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Le roman de Je Humble

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Blaquière

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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LE ROMAN DE JE HUMBLE

I

AUXCOMMENCEMENTS

(Le port tranquille -Les abeilles - La revolución - Les marmites blanches - L’Afrique- L’aventure africaine - Le maelström fluvial - Le volcan -Icare.)

1 Le port tranquille

(Leport d’Hyères, le 7 février 2000 et quelques, 15 H 15 G.M.T.)

Le long de l’eau huileuse et irisée du port déambulait Je Humble. La mer, comme une peau tendue, introuable et lustrée, clapotait faiblement entre et contre les barques. Lentement elle s’enflait en respiration lourde. Elle aurait pu tout submerger, mais s’affaissait à chaque fois...

Au bord du reflet inverse délimité par les margelles de pierres sages, Je s’arrêta. Tout en bas, à l’opposé par les talons, s’agitait l’image d’un double, élastique, mosaïqué, en perpétuel éclatement, qu’il maintenait sans le savoir uni et symétrique. Il s’engagea sur le ponton de bois sombre aux pilotis fichés dans une vase brune de fond de port. Les poupes des bateaux, alignées de part et d’autre pressaient l’étroit passage. De part et d’autre, les mats nus, dépouillés, raides et filiformes, tendus de câbles obliques, balançaient doucement dans l’air frais. Je atteignit la dernière planche du ponton. Un chenal de quelques mètres à peine le séparait de la jetée transversale sur laquelle alla buter son regard.

C’était le bout du monde.

Le bout du monde… ou son commencement ? Enracinée sur un entassement de roches rousses aux facettes vite estompées sous la surface, la longue masse de ciment, lisse et blanche, s’étalait devant lui, inerte, pesamment, comme un empêchement de première minute : « Le phallus primitif de barrage !... » (Est-il jamais question de ce dont il s’agit ?) L’arrête nette du sommet tranchait le ciel à vif, fermait l’espace. Je parcourut des yeux la ligne horizontale jusqu’ au phare en fer noir en forme de capuchon à sa toute extrémité droite qui se découpait sur la colline bleue embuée du lointain. Bleu le ciel. Encore plus bleue, sans doute, la haute mer par delà la jetée, le tout en suspension, vide, tranquille. Il rebroussa chemin.

Soulagé de retrouver sous ses pas un sol dur, solide et sans reflet, il entra au bar du port et s’attabla, confiné, devant la Marilyn du mur voletant dans sa robe en pétales sur une bouche d’égout. Encontre coup des photos affichées, l’intérieur de son ventre se tapissa d’images froides de cinéma. —Garçon, un chocolat sucré ! L’Amérique n’existait pas. Et le temps n’avait pas d’importance : Hyères, hier, un simple calembour...

« À peine tiède ce chocolat ! »

LE CHŒUR :

Motus et vivendi.

Ensuite il se leva, et tournant le dos à ce déjà flou souvenir, il s’enfonça à travers rues dans un continent qu’il imaginait coloré et grouillant.

Le port fut sans Je Humble. Il s’anima.

Les flancs bardés de pneus, une grande barge plate de service s’en revenait du large, manœuvrée par un petit bonhomme sombre, debout,à l’air blasé, mais aux jambes écartées pour garder l’équilibre. Avec un bruit de moteur caverneux, elle décrivit à faible allure sa trajectoire habituelle le long de la jetée pour venir se plaquer au ponton en glissant de travers. Depuis la gauche, un cycliste déboula sur la lisse jetée, s’arrêta, descendit de vélo, et poursuivit sa route à pied en tenant son guidon sur le côté. Un ouvrier ponctuel apparu par hasard, s’accroupit au pied du grand lampadaire aluminique éteint, et armé d’un minuscule marteau piqueur effroyablement bruyant, entreprit de creuser le goudron à sa base. L’appareil tremblotant perdait et reperdait son aiguille sans cesse...

Alors s’interrompait l’ouvrier patient qui rajustait l’aiguille et reprenait son percement méticuleux jusqu’à ce qu’elle retombât.

MaisJe Humble n’était plus là…

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Membre, ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée, 52ans Posté(e)
Amazones Membre 13 439 messages
52ans‚ ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée,
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Bonjour,

Je n'ai plus vraiment de temps pour me vouer à ces mots .... mais très vite je reviendrai sur ce que vous avez narrer car une réponse se doit.

Quand une personne se dévoile et qu'il en reste d'une réponse silencieuse, cela ne vous encourage pas à continuer ou à savoir l'opinion d'autrui. Donc, à très vite où de mon avis en sera sincère, même si je n'apprécie guère.

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Membre, ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée, 52ans Posté(e)
Amazones Membre 13 439 messages
52ans‚ ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée,
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J'ai beaucoup apprécié la première partie dont on ne peut qu'être immergé dans les vagues de l'imaginaire mais en ce qui concerne la seconde partie, il faudrait un peu plus d'écrit pour se propulser dans la suite du récit. Donc, je vous avoue que je serai ravie de votre continuité à Je Humble.

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Invité
Invités, Posté(e)
Invité
Invité Invités 0 message
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J'adore..

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Attends ! au chapitre 2, ça parle de foot et de cul : tu vas aimer !

Amazones et Lucy merci pour l'encouragement ! Je tente un second texte ?...

J'y Go !

(Pour ceux qui n'aiment pas, ça va pas s'arranger !...)

2 Les abeilles

Je remontait chez lui vers le pays d’en haut.

Il pensa aux abeilles, ces insectes multiples.

Qu’était-il devenu, l’essaim rond rapporté quelques années plus tôt de voyage ?

LE CHŒUR :

Que deviennent les souvenirs

au cours du temps

qu’on ne se les rappelle ?

Je s’empressa auprès des vieux figuiers sauvages aux-longues-feuilles-aimées-des-chèvres qui ne donnaient jamais que des figues amélies1. Il n’avait pas rêvé ! L’essaim s’y trouvait bien ! Mais écrasé sous une planche épaisse, appuyée, verticale, de tout son poids sur lui : il avait chu ! Et sa chair blonde d’étoupe gonfle, ligaturée de ronces brunes, gisait au sol, souillée de débris végétaux noirâtres. Je ôta vivement le bois lourd pour dégager l’essaim, qui aplati par le milieu, gardait l’empreinte anguleuse de la planche. Comme une éponge ronde, séchée dans sa déformation sur un rebord de baignoire où on pu barboter des corps nus de femmes plantureuses...

« L’essaim des abeilles est fragile ! » dit Je.

L’essaim était désabeillé !

Déserté,mutilé.

BOURVIL:

Bzzz, bzzz, bzzz... bzzz, bzzz, bzzz , les abêêêilles !...

D’ où venaient donc ces abeilles virevoltant à l’ombre laiteuse des figuiers ?

NOSTRADAMUS:

Lo grand eissame si levara d’abelhos

Que non saura d’onte siegen vengudos2...

Tout simplement du chien meneur d’essaim !

(Il apparut en cet instant aux pieds de Je.)

