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Blaquière

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Membre, Posté(e)
pere_vert Membre 3 856 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Ça pourrait intéresser un futur robot intelligent qui pourrait lire, analyser ton texte et s'en rappeler ou peut-être un de tes filleuls et si tu es un cas d'espèce, peut-être qu'un psy pourrait être intéressé

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Membre, 89ans Posté(e)
Rasibus Membre 4 080 messages
Baby Forumeur‚ 89ans‚
Posté(e)

Tout nouveau-né ne pourra que tirer profit de l'expérience des hommes et femmes qui l'ont précédé sur Terre.

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Invité brendan12
Invités, Posté(e)
Invité brendan12
Invité brendan12 Invités 0 message
Posté(e)

Hé bien s'il t'est arrivé quelque chose d'extraordinaire dans ta vie, genre t'as fait la une des journaux, t'as dompté un varan de Komodo ou t'as connu Che Guevara, etc etc...:D là ça pourrait être intéressant.

Mais sinon, je vais peut-être être un peu méchant, mais ta vie est un peu la vie de M. Toulemonde : on en a rien à faire ! :o°

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Membre, 89ans Posté(e)
Rasibus Membre 4 080 messages
Baby Forumeur‚ 89ans‚
Posté(e)

Si ta vie est un peu la vie de M. Toulemonde : on en a rien à faire !

Pas du tout d'accord ! Savoir dompter un varan n'est d'aucune utilité pour le commun des mortels. Par contre, savoir déjouer les difficultés ordinaires de la vie...

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Invité brendan12
Invités, Posté(e)
Invité brendan12
Invité brendan12 Invités 0 message
Posté(e)

Ha Ha ! Mais je disais cela comme ça, au hasard....:D

Ce que je veux dire, c'est que pour ces mémoires, il faut qu'il y ait quelque chose qui retient l'attention, qui pourrait être intéressant et servir d'exemple. C'est mon avis...;)

Pas du tout d'accord ! Savoir dompter un varan n'est d'aucune utilité pour le commun des mortels. Par contre, savoir déjouer les difficultés ordinaires de la vie...

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Membre, 89ans Posté(e)
Rasibus Membre 4 080 messages
Baby Forumeur‚ 89ans‚
Posté(e)

J'avais bien compris. Je complète mon propos en ajoutant qu'une vie ratée est au moins aussi instructive qu'une vie réussie.

Evidemment, il faut que des mémoires soient sincères; c'est peut-être le plus difficile...

Modifié par Rasibus
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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

ça y'est : j'ai les 8 premières lignes !

Je suis né dans un monde parfait et parfaitement achevé.

Mon père, Le Génie, et ma mère, La Force, avaient déjà donné naissance à ma soeur, le soleil.

Il ne me restait donc qu'un seul rôle à jouer, le rôle de la terre.

En ce temps-là le monde était petit.

Il se limitait à la cuisine. Et son centre était la table à manger.

Une table lourde, rectangulaire, qui avait servi de bureau de poste à un arrière grand père et donnait de ce fait à notre vie ordinaire un caractère public, officiel, nécessairement exemplaire.

Le monde entier nous observait...

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Invité Leveilleur
Invités, Posté(e)
Invité Leveilleur
Invité Leveilleur Invités 0 message
Posté(e)

Il faut consulter dirais-je....

Ce sont de mauvais souvenirs....

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Membre, Mon vent - mes ailes , 108ans Posté(e)
Air-aile Membre 2 502 messages
108ans‚ Mon vent - mes ailes ,
Posté(e)

ça y'est : j'ai les 8 premières lignes !

Je suis né dans un monde parfait et parfaitement achevé.

Mon père, Le Génie, et ma mère, La Force, avaient déjà donné naissance à ma soeur, le soleil.

Il ne me restait donc qu'un seul rôle à jouer, le rôle de la terre.

En ce temps-là le monde était petit.

Il se limitait à la cuisine. Et son centre était la table à manger.

Une table lourde, rectangulaire, qui avait servi de bureau de poste à un arrière grand père et donnait de ce fait à notre vie ordinaire un caractère public, officiel, nécessairement exemplaire.

