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AUBE, la saga de l'Europe - le Feuilleton

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Marc Galan

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Marc Galan Membre 421 messages
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Son crieur haranguait la foule. Kleworegs rendit visite à ses hôtes de plus haut rang. Il leur répéta ses paroles. Il y ajouta une invitation à venir, après son récit, admirer son plus grand trésor, la merveille de l'expédition, dont l'on parlait tant, et sur qui couraient tant de bruits, tous faux d'ailleurs.

Un notable l'interrogea. Si son joyau était le Signe ? Il allait lui en demander plus. On vint le chercher. Une rixe avait éclaté entre deux guerriers originaires de clans séparés par une lointaine dette d'honneur. Il devait intervenir avant qu'elle ne dégénère. é attendre de voir le Joyau, deux partis, chacun derrière un des hommes qui avaient choisi ce prétexte pour se colleter, s'étaient formés. Pour la majorité, le Joyau dans le coffret était le trésor. L'autre s'était mis en tête de vouer un culte à son réceptacle. Quand ils y avaient jeté un coup d'¿il fugitif, ils n'avaient pu qu'admirer le motif qui le décorait. En désespoir de jamais en contempler le contenu, ils avaient fixé leur esprit sur cette décoration. Ils avaient pris grand plaisir, pour tromper cette attente, à en imiter avec soin le principal élément. Ils le dessinaient sur les parois, dans la poussière. Ils le gravaient, de la pointe du glaive, sur l'écorce des arbres. Il sourit. Il en avait fait autant, un soir d'ennui, sur l'arbre au pied duquel il avait dormi. C'était la veille de l'arrivée des jeunes du clan. é'avait été par jeu, quand beaucoup le faisaient dans l'espoir d'oublier qu'ils ne parviendraient peut-être qu'à entr'apercevoir ¿ si encore il existait, disaient même de rares sacrilèges ¿ ce joyau si bien celé.

Toutes ces manifestations lui indifféraient¿ De là à admettre une rixe chez lui. Il tança les pugilistes. Il demanda, tant aux partisans du culte de la croix cassée à angle droit à chaque bout qu'à ceux qui ne juraient que par le Joyau et méprisaient son contenant, comment la bagarre avait éclaté. Les explications furent confuses, propres à relancer la polémique, voire les échanges musclés. Il fit venir le bhlaghmen. Il rendit son jugement. Il maudit ceux qui doutaient de la présence du Joyau, mais estima légitime que ses adorateurs le représentent par le symbole gravé sur son nid. Il en profita pour forcer les deux clans hostiles à faire la paix. Leurs rois acceptèrent. Allez résister aux objurgations du prêtre d'un wiks glorieux !

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Marc Galan Membre 421 messages
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Régler cet incident lui avait pris du temps. Il avait encore bien des rois à inviter. Tant pis. Il percerait cette histoire de Signe plus tard. La courtoisie exigeait qu'il priât tous ses pairs de venir voir le Joyau. Si, pour s'informer, il en négligeait un seul, les dieux savent quels drames de la fierté outragée s'ensuivraient.

Allons, encore dix autres à voir, et le prochain, quel bavard ! ...

Il désespérait. Aucune piste. Une simple direction... Mais les guerriers du Cheval ailé avaient pu obliquer n'importe quand. Après plus d'un quartier de la Brillante, toutes les traces auraient disparu. Peut-être saurait-on quelque chose dans ce village vers où il se dirigeait... Peut-être pas. Pour tout arranger, sa jambe lui faisait de plus en plus mal.

Il s'adossa à un arbre. Il sentit sous ses doigts un tracé régulier. Une marque. Quelqu'un avait gravé un signe dans le bois, de la lame de son poignard. Une croix aux coins cassés. La marque était récente.

Il avait retrouvé la piste, un début de piste.

Il devait trouver le village où ils étaient au courant de tout. Ils lui en diraient plus.

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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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Tous les notables avaient été conviés à voir le Joyau. Il serait bien retourné vers celui qui avait parlé du Signe. Il était déjà couché. Il avait grande envie de l'imiter. Le lendemain serait rude. Tout le monde était arrivé. Il tenait à briller devant eux... Tant pis pour les retardataires. Ils n'auraient rien perdu s'ils arrivaient le jour de Thonros. Ils profiteraient, comme les autres, du spectacle de ses richesses, à commencer par son joyau. Là-dessus, il alla dormir. Il ne se réveilla le lendemain qu'au milieu de la matinée.

Le repas du midi fut une réunion comme on ne se souvenait pas d'en avoir vu, depuis qu'il y avait des rencontres de clans, dans la région. L'impatience de l'entendre effaçait tout. Les convives ne remarquèrent même pas que sa bière était éventée. Ils étaient tant qu'on avait pris de vieilles réserves pour étancher la soif de tous. Il en avait bu. Bien que personne ne lui en ait encore reproché la fadeur, il était rouge de honte. La foule hurla pour lui réclamer le récit de son périple. Il entendait mal. Ses hôtes se plaignaient de la mauvaise boisson. Ils lui en demandaient des comptes. Il se leva, l'air un peu égaré. Il fut vite détrompé. L'enthousiasme, proche de l'émeute, le rasséréna. Il avait enfin son public, celui dont il rêvait, nombreux, du plus haut rang, impatient, désireux plus que tout de l'écouter. Il ne perdit pas le temps de monter à la tribune préparée pour donner plus de poids à son discours et à l'ostension du Joyau. Il imposa le silence, commença sa geste :

¿ Prêtres, rois, guerriers, villageois, amis d'ici ou venus de très loin, d'endroits dont je connaissais tout juste le nom et où j'ignorais que le bruit de mes actions eût jamais pu parvenir, je n'ai pas l'éloquence du récitant, qui donne au combat de deux puissants béliers pour une frêle brebis la dimension de l'épopée. Même parmi les guerriers, je passe pour savoir mieux me battre, et vaincre, que parler. Pourtant, il est de mon devoir d'hôte de vous conter par le menu ma grande saison ; de mon devoir de chef de guerre d'honorer et de porter au grand jour le courage de ceux qui m'ont suivi ; de mon devoir d'homme pieux de vous montrer combien Thonros et Bhagos me favorisèrent face à l'ennemi. Puissent-ils, car je vais parler pour leur gloire, rendre ma parole aisée...