C’était un chien peu grand, maigre, un chien coureur, dont la tête atrophiée, grosse en tout comme une balle de tennis, servait de ruche mobile : à sa surface enduite et dégouttante de miel, s’agglutinait une épaisse couche d’abeilles grouilleuses. Un nuage bourdonnant enveloppait le chien-tout qui s’amusait des insectes, mordant gaiement l’air de droite et de gauche.

« Leschoses sont bien faites se dit Je, les abeilles savent qu’ilne faut point piquer le chien porteur-mordeur. »

Et en observateur toujours enthousiaste des spectacles insoupçonnés de l’Imaginative Nature, il contempla le chien et les abeilles.

LE CHŒUR :

Je Humble aime savoir… et VOIR !.

Il serait digne de l’Equipe Cousteau.

Soudain, tout se gâta, tout ce gâteau soudain s’avaria. Je écœuré,venait de sentir horriblement, sur ses lèvres innocentes, le frizonnement démangeatoire d’une abeille, grattant de ses pattes velues et expertes de pollineuse.

Elle cherchait à pénétrer à l’intérieur de sa bouche !

Ces insectes bourdineurs et sans gène, avaient-ils décidé d’installer l’essaim à même sa langue ? Je pressa autant qu’il pu ses lèvres — qui en devinrent violettes — pour fermer le passage à l’abeille ! Mais en dépit de l’effort surhumain, la maudite bestieulette se frayait peu à peu son chemin...

« Si on avale une abeille et qu’elle vous pique le gosier, on meurt étouffé dans d’atroces souffrances », dit le dicton.

Je en émoi, tentait de raisonner. À garder les dents bien serrées,peut-être ne passerait-elle pas ? Ne dit-on pas aussi de la mâchoire qu’elle est chez l’Homme le muscle le plus puissant ? "Argument pour argument", pensait Je Humble.

...

L’histoire dit qu’il résista aux assauts de l’abeille. Mais aussi que ce ne fut ni sans peine ni mal. Car pendant tout le temps de sa lutte immobile, il ne savait parler que les dents jointes, mâchoires crispées au maximum. Ce qui est difficile et fatiguant.

À force de se presser contre ses dents, l’abeille suicidaire avait fini par se couper en deux. D’usure. Et cela lui était méritoire. Je recracha l’un des morceaux, chercha l’autre de la langue entre les lèvres et les gencives... sans succès. L’abdomen de l’abeille avait dû sauter de lui-même comme un siège rayé, éjectable et petit-poilu.

Crissèrent alors sur le gravier du parking, les roues d’une longue automobile commerciale, rouge et poussiéreuse.

— Nous suivons cet essaim depuis Nîmes en voiture ! Ont dit ses passagers.

LE CHŒUR :

Et c’était à l’époque d’avant l’autoroute !...

Puis, ils contèrent à Je, les routes et les chemins détournés qu’ils avaient empruntés, les champs traversés au plus court, les monts, les vaux, les molaires rocheuses.

Autour d’eux, l’air vibrait d’une déflation d’aventure...

Encore échaudé par sa lutte héroïque, l’esprit de Je vagabonda brièvement à la poursuite imaginaire de la fraîche caravane, l’essaim libre et léger voltigeant dans les collines, et le chien ventre à terre, et la voiture bringuebalant sur les arrières, les pneus dangereusement écorchés par les ronces et les cailloux pointus des restanques altières, à deux doigts de la crevaison.

Admettons ! Ils l’avaient mérité leur essaim !

Mais Je Humble à-qui-on-ne-la-fait-pas remarquait certaines invraisemblances dans le récit. Comme une asynchronie symbolique et du temps :

Malgré tous ses efforts d’éponge et de baignoires, l’intrusion avortée de l’abeille n’avait rien perdu de son mystère (ni le jardin de son odeur).

Il enrestait dubitatif.

1 "Gâtées avant que de mûrir".

2 "Le grand essaim se lèvera d’abeilles

Et l’ on ne saura pas d’où elles sont venues."

Modifié par Blaquière
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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Et un troisième !

Je sais : c'est un peu dense !...

3 La revolución

En ce temps-là, Je Humble s’évertuait en Amérique du Sud.

Peut-être à Cuba ?

Où sa mission était d’infiltrer le groupe contre-révolutionnaire du terrible Don San Francisco.

Or,il advint qu’on le démasqua.

Et que sa seule issue fût la fuite !...

Par chance, il retrouva dans un coin du hangar ondulé (celui où s’effectuaient les louches transactions), son ancienne voiture, la Traction-Avant Citroën. Prestement, il la dégagea des vieux cageots vermoulus qui la dissimulaient...

Elle était poussiéreuse, certes, mais toujours noire en dessous. Et en parfait état de marche !

Je réfléchit : s’il regagnait l’Europe en traction, au lieu de prendre le bateau ou l’avion, personne ne se douterait de son stratagème ni ne saurait où le chercher ?

Il lui suffirait d’emprunter des chemins détournés. Comme ferait une simple voiture tout aussi poussiéreuse mais rouge et sans cageot venant de Nîmes... (Simple hypothèse.)

C’était un excellent raisonnement !

Il s’introduisit dans l’habitacle et actionna la tirette de démarrage. Le vieux moteur rendit un ronronnement creux et velouté qui l’aspira instantanément au centre d’un passé indéterminé.

« Aurevoir et adieu, jolie fille... Madeleine ! »

Mais tout à sa joie de manipuler à nouveau et en tous sens — sans faire geindre la boite — la petite manette de vitesses coudée, fichée dans son étroit logement rectangulaire au centre du tableau de bord, Je n’avait pas remarqué les autres occupants du hangar ondulé...

Un toussotement...

Et il se retourna !

C’était le beau et brun Miguel, jambes allongées sur canapé, à contre-jour de la fenêtre, un bras gauche nonchalamment étiré sur le dossier Louis Quinze matelassé de ramages quelconques (mais d’époque). D’énormes bagouzes en or enfilées aux cinq doigts de sa main droite vrillaient la semi-pénombre. Autour de lui, debout, bien découpées en ombres chinoises, trois magnifiques créatures souples, lianeuses, aux cheveux blonds vaporeux, ondulés, illuminés en auréoles par le soleil couchant, dancéolaient, tenant à son plus près, le rôle de gardes du corps...

(Longtemps avait cru Je en l’amitié sincère de Miguel, et les raisons de son échec étaient certainement imputables à cette erreur.)

Il apostropha Miguel :

— Avec ta tête et ton bagou, tu iras loin ! Tu finiras même... Président ! j’en prendrais le pari ! mais ce travail de président, tu... tu le feras mal ! et... et on s’en rendra compte !

LE LOCUTEUR :

Je est parfois

d’une naïveté déconcertante.

LE CHŒUR :

Mais c’est bien dit !

Que n’eût donné Je Humble, en cet instant, pour être le beau Miguel ?

...

En souvenir de leur amitié non sincère, Miguel laissa libre Je Humble.