Le monde entier nous observait...

Eh bien moi j'achète !!! ... réservez moi un exemplaire .. je sens pointer un CHEF D OEUVRE, j'en ai déja l'eau à la bouche .. le suspens est à son comble ... Allez vite écrire les 9992 lignes manquantes !

JE vous observe !!!! post-164962-0-61952200-1407398179_thumb.jpg

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Assis à l'un des petits côtés, j'avais sous les pieds une barre de bois transversale que je crochetais par en

dessous pour me balancer et dans mon dos, la grande porte à deux battants, vitrée de verre opaque dépoli

qui s'ouvrait sur la remise obscure et poussiéreuse.

La porte était fermée pendant le repas, mais je savais que derrière, dans la remise, était accrochée

à la poutre du fond, la petite baignoire en zinc dans laquelle, mon père avait failli se noyer tout petit

et qui justifiait son horreur définitive de l'eau. A la poutre du milieu, pendaient les deux anneaux en fer

pour la gymnastique, qui lors d'un mauvais rebond lui avaient cassé toutes ses dents du devant, (d'où

son dentier moderne et complet en résine). Contre le mur, à droite en rentrant, avait été rapatrié

l'établi de l'arrière grand père, l'Inventeur, qui disparaissait sous une accumulation invraisemblable

de vieux outils rouillés, les seuls outils dont nous disposions et faits de la propre main de l'arrière

grand père.

"Quand on veut faire quelque chose, on commence par se fabriquer l'outil."

C'était enfin là dans la remise, qu'on gardait la chienne Linda, (qui avait adopté le Pluto en mousse)

et les chats : Bibou, Vieille Ronce, Spoutnik, et Macoulie ; et donc aussi des puces par milliers.

Le rêve de ma mère, jamais réalisé, aurait été de transformer cette remise infâme en somptueuse

salle à manger. C'était là, la raison de la grande porte vitrée dépolie, propice à l'imagination et

cadeau de noce de mon père que l'on aurait ouverte pour découvrir au bas d'une marche (la remise

était en léger contre bas), un magnifique tapis "où se battent deux dragons".

(Dixit ma mère qui m'aidait pour la rédaction de sixième : "Décrivez la pièce de votre maison

que vous préférez.")

Une pièce qui n'existait pas.

Ma soeur était assise en face de moi à contre jour de la fenêtre du côté de la lumière. La fenêtre

qui donnait sur la placette. Un jour mon père, en veine de modernisation du village, la ferait

rebaptiser "Placette de l'Etoile".

Puisque aussi bien, cinq routes y aboutissent.

Nous formions tous les deux, ma soeur et moi, la première couche d'électrons de l'atome primordial

dont nos parents, père à ma gauche et mère à ma droite, face à face sur les grands côtés de la table et

donc plus rapprochés, constituaient le noyau : deux particules de même signe et de même puissance

appelées tôt ou tard à se repousser.

("Vivement que les petits soient grands, qu'on fasse deux bandes !")

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

La cuisine aussi était rectangulaire. Mais assez petite. En dehors des repas, pour faire de la place,o n repoussait la table contre le grand mur de gauche, entre la porte d'entrée qui venait du magasin et le placard aux portes beiges mal coulissantes qui se coinçaient sans arrêt. Une autre application du fantasme moderniste de mon père.

Vers une heure, ma mère décollait la table du mur : elle étirait ses grands bras de part et d'autre du grand côté libre, et l'empoignait fermement, la tirait vers elle au centre de la cuisine. Ainsi était créé l'espace où mon père pourrait prendre place.

Ou pas !

En Génie qu'il était en vérité dans tous les sens du terme, si le plus souvent, il apparaissait (le déplacement de la table pouvait avoir le pouvoir de le faire sortir du mur), parfois aussi, son côté restait vide.

Quand il s'attardait au bistro.

Pour être sûre qu'il rentrerait dîner à une heure acceptable, vers onze heures, quand la dernière fournée était sortie du four, ma mère me demandait parfois de l'accompagner au bistro. Ma mission première étant de compter ses pastis. Ceux qu'il allait boire. Pour les lui reprocher, j'imagine ? Et lui envoyer à son retour un chiffre exact, irréfutable, à la figure ?