... Les dieux, dans leur bonté coutumière envers notre clan généreux en sacrifices, nous avaient accordé, comme chaque année depuis que je suis roi, la victoire aux jeux du printemps. Nos adversaires, malgré leur vaillance, avaient tous succombé devant nous, et de nouveaux chevaux, d'un dressage accompli, avaient rejoint nos enclos. Je prenais déjà mes dispositions en vue du prochain raid que je préparais avec ma ¿ je la confesse, ce n'est pas un défaut ¿ méticulosité habituelle. J'examinai chaque guerrier (il me fallait les plus forts et les plus agiles, tous en parfaite santé). é part ceux mal remis des blessures reçues au cours des années précédentes, tous pouvaient m'accompagner. Il n'était pas question de le refuser à aucun de mes hommes valides. Ils s'étaient tous nourris au temps du froid et du repos comme les troisième caste afin d'en laisser plus aux dieux, et en avaient reçu, malgré ou grâce à ce renoncement, une vigueur plus grande. Ils n'auraient pas admis qu'elle restât inemployée ici. Je vérifiai ensuite le bon état des chevaux (ils seraient notre garantie d'attaquer vite et bien, en nous permettant de fondre comme la foudre sur l'ennemi, et de nous porter en tout lieu, même éloigné, où se présenterait une occasion de beau butin) et les fis raser. Au temps chaud la monture du guerrier est glabre, pour la distinguer de celle des auxiliaires. Je fis aussi l'examen des sabots des b¿ufs qui tireraient nos chariots de butin. Aucune trace, chez eux comme chez nos chevaux, de fourbure ou autre mal. Enfin, je regardai, par acquit de conscience, les armes que le ner Pewortor et ses... euh... nos forgerons avaient préparées et révisées. Je n'eus aucune mauvaise surprise. Nos tournois m'avaient rassuré. Leurs glaives étaient solides à toute épreuve. Ils n'avaient pas souffert des combats où ils nous avaient aidés à vaincre. Nos haches de guerre, elles, auraient fendu un crâne de pierre. Pourquoi m'en étonnais-je ? La suite de Thonros nous les envierait (¿Allons bon ! Qu'est-ce qui m'arrive ! ? Je fais l'article pour mes forgerons et leurs armes ! ¿). Les chariots eux aussi étaient sans défaut. Les charrons les avaient tous révisés ou en avaient construit de tout neufs pendant les mauvais jours. Ils avaient tout calculé pour que, quel que soit la saison ou le temps, ni roues ni bâtis ne jouent. Peut-être m'avez-vous trouvé un peu maniaque. J'en suis fier. Plus on épargne de travail à Bhagos et à Thonros, plus ils vous aident. C'est ce que dit le bhlaghmen et, comme tout ce qui sort de sa bouche quand il parle du sacré, c'est pure vérité...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Nous partîmes sans délai. Nous avions des provisions jusqu'aux terres des Muets. Nous ne perdrions pas un temps précieux à chasser pour nous nourrir. Beaucoup le négligent. Ils courent, courent sus au gibier ... Autant de temps perdu. Il nous tardait d'arriver là où erraient leurs bandes, poussant devant eux de riches troupeaux à demi sauvages, mais toujours bons à prendre. Ce n'était que cible mineure. En descendant encore plus avant, nous rencontrerions des bandes de pillards qui assaillent les caravanes. Grottes au trésor ambulantes, elles vont et viennent entre des cités de mystères et de richesses, comme Shumeru ou la terre des hommes sombres, ou d'autres sans doute, mais nous ne connaissons que les deux premières. Elles sont la proie favorite de ces hordes qui s'emparent de leurs biens, si étranges et si beaux qu'on pourrait les croire trésors abandonnés par les dieux quand, après avoir établi l'ordre du monde, ils ont cessé de le fouler. Quand les Muets reviendraient vers leurs camps d'hiver, chargés de cet injuste butin, nous fondrions sur eux et les leur reprendrions de vive force. Tâche douce et bénie ! Il ne convient pas que ce que les dieux nous ont laissé tombe en des mains viles et impies. Quant aux objets profanes ou de moindre valeur, ils seraient notre lot pour avoir préservé leur héritage d'une grave souillure. Nous l'accepterions avec gratitude...

... Au début de notre périple, nous nous contentâmes de prendre des peaux aux trappeurs que nous rencontrions. Les fourrures sont un bien indispensable. Chaque guerrier doit en posséder en prévision du froid qui glace les corps et raccourcit les jours. Je vous ai dit prendre, c'était troquer, même si nous le faisions dans des conditions bien inégales. Je préférais, à les pourchasser pour les spolier du fruit de leurs efforts, leur échanger quelques babioles contre leur sauvagine. Je gagnais des jours sur mon chemin vers les terres du soleil haut, et nous y retrouvions tous. Mes serviteurs-chasseurs étaient assurés de leur sécurité et d'avoir de quoi se nourrir longtemps ; les miens, parés pour l'hiver. é ce stade, je leur proposais, s'ils en avaient envie, de rentrer. C'était inutile. Ils désiraient tous continuer. Seuls nos anciens, qui nous avaient fait escorte jusque là, repartaient avec nos peaux. Pour les autres, je leur dois de dire qu'il n'y a jamais eu de désertion dans leurs rangs. Cette année aussi, notre tradition de vaillance fut respectée. Ce n'était pas une surprise. Les miens sont des vaisseaux de courage...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Bien pourvus de sauvagine, bièvres, goulpils, nous poursuivîmes notre route. Très vite nous nous retrouvâmes en pleine terre des Muets, dans ces steppes vallonnées où pas un arbre n'arrête le regard. Là, nous n'allions plus nous frotter à de misérables traqueurs d'inoffensives bêtes à fourrure. Nous ferions face à des clans entiers d'ennemis endurcis et cruels qui, s'ils pensaient à s'unir, nous écraseraient comme mouche entre deux pierres... Dieux merci, ils se haïssent encore plus qu'ils ne nous craignent. Je n'ai jamais entendu parler ¿ si, une seule fois, il n'y a même guère ¿ d'une action concertée de leur part...

... Nous lançâmes une suite de raids destructeurs. Chaque fois nous leur ôtions cent guerriers ou plus. Nous prîmes, avant de passer plus au midi où sévissent les pillards, un imposant cheptel de nombreux bovins et captifs mais, hélas, bien peu de chevaux. Le petit bétail, je vous en ferai grâce. Il ne nous servait qu'à la bombance. Nous n'en avons pas tenu compte dans le butin.