Il lui interdit simplement de prendre la Traction.

LE CHŒUR :

Un peu de méchanceté chez ses ennemis, réconforte.

Je s’enfuit donc en train.

C’étai un petit train tortu®eux de montagne qui serpentait en altitude et en à-pic de précipices andins, anodins, rocailleux, ricailleux... Mais qui dit "train de montagne" dit aussi : "tunnel !"

CEPENDANT. La nature du terrain ayant rendu impossible le percement d’un seul grand (tunnel), on l’avait remplacé par deux plus petits. Et l’on disait: "Tunnels !"

Précisons (pour achever ces données immédiates), qu’avant de s’y engager,le train trop gros — quoique petit — devait être refendu dans le sens de sa longueur par un fil vertical tendu debout au milieu de la voie, chacune des deux moitiés du train empruntant alors l’un des petits tunnels, en équilibre sur un seul rail...

Libre donc, aux passagers de se garder du découpage, l’œil prudemment convergent, en se plaquant dos aux fenêtres, le plus loin possible du milieu cisaillé.

Ce que fit Je.

(Il n’y a rien à voir dans un tunnel.)

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Membre, Posté(e)
janacek Membre 463 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

Et "nous" enfin moi je "danse" ce que tu ne sais pas, vivement le quatrième temps alors aussi "dense"

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  • 2 semaines après...
Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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4 Les marmites blanches

L’histoire ne dit pas comment Je s’en sortit ni ce qu’il advint du train. Il est cependant vraisemblable et logique qu’au sortir des tunnels, les deux demies voies convergeant à nouveau, les deux moitiés du train se ressoudaient.

L’ INGENIEUR:

Resterait à définir combien de fois un train peut subir ce découpage-recollage sans que cela ne nuise gravement à sa solidité, le métal le plus dur n’étant pas sans faiblir à la longue...

Le fait est qu’après l’éprouvante mission et à trois jours de là, nous retrouvions le rapide Je Humble, en sa demeure clos, fort occupé à des activités très domestiques.

Le voyiez-là d’ailleurs, essuyant d’un torchon blanc, certain faitout émaillé blanc ?

Devant lui, une femme.

Inconnue ou connue.

Aux bras ronds et dorés, essuyant un faitout, itou, tout semblable à celui de Je Humble, émaillé, blanc aussi, et avec un torchon, blanc aussi, mais rayé celui-ci d’une belle raie rouge...

Comme la chair à vif d’un entrejambe féminin... Ou un négatif de sens interdit.

LECHŒUR :

L’équivalent d’un sens obligatoire ?...

Je Humble en fut choqué (que la belle étrangère ait aussi aisément su trouver quelque torchon chez lui). De plus, terminé l’essuyage, la voilà qui cachait tout naturellement la marmite essuyée sous la table.

Et c’était là sa place !

Je n’en revenait pas : « Elle savait qu’il fallait faire ça ?!!! »

Ensuite elle sortait. Sans un signe pour Je.

Mais Elle qui venait d’assister à la scène tentait de la retenir sur le pas de la porte...

LE LOCUTEUR :

Ben mon cochon !

Il était à nouveau temps pour Je de changer d’altitude. Ou bien de latitude. Voire des deux et concomit(onn)amment.

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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5 L’Afrique

L’avion était panoramique. Et plus large que long.

(Imaginez un Zeppelin avançant de travers, ou un large sourire.)

Ce n’est que peu à peu, au fur et à mesure de leur approche sur les grandes dalles lisses et bétonnées de l’aéroport que les passagers-fourmis prenaient conscience à petits pas de son immensitude. Et toujours ils croyaient l’atteindre, et toujours plus loin il était... jusqu’ à ce qu’enfin arrivés sous son ventre arrondi de tôles luisantes, le ciel en fût caché et l’horizon dans son entier.

On accédait à la grand salle de l’aéronef par un escalier monumental à vissette (videlicet : colimaçon). Je au-regard-circulaire nota que les sièges, tournant le dos au sens de la marche, permettraient aux voyageurs pendant le vol, de contempler le paysage au travers de l’impressionnante baie vitrée légèrement courbe qui occupait tout l’arrière de l’appareil.

— L’été, quand le temps le permet, la baie reste grande ouverte et NOS passagers peuvent entendre chanter le coucou dans les grands peupliers frémissants, lui expliqua l’hôtesse en l’accompagnant à son fauteuil.

Je prit sa place, comme il eût fait au cinéma...

Sur sa gauche aussitôt vint s’asseoir une femme qui pouvait avoir... vint cinq ans ? Petite, plutôt très jolie, brune, aux cheveux mi-long façon chinoise, le front bombé et les yeux noirs, pommettes rouges, très maquillée... Et cette femme lia immédiatement conversation avec Je : les voyages en avion la ter-ro-ri-saient. D’ailleurs, dès que la longueur de ses vacances le lui permettait, c’est en bateau qu’elle faisait le voyage à Bizerte où elle allait visiter sa famille. Diserte, volubile, elle formait ses mots du bout des lèvres en remuant le bout du nez. Des lèvres soulignées au pinceau avec application, dont Je suivait, ému, les papillonnements...

Et ce fut le départ sur la piste d’envol !

Une piste d’envol semblable à un immense creux de vague — Marseille est marine —, mais en dur : asphaltée. L’équivalent d’un double-large-toboggan opposé par sa base : élevée au début,profonde en son milieu et relevée à la fin. Pour décoller, l’avion se jetait dans le vide où il prenait de la vitesse, de la vitesse, puis, fort de son élan, il remontait l’autre versant au sommet duquel tout bêtement... il volait !

Je se senti fondre à la renverse, comme gobé à reculons dans un gouffre soyeusement capitonné. Ses jambes s’agitèrent au dessus de sa tête... et retombèrent d’un coup ! Une fraction de seconde, il eut l’impression de peser dix tonnes… Et il pesait vraiment dix tonnes ! (L’avion était au creux de la vague.) Mais voilà qu'aussitôt, ses mêmes jambes caoutchoutantes pendaient sous lui, s’étirant vers le bas...

Sa chaussure droite se détacha, alla claquer contre l’écran vitré lors en bas en aplomb qui récoltait de plein fouet maints objets hétéroclites mal arrimés.

Et soudain…

LE SILENCE SIFFLANT DE L’ESPACE !

Les objets plaqués à la vitre glissèrent doucement vers le parquet métallique moquetté. L’instant était de détente feutrée légendaire, où enfin libérés des ceintures, les passagers en débandade, s’égayent sous la monumentale voûte de l’avion globulaire... et vont identifier pour les récupérer, leurs objets volants et perdus.

La voisine de Je s’était apaisée. Je en profita pour lui proposer une partie qu’elle accepta… sans rechigner. Ils se levèrent,empruntèrent l’étroit passage dérobé...

