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AUBE, la saga de l'Europe - le Feuilleton

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Marc Galan

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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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L'escorte avançait, dans une routine d'ostension de la pierre, de démonstration de ses pouvoirs, de longues explications de sa symbolique, de banquets où les villages, d'admiration et de crainte sacrée, se ruinaient en viandes choisies, de nuits avec des servantes s'attendant aux plus grands exploits de ces chéris des dieux et dompteurs du Muet farouche. Les rares inconfortables haltes en forêt, à côté de ces interminables fêtes dont, sans l'obligation de montrer partout le Joyau, ils se seraient bien passés, en devenaient bénédiction.

Il en avait pris son parti. Hormis Gwowomakwelya, où ils échangeraient quelques bijoux contre des chevaux, ils éviteraient les villages. Ce n'était pas la volonté des dieux. Il devait annoncer à tous la grandeur renouvelée d'Aryana. Ils le lui rappelèrent, de leur façon implacable, à la hauteur d'un homme si favorisé.

... La nuit était bien fraîche. Tous se pelotonnaient sous leurs fourrures. Les plus frileux avaient profité de l'abri du chariot ou se protégeaient du vent derrière un muret de branchages édifié à la hâte. Un gémissement sourd, allant croissant, avait jailli des lèvres du chef de patrouille. Un guerrier ne se plaint qu'à la toute dernière extrémité. Alerté, il s'était empressé auprès de lui. De quoi souffrait-il ? Le chef, entre les nausées qui le secouaient et les vomissements qui avaient suivi, l'empêchant d'avaler une boisson lénifiante, avait dit sa douleur. Un démon, tout crocs et griffes, avait, profitant de son sommeil, pénétré par sa bouche ouverte. Il lui dévorait les entrailles dans l'espoir d'en sortir. Par pitié, qu'on lui ouvre le ventre pour le libérer, afin que cesse son tourment. é son aune, douce serait la mort.

é son chevet, lui bassinant le front gras d'une épaisse sueur puant déjà la tombe, il n'avait pas eu besoin d'en entendre plus. Il n'avait pas le droit de tuer l'agonisant... Hélas. Il était perdu. Les heures le séparant de sa fin ne seraient qu'une longue plainte.

Il aurait su réagir devant une côte cassée. En attendant que la nature la recolle, il lui aurait administré des herbes qui soulagent. Il aurait même su réduire une fracture franche ou replacer une épaule luxée. Il ne pouvait rien contre ce mal, que suivre les progrès de la camarde et prodiguer de vaines consolations. De temps en temps, l'agonisant tentait d'articuler quelques mots. é part un lancinant « Je suis bien puni. » , on ne pouvait rien tirer de son incohérent délire.

Il le veilla. De quoi était-il bien puni ? Il n'avait pas la force, à moins que se taire fût la seule qui lui restât, de le dire. Il avait salué Pewortor comme ner pour que son Joyau soit celui de la prophétie. Il ramenait le Signe et son inventeur. Il partagerait sa gloire. Il avait vu juste.

Les dieux se réservaient un autre moyen de dévoiler la haute caste du forgeron. Il les avait irrités en les devançant. Ils l'en châtiaient. Il mourut juste après ciel rouge, ses gémissements une longue plainte continue à peine audible, lèvres scellées sur sa honte secrète.

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Marc Galan Membre 421 messages
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C'était sa troisième journée dans le bien, bien petit village. Il trouvait les Loutres ennuyeux à en mourir. C'était, face à la placidité de ce hameau, un lieu de fureur et frénésie ! Le seul bruit un peu violent était quelques bêlements.

Des hennissements le tirèrent de sa grasse matinée. Il sortit de la maison des hôtes, une hutte à peine plus confortable que les autres, pour voir ce qui se passait. Il n'était pas le seul. Tout le village était rassemblé pour saluer un petit groupe d'une main d'hommes convoyant une vingtaine de chevaux. Les villageois et les arrivants s'entretinrent un bon moment. Il les écouta. Les visiteurs étaient à la recherche de guerriers assez riches pour acquérir leurs superbes coursiers. Il les contemplait, avide. Son envie n'échappa pas à l'un des convoyeurs.

¿ Allons, gamin, ces bêtes sont pas dans tes moyens !

Les autres rirent à son unisson. Il venait se proposer de les guider vers Kleworegs. Il y renonça sur-le-champ, revenant à son projet initial : voler une monture pour mener sa quête à bonne fin. L'avait retenu le refus de répondre aux bienfaits et à l'hospitalité par un geste aussi impie. Les dieux avaient compris son scrupule. Ils lui envoyaient, remerciés soient-ils ! des victimes qu'il n'en aurait aucun à spolier. S'il en faisait ses complices involontaires ? Non, il n'avait besoin de personne, surtout pas de ces prétentieux. Malgré sa ranc¿ur envers eux, il ne les conduirait pas à la mort.

Il prit un visage béat de benêt. Il pourrait mieux préparer son coup. Il s'éloigna du groupe, alla examiner l'enclos des chevaux. La barrière en serait aisée à ouvrir. Il ne s'inquiétait pas des convoyeurs. Les villageois leur offraient à boire. é en juger par les lampées qu'ils s'envoyaient, ils seraient gris avant ciel rouge. S'emparer d'un étalon serait facile. Il ne craignait que leurs hennissements s'ils se sentaient surpris. Il se porta volontaire, au nom de l'hospitalité, pour leur donner leur pitance. Déjà familiarisés avec lui, ils seraient sages quand il viendrait dans la nuit pour s'enfuir avec l'un d'eux. Nourrir et panser un cheval sont, dieux merci, des tâches dont un seconde caste n'a pas à rougir. Il aurait curé des feuillées pour accomplir sa vengeance.

Le soleil se coucha. Il était fin prêt. Il avait cédé sa place aux visiteurs et était allé dormir sous un petit appentis près de l'enclos. Il avait déjà lié amitié avec les chiens du village, molosses par la taille, non la hargne. Il avait mis dans son sac, au cas où l'un d'eux retrouverait ses vertus guerrières, son repas du soir. Autant qu'il y porte la dent, plutôt qu'à ses mollets.

Il somnola un pas de lune. Le froid était assez piquant pour qu'il n'entre pas en sommeil, l'attente assez longue pour que chacun s'endorme. Une petite alerte le réveilla tout à fait. Un des étrangers sortit se soulager, sans qu'ils ne se départissent de leur placide indifférence. Il pouvait agir sans crainte. Ils ne réagiraient à rien de ce qui se passait dans le village, dressés à gronder contre ceux qui s'en approchaient, non ceux qui s'y trouvaient ou en partaient.

Il attendit encore pour être sûr de ne pas être dérangé. Il se leva et se dirigea vers l'enclos. Il avait vu juste. Il n'y eut aucun aboi. Seuls quelques chiens relevèrent le museau à son passage. Ils le reconnurent. Le village ne courait aucun danger. Ils revinrent à leur sommeil. Il n'y en eut qu'un pour le suivre, sans hostilité. S'il lui jetait à manger ? Il en serait toujours temps s'il montrait les dents.

