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AUBE, la saga de l'Europe - le Feuilleton

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Marc Galan

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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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« De quoi ? Que le mal y dorme encore, prêt à se répandre dans leurs villages ? »

« Je l'ignore. Ils ont refusé tout troc, c'est tout. Ils attendent que l'hiver les en ait purifiés. Il fait bien disparaître la vermine. »

... Y avait-il encore du danger ? Leurs chevaux semblaient sains. Ils leur avaient fait serment que la maladie était terminée. Le risque en valait la peine. Il jeta un regard circulaire. Chacun pensait comme lui. Il n'hésita plus...

« Tu m'as l'air bien au courant de la situation. Sois notre guide et accompagnez-nous vers ceux qui ont tant besoin de chevaux et de gros bétail... Pour que tu sois allé si loin, ton village est l'un des plus touchés ? »

« Tu vois nos chevaux ? Nous sommes les seuls à en posséder encore... Pour en avoir, nous troquerons beaucoup de peaux et de métal. »

« Des peaux, des peaux, nous en avons déjà trop, nous pourrions affronter cent hivers... Du métal, je ne dis pas non, ça dépendra de ce que vous m'offrez. Avez-vous du métal blanc ? »

« Euh, oui, un peu ! »

« C'est ce qui m'intéresserait le plus. »

« Je connais deux villages qui en ont à ne savoir qu'en faire, et qui ont perdu tout leur bétail... Mais peut-être sont-ils comme toi, peut-être aiment-ils le métal blanc, et feront-ils des difficultés pour te l'échanger contre tes bêtes ? »

« Es-tu sûr de bien connaître les malheurs et les possibilités de tes voisins ? Qu'importe, si tu me dis qu'ils pourraient faire des difficultés, j'irai ailleurs. La peste a frappé assez loin. Il ne manquera pas de villages sans cheptel, avec du métal blanc en abondance, prêts à le troquer sans faire de manières, eux. »

... Le guide inspira un grand coup. Il en avait trop fait. Une bonne affaire, propre à l'enrichir et à gonfler son prestige, risquait de lui échapper...

« Tu sais, je connais bien ceux qui ont du métal blanc. J'aurais toujours moyen de m'arranger avec eux. Ils t'écouteraient volontiers, mais avec moi, tu l'auras pour encore moins que tu ne l'espérais. Dis-moi tes conditions. Je les leur transmettrai, et leur ferai encore rabattre dessus... Et euh, hum, il me faudra faire sacrifier aux dieux. Les prêtres leur demanderont leur accord. »

« Ta piété fait plaisir ! Rassure-toi, les dieux ne seront pas oubliés... Toi non plus. C'est une joie d'obliger un homme pieux. Contente-toi de veiller à ce que nous ayons de TRéS bonnes conditions ! »

« Très bien, continuons ! »

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Les premiers bosquets avaient avalé ceux qui partaient quérir le métal. La poussière soulevée par leurs chevaux n'était pas retombée que j'annonçai de grandes chasses. Réussies, elles empêcheraient les miens, ne les voyant pas revenir (nous ne les attendions pas, au mieux, avant trois lunes), de succomber au désespoir. Le goût du gibier sur la langue étouffe l'amertume de l'attente et de l'inquiétude. Il fallait que ces traques soient fructueuses. J'autorisai les troisième caste à tendre leurs rets et collets dans nos garennes. Ils piégèrent à profusion lièvres et hérissons, dont nous prîmes la moitié, de quoi faire bombance un quartier. Ce n'était que des amuse-gueule. Le gros gibier seul est une proie digne d'un fils de Thonros. Mes hommes supporteraient le gruau s'il y avait, pour le relever de temps à autre, de cette délicieuse viande sauvage. J'avais sinon tout à craindre de leur haine et de leur mépris envers Kleworegs, le chien fou qui n'a pas tenu ses promesses. J'étais condamné, au nom des efforts et peines que j'en exigeais, à ne pas échouer...

... Je les réunis. Qu'ils se préparent ! Nous allions courir sus à nos proies favorites. Mange-miel bien gavés, à la graisse qui guérit tout, sangliers repus des fruits de l'automne, aurochs bien gras, auprès desquels nos vaches sont chèvres faméliques, tous à ne savoir qu'en faire, seraient de notre prochaine ripaille...

... Pour cette expédition, nul besoin de glaives. Mieux valait de lourds épieux à la pointe durcie. Ils sont, plus que les lames, l'arme idéale contre le gros gibier, la terreur de l'urus et du porc sauvage. Un quartier durant, une intense, fiévreuse activité régna autour de nos feux. Nous passions à la flamme de grosses branches épointées...

... Rien qu'à les tenir, mes guerriers avaient repris tout leur c¿ur. Avec eux, ils affronteraient, et vaincraient, les bêtes les plus farouches. Nouveau signe des dieux, nos éclaireurs nous signalèrent, non loin, un grand troupeau d'ures. La conjonction entre les efforts demandés, ma décision de lancer une grande battue pour avoir de quoi manger comme des guerriers cet hiver, et le passage de cette horde où nous allions cueillir nos victimes, prouvait la bienveillance de Bhagos à mon égard. Plus personne ne doutait. Le distributeur de toutes choses m'avait élu l'un de ses favoris. J'ordonnais, c'était lui qui parlait par ma bouche. Le bruit en courut par tout le wiks. Au bout de quelques jours, sans avoir encore montré ni mon aptitude au vrai combat, ni ma capacité ou mon art de mener les miens à la victoire, ils me louaient comme Kleworegs le pieux. C'était un signe. Seuls les rois maintes fois vainqueurs, preuve que les dieux les ont en grande estime et soutien, y ont droit...