Nous en étions à notre dixième assaut. é l'issue de notre victoire et du rassemblement des vaincus, l'un d'eux, alors que je m'en approchais, me hurla au nez, dans son parler barbare. Je ne le compris pas. Je crus néanmoins distinguer le mot ¿ grand ¿. Je l'avais appris à force d'entendre mes serviteurs.

é l'ouïr gueuler ainsi, me soufflant dans les narines une haleine de dents pourries et de viande mal digérée, ils ricanèrent. Ils auraient dû être glacés par l'accablement qui saisit tout captif sitôt après la défaite qui l'a privé de liberté. Pour qu'ils réagissent ainsi, les mots assenés par ce barbare superbe malgré son malheur portaient un message, d'une rare force, d'espoir de délivrance et de vengeance. Je les lui fis répéter. Il les clama encore plus haut, m'empuantissant derechef, sous leurs ricanements toujours plus hostiles. Egnibhertor avait appris le langage des Muets qui, entravés, charrient les pierres mères du métal. Il s'approcha et me rapporta, sans doute adoucies, ses paroles de défi : ¿ Chétifs chiens châtrés, pilleurs de villages sans défense, la grande horde vous crèvera tous ! ¿...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Cette menace ne me fit ni chaud ni froid. On m'en avait déjà lancé, de ce genre, plus qu'il n'est de brillantes au firmament. Elle ne m'en déplut pas moins. Je bridai le réflexe, bien légitime, qui me démangeait, de brandir ma masse et de lui briser la tête. Je voulais avant ¿ Ah, j'en vois qui ont l'air déçu. Ne vous inquiétez pas ! Il a payé son insolence déplacée ¿ en connaître plus sur ce qu'il avait appelé la grande horde, quoi que ce puisse être : fable destinée à nous effrayer et à rendre c¿ur aux siens ¿ fourberie usuelle ¿, secret, ou fait connu d'eux tous mais qu'il avait eu, lui, l'imprudence ou le front de nous révéler. Leurs réactions le laissaient croire, sans nous l'assurer. Il se pouvait qu'ils n'aient ri et trépigné de joie qu'à cause de sa bravade, sans rien savoir de cette réelle, ou prétendue, horde...

... Son interrogatoire fut aisé. Egnibhertor n'arrivait pas à le suivre. Questions, menaces, étaient inutiles. Par la massue de Thonros, c'est lui, au contraire, qui nous menaçait. La horde, la grande horde, existait. Il était trop heureux de nous en parler, que nous tremblions et fuyions. Nous en rîmes. Des paroles ! Il s'emporta. Il nous jura bien que non. La meilleure preuve en était que son frère (C'était, je l'appris par ses voisins, un mauvais sujet, ripailleur, chapardeur et violeur, jadis exilé par les siens.) en faisait partie. Je me demandais encore s'il n'affabulait pas. Que valaient ces témoignages ? Deux des nôtres me firent signe. Ils avaient fouillé en se bouchant le nez sous un monceau de peaux mal tannées, plus proches de la charogne que de la fourrure. Ils y avaient découvert un glaive, de mauvais cuivre certes, mais à la poignée guillochée d'or. Nos forgerons y reconnurent un travail étranger. Cette trouvaille appuyait les assertions sorties d'entre ses noirs chicots...

... Je le poussai dans ses retranchements. Vaine fatigue. Nous voulions savoir où opérait sa grande horde. C'est du meilleur c¿ur qu'il nous l'indiqua. C'était, je l'avais déjà compris à son recrutement et à son butin, un de ces ramassis de brigands qui, nombreux et prêts à tout, vivent du sac des riches caravanes. Il nous invita à lui livrer assaut, pour nous faire détruire et réduire en bouillie sanglante... Ce que mon marteau fit de sa tête aussitôt que j'eus compris qu'il n'avait plus rien à nous dire. Comme il l'avait proclamé bien fort, et ils l'avaient tous entendu, il ne vivrait pas assez longtemps pour le voir, mais périrait heureux... Nos sorts étaient liés.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Je regrettai mon réflexe. Sa mort avait rendu espoir à nos captifs. Sa cervelle, d'un gris sale mêlé de rouge, avait éclaboussé ma plus belle fourrure. Nos captifs crurent qu'il m'avait blessé. Qu'il n'en soit rien n'avait rien changé. Ils avaient repris courage. Après son exécution, et jusqu'à ce que nous détruisions la horde, il passa pour un prophète, celui de notre destruction. Il avait prédit sa fin, et qu'elle préfigurerait la nôtre. Ils nous voyaient bientôt comme lui et, quand nous les pressions, ricanaient... Bientôt, la grande horde nous écraserait ! Ceux qui en ignoraient tout n'en étaient pas les moins certains. Nous dûmes, ce qui ne nous était jamais arrivé avant, trancher la gorge de quelques meneurs. Je n'en fus pas fier. Tuer un captif, en plus d'être lâche, est stupide. Cela diminue un butin pour quoi on a peiné et risqué gros... é quelque chose ce malheur fut bon. La colère d'avoir dû les sacrifier nous donna la volonté de nous emparer de la horde, malgré sa puissance. Elle effaça la peur que nous aurions pu ressentir. Nous nous mîmes en route. La victoire serait au bout...

... L'atmosphère nous pesait. Nous continuâmes vers le midi. Nous bifurquâmes, suivant ses indications, vers une très haute montagne au couchant. En entendant quelques ricanements ¿ discrets, l'exécution des meneurs était passée par-là ¿, je le revis. Quoique rachitique, c'était un gaillard. Aucun homme, depuis que je maniais une arme, ne nous avait fait autant de mal. é quoi ce courage lui avait-il servi ? Il était mort, et nous vaincrions sa malédiction... Enfin, je l'espérais. Il me restait un petit pincement au c¿ur. Rien que pour cela, pour chasser ce doute, pour que les Muets perdent à jamais l'envie de se moquer, victoire posthume du captif que Thonros ne nous pardonnerait point, nous devions écraser la horde. En attendant, il avait réussi ! Nous courions, comme s'il nous l'avait ordonné, sus à la cible qu'il nous avait désignée et, si elle n'était que moitié aussi redoutable qu'il l'avait prétendu, à notre perte. Là encore, il aurait vaincu. Mais Thonros ne saurait, de cette défaite, nous tenir rigueur...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Non, il n'y aurait pas de défaite ! Ni dans notre abstention, ni dans notre anéantissement. J'avertis les miens de se tenir prêts à se battre à l'arc et au javelot. Ce sont armes de gens sans grand courage, mais les lois de la guerre autorisent à s'en servir en cas de trop grand déséquilibre. Notre honneur ne souffrirait pas... Thonros merci, nous n'en eûmes pas besoin. Le grand dieu des combats, en nous laissant entrevoir la horde comme une multitude, n'avait voulu que nous éprouver. Devant notre dégoût à manier ces armes de couard, il nous fit rencontrer une bande qui, malgré sa richesse en combattants, n'était pas au-dessus des moyens d'une troupe de presque trente mains d'hommes (les autres gardaient les captifs) sachant se battre, comme la nôtre...