Il arriva à la barrière. La plupart des chevaux dormaient. Les autres ne s'inquiétèrent pas. Il avait été aux petits soins pour eux. Il l'escalada. Il se dirigea vers la bête de son choix, lui caressa la tête et les naseaux, lui fit mille flatteries. Elle se leva. Il marcha vers la barrière, l'entrouvrit. Le chien le regardait, passionné, amical, la queue remuant à une vitesse folle. Il retourna auprès du cheval, l'entraîna. Le coursier le suivit, se faufilant par l'étroit passage. Il s'empressa de le refermer. Tout ce qui pourrait laisser croire qu'il s'était enfui en sautant la clôture lui ferait gagner un temps précieux. Dans un effort qui lui fit serrer les dents pour en avoir trop demandé à sa jambe mal guérie, il se hissa sur son dos. Il jeta sa viande au mâtin qui lui faisait fête. Il partit... sans perdre un instant. Sa vengeance était au bout de ce chemin.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Kleworegs reposait dans le village qui venait de lui offrir son hospitalité et celle de son cimetière des héros au patrouilleur mort. Il avait essayé de retarder l'instant du sommeil... de noirs cauchemars viendraient troubler sa nuit. La fatigue en avait eu raison. La nuit à veiller le mort ne lui avait pas apporté son saoul de repos. La nature se vengeait. Pourtant, que n'avait-il pas fait pour rester son maître, buvant et forniquant comme une brute afin de ne pas s'endormir ou d'être trop fatigué pour rêver. Son désir assouvi, il avait renvoyé la servante. Il était resté, le menton enfoncé entre les genoux. Sa journée avait été rude, éprouvante, comme si les dieux se vengeaient encore, après l'avoir tenu éveillé dans sa halte hors d'un village, en l'obligeant à festoyer jusqu'à s'écrouler à force d'excès.

Ils exigeaient que chaque halte soit l'occasion de festivités et de réjouissances, de surabondance et d'ivresse de tous les sens. Il obéirait. Cette obligation de vivre en héros et en géant lui signifiait une élévation sans pareille. Les festins offerts étaient gigantesques. Il devrait rendre cette somptueuse hospitalité. Seul un noble au très grand fief le pourrait. Ne pas se plier à ces invitations serait les offenser et refuser son destin. Il n'en aurait garde. Son surnom même de pieux ne l'obligeait-il pas à suivre en aveugle leurs messages, songes ou pensées inopinées.

Il était bon que tous lui reconnaissent cette vertu. Sans elle, aurait-il imposé aussi vite son arbitrage quand, sitôt le patrouilleur mort, une âpre controverse avait éclaté entre bhlaghmenes et guerriers, sur son cadavre encore chaud, pour déterminer les rites à observer et les prières à chanter ? Il avait obtenu l'assentiment de tous en quelques phrases quand ils s'étaient affrontés la moitié de la route du soleil. Il était en mission, autre forme de combat pour la gloire d'Aryana. Son corps serait mis en terre au prochain village, à moins d'une demi-journée. Ce serait un grand honneur pour son cimetière.

Ils y étaient parvenus peu avant ciel rouge. La cérémonie n'avait pas tardé. Les villageois s'étaient sentis frôlés par l'aile de la gloire. Ils leur avaient offert une beuverie de géants. L'hydromel semblait être tombé en pluie drue. Il s'était forcé pour boire et manger. Il ressentait, au moment de s'endormir, ces lourdeurs d'estomac qui préludent à des cauchemars dont on ne sort, au matin, qu'en sueur, hagard, hébété.

Pourvu que la fatigue assèche la source des songes ! Il ferma les yeux. De sa tête, de son ventre ballonné, qui lui causait le plus de gêne ? On voulait le faire mourir !

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Marc Galan Membre 421 messages
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Il avait talonné son cheval. La course à bride abattue l'avait emporté loin. Il se mit au pas. Il suffoquait de honte. L'absinthe de l'opprobre brûlait sa gorge. Ses hôtes le voueraient aux forces noires ; les convoyeurs enverraient un homme à sa poursuite. Les dieux sondent les reins et les c¿urs. S'il devait être maudit parmi les hommes, qui ne sauraient jamais la raison profonde de ses actes, leur indulgence lui était acquise. Il avait des provisions, une bonne arme. Rien d'autre n'importait. Une fois son devoir accompli, il livrait son corps et sa mémoire à ceux à qui il avait manqué. Ils ne pourraient guère le lui faire payer. Les hommes de Kleworegs l'auraient mis en pièces avant.

L'aube éclaircissait le ciel. Le jour serait frais et sec. Les sabots de son cheval ne marqueraient pas le sol. Maigre répit ! Quelques questions, un brin de réflexion, ils devineraient où il allait. Il s'était ¿ que pouvait-il faire d'autre ? ¿ trop intéressé au roi du Cheval ailé. Ils sauraient qu'il était à ses trousses. Tout dépendait du moment où ils se réveilleraient, constateraient leur malheur, décideraient de le venger. Ils ne pouvaient abandonner leurs bêtes. Un seul partirait à ses trousses. Ce serait endurance contre endurance, ruse contre ruse. Il lui échapperait le temps nécessaire.

Kleworegs n'aurait pas cette chance... Il ne savait pas sa némésis en marche.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Quelle migraine ! Les mouches à miel vrombissaient sous son crâne ; il n'arrivait pas à décoller ses paupières. Il cracha sur le bout de ses doigts et se les passa sur les yeux. Il put enfin les ouvrir. Medhwedmartor, seul solide, soulevait et lançait au loin de lourdes pierres. Tout le reste de l'escorte sortait du lourd sommeil de l'ivresse. Pourvu que les gardes du k'rawal n'aient pas suivi son mauvais exemple ! Le Joyau, entouré du respect inhérent à tout objet sacré, ne risquait rien. Mieux valait cependant que ses protecteurs restassent lucides à tout instant.

Il s'étira, se leva, gourmanda ses troupes. Des yeux s'écarquillèrent, des bouches s'ouvrirent en longs bâillements, on grogna, on grommela, mais tous furent bien vite debout.

Il avait soif. Il se fit apporter une grande outre d'eau, glacée comme la rosée du matin. Il se sentit tout de suite mieux. Le vrombissement dans sa tête décrût, disparut. Il fit jouer ses muscles. Il les sentit s'assouplir. Cette nuit d'ivresse ne laisserait pas de séquelles. Elle avait même eu du bon. Il n'avait pas eu les cauchemars qu'il redoutait après la mort du patrouilleur.

Il se dirigea vers le chariot du butin. Pewortor y avait veillé, malgré les monceaux de viande et les cruchons d'hydromel engloutis. Il fut un peu jaloux. Son nouveau ner avait tenu mieux que lui tous ces excès. Ah mais ! Il n'avait pas passé la nuit à soutenir un agonisant, lui. Plutôt une fausse excuse que reconnaître la supériorité, en force et en résistance, d'un ancien troisième caste ! Envier un forgeron n'était pas digne de son rang. Il oublia vite son souci. Il était temps de partir.

