Henri Matisse - Fauviste

à ptitepao que je remercie de m'avoir donné envie de parler de lui...

Allez, approchez ! Car j'ai là une drôle d'histoire qui démarre comme un conte de Pâ, Fée Exprès.

Nous sommes en 1889. Quelque part dans le Nord de la France, du côté de Cambrai. Un jeune homme de vingt ans est alité à cause d'une grosse-grosse crise d'appendicite. Tellement grosse et compliquée qu'elle le clouera au lit pendant des mois. Il s'ennuie. Sa mère, attendrie, lui offre une petite boîte. Une boîte à peinture, pour passer le temps. Une boite qui va bouleverser sa vie. Le jeune homme s'y essaie, y excelle et s'en prend de passion ! Le talent est révélé, son dessein s'en trouve chamboulé à jamais. Il deviendra l'un des plus grands peintres de tous les temps...

Henri Matisse (1869 - 1954)

A peine rétabli, il prend des cours de dessin en plus de son activité professionnelle, qu'il finira par abandonner. D'abord avec William Bouguereau, peintre académique, puis en intégrant l'atelier de Gustave Moreau, Matisse découvre la peinture et s'il y confirme son talent, il a envie d'autres choses, d'autres élans.

Il découvre alors les impressionnistes, Cezanne, Van Gogh, Gaugin. Turner le fascine (spa moi qui lui jetterais la pierre, hein... :blush: ). Les postimpressionnistes, tel Seurat, achève son envie. Au lieu des petites touches de couleurs pour composer sa toile, pour Matisse, ça sera de l'aplat ! De la peinture déposée sur le support de façon uniforme et distincte, sans aucun dégradé, un peu comme les cases qu'on coloriait enfant de couleurs uniques et dont l'ensemble finissait par nous révéler un dessin. Ou comme les mosaïques de l'Antiquité.

Dans les Salons de Paris, dans les ateliers, par personnes interposées, Matisse entre dans le cercle des artistes et rencontre du beau monde, dont Rodin et Pissarro. Il peint, mais dans un autre style. C'est un avant-gardiste.

Et c'est lors d'un incident qu'il trouvera le nom de son mouvement.

Nous sommes au Grand Palais, à l'occasion du Salon d'Automne de 1905. En entrant dans la salle où Matisse et ses amis exposent, le grand critique d'Art très influent de l'époque, Louis Vauxcelles, est proprement scandalisé par les tableaux assemblés. Lui si classique et conventionnel, sera outré par cette débauche de couleurs, par ces paysages déstructurés, ces formes simplistes, cisaillées, rectilignes mais peinturlurées. Apercevant un buste de style florentin au beau milieu de cette jungle colorée, il s'écrira, ulcéré :"Mais c'est Donatello parmi les fauves !".

Fauve, le mot est lâché. Matisse s'enorgueillit et s'en empare pour porter haut l'étendard du mouvement, le fauvisme !

Derrière ses formes dures et anguleuses, ses peintures primaires à peine atténuées se cache une vision riche d'un artiste visionnaire. En l'absence de dégradés, de perspectives et de fondus, ses tableaux sont bruts, rappelant les dessins d'enfant à peine adroit, s'essayant à la gouache. Et pourtant, ce sont bel et bien de ses aplats que nait le mouvement de ses toiles, la sensualité de ses formes, la magie d'un voyage dans nos émotions.

S'il dérange certains, il fascine tant d'autres. Le public le remarque. Dés lors, Matisse acquiert la reconnaissance de son travail. Il vend ses œuvres, voyage et rencontre du beau monde.

A partir de 1908, sa notoriété dépasse les frontières de France ; ses tableaux s'accrochent en Europe, en Russie puis à New-York. La première guerre mondiale éclate, sans qu'il n'y soit appelé. Il peint, toujours et encore. Du beau, du coloré, des femmes.