La salle de sport de l’avion, vaste elle aussi, jouxtait la salle panoramique. Une grande femme mince aux cheveux courts, clairs et bouclés y gesticulait pour l’heure des coups de raquette maladroits, face à un partenaire encore plus grand, mince et blond, blanc-jambé, bermudé, en tenue africaine : pas de chance le court de tennis était occupé par un couple d’anglais ! Lesquels tinrent à conserver leur place (les anglais sont de grands... sportifs).

Seule restant donc libre, dans un angle de coin, l’étroite table de ping-pong, Je et la petite brune bien dessinée s’y installèrent, le temps d’échanger quelques balles...

Déjà,l’avion-rapide survolait l’Afrique :

On arrivait !

L’appareils’inclina lentement sur la droite... et vira brusquement à gauche, d’un coup !

Mais c’était parfaitement illogique !

Les passagers à l’unisson, s’en sentirent éjectés de leurs sièges, centrifugés. Encore se trouva-t-il heureux qu’ils eussent à l’instant rebouclé leurs ceintures, n’eussent-ils pas,sans ça, rouleboulé tout d’un sur l’autre et dans le plus total désordre ?

N’empêche qu’à présent, l’avion tombait tel un parpaing.

« Quelque chose ne va pas » se dit Je, prompt-à-la-méfiance. Et il regarda par le hublot les milliers de boulons à têtes arrondies qui rivetaient les plaques métalliques des ailes et des moteurs…

« Cet avion n’est en réalité qu’un vaste puzzle ! » se tourmenta-t-il.

Or, sur une telle quantité de boulons, pouvait-on raisonnablement escompter que pas un seul n’en vînt à se disjoindre ?

Je eut alors la vision de l’avion, exactement pulvérisé dans le calme ciel africain en une infinité de fragments inrecollables, dont lui, ridiculement assis sur du vide (son fauteuil s’étant aussi atomisé) au milieu de nuages pâles cotonneux, défilant vers le haut et à toute vitesse, en corollaire de sa chute libre...

Il entreprit alors de resserrer mentalement chaque boulon. L’essentiel était de maintenir l’ensemble solidaire ! Mais c’était difficile ! Parce que les têtes étaient rondes et que la clé glissait... De plus, il eût fallu en faire autant pour l’autre côté de l’appareil, l’arrière, le dessous... « ne laisser aucun boulon libre de ses mouvements... » s’exhortait Je. Une tâche épuisante, nerveusement. Quasi insurmontable.Typiquement une tâche à la Je. D’ autant que s’insinuait le doute : « ceux que je vois, j’y veille mais quid des autres ? » se disait-il, glissant un mot latin pour se tranquilliser.

Et son angoisse s’accroissait en rapport du nombre de boulons incontrôlables...

Dut alors se produire certain déclic dans son malin cerveau — baigné à point nommé d’enzymes glucosiques — dont l’inclinaison apparemment incompréhensible de l’appareil lors du brusque virage, se commua soudainement très rationnelle : « Suis-je bête ! nous sommes désormais dans l’hémisphère austral, ici, toutes les manœuvres sont... inversées ?!!!

Et l’avion se stabilisa.

LE CHŒUR :

Par la finesse de son raisonnement

Je Humble a évité la catastrophe.

Au fond de lui, brillait en effet une petite flamme héroïque.

...

Je était à présent d’un calme olympien.

Par delà le hublot du Boeing au verre épais de myope comme au fond d’un tuyau, défilait la mousse verte et dense de la forêt équatoriale.

L’avion prit son alignement sur le fleuve, et se posa subrepticement sur la vieille porte en bois du jardin à la peinture écaillée, mêmement verte, qui flottait là par hasard.

Je s’en prit à douter du sérieux du plan de vol, voire du professionnalisme de tels aviateurs. Un fort accent d’improvisation se dégageait en effet de cet atterrissage...

« Bah! C’est l’Afrique ! » se désengagea-t-il.

L’Indulgence à-visage-mou avait repris les commandes.

Et il se retrouva au beau milieu du fleuve, debout et à l’avant d’une étroite et longuissime planche — unique reliquat de la porte d’atterrissage —, pagayant alternativement d’un côté, de l’autre, d’une main, des deux...

Derrière lui, sur la planche, aussi debout en équilibre, un grand nègre maigre au visage épanoui, marquait le rythme d’un « Houm !Houm ! » exotique. Encore plus loin, tout en bout de la planche-pirogue, un vieux joueur de pipeau santonesque, enveloppé dans sa grande cape de pâtre provençal, rêvassait, sans rime ni raison, raide comme un piquet. (Celui-là même qui sort parfois de sous son long manteau, sa flûte, pour étonner les enfants.)

À la surface du fleuve vert et à perte de vue surnageait une multitude de feuillets, probablement détachés du carnet de bord lors du brusque virage.

Les senteurs de l’Afrique, j’en passe et des meilleures...

Et les oiseaux parleurs !

Papagayos.

Je ardemment pagayait remontant le courant.

La planche s’en vint alors buter contre une marche du fleuve.

Inévitable ! Puisque le fleuve descendait !

— Descendons et passons la marche à pied ! Résolut Je,mosaïquement parmi les fines pages flottantes. (En tant que le premier de planche, lui échéait la responsabilité de la naviguitude.)

Ce qu’ils exécutèrent.

À la seconde marche, recommencèrent.

À la troisième, aussi...

Plus loin, les marches se multipliant, le fleuve étant sans fin, ils allaient décider de poursuivre leur route à pied, tout du long. Il n’y avait d’ailleurs guère que dix centimètres d’eau.

L’Afrique est toujours surprenante.

...Et ils remontaient le large fleuve africain, dans un temps altéré, pataugeant au mitan, claquant gaiement l’eau des semelles, la planche sous le bras...

LE CHŒUR :

L’AFRIQUE NOIRE, s’ouvrait devant Je Humble...

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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6 L’aventure africaine

Dans la forêt équatoriale, dense comme une forêt équatoriale, Je Humble suivait le guide. Le chemin très étroit forait un inextricable fouillis végétal où s’enchevêtraient entre autres à de grandes feuilles luisantes, des tiges piquantes aiguës, des rameaux duveteux velus enrubannés de lianes larges, torsadées, interminablement...

Nous dirons que le but du voyage était de prendre contact avec le chef d’un village africain traditionnel, ou de quelque tribu isolée…

Mais n’est-ce pas la même chose ?

(Je Humble était peu savant en matière africaine.)

Lequel chef, passait d’ailleurs pour être particulièrement accueillant, imberbe et policé.

Las, l’aventure si prometteuse fut ratée. Et bêtement ! À cause de la fichue chaussure droite de Je Humble dont la semelle se décolla de son long sur le côté extérieur, car dès lors, rien ne compta pour lui, plus que cette semelle.

« Pourrait-Je faire des kilomètres en forêt — une forêt qui plus est dangereuse —, dans l’inconfort d’une semelle clapante à chaque pas ? »

Quant à marcher sans chaussure, il ne fallait même pas y penser ! (Vu que ses plantes européennes, bien trop ampoulables, étaient loin de valoir celles des autochtones… je présume ?)