Après de longs préparatifs, ils se mirent en route. L'escorte du Joyau, à sa grande surprise, se vit entourée de sa propre escorte. Tout le village honoré de sa présence lui faisait cortège. Elle s'égrena petit à petit, mais il en restait encore quand ils parvinrent au village suivant. Cette popularité l'inquiéta. Quelle folie d'avoir jalousé Pewortor ! Si les dieux s'irritaient de toutes ces acclamations ?

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Marc Galan Membre 421 messages
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Les convoyeurs ne se réveillèrent qu'au milieu de la matinée. Les vapeurs de l'ivresse embrumaient encore leur esprit. Entre ceux qui voyaient double et ceux qui n'en croyaient pas leurs yeux, il leur fallut un bon moment pour se mettre d'accord : il leur manquait un cheval ! ... Ce n'est qu'au début de l'après-midi qu'ils virent un rapport entre l'absence du jeune homme et la perte d'une de leurs bêtes. Le sale petit voleur avait bien choisi. La plus belle, dont ils espéraient tirer le meilleur prix. Il ne leur restait qu'à pleurer la monture enfuie, et tenter de vendre mieux les restantes pour compenser sa perte.

Le plus jeune ne l'entendit pas de cette oreille. Ce cheval était son préféré. Il avait capturé sa mère au lasso, l'avait mis au monde, s'en était occupé poulain. Même s'ils partageaient tout en parts égales, il n'entendait pas perdre la bête qu'il avait élevée. Il poursuivrait le voleur. Ils soupirèrent. Il pouvait être n'importe où. Retrouver une aiguille dans un pré serait plus facile.

¿ Faites ce que vous voulez ! Moi, je laisse pas tomber !

Leurs hôtes étaient emportés contre le ravisseur. Ils ne se feraient pas faute de lui indiquer tout ce qu'ils avaient pu deviner de ses intentions et de sa destination. Il alla voir le chef et attisa sa rage. L'homme lui cracha tout ce qu'il savait du misérable. Son discours indigné manquait de cohérence. Il mettait tous les faits, anodins comme importants, sur le même plan. Il écoutait tout ce fatras, essayant d'y trier ce qui pourrait servir à sa quête. Cet intérêt qui sonnait faux pour Kleworegs ! Ces mines hostiles et ces rictus quand on évoquait ses exploits ! Son voleur poursuivait Kleworegs... pas pour l'honorer, pour lui nuire. Il s'en serait, sinon, enquis sans détours.

Qui était ce Kleworegs ? Où le trouverait-il ? Par chance, il avait parlé des deux grands villages où il ferait halte. Le voyou, même à grand train, ne le rattraperait qu'un jour ou deux avant Kerdarya. Déjà plus d'une demi-journée de retard ! Quel dommage que le cheval volé soit si rapide et docile ! Enfin, il avait un petit avantage ! Il connaissait le chemin le plus direct jusqu'au grand marché à bestiaux quand l'autre perdrait son temps à chercher sa route. Ce ne serait hélas pas suffisant.

Ils discutèrent encore longtemps. Deux avaient passé le coursier aux profits et pertes. Ils s'élevaient contre son projet. Les deux autres appuyaient leur compagnon déterminé à le reprendre et à châtier son ravisseur. Il se fâcha. Chaque instant perdu, c'était un peu plus de champ donné au malfaisant... Et à défaut de vengeance, qu'ils songent au profit ! Kleworegs pourrait acheter leur troupeau. Ils se mirent d'accord. Qu'il parte à la recherche de sa bête ! Ils remontaient sur Kerdarya. Quant à lui, s'il pouvait oublier le vol et avertir le roi du danger... Sa reconnaissance valait le plus beau cheval. La suggestion était bonne, mais il ne s'y résoudrait qu'une fois récupéré son favori... Et il avait passé l'âge de recevoir des ordres, même déguisés.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Le passage de Kleworegs avait fait grand bruit. Il n'eut aucune difficulté à s'enquérir de sa route. Il parvint vite à Gwowomakwelya. Si le temps des grandes foires était terminé, il y restait encore nombre de guerriers désireux de troquer leurs bêtes. Il serait sage de brouiller sa piste. Sa monture était trop reconnaissable avec son étoile blanche au milieu du front. Il s'était trop fait remarquer à demander son chemin. Son poursuivant éventuel devait être à ses trousses. Il prendrait un cheval anonyme, bon coursier, à la robe le plus neutre possible. Il trouverait sans peine troqueur.

Il parcourut des yeux les enclos. Les guerriers souhaitant céder leurs chevaux les y avaient installés. Tous le regardaient, envieux. Lui qui voulait être discret ! Il finit par trouver son bonheur. Un troupeau assez important pour que son convoyeur n'en connaisse pas bien les bêtes une par une. Il en repéra parmi elles plusieurs banales au plus haut point, à ne pouvoir les distinguer. Il y choisirait sa nouvelle monture.

Il s'approcha. Le bel étalon était une aubaine. L'échange fut vite conclu. Il profita de ces dispositions. Son vendeur lui fournit tous les renseignements qu'il désirait. Kleworegs était passé peu avant. Il pourrait le rejoindre dans la forêt entre Walkwis et Kerdarya. S'il se pressait, il le rencontrerait vite. Ils pourraient cheminer de compagnie deux jours durant.

Il exprima sa joie de retrouver bientôt celui qu'il cherchait. Le marchand lui sourit... S'il pouvait le rappeler à son bon souvenir. Il amènerait bientôt de beaux coursiers à Kerdarya. Il serait honoré que le guerrier au Joyau vienne choisir une monture dans son cheptel. Le gamin soupira.

¿ Je crains que mon influence ne suffise pas !

L'étrange sourire ! Ce n'était pas son problème. Il avait fait une bonne affaire, puisse-t-elle préfigurer la journée ! Il salua le départ de son client et lui souhaita la faveur de Bhagos. Le jeune homme ne répondit pas. Il caressait la lame de son poignard.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Le vendeur faisait la sieste. Il n'avait rien troqué depuis le matin, même si des amateurs s'étaient enquis de sa nouvelle acquisition. Il avait mis la barre très haut. Aucun chaland n'avait poursuivi à l'audition du prix demandé. Ils s'étaient en revanche intéressés à d'autres bêtes. Plusieurs seraient parties ce soir.

Il se réveilla. Le vent avait chassé les nuages. Ses visiteurs allaient revenir. De nouveaux clients, cherchant une monture d'élite, se présenteraient. Pourquoi pas celui-ci, scrutant tous les enclos d'un regard acéré ? Un peu jeune, mais il avait tout de l'acheteur potentiel. Un homme qui s'y connaissait en chevaux, un client avec qui il serait bon de conserver des relations, si jamais ils faisaient affaire. Peut-être l'avant-garde d'un groupe de convoyeurs l'attendant plus loin. S'avancerait-il à sa rencontre ? Mieux valait ne pas bouger. Il serait en plus forte position pour négocier... Et à quoi bon ? Il se dirigeait vers lui.

