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Le peuple de Belizarius - Le totem du castor


Belizarius

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VIP, Mangeur de fromage, 44ans Posté(e)
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Le peuple de Belizarius - Le totem du castor

L'astre du jour était encore haut dans le ciel quand les pères des eaux firent leur apparition. Leur barrage avait bien avancé cette dernière lune. Le niveau de l'eau avait déjà monté, masquant les nombreuses souches. Llywlch, pour son rite d'initiation, devait veiller les castors et apprendre d'eux tout ce qu'il pourrait. Après trois jours de jeûne, il serait considéré comme un homme s'il arrivait à fabriquer un outil en bois sculpté. Le jeune garçon rêvait d'un outil original et inédit, mais, pour sa première journée, il avait encore du mal à trouver quoi.

La tribu avait grandement bénéficié de la contribution des castors. La sculpture du bois était un atout considérable pour le village. Récipients, épieux durcis au feu, quelques outils... On trouvait aussi vêtements de peau ou outils en os, lorsqu'un père des eaux donnait sa vie pour la tribu.

Celle-ci s'était installée dans des grottes logées au sommet d'une paroi rocheuse, surplombant la rivière. Les quelques essais de construction en bois en bord de l'eau n'avaient pas encore vraiment convaincu. Le toit n'était pas totalement étanche en cas de forte pluie, et surtout le feu trop dangereux. Le feu sacré, tombé du ciel lors de la mort des étoiles, était jalousement conservé et alimenté tout au long du jour par les anciens. C'était sans doute le bien le plus précieux du peuple du castor, avec les enfants. L'avenir de la tribu ne serait assuré qu'avec une descendance nombreuse et vigoureuse, et seul le feu différenciait les deux-jambes des bêtes.

Les habitations en bois ne servaient donc qu'en été, quand le feu devenait moins nécessaire avec un climat agréable, et des pluies moins nombreuses. L'utilisation de boue séchée, comme les castors, avait tout de même donné quelques résultats intéressants. Il y avait encore beaucoup de travail, mais les idées avançaient et les anciens avaient bon espoir que la saison suivante permette de s'installer sur la plaine, facilitant ainsi le ravitaillement. Quelques originaux avaient pour leur part décidé de s'installer sur l'eau, comme les castors. Ils comptaient planter de gigantesques troncs au fond de l'eau, et poser sur ceux-ci une plateforme de rondins et y construire une cahute. Les anciens avaient donné leur accord et de nombreux enfants amusés assistaient aux efforts d'une dizaine d'hommes et de femmes.

A proximité du promontoire où se trouvait le village, la tribu pouvait s'approvisionner facilement : une vaste forêt giboyeuse, une rivière large mais peu rapide où les pères des eaux vivaient et où l'on trouvait quantité de poissons dans les combes créés par les barrages. La rivière se jetait à quelques encablures de là dans une vaste étendue d'eau, imbuvable car trop salée. Au-delà, d'autres terres apparaissaient, et les anciens se perdaient en conjectures sur celles-ci. D'aucuns prétendaient que c'était le séjour des dieux. D'autres réfutaient cette vision, arguant que les dieux restaient forcément cachés et se trouvaient plutôt au ciel, ou dans l'eau. Certains voyaient même les castors comme des dieux. Les derniers, enfin, plus téméraires - et souvent plus jeunes - rêvaient juste d'autres terres, identiques ou non, mais forcément captivantes.

L'étendue d'eau n'était en tout cas pas franchissable. Même en copiant les castors, les dons de nageurs des deux-jambes n'étaient pas suffisants et la terre aperçue trop lointaine... dès que l'eau arrivait au niveau du cou, la panique arrivait. Certains avaient bien tenté d'avancer en se posant sur un tronc d'arbre, avec un succès mitigé : le ressac rejetait les hommes sur le rivage, et on en était quitte alors pour un bon bain. Toutefois, bien des jeunes tentaient l'aventure, sous la vigilance de quelques femmes du village. Un accident était en effet vite arrivé et la protection des petits restait la mission première.

Les dangers demeuraient nombreux : si le paysage paraissait parfait, la vie au village n'était pas exempte de frayeurs. Ours, lynx, chutes de pierre, piqûres ou coupures qui s'infectaient... Le savoir des anciens, transmis de génération en génération, permettait parfois de sauver la malheureuse victime. Les plantes, et notamment l'écorce de bouleau, cadeau des castors, se buvaient en infusion, ou se posaient en cataplasmes avec de la boue séchée. Le bois servait parfois d'attelle ou de canne. A chaque saison malgré tout, un ou plusieurs membres de la tribu rejoignait les esprits et ses connaissances et son expérience se perdaient.

C'est pourquoi la transmission du savoir était vitale pour la survie du groupe. Chacun apprenait de l'autre et les enfants, dès leur plus jeune âge, participaient à toutes les activités. Les techniques de sculpture sur bois, l'habilité à la chasse avec le maniement de l'épieu ou le bon placement par rapport au vent, la taille du silex qui se développait pour fabriquer des outils, le tressage des joncs ou herbes pour fabriquer des liens, la pêche aussi en observant les ours ou les castors, tout était bon à savoir. Même la construction des cahutes de bois se faisait collectivement. Ainsi, le départ brutal d'un esprit pouvait être compensé par le savoir des autres.

La quête du savoir était donc l'objet principal du rite de Llywlch. Le jeune garçon devait lui aussi apporter sa contribution au village, trouver quelque chose d'utile, prouver qu'il n'était plus un enfant dépendant du clan. Contemplant rêveusement les castors, le vol des oiseaux, le vent dans les arbres, il laissait l'infusion d'écorce de bouleau faire effet et lui procurer, peut-être, une vision inédite. Là-bas, un castor nageait rapidement, poussant une branche. Ici, un autre rongeait le pied d'un arbre. Un troisième tassait la boue sur le barrage. Ce quatrième luttait contre une branche... celle-ci pliait, pliait sans rompre... soudain, l'animal lâcha la branche et celle-ci remonta à une vitesse incroyable, expédiant un malheureux nid d'oiseau à plusieurs pas de distance. Llywlch, fébrile, se leva, les yeux grands ouverts. La scène repassait à l'infini dans son esprit.

La voila, l'idée !

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