Off course (bien sûr) ! Une longue préparation de plusieurs mois, à tourner là en rond, dans cette clairière, eût été nécessaire qui eût permis à la couenne de durcir !

LE LOCUTEUR :

Je n’ai rien pu en tirer d’autre.

Au loin, le cri de Tarzan ne retentissait même pas.

Modifié par Blaquière
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//

*merci Blaquière pour le voyage*

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
Maitre des forums‚ 76ans‚
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Je suis bien content que vous ayez le courage de me lire !

Je continue encore un peu, alors ?

7 Le maelström fluvial

Entre deux eaux cette fois-ci, ils s’en allaient tout d’un, remontant le courant, toujours du même fleuve, leurs poursuivants sur les talons à quelques encablures...

À l’horizon, surplombant la surface liquide, se rapprochait lentement dans l’espace brumeux élargi, un très long pont dont la voûte écrasée presque plate, appuyée à un tiers de distance des bords sur deux piliers carrés plongés dans l’eau à mi-hauteur, enjambait l’immense fleuve.

Au loin, loin devant eux, mais sous l’eau, en profondeur, à travers l’onde claire, apparut échoué dans le sens du courant, l’objet de leurs recherches et leurs tribulations : une petite barque ou un petit bateau, coulé là.

Coulé là.

Comme un sampan démâté ou la caisse d’un chariot far-westique surmonté de sa capote en arc de cercle et posé sur le sable au fond du lit du fleuve.

Dans les rangs Je-humbliens à bord du soumascaphe, l’émotion en fut grande... et la satisfaction !

Mais leurs poursuivants : avaient-ils vu qu’ils voyaient ?

Se produisit alors un grand chambardement.

Dont toute l’eau fut aspirée dans une colossale vidange !

Les emportant. Se jouant d’eux. Mais sans aucune terreur ni trouble. Les faisant tournoyer dans ce grand remous, sur la crête d’une vague spiralique striée, qui les déposa toute eau bue, sur le rebord d’un gouffre fuselé d’ouverture, situé en contre-haut du fond de la baignoire, et dont les versants extérieurs s’inclinaient, montant haut, comme ceux d’un volcan émoussé d’Auvergne.

Les y voyez-vous là, allongés ? Les pieds en contrebas, la tête dans le vide, contemplant dans les yeux le trou, face à leurs poursuivants à midi et de l’autre côté dans la même position qu’eux ?

Peut-être que le tout but de cette opération était d’en venir là ? là, à ce face à face ?

LE CHŒUR :

Face à face avec l’Autre,

qui voit que je le vois,

que je vois me voyant,

me voyant le voir,

me-voyant le-voir,

me-voyant le-voir...

En un jeu de miroir où personne ne voit quiconque que soi.

LACAN :

Encore que par les yeux de l’Autre...

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8 Le volcan

Sur les pentes du vulcanus poussiéreusement noires, croisa Je Humble trois vipères, induites par hasard.

Plus deux homos rasecrânés, dont un à fort nez de paysan réaliste.

LE CHŒUR :

« Yamail gross’ martèw a gastat poarte ! »

(Jamaisun gros marteau n’a gâché une porte.1)

Vinrent ensuite quatre italiens cyclocrossistes obscènement harnachés dans leurs caleçons luisants, moulants, redondamment couillus...

Et pour finir, cinq bergers lubriques aux regards rougeoyants, vautrés sur un lit d’angéliques et de scabieuses bleues.

Sans oublier le soleil. Gros. Laiteux. Étouffant.

Trois, deux, quatre, cinq, un.

Dès lors, découvrant les seins ronds, roux et lourds d' Elle, pleins et très ruisselants d’obsédante ascension, l’homo virilicus eût pu douté de ses non-désirs antiphalliques ?...

Qui lui aurait jeté la première pierre ?!

Et Je à-l’âme-avocate se serait demandé s’il eût été ou non charitable de lui prêter ces seins qu’il avait su si voir ?...

Idée qu’il eût d’ailleurs sitôt chassée, prévoyant l’insondable tristesse, du compagnon malingre désespérément plat, le zéphyr du sommet, rasant l’arrête vive du cratère béant tout comme un sifflet d’orgue l’ayant sans doute aidé.

Et puis, en désespoir de cause, tout serait retombé dans un ordre logique, sinon biologique :

Sous le soleil obscénant de midi, les deux homos rasecrânés s’éloignèrent vers l’improbable sommet diamétralement opposé. Les trois vipères zigzaguèrent sous des touffes ombrues de bruyères à balais ; et les quatre italiens cyclocrossistes dévalèrent la pente, debout, pieds jointifs sur leurs pédales coupantes.

LE CHŒUR :

Depuis son casque glandulaire

jusqu’ aux boyaux de ses deux roues,

le pur cycliste n’est qu’une bite.

Et en bas du volcan, les cinq bergers lubriques à bâtons scabreusement plantés dans un flot d’angéliques et de scabieuses bleues, se prélassaient toujours très ostensiblement, se souciant fort peu des peureuses brebis errantes le long du chemin creux...

C’est ainsi que ça s’est passé.

Y nada más ! 2

1) Proverbe créole ?

2) "Et pas autrement!"

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9 Icare

Depuis pas mal de temps errait Je Humble dans un réseau serré de galeries souterraines. Un dédale vraiment grottesque de boyaux humides, suintants, glissants, où dérapaient ses pas.

Souvent il s’enlisait jusques à mi-mollets dans des bourbiers gluants...

Parfois, en quelque étroit passage, le corps pris, étranglé par la taille, il s’agrippait des ongles à l’argile mollâtre. (Non odoriférante, heureusement !)

Autant était froid l’air ambiant, autant Je s’échauffait. Suant, soufflant ; en grand effort ; à bout portant de la paroi condensante et gouttelétée, où se mêlaient ses humidités tièdes et les moites vapeurs de sa respiration, à celles de l’atmosphère déjà sursaturée.

Confinée.

Mais glacée.

LE CHŒUR :

Des gens payent pour visiter ces lieux,

Et s’extasient devant des boursouflures calcifiées,

Qui convenablement éclairées...

Ont l’air de pas grand chose.

Le goulot s’élargit, déboucha dans une grande salle...

Un vieux monsieur mal rasé gardait la station service au bord du passage. Il héla Je Humble :

— Hé là !

Je s’approcha...

Et le vieil homme qui devait s’absenter un instant lui demanda de le remplacer quelques minutes à la station service. Puis,désignant d’un geste les trois arrosoirs miniatures alignés sur le comptoir :

— Vous vous servirez de ça pour le service !

Et il s’éclipsa vers l’arrière boutique en précisant par dessus son épaule :

—Nous servons aussi les glaces !

Certes, l’arrosoir est par essence un ustensile hermaphrodite, à la fois remplissable et plisseur... Il n’en est pas moins vrai, que Je, dont le regard allait-venait du gros pistolet de la pompe (qu’il venait de décrocher et de prendre à la main, juste pour voir) à la minuscule ouverture des arrosoirs, se serait senti parfaitement incapable d’emplir d’essence un seul des trois-petits-dits arrosoirs.