... Trois ou quatre jours après, nous rencontrâmes ses premières traces. Nous les examinâmes. Elle était moins nombreuse que nous ne l'avions craint. Cela ne l'empêchait pas de posséder ¿ d'avoir volé ¿ de quoi remplir, jusqu'à faire s'enfoncer leurs roues profond dans le sol, quatre gros chariots, lourds et pansus. Si son butin était aussi riche qu'il semblait, les dépouilles gagnées dans cet assaut vaudraient, maintes fois, les risques. Nous essaierions de les réduire encore. Nous devions, pour cela, en savoir plus sur notre proie...

... Par ses traces, nous pouvions déterminer sa vitesse et la distance qui nous en séparait. Bouse et crottin, par leur état de fraîcheur, permettent de deviner depuis combien de temps l'animal est passé. Si la horde faisait halte chaque soir, on devrait en trouver des concentrations. Il calculerait la distance entre chacune. Il se faisait fort de savoir ainsi le chemin parcouru par la horde en une journée, et de deviner le temps qui nous restait pour la rejoindre. Eussent-ils fait des bivouacs, c'eût été plus facile. Dans nos terres, nous allumons des feux pour nous protéger du froid de la nuit. Les Muets, eux, ne le font presque jamais, comme s'ils craignaient un ennemi attiré par leurs foyers. Il leur faut, pour s'y risquer, une sécurité absolue. Est-il meilleure preuve qu'ils usurpent ces plaines ? Qui aurait peur sur sa propre terre ! Nous serions, quand nous verrions leurs feux, sûrs de les surprendre...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Il fallait aussi protéger nos arrières, et prévenir toute mauvaise surprise. Je laissai en arrière-garde quelques cavaliers pour faire la liaison avec le gros de mes forces. Ils se tiendraient prêts à foncer nous prévenir si nous étions suivis, et à fondre sur tout petit groupe trop indiscret. Il n'aurait pas fallu que quelqu'un se mêlât d'avertir les Muets les plus proches de notre présence et de l'abondance de notre butin. Je fus vite rassuré. Pas d'ennemis à l'horizon. Nous n'aurions pas à craindre d'être pris à revers. Notre seul adversaire serait la horde. C'était bien assez...

... J'étais édifié. Je pouvais, sans risque, laisser nos captifs et notre butin, lourds handicaps pour la poursuite et l'attaque éclair, sous la garde de dix mains d'hommes. Il me suffisait d'y poster mes meilleurs archers. Je pouvais partir en paix. Ils tiendraient jusqu'à notre retour si jamais les Muets survenaient malgré notre vigilance. Je cherchai une petite élévation de terrain assez étendue pour les accueillir avec captifs et butin, et quasi inexpugnable. Les dieux nous offrirent bien vite un petit tertre idéal pour nos projets. Surplombant la steppe et couvert de petits bosquets propres à camoufler une armée, il découragerait tout assaut, sauf à accepter d'y perdre des centaines d'hommes. Nous l'occupâmes sans tarder. Ce fut ensuite, peut-être, le pire moment. Je fus bien en peine pour désigner qui allait rester, qui allait traquer et assaillir la horde. Chacun y tenait. Il aurait imaginé que je le tenais en piètre estime si je l'avais commis à la garde des captifs, moins glorieuse que l'attaque. é la fin, je retins ceux qui souffraient de blessures légères ou me semblaient fatigués, les charrons, les forgerons. Ils protestèrent. Ils s'étaient bien battus. Ils méritaient mieux que ce travail humiliant de garde-chiourme. Les charrons crièrent à leur tour. Les chariots pouvaient se briser au cours de leur capture. Il faudrait, pour que la troupe reparte avec eux sans délai, des artisans habiles et experts. Ils avaient raison. La prudence conseillait de nous éloigner sans tarder du lieu de notre exploit. Je pris avec moi les meilleurs et les plus forts, usant de mon autorité et promettant à tous, pour aplanir les ultimes différents, une part égale de butin. Nous partîmes à chevauchée forcée vers notre cible, avides de vaincre, insoucieux de mourir...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Des tas de bouse et, maintenant, de cendres, jalonnaient le parcours. L'avance des Muets, qui se croyaient en sûreté, s'amenuisait à chaque pas de Sawel. Enfin, le quatrième jour, nos éclaireurs aperçurent pour la première fois la grande horde. Elle s'approchait d'une longue ligne de falaises abruptes coupée par un seul défilé praticable par de lourds chariots...

... Il se faisait très tard. Notre avant-garde, cachée par les nombreux boqueteaux qui parsemaient ces vallons qui seront nôtres un jour, avec l'aide des dieux, l'avait vue s'installer pour sa halte nocturne. Elle s'était empressée de nous dépêcher un messager. Les autres restaient la surveiller. é peine avertis, nous nous précipitâmes. é Brillante haute, nous les avions rejoints. Ils nous dirent tout : nombre restreint et désinvolture des sentinelles, absence de captifs, nombre de nos adversaires. Ils avaient compté, avant qu'ils n'aillent se coucher, entre dix et douze guerriers autour de chaque feu. é part deux, tous étaient restés allumés. Je comptai les foyers encore ardents. Il y avait dans les deux cents brigands. Ceci corroborait mes premières estimations. Nous étions à parité, ou peu s'en faut. Eux, un peu plus nombreux ; nous, avec l'avantage de la surprise et de la mobilité... mais la puissance de l'esprit de Thonros coulait en nous. Chacun de nous valait sans peine dix des leurs.