Pendant notre montée à la place, mon père m'instruisait en politique.

-- Si on te demande "ce que tu es" (qui aurait bien pu me demander ça, à moi, qui n'avais pas dix ans?), tu réponds : "je suis français, républicain, socialiste !" Et il développait : "Le mieux, c'est d'être socialiste pour la justice et pour aider ceux qui en ont besoin. Mais si c'est plus possible d'être socialiste, il faut encore se battre pour rester républicain pour la Liberté et contre les privilèges. Et si on peut plus rester républicain, il faut encore se battre pour rester français, au moins !"

C'était étrange cette façon courageuse de se battre à reculons en étant sûr dès le départ qu'on

allait perdre. Perdre, soit, mais dans la dignité ! (C'était comme ses directives pour le jardinage : passe encore de ne rien récolter, encore faut-il que les rangées soient droites !)

Non ! En fait c'est qu'il avait déjà vécu tout ça lui, pendant la guerre, sous Pétain. Il avait été

dénoncé comme socialiste anti-pétainiste et réfractaire au travail obligatoire, puisqu'il n'était

pas question de partir en Allemagne, il avait été obligé d'aller se cacher au Broussan chez des cousins. La République était devenue l'Etat Français ; et les allemands avaient carrément pris la France.

En fait, il parlait d'expérience !

Plus tard quand il se mettrait à la sculpture, il réaliserait trois bustes. Celui de Frédéric Mistral (la Provence, donc la France), celui de Marianne (la république) et celui de Mitterrand pour le socialisme. Français, républicain, socialiste !

Pour les élections de 1974 il avait organisé une réunion politique au bar, et sur son affiche, comme slogan il avait écrit au crayon noir : "Les braves gens, votent Mitterrand" !

(La gauche, je l'ai reçue en héritage !)

On arrivait sur la place en haut de la montée en semi-calade de quelques marches d'une dizaine de mètres chacune, légèrement inclinées.

Mais La Place, c'était l'Agora d'Athènes...

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Une Agora à échelle humaine, pas mythique, une agora réelle, villageoise. Parfaitement proportionnée quoi que d'une géométrie un peu irrégulière. La fontaine sacrée de la République en marquait le centre, avec au sommet d'une colonne carrée, la jolie Marianne déhanchée. A droite, la Mairie à côté de l'église (un temple dédié au demi dieu Saint Jean Baptiste). En face, c'était l'Ecole flanquée de la Poste. L'Ecole encore plus sacrée que la Fontaine ou la Mairie. Et à gauche, le Château qui représentait toute l'Histoire. Avec le bar à son rez de chaussée. Entre l'école et le château, l'allée qui menait au Monument aux Morts en exacte perspective et point de mire.

A la réflexion, le bâtiment le moins sacré de la place était incontestablement, l'église. Dont le seul intérêt était la façade qui avait servi de fronton au générations précédentes pour jouer

à la pelote. (Il y a cent, le football n'existait pas.)

Une fois dans le bistro, j'avais droit à mon sirop rouge. Ou à un Gambetta qui avec sa couleur et son goût indéterminés, plus son nom historique, faisait mieux boisson d'homme. Un Gambetta qui traverse toute la France en ballon à vapeur, ça ne peut pas boire de la bibine.

Hélas, rapidement, je m'ennuyais ferme. Les magnifiques théories politiques de mon père se dissolvaient complètement dans des discussions sans intérêt.

Et je perdais rapidement le compte des pastis...

Il y en avait eu beaucoup sans doute et c'est tout ce qui me restait. Dire un chiffre était impossible. Les pastis, c' était comme les minutes du temps. Et le temps est infini. Insécable. Il se vit et ne peut pas se compter.

Les habitués étaient là. Quatre ou cinq, toujours les mêmes. Ceux qui "faisaient de la politique". Popo Peillé, Freddy, Mile Bouillane, Yu... rien que des socialistes et des communistes. Des frères ennemis. Les blancs, les riches de droite, ils ne venaient pas au bistro parce qu'ils ne dépensaient jamais leurs sous : ils les gardaient pour en faire de la confiture. Leur but ultime c'était de mourir "les plus riches du cimetière" ! Et puis, en politique, ils n'avaient pas d'arguments. Être de droite, c'est toujours parfaitement injustifiable.