En 1930, Matisse part à la rencontre d'une autre couleur, d'autres paysages. Il découvre Tahiti et c'est à la fin de cette décennie qu'il créera un nouveau procédé : Les Gouaches Découpées, larges pans colorés qu'il découpe, associe, dissocie et assemble pour façonner une toile. De là naitra une des plus fabuleuses toiles, Jazz.

Il s'éteignit en 1954, au terme d'une longue maladie, non sans avoir peint sa dernière œuvre, un auto-portrait, La Tristesse du Roi :

et participer au décor de la chapelle du Rosaire de Vence.

J'ai toujours aimé ses formes pudiquement nues, ses mouvements entrainants et sa sensibilité enchanteresse. Et c'est sur une de ses citations (que je kiffe grave, en réalité...) que je vous laisserai pour ce soir :

"Il faut regarder toute la vie avec des yeux d'enfants"

Tout un monde de couleurs et de sensualités au réveil... merci m'dmame Thyia ! :blush:

Ces tableaux me font l'effet de regarder le monde au travers d'un prisme fait de lignes simples et de couleurs tout aussi pures... un monde d'Hansel et de Gretel, sans sorcière mais épicé comme du bon pain. Et ça plait bien à la gourmande que je suis !

:blush:

Ravie d'avoir pu te permettre cette balade matinale dans un univers qui te va bien, je trouve. En tout cas, tout le plaisir est pour moi.

Coucou (encore moi)

J'aime beaucoup les anecdotes que tu glisses ici et là, j'en apprends des choses! :blush:

Il s'éteignit en 1952

Je suis en train de relire tout ce que tu as écris, je vais de suite faire un tour au "musée" lire ce j'ai pu éventuellement rater...

En tout cas merci pour tous ces topics Thyia.

Rhô purée, t'as parfaitement raison pour ma boulette !!! Merci de me l'avoir signalé. Et walà, maint'nant, c'est rectifié :blush:

Je profite de ce topic consacré à Matisse, chef de file du fauvisme, pour poser une question. Alors voilà, j'ai un peu de mal à faire la différence entre l'expressionnisme et le fauvisme. J'aimerais donc savoir, quels sont en gros les caractéristiques de ces deux mouvements et surtout quelles sont leurs différences?

Il me semble que l'expressionnisme est né en Allemagne et le fauvisme en France, ces deux courants sont finalement très proches non ?

hum... Très intéressant, comme question ! Avant que tu ne la poses, je n'avais jamais pensé à établir un lien entre les deux courants, mais maintenant que tu le dis, j'avoue qu'il y a pas mal de choses à en dire. Permets donc que je te réponde.

Déjà, concernant ces deux mouvements, nous sommes après les Impressionnistes et, grosso-modo, à la première partie du XXème siècle.

Or, rappelle-toi, c'est une époque où le mot "progrès" est capital dans la vie de tous les jours : au siècle précédent, la Révolution Industrielle est passée par là, les hommes ont connu des avancées prodigieuses en peu de temps, les nouvelles techniques découlent d'innovations, et l'époque entière appelle à l'imagination et à l'ingéniosité de tous. Les changements ravissent ; la nouveauté plait mais inquiète. Les sociétés sont en pleine mutation accélérée. Les rapports sociaux changent, les hommes repoussent les frontières de la communication aux états voisins, puis au reste du monde en réduisant le facteur temps.

Nous voilà donc à l'orée des deux plus grands conflits planétaires de tous les temps, avec la Première (1914-1918), puis la Seconde Mondiale (1935-1945).

Or, il faut aussi se rappeler que l'essence même d'un artiste, c'est d'aller plus loin que ce qui a été fait avant lui, de rompre d'avant et d'établir de nouvelles pistes. Et il accompagne généralement la tendance sociale de son contexte.

De ce fait, le Fauvisme et l'Expressionnisme ont cela en commun qu'ils romptent totalement avec les contours précis, les scènes d'un réalisme le plus proche possible de la réalité. Ils vont au-delà des Impressionnistes, eux-même en réaction avec le style classique et conventionnel dit "académique".