Nous attendîmes la fin de la nuit pour attaquer. Si un des nôtres périssait au cours d'un assaut nocturne, son âme errerait sans but, incapable de se diriger vers les terres où festoient les héros abattus au combat et sous la menace d'être dévorée par les forces des ténèbres. Cette attente ne fut pas inutile. Nous la mîmes à profit pour étudier et bien saisir la topographie du camp et de ses alentours, tout en nous assurant de surprendre l'ennemi mal réveillé, yeux bouffis de sommeil. Elle eut un autre avantage. Vous l'apprendrez plus tard. Soudain, le soleil poignit au-dessus des montagnes se découpant dans le lointain. C'était le signal. Nous nous lançâmes, hurlant comme des loups, à l'assaut de leur bivouac endormi à deux pas (à la faveur de la nuit, nous nous en étions bien rapprochés)...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Reconnaissons une qualité à ces brigands. Ils n'avaient pas de bonnes sentinelles ¿ elles n'avaient pas senti notre approche ¿, mais des réactions vives. é peine nous surgissions, tous étaient déjà debout, arme en main. Ils se battirent comme des enragés. C'est là que nous eûmes nos premiers et seuls morts. Très vite, je fis deux remarques, aucune de nature à me réjouir...

... Tout d'abord, ils ne faiblissaient pas. Malgré leurs mauvaises armes (de parade et d'apparat, splendides avec leurs lames de cuivre et leurs poignées décorées de motifs dorés, mais piètres au combat), ils nous tenaient tête en forsenés. J'en compris vite la raison. Ils espéraient nous retenir et nous retarder assez longtemps pour permettre à leurs chariots de prendre le large. Leur tactique, au prix de nombreuses vies dans leurs rangs, réussissait. Leur convoi, où certains dormaient, s'était ébranlé dès notre attaque. Il s'éloignait au plus vite de l'allure des b¿ufs à leurs brancards. Le reste de la bande formait pour protéger leur fuite un barrage infranchissable. Il se déplaçait de telle sorte qu'il y avait toujours, en face du coin que nous formions pour les enfoncer, un épais mur humain. Il n'était pas inentamable. Il s'érodait, mincissait sous nos coups... pas assez vite. Il tiendrait jusqu'à ce que les lourds chariots soient au large. Ceux qui le constituaient décrocheraient aussitôt après. Ce n'était plus la rage, mais le désespoir qui me tenaillait. Les véhicules où s'entassait notre plus belle prise à venir se rapprochaient du défilé aux parois de craie tranchant sur le vert environnant. S'ils y pénétraient, adieu le butin ! Nous le perdrions à jamais...

... Je vous ai parlé d'une deuxième remarque. Elle me chiffonnait autant, sinon plus, que cette résistance inattendue et féroce. Forgerons et charrons avaient insisté pour venir, nous privant de la compagnie et de l'assistance de plusieurs excellents guerriers, même s'ils étaient affaiblis à cause de blessures légères ou de maladie... Voilà qu'ils nous avaient abandonnés. Ils n'étaient pas si nombreux, mais leur petit nombre eût fait la différence. Il nous aurait permis d'enfoncer les lignes ennemies, qui, les chariots disparus, se débandaient. J'entrepris de les envelopper. Que nous ayons au moins, à défaut de butin, des captifs ! Pendant que j'ordonnais cette man¿uvre, je les maudis de leur désertion à la faveur de la nuit, comme je me maudis d'avoir cédé à leurs objurgations, leurs arguments, leurs prières... Dire qu'il m'arrivait, parfois, de les croire dignes de combattre.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Un grondement, sonore comme une houle, monta de la foule. On y reconnaissait, au milieu des onomatopées hostiles qui ponctuent toujours l'évocation d'une lâcheté, quelques réflexions plus compréhensibles, pas plus amènes pour autant : ¿ Quels fumiers, ces forgerons, grandes gueules, prétentieux, mais fainéants comme mange-miel en saison froide ! ¿. Pewortor, que Kleworegs avait installé à ses côtés, pour l'honorer à ce qu'il lui avait dit, se leva d'un coup. Sa stature en imposait à tous. Le concert de gueule se calma, se transformant en chuchotis, toujours hostiles, plus discrets et quelque peu interrogatifs : ¿ C'est Pewortor, le couard ! ¿ ¿ ¿ Couard, tu plaisantes, il ne serait jamais devenu ner ! ¿ ¿ ¿ Il paraît qu'il a fait quelque chose d'extraordinaire ! ¿ ¿ ¿ S'il était un lâche, Kleworegs n'aurait pas toléré qu'il restât à son côté. Il lui aurait même interdit de se montrer. ¿ ¿ ¿ Ah, taisez-vous ! Il va parler ! ¿

L'humeur de l'assemblée n'avait rien pour l'effrayer. Son charisme l'empêchait, quoique assez échauffée, de passer à l'ébullition. Elle tendait même à s'apaiser. Qui se dresse face à l'émeute mérite le respect. Il serait contraire à l'honneur de ne pas l'écouter, dût-on le tuer après. Elle se calma tout à fait quand Kleworegs reprit la parole :

¿ J'avais eu raison de leur faire confiance. écoutez, de sa bouche, ce qu'avaient fait Pewortor et ses compagnons !

Il se rassit. Le forgeron les regarda un long moment, à nouveau tranquilles et attentifs. Dommage que ce calme ait résulté de l'influence du roi, non de son pouvoir sur la masse déchaînée. Il accentua la profondeur et la raucité de sa voix. Ce ton et cette manière de parler impressionneraient. Et peut-être ¿ il n'usait pas avec autant de facilité que son roi de la langue noble des hymnes et épopées utilisée par les guerriers quand ils content leurs exploits ¿ lui permettraient-ils de faire passer ses cuirs et ses pataquès. Il eût été plus à l'aise dans le patois local, compris de chacun, mais se devait, en tant que ner, d'utiliser leur langage. Wulkanos en soit remercié, il les côtoyait tous les jours. Parler comme eux n'était pas au-dessus de ses moyens. Il commença, en phrases lentes, comme s'il cherchait ses mots et ses tournures... Bien souvent il les cherchait.

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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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¿ Prêtres, rois, frères guerriers, et vous tous, amis venus de tout Aryana, le roi Kleworegs vous a raconté comment qu'il s'est bien battu contre les Muets. Je parle moins bien que lui, parce qu'il est roi et moi simple guerrier, mais je suis sûr que vous voudrez savoir comment que moi et les auxiliaires, on s'est emparé du trésor de la horde. Notre roi le dit toujours, celui qui a fait quelque chose en parlera toujours mieux que celui qui l'a vu, et plus encore que celui qui en a ouï-dire. Je devrais donc vous en parler le mieux, puisque je l'ai fait et préparé de bout en bout, depuis le moment que j'ai vu le camp et les collines...