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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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... Pewortor était arrivé au premier village dévasté par la peste du bétail. C'était celui de ses interlocuteurs. Ils entendaient être les premiers servis. Il en salua les chefs. Ils lui contèrent leurs malheurs. Ce wiks, tant son cheptel était superbe et abondant, avait reçu le nom de Gurtos kerdhobhyos... Maintenant ! ... Il s'étonna. Le mal, terrible aux chevaux (seuls de rares poulains, en sus des bêtes de ses guides, y déambulaient), semblait avoir épargné les b¿ufs. Ils le conduisirent, l'air accablé, vers une crevasse. C'était leur charnier. Ils y avaient jeté les bêtes crevées. L'amas de cornes le criait bien haut. Leurs cadavres, eux non plus, ne se comptaient pas...

... Reste qu'ils étaient plutôt à la recherche d'étalons et de taureaux (les vaches avaient été moins frappées), et avaient peu d'étain. Pewortor avait chapitré ses hommes. Ils affichèrent une déception des plus ostentatoire. Les villageois firent grise mine. Ils s'empressèrent, pour prouver leur bonne volonté et profiter de notre cheptel, d'aller prévenir à l'entour. Ils avaient bien décrit les faits. Leurs voisins avaient perdu tous leurs bovins. Ils désespéraient de jamais reconstituer leurs troupeaux. Les décider ne prit qu'un instant. Ils nous livreraient contre quelques bêtes tout leur métal blanc. Il n'était qu'un vestige inutile d'une époque de raids ou d'échanges fructueux... Nos taureaux et nos étalons, eux, étaient l'avenir. Ils se présentèrent chargés de lingots¿ Plus que nous en avions besoin, mais il prit tout...

... Il m'a conté, à son retour, avoir eu une étrange sensation pendant ces trocs. Les villageois se gaussaient tout bas et riaient derrière son dos. Essaierait-on de le gruger ? Il avait été détrompé. é part la dîme, exagérée, prélevée par ses gourmands intermédiaires, les conditions en étaient très favorables. Il en avait eu le fin mot. On trouvait du dernier comique de le voir échanger nos précieux animaux contre ce métal terne qui n'intéressait que les forgerons...

... Ils avaient tenté de s'opposer à la transaction. Ils avaient dû céder devant l'avis unanime des neres et des producteurs, pour une fois d'accord. Je ne sais quels étaient les arguments des troisième caste. Pour les guerriers, la qualité des hommes primait cent fois celle des armes. Ils insistèrent presque pour s'en débarrasser. Les beaux chevaux étaient beaucoup plus importants... é moins qu'ils n'aient pensé que la qualité et la solidité de leurs lames les empêchaient de mettre en valeur leur force... Qu'ils n'aient été, en quelque sorte, jaloux des trop beaux glaives. Les idées de mon père étaient bien partagées... Je n'irais pas m'en plaindre... J'en profitais...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Transactions et échanges ne prirent que deux quartiers... é peine la moitié du temps prévu. Ils devaient revenir aux frimas. Ce fut avant le gel, quand il restait encore quelques rares feuilles aux branches. De même, je m'attendais à avoir juste assez pour nous équiper en vue du prochain tournoi. Il me rapportait de quoi nous armer tous, et au-delà. Il avait poussé la coquetterie jusqu'à me ramener un coursier dont je ne m'étais séparé qu'à grand peine et regret. Il le montait, ayant cédé son moins beau cheval à la place. Je ne pouvais guère le lui reprendre. Va-t-on marchander à qui vous offre tout ce que vous désirez, et au-delà ? Tout cet étain nous a été bien utile. Depuis, tu sais comme il a augmenté ! Là où il fallait un b¿uf, il en faut trois, quatre parfois... Et il avait eu ses lingots pour encore moins, la moitié peut-être

Le chef de patrouille devint tout rouge. Toutes ces combines puaient l'immoralité. Il n'aurait pas dû appeler ner cet artificieux Pewortor... Ce qui était fait, pour sa plus grande gloire d'ailleurs, était fait. Il n'allait pas revenir dessus. Dans cette affaire de transaction, le village entier de Kleworegs, et lui le premier, était solidaire et complice. Soucieux de bonnes relations avec lui, il s'abstint de faire la morale. Il préféra s'inquiéter de ses battues.

¿ Nous partîmes à la rencontre des aurochs. Pour la première fois, quelques vieillards d'âge canonique voulurent nous accompagner. Je saluai leur grand âge et plus encore leur vaillance... Cette chasse est dangereuse entre toutes. Ils avaient décidé d'y participer afin, si les dieux daignaient leur sourire, d'y trouver une mort digne de leur sang. Ils feraient le sacrifice de leur vie pour ne pas rester, bouches inutiles, à notre charge, et nous aider. C'était un prix bien doux. Notre wiks, de nombreux signes l'annonçaient, vivrait dans la gloire et le triomphe. Il leur plaisait d'être les premiers héros morts sous mon règne, et célébrés pour ce geste, plutôt que des vieillards à qui, sous la mince écorce du respect, on reprocherait le peu qu'ils mangeaient. Ils me priaient, et même exigeaient de moi, en vertu de la déférence que je devais à leur vieillesse, de leur désigner les positions les plus exposées, qu'un chasseur doit tenir sans faillir au risque d'être piétiné. Je ne devais ni me priver de vétérans, en pleine force de l'âge, ni exposer à ces postes des jeunes, enclins à s'effrayer devant la charge aveugle des ures. Eux, ils tiendraient. S'ils y périssaient, la perte ne serait pas bien grande pour le village. Leur gloire, en revanche, serait large comme toute la steppe. Ils banquetteraient au festin de Thonros...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... J'acceptai leur offre, et la fis proclamer partout. Tous les louèrent. Notre village enverrait enfin aux dieux, après tant d'années (on avait vite oublié la mort de mon père !) des guerriers tombés au combat. Ils nous soutiendraient auprès d'eux, et seraient exaucés. Nous aurions bientôt des ennemis nombreux et puissants à qui nous affronter, avec un butin à l'avenant. Notre moral était plus élevé, s'il est possible, que Soleil à midi...