D'ailleurs, quand on est de droite, on dit qu'on ne fait pas de politique...

Et voilà pourtant que parfois, Monsieur le Curé soi-même, venait au bistro ! Bien sûr, ce n'était pas un curé ordinaire que l'abbé B. Vu qu'à part quelques vieilles filles desséchées il n'y avait plus grand monde qui venait à l'église, il avait vendu tous les bancs et s'était acheté une moto. J'en conserve l'image d'une soutane qui flotte en pétaradant dans la grand'rue du village...

Un jour qu'un de nos "politiciens" lui avait vaguement parlé du Bon Dieu par politesse, l'Abbé B lui avait répondu : "Li cresèr, vautre an' aquo?" (Vous y croyez, vous, à ça ?)

Un jour, notre abbé B a quitté les ordres et s'est marié. Les gens ont dit simplement qu'il avait "préféré une petite femme à un gros Bon Dieu". Mais en dépit de l'amusement, et de la sympathie, ça restait choquant de voir quelqu'un d'aussi peu ferme dans ses convictions. Et puis, quand on s'habille en noir, c'est pas pour être heureux.

Les discutions politiques des accoudés étaient si longues, si peu intéressantes et les pastis si nombreux que je redescendais souvent tout seul à la maison épuisé et déçu d'avoir si piteusement raté ma mission.

Quand mon père arrivait enfin, il se glissait entre le mur et la table en souplesse, avec un déhanchement élégant digne de Fred Astaire.

-- Paul, tu bois trop ! disait ma mère.

A quoi il répondait :

-- Tiens tu m'y fais penser !

Et il se servait dans la seconde un canon "razette" de vin rouge.

C'est ça le vrai génie.

Quand la réalité n'a pas de prise sur vous.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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A rajouter plus haut :

Vers une heure, ma mère décollait la table du mur : elle étirait ses grands bras costauds de "belle femme" de part et d'autre du grand côté libre, et l'empoignait fermement ; la tirait vers elle au centre de la cuisine. Ainsi était créé l'espace où mon père pourrait prendre place.

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Membre, Mon vent - mes ailes , 108ans Posté(e)
Air-aile Membre 2 502 messages
108ans‚ Mon vent - mes ailes ,
Posté(e)

Superbement bien imagé ! On s'y croirait ..

Juste une phrase que je relève et qui m'interpelle "quand on s'habille en noir, c'est pas pour être heureux."

c'est la première fois que j'entends ca ! Curieux .. je vais y réfléchir !

Excellent tout simplement !:plus: Merci !

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Membre, Posté(e)
le merle Membre 21 482 messages
Maitre des forums‚
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A rajouter plus haut :

Vers une heure, ma mère décollait la table du mur : elle étirait ses grands bras costauds de "belle femme" de part et d'autre du grand côté libre, et l'empoignait fermement ; la tirait vers elle au centre de la cuisine. Ainsi était créé l'espace où mon père pourrait prendre place.

bonjour

une histoire de famille peut sembler sans intérêt mais , quand elle bien racontée ( et c'est le cas ) elle devient très agréable à lire et on attend la suite avec impatience .

bonne soirée

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
Posté(e)

Ca me fait plaisir ce que vous dites.

J'ai le souvenir de gens qui autour de moi avaient une telle personnalité...

que j'ai souvent pensé : il faut que les petits (mes petits fils) les connaissent un peu...

Si en plus vous aussi vous les "aimez" un peu, c'est inespéré. Je suis comblé.

Mais il faudra que je polisse un peu l'ensemble.

Disons que j'essaie différentes façons de formuler certains passages.

C'est un peu du premier jet...

Merci en tout cas.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Linda, les chats et le poulet

J'ai parlé de Linda, qui avait adopté Pluto.

C'était une chienne louve pas très grande de taille qui me gardait quand j'étais bébé. Elle se couchait devant mon landau dans le magasin, et il va de soi que personne d'inconnu n'aurait risqué de s'approcher. Mais j'ai grandi. Et Linda n'a plus eu de petit à garder...