Les deux mouvements, dans leur style épuré, donnent dans la simplification, voire la caricature, mais pas au sens humoristique qu'on lui connait. Les éléments se détachent nettement du décor, les couleurs sont primaires et éclatantes, les traits sont droits et simples. Ces débauches simplistes étonnent, voire choquent les spectateurs.

Si les deux styles offrent une distorsion de la réalité, les intentions sont complètement différentes.

Le Fauvisme tend à revenir au primaire, dans les coloris, mais aussi dans les lignes pour se rapprocher de l'Art "Primitif", les toiles sont avant tout décoratives. L'idée du beau y est omniprésente. En l'absence de contraste, le procédé simpliste nécessite une grande finesse de la part des peintres mais il appelle néanmoins à la contemplation bienheureuse du spectateur.

En revanche, l'Expressionnisme est un art qui va chercher à travers des procédés simples et épurés à susciter une émotion violente, dés le premier regard des gens. Or, là, le beau n'est pas vraiment de mise. Et là, les artistes vont surtout chercher dans ce qui angoisse les gens, ce qui rebute, ce qui fait peur : la pauvreté, la menace, le manque, l'impuissance. Les courbes se tordent, les couleurs muent et se transforment dans le seul but de frapper le plus littéralement possible le spectateur. Le Cri d'Edward Munch en est une parfaite illustration :

Je te remercie d'avoir pris la peine de me répondre si rapidement et d'une façon aussi claire et précise. :blush: Tu es vraiment top à ce niveau. J'avais vraiment du mal à discerner ces deux mouvements. En regardant différentes oeuvres par exemple je ne savais trop dire si elles étaient fauves ou expressionnistes. A présent que je viens de saisir leurs nuances je ne devrais plus trop rencontrer de problèmes . Encore merci!

Odalisque à la culotte rouge

J'adore ce tableau qui dégage une grande sensualité !

Et voici une variante (elle n'a pas ma préférence)

L'Odalisque à la culotte rouge est un de mes tableaux préférés de Matisse. Merci à toi, chirona !

Une très peu connue mais que j'aime beaucoup pour sa délicatesse, c'est celle-là :

et celle-là pour le jeu de lumière et de perspective... ça me donne l'impression d'arriver dans un lieu privilégié où le temps s'arrête et où je pourrais laisser vagabonder mon imagination, comme quand j'étais p'tite...

Tres beau topic :blush:

Felicitations.

La Chambre rouge (ou Harmonie en rouge), 1908 :

La Musique, 1939

Une très peu connue mais que j'aime beaucoup pour sa délicatesse, c'est celle-là :

et celle-là pour le jeu de lumière et de perspective... ça me donne l'impression d'arriver dans un lieu privilégié où le temps s'arrête et où je pourrais laisser vagabonder mon imagination, comme quand j'étais p'tite...

Superbes!

La Chambre rouge (ou Harmonie en rouge), 1908 :

Coucou la Fine Mouche ! :blush:

C'est marrant que tu nous mettes ce tableau-ci qui a une histoire assez rigolotte, au demeurant !

Bon, j'te la raconte ?! Oui ?! T'es prête... C'est parti !

Comme tu peux le constater, Matisse perturbe complètement sa vision d'une scène pourtant courante : une servante en train d'évoluer dans un salon. Ici, les éléments décoratifs de la nappe, s'étirent et rampent en dehors de la table pour grimper sur les murs. L'extérieur que l'on voit par la fenêtre semble même être accroché au mur, telle une toile. Le tout est... rouge, d'où son nom.

Oui, mais il n'en a pas toujours été ainsi ! Le collectionneur russe qui en fit l'acquisition le vit débarquer tel que chez lui, sauf qu'à l'origine, il l'avait vu en... bleu !

Tiens tu me l'apprends! je ne savais pas qu'à l'origine la chambre rouge était bleue! Du moment que le collectionneur n'est pas déçu... :blush: (mais comment l'être!).

Je ne saurais trop dire pourquoi, peut-être justement à cause de ces couleurs et de ce rouge mais je l'aime beaucoup ce tableau ; la scène est calme, reposante, moi elle m'apaise...