.. Mes éclaireurs ne nous avaient pas trompés ni exagéré, suivant la coutume de certains chasseurs, l'importance du troupeau. Les énormes bovins formaient une horde dense comme un beau champ d'épis. La ponction que nous y ferions serait pour la troupe de ces monstres ce qu'une touffe d'herbe broutée est pour la steppe, une minuscule blessure qui se cicatrise en moins d'une saison...

... Nous en tuâmes assez pour passer un long hiver, au prix de deux morts. Deux de nos vieillards avaient vu des urus faire une brusque volte pour s'échapper. Ils s'étaient précipités devant eux, épieux pointés. Ils avaient été tous les deux éventrés et foulés à mort. Les géants cornus n'en étaient pas sortis indemnes. Nous n'eûmes qu'à les achever, tant ils y étaient allés de bon c¿ur. Eux n'étaient plus que charpie... Ces brutes montrent la plus violente fureur dans leur agonie. Nous les enterrâmes sur le lieu de leur exploit. Leurs cuirasses et de nombreux biens, récompense de ce haut fait, reposent dans notre cimetière des héros. Les autres anciens, qui avaient proposé de se sacrifier, enviaient leur sort. Le prêtre les consola. Ils n'avaient pas démérité. Thonros leur réservait un trépas encore plus noble. Le crurent-ils ? Ils le feignirent. J'ajoutai que le Seigneur des guerriers les avait laissé survivre afin que leurs derniers jours nous voient renouer avec la victoire et les beaux butins. Ils louèrent sa sagesse et reprirent bonne figure. Nous dépouillâmes et dépeçâmes toutes nos victimes. Nous découpâmes leur viande en fines lanières. Elle sécherait plus vite. Cette tâche nous occupa plus d'une lune. Avant la fin de la saison froide, nous disposions de nourriture et de cuir à foison...

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Marc Galan Membre 421 messages
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... Nous revînmes au village. Pewortor n'était toujours pas de retour. Il n'arriverait pas avant au moins une lune et deux quartiers... é peine un quartier plus tard, un de ses messagers survint. Il me rapporta leur succès. é l'appui de ses assertions, il avait de quoi forger déjà plusieurs beaux glaives. Je fis, aussitôt, porter le métal à Punesnizdos. Il tomba à genoux, remercia les dieux. Son geste de dévotion terminé, il bouta le feu au foyer de sa forge...

... Deux jours après, la troupe était là. Je rendis grâces aux divinités de nous avoir permis de faire aussi bonne chasse. é cause de leur retour prématuré, j'avais bien plus de bouches à nourrir, dès les premiers mauvais jours, que prévu. Bhagos, quoique borgne, voit tout. Il avait suppléé à mon ignorance. Il nous avait offert toute cette viande supplémentaire en prévision... Mais lui et ceux de son espèce sont des dieux, quand nous ne sommes que des hommes...

... é cette occasion, je fis, aux démons la lésine, préparer une grande fête. Elle fut à la hauteur de la nouvelle et infaillible générosité du ciel. Amasser et grignoter comme le hamster aux lourdes bajoues ou l'écureuil cacheur de graines lui auraient été offense et grave insulte. Nous aurions perdu sa faveur. Nous l'honorerions en festoyant. Il nous avait comblés de ses bienfaits pour la saison froide. Il ne devait nous rester aucune réserve à l'entrée de la saison chaude. Voyant notre piété et notre confiance, il remettrait sur notre chemin noble gibier et beaux butins...

... Notre banquet fut copieux, l'hydromel plus copieux encore. Nous invitâmes les troisième caste à venir se goberger. Ils ne s'en privèrent pas. Il y eut le lendemain de pénibles réveils, le mien pour le premier. Je sortis sous la pluie pour me remettre de la folle nuit. Je me rendis à la forge. Pewortor, traité la veille au soir comme un des nôtres, cuvait quelque part son medhu. Il restait introuvable ou sourd à tous appels. Son père était déjà debout. Il se tenait devant son foyer où régnait un vrai brasier. Il avait anticipé mon ordre. Il s'était mis au travail sans délai... »

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Marc Galan Membre 421 messages
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Plusieurs fumées, à peine visibles, apparurent au loin, régulières, échelonnées. Le village où ils trouveraient gîte et couvert n'était plus loin. Kleworegs s'étonna. Quel chemin parcouru pendant qu'il racontait son histoire ! Son récit, consacré à célébrer sa gloire et à exalter ses hauts faits, avait pourtant été si bref !

Il interrogea son voisin. Le village qu'il devinait était-il celui de leurs hôtes ? Le chef de patrouille était fier. Il ne s'était en rien fourvoyé. Il les avait menés droit et vite. Il se rengorgea, le lui confirma. Cette halte leur ferait tous du bien... S'il continuait, en attendant qu'on y arrive, le récit de sa jeunesse ?