« Albhe Ster ! Blanche étoile ! »

Le nouvel arrivant avait crié. Le cheval troqué le matin même hennit et rua. Il mordit la longe qui le tenait attaché pour se délivrer et rejoindre qui l'avait appelé. Son acquéreur blêmit. Les ennuis arrivaient. Il avait eu tort de se féliciter de la naïveté du jeune vendeur, échangeant son étalon contre une bête certes robuste et rapide, mais sans rien d'exceptionnel. Il l'avait volé.

L'homme s'approchait, décidé à reprendre son bien. Il l'était tout autant à ne pas le lui rendre. Ce cheval était trop beau. Il le garderait, ou ne le troquerait qu'aux conditions que le mange-miel des contes impose dans les partages. Il se prépara à faire face.

¿ Dis donc, ce cheval-là m'appartient !

¿ T'appartenait, veux-tu dire. Il est fidèle, en tout cas. Il te reconnaît longtemps après que tu l'as abandonné.

¿ Qu'est-ce que tu racontes ! On me l'a volé il y a quelques jours. Tant pis pour toi, mais tu dois me le rendre. Je te fais serment que pour ce geste, je continuerai à courir sus au voleur et te ramènerai celui que tu lui as cédé.

¿ Tiens, tiens, on ne me l'avait encore jamais fait, ce coup-ci. Tu crois que je n'ai pas compris ! On n'aime pas beaucoup les voleurs de chevaux, ici.

¿ Mais tu m'insultes ! éa, je l'aime encore moins !

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  • 4 semaines après...
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Marc Galan Membre 421 messages
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Le jeune convoyeur était solide. Son coup de poing atteignit le maquignon à la pointe du menton. Il l'étendit pour le compte. L'autre se releva. Son crochet au foie jeta le convoyeur au sol, bras en croix. Il se remit sur ses pieds, s'ébroua. Ils s'agrippèrent par la tunique, s'insultèrent, échangèrent des coups.

La foule, ameutée « Eh, les gars, il y a un bourre pif au grand enclos ! » était accourue. Elle se passionnait pour la bagarre. Les adversaires semblaient de force égale. La lutte durerait. Quelqu'un s'enquit enfin de l'origine du pugilat. Il alla prévenir le bhlaghmen. Un vol de chevaux ne se règle pas à la légère.

Il arriva. Il les fit séparer. é part une pommette éclatée d'un côté, deux dents cassées de l'autre, rien de bien grave. Il les interrogea jusqu'à plus soif. Les pugilistes expliquèrent, avec force reniflements, les tenants et aboutissants de leur querelle. Le récit du marchand, certain de son bon droit, fut bref. Le convoyeur, pour prouver sa bonne foi, s'expliqua en détail et reprit l'affaire depuis le vol de sa bête dans le bien, bien petit village. Aucun n'en voulait démordre de ses prétentions. C'était au bhlaghmen d'arbitrer.

Il réfléchit. L'acquéreur avait été bien léger. Il aurait dû s'étonner de ce troc trop favorable. Il comptait gruger un naïf. L'arrivant, lui, pouvait être un voleur habile. Il s'était entendu avec un complice. Il lui avait confié son cheval à vendre. Maintenant, sous couvert de son malheur affiché, il tentait de le reprendre à son acheteur. Le jugeait-il assez crédule pour accepter de le lâcher ?

Marchand, voleur. C'était une seule et même sale engeance. Il décida de ne pas décider. Les dieux s'en chargeraient.

¿ L'étalon Albhos Ster a appartenu au guerrier qui le réclame, mais lui a-t-il été volé ces jours-ci ou l'a-t-il vendu il y a longtemps, et espère-t-il le récupérer par ruse et cautèle ? Il faudrait des témoins. Avant de les trouver, nous serons tous morts. Qu'il se soumette au jugement des dieux ! ...

Il se dirigea vers une haute barrière. Il se campa à sa droite.

¿ Si ce coursier à l'étoile blanche est tien, tu le maîtrises bien. Fais-la lui sauter. Cela n'est possible qu'avec une bête qu'on a bien en main et qui fait corps avec son cavalier. Si tu réussis, tu repars avec lui, et tu prends une bête de ton choix à ton accusateur. Sinon, il le garde, et tu lui donnes le tien. Il en sera de même si tu refuses cette épreuve. Ta réponse ?

¿ En doutes-tu ! ?

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  • 4 semaines après...
Membre, 63ans Posté(e)
Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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Le prêtre alla prendre le cheval par la bride. Il le lui amena. Le convoyeur flatta la tête de son ami, et sauta d'un coup sur son dos. Plusieurs guerriers, non loin, le guettaient, juchés sur leurs montures. Ils s'attendaient ¿ l'envie l'en avait effleuré un instant devant la difficulté de l'épreuve ¿ à ce qu'il tente de fuir. Il ne leur offrirait pas ce plaisir. Difficile n'est pas impossible. Les dieux l'aideraient. Il prit son élan.

Les sabots arrière frôlèrent la barre. Les acclamations le rassurèrent. Il avait réussi. Il avait fermé les yeux en sentant le léger choc sur le bois. Quand il les rouvrit, une petite foule l'entourait et tapotait les flancs de son cheval. Un autre groupe serrait et insultait son accusateur. Il les héla.

¿ Laissez-le !

Il s'avança vers lui. L'homme regardait ses doigts de pied, buté et morose. Il serait chevaleresque.

¿ Inutile de m'emmener à ton enclos choisir ma bête ! C'est fait. Je prendrai celle qu'on t'a volée. Je n'en veux pas d'autre.

Le marchand soupira. Il s'en tirait à bon compte. Il ne put faire moins que de lui donner d'abondantes provisions. Ses renseignements étaient bien plus rares. Le cheval bai échangé contre Albhos Ster ressemblait à des centaines, à des milliers d'autres. Qui brouille ainsi sa piste prépare un mauvais coup. Il fallait reprendre la route.

Il était parti depuis un bon pas du soleil. Ses côtes lui faisaient mal. Il s'arrêta un moment. Il était un peu tôt pour se coucher, mais un surcroît de repos lui ferait du bien. Son antagoniste n'avait pas épargné ses coups. Il avait été trop indulgent. Qu'est-ce qui l'avait pris de refuser le coursier qu'il lui devait ? Sa volonté de rattraper son voleur l'étonnait plus encore. N'avait-il pas eu ce qu'il voulait ? Blanche étoile paissait à quelques pas... Et il continuait sa chasse, devenue vaine... Rien que pour se venger des coups reçus ? Non, il y avait autre chose. C'est lui qui avait suggéré à ses amis de trouver Kleworegs. Le voir, s'en faire connaître, le protéger de son ennemi, devenir en le sauvant un héros célébré, était son nouveau but. Il ne poursuivait plus son voleur, mais la gloire. Sa nouvelle cible était bien plus digne que l'ancienne. Avec quel plaisir, sinon, les aurait-il attendus !

