Le feu grégeois, arme de destruction massive

Bonjour,

Callinicus (Kallinicos) est un architecte et ingénieur du VII° siècle (après J.C.). Peut-être originaire d'Héliopolis dans une zone se trouvant actuellement au Liban, Héliopolis en Egypte d'après d'autres sources, peut-être de Syrie si l'on en croit encore d'autres sources. Le chroniqueur Théophane lui attribue l'invention du feu grégeois*.

Callinicus s'en serait servi pour incendier la flotte des Sarrazins le 29 avril 660 (date contestable) sous le règne de Constantin IV Pogonat, l'empereur de Byzance.

* Le feu grégeois (du latin "graecus" = grec) est une arme incendiaire semblable à un feu d'artifice, à laquelle les Byzantins ont surtout eu recours lors des batailles navales, et qui se révélait dévastatrice pour la marine adverse. C'était un avantage technologique indéniable, qui permit à ses utilisateurs de remporter plusieurs victoires décisives, notamment pendant les deux sièges de Constantinople par les Arabes (en 674-678, puis en 717-718), et subséquemment assura la survie de l'empire.

N'oublions pas non plus la victoire des Byzantins contre les révoltés des flottes thématiques en 727 et lors de la grande rébellion de Thomas le Slave en 821-823, et plus tard contre les différents raids de la Rus' dans le Bosphore et plus particulièrement ceux de 941 et 1043 ; également contre l'Empire bulgare avec lequel ils étaient en guerre en 970-971. Toujours grâce aux feux grégeois.

La recette, secret militaire jalousement gardé, s'en perdit.

Toutefois, les Croisés occidentaux eurent droit, eux-aussi, aux jets de feu grégeois, dont le principe avait été repris par les Arabes pour impressionner leurs ennemis, à l'instar des Mongols et des Chinois. On suppose quelque mélange incluant de la résine de pin, du naphta, de l'oxyde de calcium, du soufre, du salpêtre... Mais tout cela n'est qu'hypothèse. Il s'agissait évidemment d'une autre formule que celle des Byzantins, qui eux se servaient de siphons pressurisés pour projeter le liquide contre l'adversaire. Les Arabes se servirent pour leur part de grenades et de catapultes pour projeter leur feux à eux.

Pour en revenir à Callinicus, est-il réellement l'inventeur du feu grégeois, ou n'a-t-il fait que peaufiner une technique déjà existante ? Nous n'en aurons certainement jamais la preuve. Pour l'historien James Partington, le feu grégeois n'est pas l'invention d'une personne en particulier, mais l'invention commune de chimistes de Constantinople, héritiers des découvertes de l'école de chimie d'Alexandrie.

L'empereur Constantin VII Porphyrogénète, dans son livre De Administrando Imperio, enjoint à son fils et héritier Romain II à ne jamais révéler les secrets de la production du feu grégeois qui furent « montrés et révélés par un ange au grand et saint premier empereur chrétien Constantin » et que l'Ange lui fit jurer « de ne préparer ce feu que pour les Chrétiens et seulement dans la cité impériale ». Constantin VII rajoute comme avertissement qu'un dignitaire aurait été frappé par des flammes venues du ciel en entrant dans une église après avoir dévoilé des éléments sur le feu grégeois aux ennemis de l'empire.

Aucune formule du feu grégeois "à la byzantine" ne nous est donc parvenue. Toutefois, nous savons qu'il s'agit d'un système d'arme complet comprenant plusieurs éléments, qui devaient tous fonctionner ensemble. La connaissance du fonctionnement de ce système était très compartimentée, ceci en sorte que chaque personne affectée à une tâche en particulier n'ait conscience que du secret propre à sa mission. Par exemple, la manipulation des fameux siphons ne pouvait dépendre que des "siphônarioï", formés pour cela. Faute de synchronisme dans la mise en marche du système, on ne parvenait par conséquent à rien. Ainsi le mécanisme nécessaire à la préparation de la substance par réchauffement et pressurisation et le siphon de projection étaient transportés par des dromons (navires longs et rapides, mus à la rame), mais des dromons spécialisés pour le combat naval au feu grégeois.

De ce fait, suite à la prise de Mesembria et de Debeltos en 814, lorsque les Bulgares prirent possession des 36 siphons et de feu grégeois, ils se révélèrent parfaitement incapables d'en faire un quelconque usage. On imagine aisément leur déception !

Pour en revenir au secret du feu grégeois, je vous ai dit qu'on n'en connaissait pas la formule. On tient de sources littéraires qu'il brûlait sur l'eau, voire que c'était l'eau qui déclenchait sa combustion, qu'il ne pouvait être éteint que par certaines substances telles que le sable, le vinaigre fort ou la vieille urine (et qu'à ce titre il s'agissait peut-être de magnésium), que lui-même était une substance liquide au départ (d'où le nom qui lui était donné parfois de "feu liquide"), que sa projection s'accompagnait d'un fracas et de beaucoup de fumée... On raconte encore qu'un certain Antoine Dupré, un joailler grenoblois, redécouvrit par hasard le feu grégeois et communiqua sa découverte à Louis XV en 1759. Les effets en étaient si terribles que par humanisme, le roi de France préféra ensevelir ce secret dans l'oubli, et acheta le silence de Dupré en lui accordant une pension de 2 000 livres.

Et on raconte bien d'autres choses encore, au sujet du feu grégeois, mais qui ne nous disent pas grand chose en vérité... et d'ailleurs, n'avons-nous pas créé des armes bien pires depuis ?

Source 1

Source 2

Chouette. Merci :)

Il s'agissait de résurgences de pétrole.

Bah! La recette du feu grégeois est impossible à retrouver? Ce n'est pas un problème nous avons mieux, le feu nucléaire!

Au final, il n'y a pas besoin d'avoir le BAC pour détruire ! L'Humain est aidé par le Diable...

Ci-dessous, les ancêtres de nos grenades, celles à feu grégeois telles qu'en utilisaient les Arabes :

Je vous recommande la lecture "Byzance" de Michaël Ennis, qui raconte les aventures d'un Viking au service de l'Empereur, un Varègue de la Garde du même nom.