Il refusa. Il lui en réservait la suite pour plus tard. Mieux valait soigner leur entrée. Ce ne serait pas digne de pénétrer chez ces gens en devisant comme une paire de vieux amis. Leur arrivée devait être pleine de pompe et de majesté. Elle porterait haut le flambeau de leur vaillance. Elle redonnerait à ce clan qui semblait, à ses dires, les avoir perdues, la fierté de sa race et l'envie d'aller se battre au lieu de se contenter de petits raids et de piégeage de gibier.

Il n'alla pas plus loin, soudain inquiet. Il était peut-être le seul ¿ non, pas le seul, lui et une petite poignée de rois de sa trempe ¿ à faire digue contre les Muets, à semer la terreur dans leurs camps et à oser se porter bien au-delà des marches d'Aryana pendant la saison des combats. D'autres, de nombreux clans, devaient d'ores et déjà penser et agir comme lui. Même les plus grands guerriers ne sont pas éternels.

Il songeait parfois à sa succession. Nul, parmi les siens, n'avait les épaules assez larges. La protection de Bhagos sur son clan risquait de s'éteindre avec sa vie. Ah, qu'il ait un enfant mâle, et qui vive !

Il était arrivé depuis un bon moment au puy aux aulnes. Il avait commencé par s'allonger contre un petit talus. Un bon somme, et il irait aux anciennes emblavures observer ceux qu'il voulait tuer. Tout revigoré, il avançait. Il avait repéré un poste d'observation idéal. Le vent lui soufflait au visage. Son odeur n'alerterait pas les porcs.

Il s'y installa. Il avait connu plus confortable. Qu'importe, il n'en ferait pas sa maison. Le plaisir d'abattre un beau solitaire l'attendait. Il valait bien les petits ennuis de cet affût.

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Marc Galan Membre 421 messages
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UN MYSTéRE

Le messager était arrivé. Ils l'entourèrent. Il dit qui il était, qui l'avait envoyé, ce que ses mandants désiraient. Leur roi survint. Plus physionomiste que les siens, il reconnut un des hôtes honorés l'avant-veille. Il leur intima silence et l'écouta. Il recevrait avec plaisir une glorieuse troupe de retour d'un raid profitable. C'était un grand, mais trop rare honneur. Qu'elle célèbre avec eux la fête des moissons ! Sommet de l'activité des paysans, elles venaient de finir. Son village ne vivait que des travaux des champs. Leur heureuse conclusion donnait lieu à une série de festivités dédiées aux dieux de la nature et de la fécondité. Ils y seraient bienvenus.

Il partit au devant d'elle. Son prêtre-sacrificateur l'accompagnait, fier, droit. Ce soir, il accomplirait les rites et ferait les oblations pour remercier les dieux de leurs dons et les prier d'être encore plus généreux l'année suivante. C'était la formule consacrée, même quand ils avaient été chiches. Il ne fallait pas les fâcher. Cette année, elle ne serait pas de pure forme. Ils avaient gâté le clan comme jamais.

La troupe de Kleworegs arriva. La suivait une longue file de captifs mis à la queue leu leu pour les impressionner. C'était réussi. Devant ce long serpent se déroulant, solennel, ils étaient saisis de fierté et de frayeur. Fierté ¿ ils étaient les frères de ces héros auréolés de victoire. Frayeur ¿ les dieux les jugeraient à leur aune, de tant de coudées supérieure. Vint le souvenir. Il y eut, plus fort que la frayeur, ce qu'ils n'osaient exprimer. Autant ne plus penser ! Ils plongèrent, maîtres d'un clan sans ambition, en ayant oublié le sens, dans l'admiration. Ils s'extasièrent devant le cortège : même le bétail faisait une entrée impeccable. Pas un pour ruer ou divaguer. Elle était polluée d'arrière-pensées, d'une jalousie morbide, devant leur superbe. Ils avaient choisi la voie du triomphe ; eux, la rampante médiocrité.

Kleworegs, son bhlaghmen et le chef de patrouille se tenaient à leurs côtés. Ils regardaient, avec un bel ensemble, défiler ses troupes et leur butin. Il observait, du coin de l'¿il, ses hôtes. Le prêtre portait comme il sied une robe de lin blanc, mais que dire de la peau lainée du roi ? Elle était bonne pour un éleveur, indigne d'un guerrier. Pourquoi cette irrévérence ? Il pouvait, si cela chantait aux siens, porter des haillons en l'absence d'hôtes. Il devait arborer sa plus belle fourrure pour recevoir. Ce laisser-aller, ce manque de dignité, puaient le dédain des dieux. Que ce clan prenne garde ! Un tel maître le menait droit à sa perte. Pourvu que leur exemple le remette, avant qu'il ne soit trop tard, sur le bon chemin ! De plus vaillants que lui avaient rejeté les Muets au loin. Il ne s'en féliciterait jamais assez. Il eût, sinon, ployé le genou devant eux, ennemis farouches et déterminés malgré tous leurs vices.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Les sentiments personnels ne doivent pas prendre le pas sur la loi, ni interférer avec. Le monde repose sur un tel pilier. Faisant fi de son mépris, Kleworegs avait, arrivé face à cet homme à si miteuse mise, arrêté son cheval. Il en était descendu. Il l'avait salué du ton de politesse affectée qu'emploient entre eux des inconnus de même haut rang. Il continuait, toujours courtois. L'hospitalité est dans les mains d'un dieu. On doit en respecter les formes. Il n'y faillirait pas, tout désir qu'il en ait.