Quelque années plus tard, je pouvais avoir sept ans ? panique générale ! où est passée Linda ?

"Ca fait deux jours qu'on l'a pas vue !"

On la cherche, on l'appelle.

Partout...

--Linda !

--Linda !

A quoi finit par nous répondre un faible "gni ! gni" qui venait du couloir, entre la cuisine et le magasin. On va voir... Et l'on découvre Linda installée tout au fond, devant la porte condamnée. Au fond sur un vieux sac. Mais là, surprise ! elle gardait entre ses pattes mon Pluto orange que j'avais eu pour la Noël. De ces figurines en mousse, armées à l'intérieur d'un fil de fer et auxquelles on peut donner les positions les plus invraisemblables. Et c'était bien le cas ! Les quatre patte de Pluto faisaient le grand écart et sa tête était tordue à l'envers sur son dos. Ce qui ne paraissait pas gêner Linda. Elle l'attirait vers elle doucement, du bout du museau avec l'espoir de le faire téter, tout en continuant ses "gni, gni, gni" et en nous regardant d'un air triste et coupable.

Alors, on a pris le Pluto, on lui a arrangé les pattes et redressé la tête.

On la sentait inquiète.

Puis on le lui a rendu en la complimentant.

On pouvait la croire soulagée...

De garder son Pluto et n'être pas punie.

En tout cas elle devait avoir de l'imagination et le sens du symbole pour deviner que ce truc bizarre était un chien. (Presque autant que Walt Disney !)

Comme nous tous de la famille, nos animaux ne pouvaient qu'être exceptionnels.

Mon père qui s'était un jour épris d'élevage avait fait venir par la poste, des oeufs de poules fécondés. Des oeufs de quel genre de poules ? De Bresse bien sûr ! (Quand on achète un frigo, c'est un Frigidaire, Une voiture, une Ford et des poulets ? De Bresse !) Il s'était alors bricolé une couveuse dans un carton, avec une ampoule électrique allumée en permanence pour la chaleur. Le tout étant installé dans un coin du fournil.

Au bout de quelques semaines, il en était sorti des petits poussins pure race de Bresse. (Les mêmes que les autres !) Un plein carton de petites boules jaunes qui piaillaient à qui mieux mieux. Et il avait fallu trouver un poulailler. Les poussins étaient ensuite devenus les plus beaux poulets du village. Forcément. Puisque sélectionnés pure race de Bresse !

Mais voilà qu'un jour l'un des poulets se casse une patte. Et l'on sait le peu de pitié pour les éclopés qui sévit chez la gent volaillère... Donc, le poulet blessé étant en passe de se faire massacrer par ses congénères, on l'évacue à la maison. Et mon père lui fait une attelle avec les deux morceaux d'un bout de canne refendu bien ficelés ensemble qui lui tenaient la patte raide.

Et pendant au moins deux semaines, notre poulet a sautillé sur sa patte valide parmi nous d'une pièce à l'autre. Un nouveau membre dans la famille ! Mais le beau du spectacle, c'était le soir, quand Linda allait se coucher --encore dans un coin du fournil-- que Bibou, le chat, s'installait entre ses pattes et que notre poulet montait se percher sur le dos de la chienne...

Bonne nuit les petits !

Une fois retapé et bien nourri, le poulet est retourné au poulailler où il a fait la loi. Juste retournement. Mais j'avoue à ma grande honte qu'un jour... on l'a probablement mangé ! Enfin, je crois. Puisque il me semble bien garder le souvenir d'un os de pilon rafistolé --par la nature et mon père-- qu'on se serait fait passé autour de la table atomique aux méritoires fins d'observation.

Si on était des gentils, (des braves gens qui votent Mitterrand) on était malgré tout des gentils un peu cyniques !...

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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La chatte Vieille Ronce, c'est mon père qui l'avait baptisée comme ça. Il faut dire qu'elle était particulièrement moche la pauvre ! Moche et maigre, rayée de noir sale et de gris. Et puis revêche ! Désagréable. Ne se laissant pas caresser : une horreur de minette !