... Il vous a parlé du défilé. Au premier regard, j'avais eu une certitude. Si nos ennemis s'échappaient, ce serait par-là. Une fois entre ses parois, ils se retrouveraient dans un lacis de petites vallées étroites, faciles à défendre. Ils nous sèmeraient à leur guise. Je savais l'importance, pour nous, de nous emparer de leurs chariots, pour eux, de les mettre à l'abri. Ils essaieraient sitôt que nous attaquerions. éa leur serait facile. Notre position nous interdisait de les encercler à leur insu. Et était-il meilleur refuge qu'au-delà de cette porte dans le mur des collines ? ...

... Je pris ma décision. Dans le noir propice, la distance entre les bosquets où nous guettions et l'entrée du défilé pouvait être couverte vite et, surtout, dans la plus complète discrétion. La nuit était noire, le ciel nuageux. Un peu avant l'aube, nous parvenîmes, après un large coude, à la trouée. Elle formait, au bout de cinq ou six mains de pas, un angle. Il ralentirait ceux qui l'empruntaient et nous pourrions, surtout, nous y cacher et dissimuler nos préparatifs. Ils étaient simples. Nous établîmes un barrage de pierres et de branchages assez fort pour arrêter, ne serait-ce qu'un bref moment, les b¿ufs. De ce bref moment, nous ne doutions pas de faire le meilleur usage. Nous saisirions les biens des Muets vils. Il faisait encore nuit quand nous finissâmes. Il ne nous resta qu'à nous camoufler dans des anfractuosités et attendre. Ce ne fut pas, tant il faisait sombre, le plus aisé, mais nous y arrivîmes. Nous étions échelonnés dans cette trouée pour que notre intervention soit prompte et efficace. Alors apparut la rose lueur du jour nouveau...

... Mes hommes placés à l'entrée du défilé, derrière une avancée de rocher, m'avertirent d'un mouvement violent dans la plaine. Nos proies n'allaient pas tarder. Je fis signe à ceux placés derrière le barrage de se tenir prêts à allumer un grand feu d'herbes encore humides de rosée. Il enfumerait et effraierait encore plus les b¿ufs quand ils arriveraient. Flammes et fumée, soutenant sa relative faiblesse, leur ôteraient toute velléité de l'enfoncer. Les guetteurs de l'entrée savaient eux aussi quoi faire : supprimer les conducteurs du dernier chariot pour empêcher toute man¿uvre des autres et les bloquer. Sans leur réussite parfaite et immédiate, notre plan serait compromis. Les b¿ufs savent aller à reculons. Nous pourrions en perdre un ou deux...

... Nous n'eûmes rien de cette sorte à déplorer. Les b¿ufs pénétrèrent tous, à la queue leu leu, dans le défilé. é peine les premiers arrêtés pile devant l'obstacle, les autres, bloqués par leur brusque arrêt et manquant venir s'écraser dessus, en firent autant. Leurs conducteurs n'eurent que le temps de jurer. Nous étions déjà grimpés à l'assaut. Nos haches et nos glaives les faisaient taire à jamais... Sur le coup, nous n'avons pas pensé à faire de captifs. Ils y sont tous passés. Nous aurions pu l'éviter.

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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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La foule se mit à rire : ¿ T'inquiète pas ! ¿ ¿ C'est pas grave ! ¿ ¿ Elle est bien bonne ! ¿. Sa remarque facétieuse les avait conquis. Ils étaient à présent de tout c¿ur avec lui. Ils l'encouragèrent.

¿ On te le décomptera pas dans le partage du butin... Où irions-nous, sinon ? ... Continue !

¿ Bon ! Alors, comme je vous l'ai dit, on a massacré tous les Muets. J'ai envoyé Egnibhertor prévenir Kleworegs que nous nous étions emparés de leurs chariots et de leur butin, et qu'il pouvait venir. De notre côté, nous sommes entrés voir ce qu'il y avait dedans. Des bijoux partout, des tissus, des fourrures, des objets rares, jamais vus. Puis j'ai pénétré à l'intérieur du quatrième. Il y avait toujours des tissus, quelques coffres et, tout au fond, jetée comme un paquet de hardes sales, une femme attachée, nue et couverte de blessures. Elle n'avait pas une demi-main de peau intacte, tant elle était couverte de bleus, d'ecchymoses, de striures, et toutes autres marques de sévices. On aurait dit qu'elle avait été mordue par une horde de loups pendant qu'elle roulait du haut en bas d'une colline. En plus, ils avaient abusé d'elle par tous les trous, comme les bêtes qu'ils sont. Je m'en suis approché, avec des gestes rassurants. Derrière ses paupières croûteuses, elle me verrait et saurait que je ne lui voulais aucun mal. Elle n'a pas bougé et j'ai coupé ses liens. Elle a fait un grand effort pour décoller ses paupières et ouvrir ses yeux, et m'a regardé avec crainte. Je lui ai souri et lui ai tendu un linge pour se couvrir. Elle a compris. Je n'étais pas un ennemi. Elle s'est soulevée et a tenté de me sourire. Ce ne lui était pas facile. Elle avait le nez écrasé, les lèvres fendues, les dents brisées, et ses yeux pochés étaient cernés de bleus répugnants. Malgré tout cela, on sentait qu'elle avait été très belle, mince, souple, avec les traits délicats d'une jeune ner. Cette beauté m'étonna d'autant plus qu'elle était noire, ou si sombre que je ne trouve pas d'autre mot...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Elle finit de se soulever. Au prix de je n'ose imaginer quelles peines, elle se mit debout. Elle s'avança à pas lents, me désigna un coffret, celui que Kleworegs vous a laissé voir, avec son décor en croix à branches cassées. Elle me fit signe de le prendre et, jusqu'à ce que je dépose mon poignard et m'en saisisse, n'eut de cesse de répéter : ¿ K'rawal, k'rawal ! ¿... éa devait être son nom. Enfin, je le pris et l'ouvris, après avoir cherché un long moment comment faire. J'avais fini d'en trouver le secret. Je relevai la tête. Elle avait en main ma fidèle lame de tant d'années, avec laquelle j'avais coupé ses liens. Quelle sombre ironie ce serait d'en périr ! Je me mis aussitôt en garde, tenant le coffret à bout de bras pour l'empêcher de m'approcher. Où avait-elle trouvé, après toutes ses épreuves, assez de vigueur pour s'en emparer ? Elle eut un nouveau sourire et, avec calme, le posa entre ses côtes. Puis elle l'enfonça d'un sec coup de poignet, et se perça le c¿ur...