Les prêtres firent montre de la même amabilité. Ils se saluèrent et s'embrassèrent. Selon la règle, celui de Kleworegs demanda, au nom des siens, pour l'amour d'Aryamenos, l'hospitalité. Comme le voulait la loi éternelle, celui du village les invita à être leurs hôtes pour trois jours. Il ne leur demanda que le nom de leur animal tabou pour fixer leurs interdits respectifs et éviter tout malentendu qui rendrait le séjour pesant.

Il était fier de ce rôle, vestige du temps où les rois étaient élus dans sa caste. C'était un des rares pouvoirs, avec celui de présider aux cérémonies et de sacrifier, qui leur restaient. En ce jour, il recevait une tribu glorieuse et menait la grande fête des moissons. Il retrouvait cette puissance des temps très anciens, où seul existait, pour différencier l'homme de la bête, cette tradition. Une tradition devenue un objet de fierté, pour certains une occasion de profit. Les clans bien reçus remerciaient en laissant des cadeaux à proportion de l'accueil et de leurs richesses. Les <em>wikos</em> de quelque renom mettaient un point d'honneur à régaler leurs hôtes de réceptions somptueuses auxquelles répondaient des cadeaux pouvant aller jusqu'au double. Avec quelque intérêt. On méprisait les clans répugnant à s'y prêter. On les évitait, on se refusait à les fréquenter. Leurs enfants à marier ne trouvaient aucun parti. Ils dépérissaient et tombaient dans l'oubli. C'était heureux que l'hospitalité dépende de lui. Son roi avait tendance à l'avarice. Leur hôte, homme à pratiquer et honorer la libéralité, en eût été fâché.

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Marc Galan Membre 421 messages
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L'invitation transmise, les cavaliers mirent pied à terre. Il les invita à se réjouir. La fête des moissons, à en entendre les préparatifs, serait plaisante. Fête des paysans, ces réjouissances admettaient sans réserve aucune la présence des neres, quand la réciproque n'était pas souvent vraie. Ils promirent d'y assister. Guerriers et a fortiori prêtres peuvent assister à toutes les cérémonies, sauf certains cultes féminins de la fécondité, même si leur présence y pèse... Aujourd'hui, ils étaient les bienvenus. C'était toujours le cas pour la fête des moissons. Quand elle était réussie, les neres renvoyaient la pareille en invitant les wiroi aux festins célébrant la fin des chasses. Ils ne rateraient pas une telle occasion de se régaler plus tard de beau gibier.

Ils entrèrent dans l'enclos. Les paysans s'affairaient à diverses tâches préludant à la fête. Leur rumeur les avait alléchés. Leur vision les passionna. Ils contemplaient tout. Les monceaux de bale, qui brûleraient pour alimenter les feux de joie nocturnes, étaient des indices évidents, à moins d'épis vides, d'une plantureuse récolte, partant d'une soirée mémorable. Les longs va-et-vient des femmes portant sur leur tête des cruchons de bière ne l'étaient pas moins. Elles les recouvraient de linges humides. En séchant, ils allaient la rafraîchir et en conserver cette fraîcheur tout au long de la nuit. Un peu à l'écart, des jeunes gens s'essayaient à quelques pas de danse. Tout sentait la fête. Tout laissait présager qu'elle serait réussie. Ils n'en tiquèrent pas moins. Il y avait chez leurs hôtes, en particulier les rares neres, une lassitude innée. Ils en furent choqués. Une telle attitude ne s'accordait pas avec leur naissance.

Le sacrificateur les avait abandonnés. Il pénétra dans sa maison. Cette hutte n'avait rien, en taille et en beauté, d'une demeure de bhlaghmen. Il en sortit peu après, sur la tête une dépouille de loutre au lustre magnifique. Il y avait tout autour du village, l'irriguant et contribuant à la richesse de ses récoltes, des ruisseaux à l'onde claire et pure où elles s'ébattaient, tout à leur aise, sans risque d'être chassées. La loutre, son animal tutélaire, était protégée par son statut de totem, ancêtre du clan installé dans les parages. La blesser ou la tuer était aussi sacrilège et criminel que de porter la main sur un prêtre. Ce serait châtié, si cela arrivait, avec la même sévérité. Un tel forfait restait bien improbable. De mémoire de plusieurs générations, il n'avait jamais été commis.

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Marc Galan Membre 421 messages
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En s'installant au village, même pour une brève période, les hôtes devaient en respecter les lois et les interdits. Plusieurs guerriers avaient de somptueuses peaux de loutre. La sortie du prêtre revêtu de sa dépouille, en vue de les informer de son totem, leur signifiait d'abandonner, tant qu'ils y resteraient, leur fourrure de dilection. Ils allèrent les cacher parmi le butin et prirent la première tunique venue, pas toujours à leur goût, ni à leur taille. Même les plus mal attifés se consolèrent de leur allure ridicule. Elle était provisoire. Ils reviendraient chercher vêtement plus convenable.

En réponse, il informa ses ouailles de leur totem. Elles seraient tenues de le respecter pendant trois jours. Leur séjour ne serait pas plus long. Mais le droit d'hospitalité est le signe distinctif des hommes.