Qui avait pourtant ses qualités. Celle d'attraper les souris (et dans une boulangerie ça n'est pas négligeable) plus celle de ne se laisser prendre que par le chat de Laurence, le plus beau chat du quartier. Ce qui nous aura valu pour ses petits, Spoutnik et Macoulie, des pelages angoras magnifiques. L'un dans les gris l'autre dans les fauves.

On aura deviné que Spoutnik était né en 1957.

J'avais dix ans.

Mais avoir dix ans en 1957, c'est être à peu près sûr qu'à quarante, on ira passer ses weekends dans la banlieue de Saturne... (Bon, d'accord : "à peu près sûr" seulement !)

Subséquemment, je ne pouvais être que moderne. Ne pouvais vivre qu'à la pointe absolue de la technique dernier cri. Ma carrière toute tracée serait celle d'INGENIEUR !

Et quel genre d'ingénieur, s'il vous plaît ?

INGENIEUR A MARCOULE !

(Boum !)

J'ai donc suivi des études moderne d'Ingénieur à Marcoule au Lycée Raynouard de Brignoles jusqu'à la classe de philosophie...

Mais ne brûlons pas les étapes et revenons à la cuisine.

En ce temps-là, les chats n'avaient ni boite de pâté ni croquettes. Ils se contentaient au mieux des couennes du jambon et au pire des peaux de melons. Tout en nous regardant manger. Macoulie qui avait eu une enfance indépendante -née au grenier- et que sa mère, Vieille Ronce ne nous avait présentée qu'assez assez grandette et donc à un âge suffisamment avancé pour qu'il ne soit pas envisageable de la trucider, était restée un peu sauvage... Ce qui ne l'empêchait pas d'avoir faim. Mais n'étant pas suffisamment câline pour s'installer sur nous, et nous jouer les chattemites, elle avait trouvé, pour se rappeler à notre bon coeur le moyen terme de se poster d'un côté quand nous étions assis à table, et de bondir sur nous, sur nos genoux, quand l'espace entre les bras et les jambes le permettaient, de nous "traverser", donc, à une vitesse de chat, et de redescendre immédiatement de l'autre côté, où elle se postait et nous regardait. Le message était clair. On comprenait qu'elle voulait nous dire :

"Ô ? Pense un peu à moi !"

(J'imagine mal nos chats nous vouvoyant.)

Bien sûr elle héritait parfois d'une couenne de plus. Et -comme quoi les bêtes sont pas si bêtes- elle avait su refiler l'astuce à Spoutnik, son frère aîné. Qui dès lors s'était mis lui aussi à nous "traverser"...

Comme une fusée.

J'ai menti ! Les peaux de melons, n'étaient que pour la Vielle Ronce. Spoutnik et Macoulie, eux, non. Ils étaient de la nouvelle génération. Celle qui ne sait pas ce qui est bon !

Le plus souvent, à la fin du repas deux "comettes" venaient enrichir l'atome familial tabulaire stricto sensus et se plaçaient en orbite autour de nous quatre. Tonton Camille, l'oncle de mon père et le père Giraud, mon pépé. Le père de ma mère. Ils venaient en quelque sorte donner un coup de main (ou plutôt de coude ) à mon père, et l'aider à finir les deux litres de vin qu'il était allé chercher à la cave du Vieux Four pour le repas.

Oui : j'avais oublié ça ! Qu'en rentrant du bar, avant de s'asseoir, mon père attrapait au vol deux bouteilles qui traînaient, plus la clé de la cave suspendue à la hotte de la cheminée, et tout ça dans la même main (la cigarette dans l'autre), descendait la calade de quelques mètres vers la cave, une rue plus bas, en chantant à pleine voix la dernière chanson à la mode.

Il en marquait le rythme en toute fantaisie de la clé entre les bouteilles.

Clin, cli-cli-clin, clin, clin...

"La place rouge était blanche !"

Cli-cli-clin, clin, clin !

"Devant moi marchait Nathalie !"

...