Pas plus qu’il n’aurait su réaliser en dépit des modèles représentés en multicolore sur le panneau publicitaire suspendu à la fenêtre de l’échoppe, la plus simple des coupes glacées couronnées de superstructures crémeuses complexes, de fruits, de bigarreaux, et agrémentées pour la décoration, d’objets divers, érotiques et hétéroclites, comme sont œils de verre, bonnets de nuit, cannes blanches... et le tout — s’il vous plaît — magiquement en équilibre.

Ce n’était pas-par chance l’heure de pointe, à la station service du fond de la grotte : le vieux réapparut sans que Je n’eût à s’occuper d’un seul client.

Il expliqua alors qu’ici, les glaces se servaient en boules dans les arrosoirs, et d’un geste professionnel qu'il joignit sur le champ à sa parole en guise de démonstration, il modela de sa cuillère spéciale — clic-clac — deux magnifiques boules couilliformes qu’il fourra violemment dans l’arrosoir du milieu.

Ce qui sembla logique à Je.

Marécageux.

Cloaqueux.

Glauque...

LE CHŒUR :

Je est pareil à la femme gourmande

qui salive devant une coupe glacée...

Après avoir quitté la salle de la station service, qui ne formait vue de loin, en coupe géologique, qu’une immense poche souterraine, mal cousue des deux côtés, Je s’enfonça de nouveau dans l’étroit conduit de plus en plus pentu. Jusqu’ à l’orifice final : le trou du fond de la poche.

Il se retrouva dehors, à l’air pur, au sommet d’un éboulis caillouteux...

Alors, Je Humble (le-bien-nommé) se demanda, consterné :

« Suis-jeune pette qui sort du cul ? »

LE CHŒUR :

Consterné, consternant : c’est le mot !

Tout concordait en effet. Jusqu’ au public nombreux réuni tout exprès qui attendait son arrivée derrière une barricade en demi cercle pour lui jeter des pierres et lui cracher dessus.

Et les crachats pleuvaient...

Et les crachats pleuvaient...

Pleuvaient et dégoulinaient depuis leur point d’impact sur son corps de Je Humble, qui en devint couvert.

Ensuite et sous l’effet de la froidure, ils se solidifièrent en beaux cristaux complexes de sulfate de cuivre, et se changèrent en plumes soyeuses à reflets bleus, mordorés et moirés...

Je prit ses ailes à son cou...

Et s’envola !

Non sans se demander :

« Suis-je Icare ? »

à suivre : "10 Le football" ?

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Blaquière Membre 18 862 messages
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2.

PASSAGE UN MOMENT DONNÉ

(Le football - La vierge Marie - Remake d’un massacre - Les beignets - La dictée - En caleçons dans les couloirs - Arold Zage - Mouchy ou la guerre des merdes - Alan Deloin - Le troubadour.)

10 Le football

Je Humble se demandait ce qu’il faisait là :

JE HUMBLE :

Je me demande ce que je fais là ?!!!

Là, c’était le terrain de football.

Et Je ne regardait pas depuis la touche ni les tribunes : il courait au milieu !

Courait sur l’herbe rase du stade Raoul Delpont, Brignoles.

Je était FOOTBALLEUR !

Courait...c’est beaucoup dire ! Mettons qu’il attendait au milieu. Au milieu et sous le regard de son grand nègre maigre de père qui lui, regardait depuis la touche. Et que le grand nègre n’y fût pas réellement ou qu’il ne fût pas noir, ne changeait rien au fait que Je sentît son regard brun peser sur lui…

Car selon l’enseignement du grand maigre, "le ballon" était un art de vivre essentiel où s’épanouissaient les vertus cardinales que sont les copains, l’enthousiasme, le beau geste et l’exploit...auxquelles Je n’entendait rien pour respecter trop à la lettre, tel autre enseignement majeur du même grand nègre maigre sur l’absolue honnêteté, incompatible avec ces quatre-là.

LE GRAND MAIGRE :

C’est absolu !

LE CHŒUR :

Et sous le regard brillant-vrillant,

Je, soucieux de bien faire

est tout paralysé,

comme une figurine de baby-foot

sans baguette à se remuer...

(Est-il jamais question de ce dont on s’agite ?)

En cette époque reculée, Je n’était pas bien grand : il s’arrivait tout juste à l’épaule. Mais il devait faire face,quelque éberglué qu’il fût sur la grande surface, face à cette nuée d’enfants courant la balle sus, en tous sens, très volontairement, au lieu d’attendre comme lui en bonne géométrie, son hypothétique et rectiligne passage (sans trop le souhaiter).

Sans même le souhaiter du tout !

Et ils allaient parfois la chercher très loin cette balle ! Au risque du mystérieux hors-jeu guillotinaire, terreur de Je Humble, qui l’eût mis hors de soi.

Dont il était désespéré. Se doutant bien que c’était cette chasse effrénée à la balle qu’on attendait de lui...

LE CHŒUR :

Je n’ose pas, comme s’il avait peur ou honte du ballon !

Et chaque coup de pied qui percutait la balle, c’était sa tête qu’il heurtait. Je agrippait alors son âme floue du bout des doigts —bien plus habiles que ses orteils — pour l’empêcher de se dissoudre entre les brins de la pelouse. Autour de lui, le décor sursautait, perdait de sa réalité. Au dedans, la pression montait en flèche. Il lui fallait mettre au point au plus vite, une tactique susceptible de le tirer de ce mauvais pas, au cas où la balle roulante, sautante et bondissante imprévisiblement, viendrait à rôder près de lui.

Et soudain, il trouva !

L’essentiel n’était-il pas de bien montrer à tous, qu’il s’y intéressait furieusement, aux rebonds de la balle ? Il la fixerait donc, cette balle, sourcils froncés et maxillaire tétanisé, sans économiser sa peine. Opposant catégoriquement à ses tribulations insanes, le plus déterminé, le plus LISIBLE des efforts de concentration.

Lequel effort — c’est ça le sport — ne fléchirait plus de toute la rencontre ! Tel un charmeur de serpents hypnotise dans son panier, le reptile d’humeur changeante et lui intime son propre regard fiévreux.

Ce n’était là que le premier volet du plan...

Le second serait tout simplement, de se maintenir en permanence et quoi qu’il arrive, le plus loin possible de la balle, afin d’éviter tout contact. Et Je irait si c’était nécessaire, jusqu’ à courir à reculons ! (Tout en fixant bien sûr, toujours la balle,intensément...)

Je Humble footballeur fut ainsi, tout le temps du match, une aiguille déboussolée fuyant obstinément la petite mappemonde de cuir pentagoné-gonflé-dur.

Une aiguille impubère.

Il ne fut pas sélectionné pour la rencontre suivante et en fut bien marri : il avait pourtant fait son possible...

LE CHŒUR :

Et l’on vit petit Je verser des larmes amères

sur une carrière de footballeur si prometteuse...

Son grand nègre maigre de père, bonhomme, lui, en rit encore !