Cheval ailé, animal des légendes ; loutre, gibier à la chair insipide. Ils s'équilibraient. Aucun des interdits réciproques ne serait pesant. C'était, ils en tombèrent d'accord, une bonne chose. Des clans en venaient aux mains pour ça à l'occasion de festivités trop arrosées. Pour un mot de trop, souvent une vantardise (les loups gris, j'en vois douze, j'en tue cinq et j'enfile les autres, ou autres amabilités), une bataille rangée éclatait avec la soudaineté de l'orage. Il n'y avait pas de morts ¿ les armes restaient sous la garde des première caste ¿ mais, le calme revenu et dissipée l'ivresse, nez cassés, dents brisées, côtes fêlées ne se comptaient plus.

Ils n'en voulaient pas. Il y avait déjà trop de clans ¿ par chance, de petit lignage ¿ séparés pour une telle dette d'honneur par des querelles inextricables et des haines rancies. Elle empêchait alliances et mariages profitables. Il y en avait même qui se faisaient la guerre depuis le début du monde. Au cours d'un banquet où l'hydromel avait trop coulé, un ivrogne avait massacré l'animal (gibier trop délicieux ou prédateur trop détesté) vénéré de ses hôtes. Le clan sacrilège n'avait voulu ni livrer, ni punir le provocateur. Il avait refusé de payer l'amende du sang pour les animaux sacrés abattus. Depuis, ils se haïssaient. Leur combat, même codifié par la loi interdisant la bataille en armes et par les nécessités de la survie, n'en était pas moins inexpiable. Plusieurs fois déjà le conseil des prêtres avait dû décider, au vu de récits d'au-delà de la mémoire, qui était coupable. Ils avaient menacé de le déclarer loup. Certains conflits, dangereux pour l'existence même du peuple, s'étaient ainsi calmés sans s'éteindre jamais.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Il n'y avait aucun risque de cette sorte, ni même d'une simple bagarre. Au village des Loutres, on n'avait jamais vu de cheval ailé, en tout cas pas depuis sa fondation. Il serait douteux qu'un apparaisse cette nuit. Encore plus qu'alors un villageois le blesse ou le tue. Le prêtre de Kleworegs sourit. Le hasard serait en effet bien grand, bien malicieux. Il le rassura. Les siens n'étaient pas des pêcheurs. Ils n'avaient aucun sujet de querelle avec elles. Elles vivaient assez loin de l'enclos, dans les rivières et les rus qui l'entouraient, pour que même le guerrier le plus imbibé n'ose sortir, seul dans la nuit où rôde la peur, accomplir un sacrilège. Tout laissait prévoir des relations satisfaisantes... Les clans sympathisaient. Revoir un wiks après leur long périple réjouissait leur c¿ur. Ils avaient été contraints à l'austère vie des nomades pendant la longue saison des combats. Cette joie avait effacé leur dédain. Elle les éloignerait de toute friction.

Les villageois montrèrent l'endroit où ils préparaient leur bière : une grotte à flanc de coteau creusée profond et aménagée. Ils mettaient la dernière main, en la soutirant, à sa préparation. Experts dans cet art délicat, ils avaient à peine fait griller l'orge, tout juste germée, récoltée au début des moissons, puis l'avaient pilée et mélangée à de l'eau claire et à une poussière crème, résidu de la bière précédente. Cette mixture peu engageante, en fermentant, avait donné une liqueur mousseuse à souhait, propre à rafraîchir les gosiers les plus altérés. Ils la trouvèrent délicieuse. Ils en redemandèrent. L'extrême pureté de l'eau des sources de la région y était pour quelque chose, mais cette bière avait surtout un arrière-goût que seuls de vrais amateurs pouvaient pénétrer : la saveur du travail et de l'amour de la terre de ceux qui en avaient récolté l'orge, et le parfum de leur dévotion sincère aux dieux qui avaient sanctifié leur tâche en favorisant les récoltes. On les comblait de cette boisson presque aussi savoureuse que leur bien-aimé hydromel. Ils en goûtaient le bouquet, sans pouvoir le définir. Neres, ils morguaient les paysans. Là, ils fraternisaient.. On les pria de cracher dans la cuve où elle fermentait. Leur salive de héros la rendrait plus forte et goûteuse. Ils s'exécutèrent volontiers.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Dyeus le ciel diurne céda la place à Akmon le ciel de nuit, voûte de pierre perlée de joyaux brillants et immuables. Kleworegs et ses hommes montrèrent à leurs hôtes une partie de leur butin et leur firent admirer le coffret ¿ C'était bien suffisant, ils n'étaient pas dignes de voir la Pierre ¿. Ils remarquèrent les éclairs dans les yeux des guerriers des Loutres. Jalousie, envie, et quelque chose d'autre. Cet autre était inconnu, obscène, surtout dérangeant.

Trop tard pour s'y attarder. La fête commençait. Les villageois, à leur tête un prêtre recouvert d'une dépouille de chevreuil, se mirent en file. Sur le sommet du crâne il portait la tête aux bois courts, mais puissants, et le fauve pelage de la bête sur ses épaules. Il avait une cagoule, de teinte plus claire, provenant de son ventre. L'ensemble était cousu et ajusté sans défauts. Kleworegs et ses guerriers, un instant, crurent à un hybride d'homme et de chevreuil.

La chimère était suivie d'une petite troupe de paysans porteurs de minuscules tambours de peau. Elle tenait à la main un pot empli à ras bord d'une bière à la mousse débordante. Pewortor l'admira. Un seul et rapide coup d'¿il lui avait suffi. Il n'avait pas été ouvré dans ce village, ni même en Aryana. Magnifique poterie cordée quand les siens incisaient la glaise en guise de décoration, il provenait d'un pillage, chose guère crédible vu l'allure du village, ou d'un troc, aussi improbable.