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Marc Galan Membre 421 messages
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Il avait hésité un moment entre chevaucher à petit train ¿ Son très éventuel poursuivant avait sans doute retrouvé son ancienne monture. Il s'expliquait à coups de glaive avec son nouveau maître et les autres maquignons ¿ et continuer sa quête. Il ne balança pas longtemps. Il devait rattraper sa cible avant sa sortie des bois entourant Kerdarya. Flâner n'était pas le meilleur moyen d'y arriver.

Sous le firmament, il se fit un lit de branchages et d'herbes. Combien lui restait-il à vivre ? Tous les rois, en faisant fête à Kleworegs, l'avaient bien retardé. Remerciés soient-ils ! Il n'aurait plus guère à attendre pour exercer sa justice.

Là-haut, tout un bestiaire sarabandait. Sek, le chasseur toujours attaché à sa proie, le menaçait de sa flèche. Son corps était ramassé à bondir. Sa main armée pointait vers Kerdarya. Si ce n'était pas une invite ! ... un ordre ! Sa victime était au bout de ce chemin. Comme le chasseur céleste, il l'atteindrait à coup sûr. Il ferma les yeux. Le temps d'après sa vengeance sanctifiée ne lui appartenait déjà plus. Il s'endormit.

La chasse continua. Les proies allaient l'âme en paix ¿ leurs arrières étaient sûrs ¿ ; les chasseurs suivaient leur piste à bride abattue ¿ ils les rejoindraient bientôt ¿. Kleworegs, objet tant d'une vindicte mortelle que d'une volonté protectrice, ignorait l'une et l'autre. Il nageait dans le parfait bonheur du héros acclamé partout où il passe. Ses hôtes d'un soir étaient, dans ces terres plus actives que celles du midi, aux échanges plus fréquents, moins prodigues en viandes grasses et boissons fortes. Il pouvait enfin manger sans excès au lieu de se bourrer à s'en faire éclater la panse. Pewortor observait les armes. Ils étaient bien équipés. Les forgerons lui parlaient d'un maître qui leur avait enseigné des secrets reçus de la bouche même des dieux. Après son départ, ils s'interrogeaient. Le guerrier si curieux lui ressemblait un peu. Le jour viendrait peut-être où il répondrait à cette question, comme ils avaient répondu aux siennes.

é l'insu de Kleworegs, son tueur se rapprochait. Il avait l'esprit clair et joyeux. Sa discussion avec des paysans au bord de la route l'avait éclairé. Il avait beaucoup gagné sur lui. Ce n'était pas une raison pour traînasser. Il ne pourrait attaquer de front un homme de sa trempe entouré de dizaines de guerriers. Il devait étudier un plan qui lui permette de frapper un seul coup ¿ Il n'aurait pas droit à plus ¿, mais décisif. Il avait besoin d'une journée au moins. Il n'aurait guère de façons d'abattre celui qu'il voulait voir mort : le tuer dans son sommeil, déjouant les sentinelles, ou se jeter sur lui, quand il se croirait en parfaite sécurité, en une attaque suicide. Toute autre l'exposerait à la mort avant d'avoir accompli sa vengeance. Après, il n'importait !

Il était satisfait. L'avance de son voleur fondait. Quoi d'étonnant avec deux montures ? Le rattraperait-il avant l'orée de la grande forêt ? S'il y échouait, il renoncerait à sa chasse. Il courrait tout droit prévenir Kleworegs. Il eût préféré lui amener, lié, son ennemi. Il était un homme reconnaissant. Il récompenserait qui lui avait sauvé la vie... é moins qu'il ne rie, devant la faiblesse et le jeune âge de son adversaire. Il tenait en ce cas prêtes cent légendes contant comment un serpent avait vaincu les plus grands héros, ou un aveugle abattu un roi en l'atteignant par jeu d'un trait mal placé. Il serait convaincu. Il le comblerait de dons. Oui, il devait vite capturer le petit malfrat. Cette tâche aisée lui vaudrait un précieux ami...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Maudit soit-il pour sa bêtise ! Jamais il n'avait autant dormi ¿ un jour où il ne fallait pas paresser ¿ depuis plusieurs mois. Il avait calmé la douleur de sa pommette en mâchant l'herbe qui endort. é force d'en reprendre, il était tombé dans un long sommeil. Tout le terrain gagné la veille avait été perdu. Il n'était plus que grignotage de souriceau face à l'énormité du champ repris par sa cible. Il sauta sur son cheval. Les lamentations ne feraient que le retarder. Il ne lui restait qu'à prévenir celui qu'il voulait sauver.

L'année s'avançait. Le temps, à l'approche de l'hiver, se mettait au gel. Le froid ne les gênerait pas longtemps. Leur prochaine halte serait Walkwis, le grand marché à fourrures, débouché naturel de la forêt s'étendant de ses confins jusqu'à Kerdarya. Avec ses nombreuses tanneries, il exhalait une puanteur qui le signalait de loin. Une autre senteur les accueillit. Ils trouvèrent, à leur grande surprise, au lieu d'un rendez-vous de trappeurs, un bourbier couvert d'un épais brouillard de miasmes fétides. Ses rares habitants les renseignèrent. Ce malheur était tout récent. Des mouvements de terrain avaient surélevé et déplacé le lit des rivières sur les rives desquelles travaillaient les corroyeurs. Walkwis ne serait bientôt plus qu'un nom dans les mémoires, à moins qu'il ne devienne Laksis, Celui du poisson.

Ils étaient unanimes. Pas question de rester un instant de plus dans le village inondé et détruit ! Ce fut encore trop pour la moitié de la troupe. Elle ne garda de ce court séjour qu'un rhume persistant. Le nez des derniers malades coulait encore la veille de leur arrivée.

Maudits jumeaux de la nature ! Il était arrivé à ce qui ne serait plus jamais Walkwis. Il y avait appris le passage en flèche de sa cible. Il fulminait. Quelle malchance que l'ancien rendez-vous des trappeurs ait été envahi par les eaux ! Kleworegs y dormirait encore ou n'en serait, au pire, éloigné que d'une brève chevauchée. Au lieu de cela, il était déjà bien engagé dans la forêt, par n'importe laquelle de ces trouées au loin. Aucun de ceux capables de lui dire la bonne n'était resté. Il n'abritait plus que des vagabonds en haillons. Ils fouillaient la boue qui cachait peut-être des poteries, des bijoux, des armes. Il préféra ne pas les déranger plus longtemps. Son interlocuteur était tombé sur un filon... décevant. Des beaux tissus ne supportent pas une immersion prolongée. Il s'éloigna.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Ceux qui exploraient la vase n'avaient jamais autant été dérangés. Un troisième fâcheux avait surgi. Il était juché sur une bête superbe et en tenait une autre par la bride. Ils ne relevèrent même pas la tête. Ils ne s'étonnaient plus de ce défilé. C'était des retardataires. Ils le renseignèrent sans cesser leur travail. Les siens devaient avoir pénétré dans les bois depuis la veille, après leur départ du « village » trop humide à leur goût. Ils ignoraient par où... Une trouée, dans la forêt. Tout le reste serait supposition ou mensonge.