LE CHŒUR :

De ses mâchoires

décharnées...

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Membre, ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée, 52ans Posté(e)
Amazones Membre 13 439 messages
52ans‚ ...... Phoenix ..... Une cendre déterminée,
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Bonjour Blaquière,

J'ai pris temps à venir pour évoquer opinion car j'attendais les 9 écrits, au complet, de ce roman .... où j'ai pris beaucoup de plaisir à le bouquiner et de cela, m'emporter de ces multes traversées .... Que d'imagination !!!! ... J'avoue que mes préférences se trouvent être, à la lecture du "port tranquille" et de "ce face à face" défini avec intérêt ..... Merci pour cela ..... :bo:

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
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Merci beaucoup !

Je sais que ça part dans tous les sens et que c'est à chacun de recoller les morceaux.

Je me contente d'esquisser des pistes tout en m'appliquant dans les détails et de parfaire la forme (les rythmes et les sons).

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Membre, 76ans Posté(e)
Blaquière Membre 18 862 messages
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11 La vierge Marie

L’année d’après le football, Je entra en cinquième. On dit souvent "entrer en cinquième"un peu comme on dirait "entrer dans les ordres"... Eh bien, non ! En vérité, cette année là, la vie de Je entra dans le désordre ! Car le lycée cette année là, devint MIXTE...

Quoi qu’à douze ans, Je n’eût pas encore tout à fait l’organe adéquat, il reconnut du premier coup d’œil chez ce "Mixte",à ses jambes croisées, nylonnées, glissantes et crissantes imperceptiblement, l’affriolant "x"de "sexe" (comme dans rixe, excès, axe, saxo ou texte, voire tout texte écrit d’un premier jet) : affaire de chromosomes...

Et l’on vit arriver dans cet ancien couvent, DES FILLES !

Que l’on menait en rangs serrés chaque matin, que l’on répartissait,sans faire de jaloux. Chaque classe en avait son quota. Il y en avait peu, la fille étant une invention récente, mais un peu malgré tout pour tout le monde.

Or, vous savez comme elles sont, les filles, en classe... vous savez qu’aussi gentils et bons élèves que soient les garçons, elles sont nécessairement, et plus gentilles et meilleures élèves qu’eux ?...

Elles s’assirent donc aux premiers rangs. Les meilleurs des garçons étant réduits à se cancrifier vers le fond de la classe...

Dont Je Humble !

Nous ne dirons pas des plus intelligentes qu’elles n’étaient pas jolies, la plupart l’étant ni trop ni pas. Ce qui est sûr en revanche, c’est que Je Humble se fit, dès cette année là, un point d’honneur de tomber amoureux chaque année, de la plus jolie des filles de sa classe.

Et qu’eût-il pu arriver d’autre sinon que les pas belles et plus intelligentes le poursuivissent d’un regard persistant par delà leurs épaisses lunettes, tandis que les jolies s’intéressissent davantage aux plus cancres que Je ?

D’où que Je, résolut d’être cancre.

Mais il n’avait pas vraiment l’organe non plus.

Un cancre du genre de Cri-cri par exemple, dont la plaisanterie favorite était en ce temps-là d’ouvrir sa braguette et de déballer tout de go devant ses camarades médusés ses attributs sexuels grassouillets en les ex-posant d’un seul paquet et d’un geste précis sur leur table de travail... Ou encore ce Zépino qui avait retenu de la leçon sur la pression atmosphérique, qu’en faisant le vide d’air du capuchon transparent de son stylo encre, il pouvait s’y faire aspirer un testicule... (Toutes démonstrations et expériences faites pendant les cours dans une joie générale de chuchotements.)

On l’aura constaté : l’organe de la cancritude était bien et toujours le seul et même, trois-même-organe.

...Et le jeudi en promenade au stade, sous un soleil cuissant, Je Humble évoluait au milieu d’un nuage de mochetées qui bourdonnaient en le congratulant sur ses si bonnes notes, tandis que les vrais cancres, au son émoustillant de petits cris étouffés, tripotaient les jolies dans la pénombre sous les tribunes.

Je se remontait-il le moral en pensant qu’une telle attitude eût été indigne de lui ? L’histoire ne le dit pas mais c’est probable !

Le fait est que la plus jolie des filles de sa classe, cette année là, ce fut Marie. Pourquoi plut-elle à Je ? Parce qu’elle était grande et brune et aux yeux doux et bruns, surlignés d’épais sourcils, comme la môman de Je ? Sans doute. Mais elle avait les cheveux raides, elle... (Pour ce banc d’essai émancipatoire, une seule petite différence suffirait.)

Ajoutons que les sourcils en question, quasi d’un seul tenant, laissaient présager d’une pilosité vivace — détail turlupinant — heureusement atténuée (ou exacerbée) par des lèvres épaisses et moueuses qui lui donnaient un air sirupeux et gnan-gnan...

Donc, Je Humble vieilli, s’approchait (aujourd’hui) de la tendre et vierge Marie qui, comme un fait exprès n’avait que peu changé...

S’approchait...par derrière !

Question : le détournement de mineurs a-t-il un effet rétroactif ?

Un motif permanent d’achoppement pour Je, que ce prétexte de l’âge :combien ne s’étonnait-il pas, chaque fois, de voir telles gens —et avec quelle haine — s’horrifier de sévices infligés à un modeste nourrisson, mais applaudir des deux mains à la condamnation ou à l’exécution d’un violeur-homme-fait, multi-récidiviste !

Je, lui, ne voyait jamais dans le violeur... qu’un vieux bébé.

LE CHŒUR :

Vieux bébé toi-même !

Il avait beau faire, il se sentait plus proche du violeur que du nourrisson...

LE CHŒUR :

Je se sent proche du violeur

et il n’est pas violeur,

le violeur est proche de l’enfant

et il n’est plus enfant...

Je se disait parfois qu’il (ne pourrait pas lui,) violer une petite fille. Ne serait-ce que pour l’expérience...

Il s’efforçait alors d’imaginer son gros sexe roidi, turgescent, tuméfié, tennistique, assénant sous la holà ses coups droits meurtrisseurs dans un mouchoir de poche... Certes ! il avait souvent remarqué que même très jeune, à bien moins de dix ans, tant de corps que d’esprit, la féminité y était toute entière esquissée chez une gamine...

Mais le cœur n’y était pas !

LE CHŒUR :

Esquissée seulement !...

Je s’est fait prendre à son propre piège :

quand il s’excite à l’idée

d’une CRÉATURE autonome,

adulte et volumineuse,

mouvementée de seins s’élastifiant,

de cuisses blanches chevrotantes

et de fesses tremblantes,

il ne pense jamais que c’est un vieux bébé !

Dr FREUD :

Qui l’affirme ?

Je se saisit donc de la vierge Marie à bras le corps ; emprisonna dans le creux de ses mains ses seins ronds, malléables et lourds qu’il caressa longuement, méticuleusement... Ses seins ronds qui, mous et doux roulaient suavement, sous ses doigts pianistiques...