Cette pièce n'était pas à sa place ici. Il en éclaircirait les origines. Espérant y trouver un indice, il examina mieux le défilé. Certaines paysannes, les plus laides et les plus mal bâties, arboraient des pendants d'oreilles et des pectoraux de grand prix. L'éclat de ceux, splendides, qu'il avait offerts à sa première épouse à l'annonce de sa grossesse, palissait à côté. Dans les petits wikos, on s'habille sans apprêt ni coquetterie. La richesse de ces travailleurs de la glèbe était admirable, plus encore étonnante.

Leur présence était contraire à toute logique. Ces maritornes détonnaient au milieu de cette foule, peu nombreuses et parées à l'excès quand les plus belles n'avaient que des vêtements tout simples. Leurs visages mafflus exprimaient envers leurs guerriers un dédain insolent, explicite. Pourquoi, ainsi toisés et méprisés, ne réagissaient-ils pas, ou même baissaient-ils la tête pour éviter de croiser leurs regards ? Kleworegs, et d'autres avec lui, avaient eux aussi remarqué ce manège. Ils élucideraient ce mystère.

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Marc Galan Membre 421 messages
Baby Forumeur‚ 63ans‚
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Ils s'y employaient déjà. On chuchota à l'oreille de Kleworegs. Si ce village s'était enrichi par l'assassinat de ses hôtes ? Ils pourraient être les prochains. « Ah oui ? é moins de cinquante contre deux cents ! Leur bière t'est montée à la tête ? »

La procession était arrivée près d'un énorme tas de bale et de bois. La bale bouterait le feu au bûcher, le bois l'entretiendrait. Le prêtre-chevreuil versa sur l'énorme tas de branchages un peu de bière nouvelle. Il en fit libation à l'orient, d'où jaillit la lumière de Dyeus, au midi, où elle est au plus haut, à l'occident, où elle se couche, au septentrion, où elle se repose et reprend ses forces. Il donna le cruchon vide à un acolyte. Il en reçut une torche enflammée. Il alluma le bûcher.

Les flammes s'élevèrent. Des étincelles jaillirent vers le firmament. Elles tentaient, un bref instant, de rejoindre les brillants joyaux scintillant au sein de la voûte nocturne. Punies de leur orgueil insensé d'avoir voulu s'égaler aux bijoux divins et rivaliser avec leur splendeur, elles mouraient et retombaient en cendres. Les paysans s'ébranlèrent. Ils firent un long cortège pour défiler près du brasier. Arrivé à sa hauteur, chacun y jetait une petite poignée de grain, en chantant, en don aux dieux de la nature.

Les femmes avaient formé un cercle autour du feu. Elles soutenaient les hommes en cadence. Elles invoquaient, en répons, la déesse-mère, maîtresse de la fécondité.

Les hôtes les regardaient chantant et battant des mains tout autour du foyer. Elles semblaient s¿urs : jambes courtes, souvent torses, attaches lourdes, formes amples, petite taille, comme formées de la glaise qu'elles travaillaient. Toutes étaient aussi bien dodues. Il n'y avait eu depuis bien des années, ni famine, ni simple disette. Les paysans étaient, eux aussi, râblés, pleins de force... si mornes, pourtant.

Retentit soudain, sonore, un roulement de tambours. Ils sursautèrent. Ces minuscules instruments, aussi bruyants ? ! Deux nouveaux hybrides apparurent sur la grand place. Vêtus à l'imitation de l'homme-chevreuil, avec une tête et une peau de loup, ils dansèrent à leur tour devant les flammes. Leur lueur les rendait vrais. Ils ne furent, un moment, pas loin d'y croire. Les deux gaillards et l'homme-chevreuil entamèrent un simulacre de lutte. Il dura longtemps, devant les cris d'admiration et de frayeur mêlées. Enfin la paire d'hommes-loups tomba sur le sol, bras en croix.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Une des paysannes, à la chevelure épaisse et crêpelée, commenta la scène à son voisin. C'était, malgré son air placide et avachi qui trompait son monde, un des plus solides guerriers de Kleworegs.

¿ L'hiver dernier, les loups ont menacé notre cheptel. Le chef chevreuil et nos hommes sont allés à leur rencontre et en ont tué quinze ¿ elle recompta sur ses doigts ¿ oui, c'est ça. Nous en avons gardé les peaux pour en faire des manteaux.

¿ La fourrure du loup est idéale pour se protéger des rigueurs de l'hiver. Elle l'est aussi comme vêtement d'apparat pour honorer ses hôtes. Ton roi aurait pu s'en passer une sur le dos, au lieu de sa défroque ! Est-il digne d'avoir du mouton sur les épaules quand on souhaite la bienvenue à un héros comme Kleworegs... et à ses guerriers ! ?

¿ J'en sais rien, c'est déjà pas facile de savoir qui est qui, et comment le saluer, rien qu'au village.

¿ Vous avez déjà tué des mange-miel, ici ?

¿ Nous tuons les porcs qui viennent piétiner les récoltes ; les goulpils, aussi. Non, nous n'avons pas eu affaire aux mange-miel depuis longtemps... Oh, pas si longtemps après tout, pas depuis ma naissance. Tant mieux ! Nos gourdins ne pourraient rien contre eux, ni même nos pauvres épieux et nos vieux glaives... Ici, depuis l'incendie de sa forge, je n'étais encore pas née, il n'y a pas de fabricant d'armes... Dis-moi, c'est vrai qu'ils ont le corps noir de suie, comme le cul d'un chaudron, et qu'ils peuvent vivre dans les flammes ?

