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L'ennemi... c'est la finance


Maxence22

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Membre, 45ans Posté(e)
Maxence22 Membre 8 792 messages
Forumeur accro‚ 45ans‚
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Louis XVI s'approcha de la fenêtre. Le jour commençait à tomber en ce début de soirée du 29 décembre 1786. Une escouade de gardes suisses venait de terminer sa patrouille et s'apprêtait à entrer dans le corps de garde.

— Sire ?

— Continuez Monsieur le contrôleur général... continuez.

— Il faut que nous puissions emprunter. La situation s'aggrave de jour en jour sire. Nous n'avons plus assez de fond pour honorer nos dettes et payer les soldes des soldats et marins.

Plus de cent millions de livres de dette. Plus de deux cent cinquante millions d'arriéré et déjà une année d'avance dépensé avant même d'avoir perçu les impôts. L'état de faillite du royaume rendait le roi et son gouvernement dépendant des financiers. Le Conseil comptait les ministres et les secrétaires d'état les plus importants; le comte de Vergennes (secrétaire d'état au affaire étrangère), Maupeou (le chancelier de France), le marquis de Miromesnil (garde des Sceaux), Calonne (contrôleur général des finances, c'est à dire, le ministre de l'économie et des finances) et Thiroux de Crosne (lieutenant général de police, c'est à dire le chef de la police parisienne installé au Grand Châtelet, édifice de sinistre réputation à cette époque).

Alexandre de Calonne s'approcha du roi.

— Il faut emprunter, sire.

— Emprunter ? Mais à qui ? Plus aucun sujet du royaume n'a confiance. Le Parlement de Paris refusera de voter n'importe quelle lois ne garantissant pas le remboursement. D'ailleurs, depuis l'annonce de la crise financière, le parlement s'oppose systématiquement à toute tentative de réformes fiscales. Vous le savez bien Monsieur de Calonne !

Le parlement avait eu la peau de Turgot, Maurepas et Choiseul... Pourtant d'excellents ministres. Il fallait donc faire des économies. Mais où ?

De nouveaux impôts sur les contribuables actuels ? Turgot l'avait déjà envisagé en son temps. Calonne avait longtemps repoussé cette idée, redoutant d'inévitable émeutes. Et puis, le Parlement veille, rejetant systématiquement la moindre réforme fiscale. Dans cet affrontement politique et populiste, le roi et son gouvernement d'un côté, et le Parlement de Paris de l'autre, se livrait une bataille politique. C'était à celui qui résistera le plus longtemps à l'autre, l'arbitre étant le peuple dans ce combat à la fois politique et populiste. Le vainqueur en ressortira avec bien plus de prestige puisqu'il aura apporté une solution à cette crise financière interminable, tandis que l'autre perdra encore de son pouvoir. Il fallait donc une réforme d'ensemble pour avoir une chance de voir une réforme fiscale passée. Tant que cela ne se faisait pas, les caisses de l'état allait continuer à se vider plus vite qu'elles ne se remplissent. Maupeou proposa alors une nouvelle idée.

— Sire, ce qu'il faut, c'est mettre les plus influents, les plus riches, les plus puissants de votre côté. Il faut en imposer au Parlement.

— Croyez-vous monsieur le Chancelier ?

— Sire, avec l'appui des plus haut personnages du royaume, oui. Mais pour cela, il faudra encore que vous consentiez à lâcher un peu plus de votre pouvoir sur des assemblée provinciales. Par exemple, vous pourriez étendre les pouvoirs des parlements provinciaux. En échange de l'abandon de quelques pouvoirs administratifs et fiscaux, vous donnerez plus de pouvoirs politiques à votre noblesse de robe. Étendez aussi les pouvoirs des cours des comptes et des cours des Aides. Je ne dis pas qu'il faudrait revenir au morcellement féodal d'antan. Mais donnez leur l'impression d'être un peu plus indépendant du pouvoir royal.

Louis XVI écouta le chancelier avec attention mais donner plus de pouvoir à une classe sociale qui en détient déjà énormément, pas question. Peut-être fallait il compter sur le peuple, après tout. Donner du pouvoir politique à la bourgeoisie pour contrecarrer les vues de la noblesse. La noblesse détenait les pouvoirs politiques, administratifs et fiscaux, étendre davantage leur pouvoir serait presque revenir au morcellement féodal du temps carolingiens et des premiers capétiens. Maupeou a de bonne idées, mais renforcer le pouvoir des nobles et continuer à laisser le peuple silencieux, c'est l'amener à l’insurrection, Louis XVI n'en doutait pas.

Le contrôleur général continua.

— Les caisses de l'état pourront redevenir bénéficiaire en déléguant le pouvoir économique et la répartition des impôts.

Louis XVI se tourna vers Calonne.

— Il faut de l'argent. Oui, il me faut de l'argent. Mais pour cela il faut encore que j'accepte d'abandonner plus de pouvoirs à la noblesse.

Dans un air de dépit, il interrogea Breteuil.

— Ai-je encore un semblant de pouvoir ? Devrais-je devenir le pantin de la finance ? Ah que je regrette de ne pas avoir un Colbert à mes côtés... À cette époque, c'est l'économie au service du pouvoir. Aujourd'hui, tout est banque, emprunt, crédit, actions, créance !

Mais Calonne réussit à convaincre le roi qui ordonna la réunion d'une Assemblée des notables. Mais il fallait encore discuter de quelle façon elle sera composée. Il fut décidé d'y intégrer cent quarante-quatre membres, archevêque, évêques, abbés, nobles, présidents des divers parlements, maires des villes. Cette assemblée compte trente-six membres de la noblesse.

Finalement, il se rapprocha de la grande table, mit les deux main sur le dos d'un fauteuil et dit à son gouvernement

— Nous ne sommes que les pantins des financiers. Il suffit de regarder ce qu'est la compagnie des Indes anglaise. Et puis, je ne crois pas avoir besoin d'aller aussi loin, chez nous, les fermes générales sont fait de la même fange. Et toutes cette clique de la haute bourgeoisie; ces armateurs, ces négociants, ces banquiers.

Il se tourna et se dirigea vers l'imposante cheminée en tendant ses bras vers un feu qui crépitait. Il conclut.

— Oui, mes amis. Comme le dira un président normal, je crois bien que l'ennemi de l'État... c'est la finance. Elle nous conduit à agir contre les intérêts même de l'État.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Je rectifie :"Mon ennemi c'est la finance, comme le dira "un président normal" pour être élu, mais sans le penser du tout."

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