... Je poussai un cri de surprise. Il fit accourir plusieurs compagnons, prêts à intervenir et à me porter secours, quoique je serais bien fâché qu'ils le fissent s'ils me voyaient me battre à un contre un. Quand ils la virent étendue morte, mon arme favorite lui perçant le flanc, ils s'exclamèrent et m'interrogèrent, tout surpris. Nous ne faisons pas la guerre aux femmes, et nous sentirions déshonorés de tuer un adversaire nu et désarmé comme ma victime présumée. J'expliquai ce qui était arrivé. Malgré sa peau noire, elle avait agi en vraie fille de ner, refusant de survivre à la honte. Son geste le prouvait. Elle était dans son pays de haute caste et de noble lignée. Il serait bon de l'honorer comme un guerrier, puisqu'elle était morte de la manière la plus digne... Enfin, les prêtres décideraient, mais j'espérais qu'ils penseraient comme moi...

... Maintenant, je vous ai dit ce que j'ai fait, mais c'est notre roi qui connaît le mieux la suite. Il va vous conter comment qu'il a vaincu la horde, et comment que nous avons terminé notre expédition.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Kleworegs reprit la balle au bond. Il se piquait d'éloquence et aimait en faire montre. La relation du forgeron avait été un pesant interlude. Il aurait tant préféré tout raconter lui-même. Mais qui professe l'idée que l'homme au c¿ur d'un événement est toujours le mieux placé pour le narrer doit mettre ses actes en accord avec ses dires. Dieux merci, Pewortor n'avait pas été trop long ! La foule sentit néanmoins son plaisir quand il reprit son récit.

¿ Je vous ai dit ma fureur devant la désertion de nos forgerons. Elle avait encore grandi. A quoi bon tenir la horde à merci ? Le butin était loin. Soudain apparut, tout fringant, Egnibhertor. Je l'insultai... En toute justice, j'eusse mieux fait de réserver colère et reproches à ceux qui n'étaient pas là, plutôt qu'à celui qui venait se rallier, même tard...

... Il ne réagit pas. Il se contenta, comme s'il n'avait rien entendu, de sortir d'une besace un disque de bronze poli. Il le fit jouer dans les rayons du soleil naissant, renvoyant dans les yeux de nos ennemis des reflets qui visaient autant à attirer leur attention qu'à les éblouir. En même temps, il nous cria, pour que nous l'entendions tous, que ses amis, victorieux, nous attendaient à la sortie du défilé. Sans désemparer, il se tourna vers la horde et répéta le début de ce qu'il m'avait annoncé. Si cette nouvelle nous réjouit, elle ne leur fit au début aucun effet. Quand il la leur eut criée plusieurs fois, sortant à chaque reprise un nouveau bijou, puis, à la fin, l'espèce de bannière qui avait décoré leur chariot de tête, ils comprirent. Ces cris dominant le fracas du combat n'étaient pas un mensonge destiné à les effrayer et à saper leur moral, mais l'expression de la pire réalité à laquelle ils pouvaient s'attendre : leur butin était entre nos mains¿

¿ Ils avaient pu en douter tant qu'Egnibhertor présentait les joyaux. Leur bannière prise et brandie par l'un des nôtres ne laissait plus place à l'équivoque. Il y eut un brusque flottement dans leurs rangs. J'en profitai pour me porter au contact de leur chef. J'échangeai avec lui une longue série de passes. Mon assiduité aux danses guerrières, par l'agilité qu'elle m'avait donnée, me sauva plusieurs fois la vie. Bien qu'il m'eût trois fois frôlé de très près de sa hache, j'en vins à bout en l'éventrant de la pointe de mon glaive. Dans un dernier assaut, il parvint à fendre mon bouclier et le tranchant de son arme m'entama le gras du bras (Voyez, j'en porte encore la trace !). Il s'écroula sur cet ultime sursaut. Egnibhertor fit flotter encore plus haut la bannière. Il cria, plus fort que tout ce qu'il avait clamé auparavant, une phrase qu'il n'eut pas besoin de me traduire plus tard quand il me commenta son intervention. Ce ¿ Votre chef est mort ! ¿ convainquit les Muets, déjà touchés par la prise de leur enseigne. Nos prétentions n'étaient pas vaine rodomontade. Ils ne tardèrent pas qui à jeter les armes et à crier pitié, qui à tenter de fuir. Les plus nobles d'entre eux, pour leur part, préférèrent, dans leur volonté d'échapper à la captivité, se lancer sur la pointe de nos glaives. Nous leur permîmes cette mort digne. Ils étaient sans nul doute des brigands et des pillards, mais savaient se battre. Ils auraient fait des captifs trop dangereux pour leur laisser la vie, sauf à les mutiler et à les rendre impropres à tout travail. De tels hommes méritent qu'on les autorise à mourir. Les nations impures n'ont pas ces scrupules. Elles les privent d'un membre, de la vue, ou les torturent pour empêcher qu'ils ne se rebellent...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Des voyageurs vous ont parlé de ces coutumes, courantes chez ceux qui vivent loin dans le midi. Il vous ont dit que leurs rois se font construire des maisons de pierre hautes comme les grands chênes, et vous les admirez. Fi donc ! Ils les font bâtir par leurs hommes libres pour leur gloire égoïste, non celle de leur peuple. Pour ce service, au lieu de les gratifier d'une juste récompense, ils les remercient à coups de fouet. Si encore ils les défendaient ! Non ! Ils leur font payer très cher une protection qu'ils n'assurent pas. C'est au point que leurs producteurs doivent, en plus de récolter et travailler pour nourrir leurs guerriers, se battre pour eux. Pas étonnant qu'ils se dégradent en humiliant des hommes sans défense... Pas étonnant qu'ils ramperont à nos pieds un jour, tout admiratifs que vous soyez devant eux. Face à ces rois qui ont des palais de pierre au milieu des sordides taudis de leurs castes plus humbles, nous avons peut-être des maisons de bois, mais des glaives et des c¿urs de bronze. Ils nous feront vivre quand ces palais resteront le seul vestige de ceux que nous aurons vaincus...