Et la jeune écolière était si peu au fait de la chose érotique que les pointes de ses susdits seins ne s’en trouvaient même pas durcies qui continuaient de se confondre avec le volume d’ensemble souple de sa poitrine...

Tout de même inquiète, elle demanda à Je :

— Ça n’est pas risqué de faire ça ? (Elle parlait du tripotage de Je...)

De Je qui jubilait d’être tombé sur une... aussi innocente !

— Mais non ! Exultait-il, mais non !

Et IL EN PROFITAIT !...

Mal lui en prit ! Car tout cela n’était que pour le cinéma et à la scène suivante, c’était de lui — de Je —, que se saisissait par derrière et sans ménagement, un fort colosse — l’acteur américain bien connu pour ses films d’action. Quoi qu’il ne tripotât pas Je. Mais il tenait dans chaque main un pistolet...De ces longs pistolets de corsaires à chiens métalliques ornés de pointes aiguës ciselées et tendus d’un ressort d’acier, qui cliquettent sèchement en basculant vers l’arrière.

Ce qui à tout perdre ne valait guère mieux.

Après donc s’être fait un bouclier de Je Humble, l’acteur — mais était-il vraiment acteur ? — tira deux coups de feu du haut du pont arrière...

LE CHŒUR :

Arrière, derrière : mais c’est une manie ?!!

...sur quelque bidon bleu situé à bonne hauteur. Un liquide certainement très dangereux (allait-il mettre le feu au navire ?) jaillit des deux impacts rapprochés, prouvant une remarquable habileté au tir... Dont Je Humble reçut clairement le message : si le besoin s’en faisait ressentir son agresseur n’hésiterait pas à le... liquider.

Il se tint donc tranquille.

En dépit de la sensation extrêmement désagréable d’étranglement autour du cou, infligée par les deux bras brutaux et velus de l’acteur.

LE CHŒUR :

On ne peut pas toujours s’en tirer à son avantage.

Après tout, n’était-ce pas une punition ?

LACAN :

Je parlerais plutôt de la réversibilité de la pulsion,

le désir de peloter du potelé s’épinglant symétrique

à celui d’être soi, peloté, en reflux vers ses propres

années bébéïques potelantes — ou pot-hélantes —,

la culpabilité ne jouant ici qu’un rôle de mascarade

(au sens étymologique du masque).

Je pour qui le velu des bras du colosse était si différent du velu de la vierge Marie, venait de tâté du doigt l’épaisseur de ses préjugés...

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Blaquière Membre 18 862 messages
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12 Remake d’un massacre

Mais voici qu’à présent, Je qui n’avait toujours rien demandé à personne, se retrouvait dans la peau de ce forcené entré tout exprès dans une école écossaise, mitraillette à la main, histoire d’y massacrer une quinzaine d’enfants et leur institutrice...

LE CHŒUR :

Je Humble est un miroir

où le monde entier se reflète...

avec admiration !

Il traversait l’allée centrale de la classe regorgeante d’élèves...

Mais c’est l’institutrice qui se rut sur lui !

Qu’elle faisait gamine, cette institutrice-là ! Jeune, jolie, blonde aux cheveux shetland, bouclés, pas très longs, les cheveux, mais très grande la fille, et aux joues rondes et roses et potelés ses bras. Portait un T-shirt jaune, moulant, un pantalon fleuri, ample, de tissus fin, sous lequel se laissaient deviner des fesses rondes frémissantes, juvéniles et pourtant déjà presque lourdes de femme...

Sous l’assaut incongru, Je reflua vers l’angle de la salle près du bureau du maître en signe de protection (ou de protestation). Mais la Miss, l’empoigna soudain à corps et à cri (ce qui était NORMAL dans l’exercice de ses fonctions d’institutrice)...

Et Je la repoussait du mieux qu’il le pouvait, inventant à l’occasion de bonnes raisons très embrouillées pour la calmer. Lui disant par exemple que Elle, sa femme à lui, assise ci-devant, en manière d’élève, était elle aussi très jalouse... Et n’en voulant que pour preuve, les scènes qu’elle avait pu lui faire jadis, lorsque Je s’attardait près de l’institutrice — elle-même — après la classe, bien qu’il y fût contraint, à son cor défendu, dans le cadre très strict de ses fonctions officielles... et qu’elle (Elle) eût donc dû s’en accommoder...

L’argument fit reculer d’un pas l’institutrice qui n’avait peut-être pas l’habitude de tripoter un élu de la Nation, fût-il ex...

Pourtant, en dépit du remue-ménage en jeu dans cette affaire, Elle qui se trouvait affectivement dans la classe, ne s’était aperçue de rien...

Dont Je regretta de ne pas en avoir profité davantage ! Tant était douce et agréable cette fraîcheur des joues tout contre lui brûlant, et cette brusquerie des bras d’institutrice, aimablement persécutrice qui le forçaient, lui, forcené.

LE CHŒUR :

Quel que soit de sa chute, le point d’origine,

Je Humble, retombe sur ses désirs...

13 Les beignets

C’était inespéré. Ils avaient autorisé coup sur coup, l’entrée des filles et des garçons dedans le réfectoire.

Les filles étaient devant, derrière les garçons, mais la salle petite...

Trouverait-Je une place ?

Il entra.

Déjà,les filles étaient assises en enfilade derrière une table. Longue la table, mais si étroite que leurs genoux gainés de bas soyeux dépassaient à l’air libre sur le devant. Si, qu’il était matériellement impossible d’y prendre place. Sauf à s’asseoir sur leurs genoux...

Tentant, mais glissant.

Et surtout : interdit !

Je debout, n'était qu'attente...

Une à une les filles se levèrent, contournèrent les tables en sinusoïdant, comme une antique procession, chacune présentant des deux mains à hauteur du visage, une petite assiette de porcelaine tendre... et l’une après l’autre, elles disparaissurent vers l’autre extrémité de la pièce par une porte de saloon à deux battants :

Vloum, vloum... Vloum, vloum... Vloum, vloum...

Mais bientôt et toujours une à une, elles revinrenaient, possésrices d’un beignet troué par le mitan. Un beignet bien levé, blond et rond, en forme de couronne, déposé au centre de l’assiette et qui l’occupait presque toute :

Petite assiette et gros beignet !

Blanches et pâles, les assiettes. Et les tuniques. Froides aussi. Et les bras blancs et les visages, pâles aussi. Tièdes les roux beignets irradiants, rougis à l’infrarouge. À la cuisson, le gonflement de la pâte avait rétréci le trou central jusqu’à son minimum, tout près de disparaître. Mais le pourtour restait très souple...

Par association d’esprit, Je pensa à son sac qu’il avait oublié.

Ainsi va tout soufflet qui loin du four, rapidement se re-dégonfle. Oublié ou laissé tout exprès ? Et le retrouverait-il en sortant, en dépit des beigneuses ?

LE CHŒUR :

Je ne suis pas tenu

d’intervenir à chaque fois.

Dr FREUD :

Moi non plus !...

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