre à ré-écrire ce qui a été effacé !

Quelle perte de temps et d'énergie !

Indiquez clairement que seuls les inscrits peuvent poster et basta.

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