... Tout ça pour vous dire de ne pas imiter ce qui vient de loin quand c'est contraire à l'honneur. Les dieux savent ce que nous y perdrions ! Nous agîmes avec nos captifs ainsi qu'il conseillait. é l'issue de cette bataille, entre ceux que nous avions tués de nos mains au combat, ceux qui s'étaient précipités sur nos armes et ceux qui risquaient de ne pas survivre longtemps, et qu'il nous serait humain d'achever avant qu'ils ne souffrent trop, nous avions fait chez eux des coupes claires. Cet engagement ne nous rapporta qu'une centaine de captifs de plus. De notre côté, nous comptions deux morts et quinze blessés, dont la moitié se remit sur pied en quelques jours et un périt peu après. Restait à voir si, en échange des miens partis combattre à ses côtés, Thonros nous avait favorisés d'un beau butin...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Mes hommes liaient les captifs. Je partis avec mon escorte en direction du défilé. Les charrons examinaient les chariots et les faisaient man¿uvrer pour voir leur état... Ils s'étaient quand même heurtés en pleine course. Egnibhertor m'accompagnait. Il me décrivait la netteté et la rapidité du guet-apens où ils avaient pris le butin. Il me vantait le rôle de Pewortor, qui l'avait conçu et mené de bout en bout. Combien je serais puissant si tous mes guerriers étaient comme lui ! J'en convins. Il me rappela ensuite notre tradition, qui veut que l'âme des guerriers morts parle à celle des vivants, et choisisse les plus dignes pour leur révéler des secrets qui changent le sort des batailles... Un apanage des neres. C'était encore vrai. J'aurais dû comprendre que notre homme-chêne en faisait partie. Ce n'était pas la première indication de ses contacts avec le monde où errent les esprits des morts au combat... Dieux merci, la vérité s'est fait jour. J'aurais moi-même demandé (¿ à mes conditions ¿) qu'elle soit reconnue, si elle n'avait sauté aux yeux des hommes de Kerdarya, qui l'ont fait avant moi...

... Nous arrivâmes auprès des chariots. Pewortor, averti de ma présence, en descendit pour m'en faire les honneurs. Je le félicitai. Il fit le modeste. Son mérite n'était pas grand. Il avait entendu les avis des victimes de la horde le pressant plus que les molosses un troupeau, et y avait obéi. Il me présenta ensuite tous les trésors des Muets, en commençant par des objets déjà connus, ce qui ne les empêchait pas d'être superbes, pour finir par des raretés jamais vues.

Sans mot dire, il me les laissa passer en revue un long moment¿ Oui, c'était des merveilles. Plusieurs eussent à elles seules valu les fatigues et les peines d'un long raid.

¿ Il y a mieux !

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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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Il me présenta le k'rawal dans son coffret pyrogravé qu'il avait jusqu'alors tenu caché sous un tissu vermeil. Je l'admirais. Il me conta ensuite son aventure avec l'étrange captive qui gisait dans le chariot derrière nous. Je lui dis mon désir de la voir avant de l'inhumer...

... Il fit un signe à deux compagnons. Ils y entrèrent et en sortirent son cadavre. Même morte et dans l'état où les sévices des brigands l'avaient mise, on voyait qu'elle avait été belle. Le nombre et l'unité des bijoux trouvés dans le véhicule où elle avait été retenue prouvaient son haut rang chez les siens. Je lui demandai de répéter son récit. Quand il m'eut expliqué qu'elle lui avait donné le coffret et son contenu, je l'arrêtai. é moi aussi, les dieux venaient de faire une révélation. Ce que je lui dis, paroles des dieux passant par ma bouche, je vous le répète. Je ferai de même à tous ceux que je verrai, et même à ceux de Kerdarya, si je les rencontre. écoutez :

¿ Cette princesse en son pays, pour te récompenser de l'avoir sauvée des Muets et lui avoir permis une mort honorable, t'a confié l'image de son dieu. En la mettant sous ta garde, et pour que tu la venges, elle t'a institué son protecteur. Elle a mis sa terre sous ta tutelle, pour que ton peuple en prenne possession un jour... En vérité, le temps viendra, où il en sera ainsi. ¿...

... Il n'en fut pas peu fier. Il le fit savoir à tous ceux autour de lui, puis à tous, à mesure qu'ils arrivaient. Tous se réjouirent de cette terre nouvelle à nous promise. Nous enterrâmes comme un haut roi celle qui nous avait fait, pour l'avoir libérée de sa captivité honteuse, un tel legs...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Nous mîmes d'abord en terre nos rares morts. Nous les honorerions comme il se doit au cimetière du wiks. Nous fîmes ensuite creuser par nos captifs une fosse pour l'accueillir, avec de nombreux corps de Muets pour l'escorter dans l'au-delà. Nous dépouillâmes nos ennemis, recouverts de superbes fourrures et non de leurs habituelles peaux de rats. Un guerrier m'appela. La verge du chef de la horde avait été mordue profond. Voilà pourquoi ils avaient brisé toutes ses dents. Cette insulte et ces brutalités nous révoltèrent. Pour venger cette offense aux dieux de la fécondité, nous ferions un sacrifice expiatoire...

... Nous commençâmes par l'inhumer, bras en croix, coudes pliés vers le haut. é ses pieds, nous installâmes les cadavres de Muets. Tout autour de sa tête, nous plaçâmes plusieurs têtes coupées. Nous lui en mîmes aussi une dans chaque main, si bien qu'elle semblait jongler avec les crânes de ses tortionnaires, et deux sous les pieds, qu'elle les écrase à jamais. Pour compléter l'offrande aux dieux irrités, je fis creuser huit trous profonds et, après avoir choisi huit blessés ennemis qui ne survivraient pas, les fis lier et mettre en terre, la tête seule dépassant. Ils contempleraient la tombe de celle à qui ils étaient sacrifiés...

... Nous partîmes alors, et ¿ maintenant que je vous en parle, je viens de me le rappeler ¿ j'oubliai d'achever les blessés enterrés autour de sa dépouille... Suis-je distrait, tout de même ! ... Pour l'avoir torturée à ce point, ils méritaient de rester à méditer sur leur crime. Ils ont compris, pendant le temps qu'ils ont mis à mourir, que la guerre a des lois... Au fond, peut-être n'étaient-ils que des brigands ?¿

... Peu après, nous retrouvâmes les nôtres. Nous présentâmes à nos anciens captifs, qui n'avaient cessé d'être au bord de la révolte, les nouveaux. Quand Egnibhertor leur eut expliqué qu'ils étaient tout ce qui restait de la grande horde, ce bétail grondant et insolent, que ses gardiens avaient dû maintenir entravé pendant notre absence, tant ils craignaient qu'il ne se soulève et ne les massacre, devint plus sage et tremblant que des agneaux tondus sous la pluie. Il ne fut plus que servile obéissance. C'est ainsi, avec plus de captifs que jamais, et le plus beau butin que nous ayons jamais récolté, que nous retournâmes parmi vous.

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