Il la regarda, au loin, pourpre sous le crépuscule. Le rouge de ses cimes embrasées avait des lueurs de sang.

Il se mit en marche vers sa lisière. Il ne s'arrêterait qu'au pied des premiers arbres. Il ne craignait pas la nuit. Seul la perspective d'un sommeil mauvais ¿ il userait sa vigilance ¿ ou trop long ¿ il laisserait sa cible prendre encore du champ ¿ l'effrayait.

Le messager savait quelle trouée emprunter. Le jour même où ils avaient renoncé (Que pouvaient-ils faire d'autre ?) à se reposer dans les parages du village inondé, ils trouvèrent un petit abri à l'entrée de la piste. Ils y dormirent tout leur saoul. Il se lamentait sur son Walkwis. Il deviendrait un immonde nid de moustiques. Ses compagnons tentèrent de le consoler. On créerait tout près un nouveau rendez-vous de trappeurs et de chasseurs, aussi vivant et animé. Cela ne lui fit aucun effet. Il avait attrapé un sérieux rhume sur les ruines du wiks de son enfance. Cette conjonction de maladie et de destruction était un présage funeste.

Kleworegs regardait sa troupe. On y toussait, éternuait, crachait, se mouchait à tout va. Même Pewortor, fier pourtant de sa solidité à faire honte au roc, éternuait, de temps à autre, en sonorités à faire s'écrouler une montagne.

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  • 3 semaines après...
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Marc Galan Membre 421 messages
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Il essayait de trouver la piste de l'escorte. Pendant longtemps des caravanes avaient fait la navette entre le marché aux fourrures et Kerdarya. En désespoir de trouver les traces de ceux qu'il cherchait, il suivrait la plus fréquentée, aux ornières les plus profondes. Les autres menaient à des culs de sac ou l'éloigneraient. Si son instinct le trompait ? Il fut vite rassuré. Accroché à une tige d'herbe brillait, sous le soleil, un gros crachat sanguinolent. En un instant, des centaines de détails à peine entrevus, encore moins remarqués, tout au long de son chemin, se remirent en place. Il était tombé juste. Elle était tout près, au bout de cette route. Pourvu qu'ils n'aient pas envoyé un détachement en surveiller les arrières ! Le risque en était mince. On n'attend pas, en terres amies, celui dont le cheval a voulu muser ou souffre des sabots. Il pourra toujours rejoindre les siens à leur halte.

Continuerait-il jusqu'à la rejoindre et l'observer au cas où il devrait frapper de nuit ? S'arrêterait-il dès qu'il verrait un lieu assez abrité ? Il opta pour le premier terme. Même s'il ne devait qu'entr'apercevoir sa cible, et s'endormir aussitôt après, le but entrevu mettrait dans ses veines une nouvelle puissance et conforterait sa volonté. Il se sentirait plus assuré pour sa vengeance. Il n'avait jusqu'à présent qu'entendu un nom. Il devait, pour savoir s'il aurait la force de frapper, voir un homme.

Il chevaucha, chevaucha dans la nuit. Ses yeux se fermaient, il baillait. L'orée du bois se rapprochait. Soudain, sous les rayons de lune tombant d'entre les branches dépouillées, il vit un petit feu, et de nombreux petits monticules entourant un monticule plus gros... Kleworegs, son escorte, son chariot... Il touchait au but.

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  • 3 semaines après...
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Marc Galan Membre 421 messages
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Il s'était installé tout près du camp. Ils allaient se réveiller. Il attendait, impatient. Il apercevrait Kleworegs avant de s'endormir. Il avait fait un long détour et attaché son cheval à bonne distance pour éviter que, sentant ses congénères, il ne hennît. Il se tenait derrière un buisson de ronces. Elles avaient perdu presque toutes leurs feuilles, mais avaient poussé drues, serrées à former un muret qui le cachait, et hostiles. Personne ne viendrait par ici. é condition de ne pas s'endormir de fatigue sur les épines, son poste de guet était plus confortable que celui d'où il avait observé son sanglier.

Le petit camp était silencieux. Les sentinelles, zélées, tendaient l'oreille au moindre bruit. Il avait avancé, furet, en tapinois. Elles n'avaient rien remarqué de son approche et de son affût muets. Le feu s'éteignait à mesure du lever du soleil, comme si sa pauvre lueur s'effaçait devant l'éclat céleste. Les guerriers s'éveillèrent.

Ils se plaignaient de la fraîcheur nocturne. Quelle fraîcheur ? L'attente avait coupé en lui toute sensation. é mesure qu'ils s'étiraient et se levaient, il tentait de deviner lequel allait mourir. Certes pas le colosse qui se raclait la gorge et venait de cracher vers le buisson, le manquant de peu malgré la distance. Le borgne qui le saluait avait bien une prestance royale, mais Kleworegs eût été connu sous ce nom s'il avait perdu un ¿il. Assez joué aux devinettes ! Il le saurait vite. C'est toujours le roi qui donne le signal du départ. Pourvu qu'ils ne tardent pas. Le sommeil le gagnait.

L'ankylose se mit de la partie. Il tint bon. Cette attente l'avait édifié. L'attaque de nuit, furtive et imparable, était exclue. Les gardes ne l'avaient pas remarqué pour la seule raison qu'il était resté au-delà du cercle de sécurité qu'ils s'étaient tracé. Le corps du mulot que le plus gros avait tranché en deux, rien que pour vérifier ses réflexes et s'assurer de sa précision, était là pour le prouver. Il n'aurait pas le temps, de cette façon, d'accomplir sa vengeance.

Il revint à l'escorte. Ils étaient à cheval, prêts à partir. Un grand homme mince et musclé, à sa tête, levait son bras armé.

¿ Pour la gloire de notre nom, en route, compagnons !

Kleworegs ! C'était lui ! Il savait enfin à quoi il ressemblait.

La seule chose qu'il ne savait pas encore était comment il le tuerait, mais il le tuerait. éa, il le savait.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Il s'était posé les mêmes questions, avait fait les mêmes déductions. Son voleur oublié, seuls importaient le roi du Joyau et ses hommes. Il suivrait leur piste dès le point du jour. Il dormirait en attendant. Bien reposé, il parcourrait une plus longue étape. Il serait le soir à très courte chevauchée de qui il cherchait.

Il se fit un lit de branchages ¿ le sol était mouillé ¿ et se couvrit de son épaisse peau de loup. Le froid ne put rien contre lui. Ses montures coupaient le vent. Leurs flancs fournissaient une agréable chaleur. Il s'assoupit sans tarder.

L'escorte avait pris la grande trouée. Il retourna auprès de son cheval dormant déjà. Il l'aurait volontiers imité jusqu'au coucher du soleil. Le devoir primait. Son somme serait très bref. Au besoin, il somnolerait dessus. Il devait à un moment quelconque la rattraper et passer devant.