Les trois, mon père, Tonton Camille et mon grand père, étaient chanteurs. Ils se disaient chanteurs. Barytons, même. Et plus précisément barytons "martin". Où étaient-ils allés pêcher ce "martin" ? Des Monsieur Martin, il y en avait plusieurs au village et ils n'avaient jamais chanté la moindre note. Or, cette qualification de "martin" prenait dans leur bouche la nuance d'une particule de noblesse. Je l'ai longtemps confondue avec l'oiseau du même nom, qui n'a rien d'un rossignol, lui non plus. Mais j'ai fini pas comprendre qu'ils étaient tous barytons, autrement dit, ni ténors ni basses, et qu'ils n'avaient donc pas des voix bien formidables.

L'essentiel étant d'avoir une tessiture précisément homologuée. Officielle. Comme la table de la cuisine.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 822 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Tonton Camille.

Tonton Camille était aveugle. Ca lui était venu petit à petit. Il avait toujours mal vu, puis presque plus ; et un jour, plus du tout. Ce qui nous permettait de lui faire de bonnes blagues. Quand il se levait et tendait les deux bras droit devant comme les somnambules, pour trouver le mur d'en face, il arrivait que la porte entrouverte se glisse juste entre ses deux bras... On le regardait s'avancer lentement les bras tendus, la porte traîtresse bien en enfilade entre les deux mains qui ne trouvaient que le vide avec un "chut" général du bout des lèvres... jusqu'à ce qu'il se prenne la porte dans la figure.

Paff ! Et c'était un éclat de rire général !

Lui s'exclamait, la casquette de travers :

"Qué bando dé couns !" (Quelle bande de cons!)

Et les rires redoublaient.

Il faut dire que mon père, Tonton et mon grand père, ne parlaient entre eux pratiquement qu'en provençal.

Chacun avait sa personnalité, son rôle bien défini. Mon grand père, André, c'était l'Intelligence. L'Intelligence et la Mémoire. Il avait d'ailleurs été reçu au Certificat d'Etude, "Premier de l'Arrondissement" s'il vous plaît. Et nous le répétait souvent ! Mon père, lui, c'était l'artiste, l'originalité incarnée : il avait la fantaisie en plus. Mais pour avoir fait deux années de collège, après le certificat, son grade intellectuel s'en retrouvait incontestablement surélevé. Il avait appris un peu d'italien littéraire (contrairement aux italiens du village assez peu considérés dans l'ensemble qui ne parlaient le plus souvent qu'un patois piémontais) et savait ce qu'était l'algèbre. Quant à Tonton, il était la Malice personnifiée, le parfait rusé en affaires. Des affaires qu'il n'avait sans doute jamais faites : en fait, il était juste d'une nature visiblement méfiante !

Mais aussi (a contrario ?) un peu musicien. Mandoline, accordéon, guitare... C'est lui qui m'a appris mes tout premiers accords sur sa vieille guitare. Une guitare petit modèle d'un bois rougeâtre, foncé, qu'il m'avait donnée et que j'ai fini par décortiquer bêtement et sans succès, avec l'espoir d'en faire une guitare électrique !

Mais j'ai gardé le goût de la guitare et ces premiers accords. Ceux du refrain de "La Comparsita" : tan, tatan, tan, tan ; tatan tan tan, tatatatan, tan tan !... do et sol septième (avec le fa en haut sur la corde mi, à la première case).

Mais là, j'étais déjà en quatrième !

Donc, puisqu'ils étaient tous "chanteurs", il était rare que l'après-repas ne se termine pas par la résurrection, le temps d'une chanson, du mythique "Orphéon" (Ô temps béni d'avant quatorze!). Presque toujours c'était le chant du "Gardian de Camargue". Le sommet de l'harmonie étant "d'attraper la tierce". C'était Tonton le plus souvent, qui s'y collait. Il l'entonnait, de sa voix tremblotante, MAIS JUSTE avec son sourire intérieur d'aveugle :

"C'est le chant du gardian de Camargue,"

"Belle fille attendait son retour..."

Et chaque fois, on pouvait lire dans les regards (et dans le sourire de Tonton) qu'ils vivaient là un moment exceptionnel. Parce qu'ils se sentaient, eux, exceptionnels. La tierce était parfaitement "plaquée", la vie valait d'être vécue. Incontestablement !

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