Il avait eu un signe en revenant près du coursier. Un milan fondait du ciel sur sa proie. Il avait remercié les dieux. Sa seule chance d'atteindre son ennemi était le guet-apens. Frapper, tuer, et... Ils savaient ce qui lui arriverait ensuite. Il s'en remettait à eux.

Il dormit tranquille. é son réveil, frais et dispos, le soleil était à mi-course vers son plus haut. Son poursuivant était en route depuis l'aube, dernier de ses soucis.

La chevauchée continua. L'escorte avançait parmi les arbres dont les dernières feuilles tombaient, malgré une résistance désespérée et inutile. Les rares à survivre mourraient au printemps, tuées par la sève nouvelle. La seule tache verte restait les immenses bois de résineux, refuge des loups et autres mange-miel. Cette partie de la forêt était plus calme. Les fauves ne trouvaient que maigre pitance dans l'immense futaie au sol de feuilles pourrissantes.

La piste, sans être large, aurait permis à deux chariots, sauf en quelques passages étranglés, de se croiser avec un minimum d'efforts et de bonne volonté. Elle n'autorisait pas pour autant une longue halte. Il fallait, pour trouver un gîte parfait, où les montures se débanderaient et paîtraient tout à leur aise, parvenir à une clairière naturelle, bien élargie par les nombreux voyageurs. Elle donnerait l'hospitalité idéale. Ils pressèrent le pas. Ils arrivèrent, bien avant ciel rouge, dans d'anciens essarts où passer la nuit. Il faisait un peu meilleur. Ils prendraient un sommeil réparateur. Ils se présenteraient fiers et fringants. Quelle allure auraient-ils sinon, tout couverts de belles fourrures et équipés d'armes de héros qu'ils étaient, goutte au nez et reniflant ? Que chacun se repose jusqu'à santé revenue !

Il suivait l'escorte à distance. Il n'avait pas mis longtemps à la rattraper après son somme. Voilà environ deux pas de Sawel qu'il maintenait le même intervalle entre eux. L'étroite piste était idéale pour sa traque. Au moindre bruit suspect, il se réfugierait dans les sous-bois, peu denses. Il les emprunterait quand il voudrait la dépasser en secret. Il avait déjà repéré, sur l'étroit chemin, des rétrécissements, des étranglements, à peine assez larges pour laisser passer un chariot. Même longs de quelques pas, ils convenaient à ses desseins, surtout ceux où deux arbres jumeaux entrecroisaient à faible hauteur leurs branches parasitées de gui ou de lierre.

Il faillit se laisser surprendre par la brusque halte. Quelle idée de s'arrêter alors qu'un bon moment encore restait à courir avant que le soleil n'entre en septentrion ! Il prit un chemin de traverse. Cette halte tombait à pic. Il aurait tout le temps pour tendre son piège et trouver le meilleur endroit pour se poster en embuscade. Il revint, sitôt assuré de passer inaperçu, sur la piste principale. Il y chevaucherait jusqu'au coucher de l'astre du jour. Il choisit son endroit pour être sûr d'être réveillé par le premier rayon de soleil. Il devrait partir tôt et aller à pas lents, jusqu'à ce qu'il trouve le lieu idéal pour guetter sa victime... fondre sur elle.

Il était content de lui. Il serait auprès de Kleworegs le lendemain, au milieu ou en fin de l'après-midi. La halte choisie par le roi avant de pénétrer dans la forêt était idéale. Le sommeil le prenait. Il s'y installa. Il se versa une grande gorgée de l'hydromel du maquignon. Il était sur. Quel dommage de n'avoir cassé que deux dents à ce pourri !

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Marc Galan Membre 421 messages
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Il n'y avait plus que quelques enrhumés. L'on n'attendrait pas qu'ils soient guéris pour repartir. Il n'y eut guère de protestations, sauf celles de deux vétérans bien enchifrenés. Ils auraient volontiers dormi plus longtemps. Leurs reniflements leur donnaient un ton nasillard et geignard. Il ne leur faisait guère honneur. Leur aspect était à l'unisson. Il soupira. Qu'ils restent près du feu, pourvu qu'ils l'aient rejoint avant le soir !

Il était parti depuis plus d'un pas du soleil. Il faisait avancer son cheval au pas, regard fixé vers les branches fortes dominant la piste. Beaucoup lui plaisaient, solides et bien placées... Aucune ne répondait à son désir de discrétion. Il devait être caché au-dessus du chemin emprunté pour tomber sur sa victime et l'abattre avant que son escorte ne réagisse. Toutes celles où il aurait pu se jucher auraient plutôt souligné sa présence. Il continua. Rien, encore rien, toujours rien. Elles le laissaient toutes à découvert ; les enchevêtrements qui l'auraient caché étaient trop fragiles ou trop haut. La lisière de la forêt n'allait plus tarder à apparaître. Il fallait qu'il trouve, pourtant.

Si ce passage pouvait convenir ! Il était étroit, et barré par une racine sortant du sol, assez haute pour obliger un cheval à la passer en levant les pattes. Ils ralentiraient pour le franchir. Il n'y aurait pas de meilleur endroit pour frapper. Hélas, les brindilles entortillées le surmontant, idéales pour cacher un homme, ne tiendraient pas quand il voudrait s'élancer. Il ne pourrait fondre sur son ennemi comme l'oiseau de proie. Il serait plutôt oisillon tombant du nid.

Il sauta par dessus la racine et se retourna vers le fragile entrelacs. Maudit soi/... Il avait parlé trop tôt. Juste au-dessus était une branche solide, d'où il prendrait son élan quand il sauterait sur la monture de son ennemi, pour lui trancher la gorge.

C'était la configuration idéale, tant souhaitée, tant cherchée. Les ramilles le cacheraient de la troupe survenant l'âme en paix, chacun assuré de sa sécurité. Il réexamina sa cachette. En regardant en l'air sous un certain angle, on se rendait compte d'une présence éventuelle. Il haussa les épaules. Ils surveilleraient les sous-bois, non les airs. Il monta sur l'arbre et se coucha sur la branche. Il pouvait se reposer et même somnoler un peu. L'escorte était assez bruyante pour le réveiller. Il n'en fit rien. Sa vigilance l'aurait tenu les yeux ouverts, eût-il veillé une main de nuits.

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  • 1 mois après...
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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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Les deux guerriers avaient promis de dormir un bref moment. Ils étaient encore étendus, entre veille et sommeil, quand il survint. Ils le saluèrent, un peu honteux d'être surpris à faire la grasse matinée. Oui, ils étaient de l'escorte du Joyau. Il ne perdit plus un instant en politesses. Quelqu'un voulait du mal à Kleworegs. Il le guettait dans la forêt. Un homme dangereux : il avait, malgré son jeune âge, eu assez de détermination pour lui courir sus en dépit de ses blessures et de ses peurs. Ils le regardèrent bouche bée. La nouvelle était si folle, si alarmante ! Ils sautèrent sans perdre un instant, se trompant de monture, sur leurs chevaux. Ils partirent sans même éteindre leur feu mourant. Il dut s'en charger.

Il remonta sur le rapide Albhos Ster. L'autre étalon le suivrait, ou se débrouillerait. Il parvint à portée de voix. Ils les héla plusieurs fois avant qu'ils ne daignent l'attendre.

Sa bête était moins fraîche. D'ici à ce qu'ils le distancent à nouveau ! Il devait les prévenir. Qu'ils avertissent leur roi de se méfier des fouillis de branches surplombant la piste. C'est de là, à son idée, que la mort surgirait.

¿ Tu lui diras toi-même. On va se relayer !

Il avait trouvé l'assise idéale, d'où sauter, à quel moment précis, et comment frapper. Il caressa sa lame. Il pouvait compter sur elle. Elle avait tranché des cuirs plus durs que la gorge d'un guerrier.

Pewortor avait regretté le poignard laissé dans la tombe de la princesse des terres lointaines. Pourrait-il en forger un aussi réussi ? Sa peur était illogique. Son arme était liée à trop de souvenirs. Impossible d'en refaire un nouveau. Il ne pouvait, cependant, rester sans arme personnelle. Elle devrait être plus originale que les glaives superbes qu'arboraient tous les autres neres... ne rien devoir au métal. Elle symboliserait son élévation. Après qu'il avait si longtemps sué pour armer les autres, d'autres, à leur tour, travailleraient pour lui.

Il n'avait pas cherché loin. La pendaison avortée lui avait apporté l'illumination. La mine défaite, les réflexions désabusées du vétéran qui avait prêté son lasso pour qu'on y suspende le fautif avaient suffi. Il avait trouvé. Il l'avait persuadé que sa lanière de cuir, pour avoir servi à aussi sinistre besogne, n'était plus digne de lui. Malgré le sauvetage de dernier instant de Medhwedmartor, il n'avait plus démordu de cette répugnance nouvelle. Il le lui aurait même donné s'il n'avait été reconnu ner peu après. Pewortor avait dû troquer un glaive contre le lasso de honte qu'il aurait, au vu de son ancien statut, obtenu pour rien. Il y avait en compensation fait ajouter un long fouet à couper une feuille au vol.

Il avait eu tort de prendre le lasso. Il n'y serait jamais bon. Les éleveurs disaient vrai. Cet art s'apprend quand on tète encore sa mère. Mais il avait pris goût à jouer du fouet. Il commençait à se sortir de façon honorable de son maniement. Il avançait dans la forêt, se faisait désigner une feuille par son ou ses voisins, selon la largeur du passage, et repérait parmi ces cibles proposées les plus difficiles à atteindre pour les couper de sa mèche. é droite, à gauche, au-dessus des têtes, peu de celles qu'il visait échappaient à leur sort. C'était bien. Il saurait, avant peu, en fendre en plein vol... Et aussi, perspective plus intéressante, le visage de ses ennemis. Enfin, tout plaisir qu'il en aurait, ça ne vaudrait jamais un bon glaive.

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  • 3 semaines après...
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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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Il sursauta. On parlait, pas très loin... tout près. L'épaisseur de branchages avait amorti les voix. Ils étaient à deux cents pas. Kleworegs marchait en tête, suivi d'un colosse que son cheval peinait à porter. Il s'installa à croupetons sur la branche. Le guerrier-montagne pourrait-il intervenir ? Il ne devait pas s'inquiéter. Il aurait le temps de tuer Kleworegs avant d'être écrasé par les poings énormes. Il n'en demandait pas plus.

Les trois hommes avaient mené grand train. Ils s'attendaient, à chaque coude de la sente, à voir l'escorte. Chaque fois leur espoir était déçu. Ils avaient dormi trop longtemps. Les deux guerriers désespéraient. Si leur chef périssait, ils en porteraient la honte jusqu'à leur proche dernier jour. Une telle faute ne s'expie que dans une expédition où la mort est comme eau en lac. Pourvu qu'ils arrivent à temps. Ceux qu'ils voulaient prévenir étaient tout près.

Il avait bandé ses muscles. Kleworegs approchait. Voilà, son cheval levait la jambe pour franchir la racine qui barrait le chemin. Encore en instant, ma victime... Profite de ton ultime souffle de vie, fais-le durer, durer. Moi aussi, je voudrais qu'il dure une éternité. Jamais homme n'a été aussi puissant que moi en ce flocon de temps !

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  • 2 semaines après...
Membre, 63ans Posté(e)
Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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Quel passage étroit ! Le chariot passerait-il sans se heurter aux arbres qui le bordaient ? Il serait difficile de lui faire franchir la racine sans le vider. Kleworegs s'avança. Son étalon allait s'engager...

En arrivant devant le passage, Pewortor avait cru voir une forme, indéfinie et fugace, parmi les branchages le surplombant. Il y avait là-haut des feuilles encore vivaces. Pour saluer la fin prochaine de la traversée de cette forêt, il en cueillerait une de son fouet. Elle serait un talisman, symbole du triomphe de la volonté sur les forces de la nature, et de la force des armes humaines sur cette même volonté. Il leva la tête. Une sueur glacée l'inonda. Quelqu'un guettait là-haut, hostile, prêt à bondir...

Entre le fouet et la forme armée qui s'abattirent sur la croupe du cheval de Kleworegs, ce fut une course de vitesse. Une course à la mort. Entre l'arrivée de la mèche et celle du meurtrier, l'espace, tout réduit qu'il était, fut celui d'une vie. La monture fila comme une flèche tandis que le jeune homme, partant en arrière, en tombait pour se rattraper à sa queue, dans l'espoir stupide d'arriver à y remonter. Pewortor avait suivi son roi, sautant par-dessus la racine. On entendait des cris. Ils venaient d'un groupe de trois guerriers. Ils hurlaient à Kleworegs qu'on allait tenter de le tuer. Peut-être les cris avaient-ils commencé un peu plus tôt. Le forgeron n'en avait rien entendu. Il saisissait la bride du coursier de son roi encore tout ébahi, qui l'agonisait d'injures... pour s'arrêter soudain. Il avait aperçu son jeune tueur manqué, se relevant, poignard à la main, couvert de feuilles mortes et d'humus. Il se mit en garde. Pewortor l'imita, puis d'autres, accourus. Il fut bientôt entouré de toute l'escorte. Le convoyeur leur avait tout expliqué. Elle était prête à lui faire le pire des partis. En un instant, il fut désarmé. Kleworegs se planta devant lui, furieux :

¿ Ce n'est pas mon genre de tuer les fous. J'ai changé d'avis. Si encore nous avions eu querelle, je comprendrais ta tentative absurde¿ Mais nous ne nous sommes jamais vus. Tu n'es qu'un pauvre, un misérable dément. Remercies-en le ciel, tant que tu n'as tenté de t'en prendre qu'aux hommes. Qui sait, si tu t'étais échappé, si tu ne t'en serais pris aux dieux ?

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