Même s'il l'avait trouvée à son goût, il ne lui aurait pas répondu là-dessus. Il lui aurait plutôt raconté ses victoires contre ces mange-miel qui l'impressionnaient tant. Il ne lui dirait rien du tout. Son autre voisine, qui avait tout écouté, lui semblait plus digne de son intérêt. Il se tourna vers elle. Il saurait la charmer par ses récits de hardi chasseur. Il héla le premier forgeron à portée de voix.

¿ Oh, Egnibhertor, cette petite s'intéresse à vous, si vous vivez dans le feu, si vous avez les fesses noires... Tu pourras toujours le lui montrer.

¿ Alors, petite, que veux-tu savoir ?

¿ Ah, tu es forgeron ! ? C'est vrai que vous vivez dans le feu et que vous êtes tout noirs ?

¿ Une seule question à la fois, veux-tu !

Il regarda la curieuse. é part ses cheveux crêpelés, elle ne différait guère des autres. Sa peau, pour une troisième caste, était claire. Elle avait de bonnes joues rondes, un peu rougies par l'excitation ou le feu proche, des seins lourds, la taille peu marquée. Cependant, et cela lui plut, elle était bien moins grassouillette que la plupart.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Cette attirance semblait réciproque. Ses yeux brillaient. Son souffle était court, précipité. Le guerrier ¿ parti avec son amie ¿ installé à son côté était assez à son goût. Il évoquait, par sa seule fonction, l'odeur et le fracas des batailles. Un forgeron, c'était plus. Il y avait chez eux une part de sacré au moins égale à celle des bhlaghmenes, épicée d'un zeste de mystère et de scandale tenant à leur commerce avec les forces sous la terre. Il les rendait encore plus excitants.

On a raconté aux jeunes filles pendant des siècles, et cela durera bien encore aussi longtemps, des histoires où les démons venaient les séduire. Elles les ont écoutées, mi-tremblantes, mi-émoustillées. Egnibhertor, bien qu'un peu frêle, n'était pas le moins séduisant démon.

Les maîtres des forges sont liés aux profondeurs mystérieuses et inquiétantes et à leurs dieux. Ils étaient, pour ceux qui ¿ comme la fille née dans un village trop pauvre et peu porté à rechercher la gloire des combats ¿ ne les avaient jamais vus, les plus proches de ces créatures que la sagesse des humbles sait perverses et ourdisseuses de noirs complots. Pourquoi, sinon, se cacheraient-elles de la lumière de Dyeus Pater pour qui il n'est point de secret ? Les forgerons, ouvrant loin des yeux du profane un produit issu des entrailles de la terre et transformé par le feu indomptable, étaient une énigme pour la majorité des hommes, un fascinant mystère pour bien des femmes.

Amants du feu, accoucheurs du métal, ils participaient, malgré leur moindre caste, du sacré. Ne tiraient-ils pas du sang des pierres et de la terre ? Ce qu'ils appelaient entre eux roudhos, métal rouge, n'était-ce pas, écarlate comme lui, la sève de la terre, solide la plupart du temps, parfois, sous l'action de la plus ardente flamme, aussi fluide que celle de l'homme ?

Il lui raconta, tout en fouillant sous sa jupe, certains de ses secrets. Des cailloux que seuls les siens savaient reconnaître et traiter devenaient dans leurs foyers sang incandescent et lames tranchantes. Le cuivre coulait comme du sang dans les entrailles de la Terre. Il ne se transformait en pierre verte, mère du métal, que lorsqu'il jaillissait de son corps ou sourdait à sa surface, comme la sève du héros blessé. De nombreux villageois avaient souffert de l'attaque des fauves. Elle avait vu la liqueur vermeille, au sortir de leurs corps, durcir et devenir noirâtre.

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Marc Galan Membre 421 messages
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Le parallèle était évident. Elle le reconnut comme toutes les victimes de la griffe, du croc ou du glaive, et les témoins de leur malheur. Seuls parfois des paysans s'étonnaient qu'on ne puisse récolter du minerai après chaque labour, où la terre est griffée par les houes et les araires. Il y avait toujours eu réponse. Il leur avait représenté le monde infini et leurs sillons infimes. Ils étaient chaque fois repartis tête basse, honteux de l'avoir formulée, plus encore d'avoir été incapables d'y répondre.

Il n'en dit pas plus. Il ne lui avait confié que ce qu'il voulait laisser connaître. Cela suffirait. Même s'il avait été plus prolixe, elle ne s'en serait pas sentie plus sage. Il y avait ce qu'il lui avait dit, et les secrets qu'il échangeait avec ses compagnons. Il y avait un abîme de l'un à l'autre. Qu'importe, pendant quelques jours, elle aurait aux yeux de ses amies l'aura de l'initiée à de redoutables mystères.

Contente de toutes ces explications écoutées bouche bée et avec ferveur, elle voulut le remercier et satisfaire sa curiosité. Toujours désireuse de découvrir la couleur de son interlocuteur, elle lui montra quelques couples qui se formaient à mesure que décroissaient les flammes. Il accepta l'invite, l'entraîna à l'écart, lui donna l'occasion de s'instruire. Ils n'étaient pas les seuls à agir ainsi. é entendre les cris et les gémissements retentissant par tous les coins sombres, cette fête d'équinoxe, dédiée aux moissons et à la fécondité, honorait surtout cette dernière. Elle tournait à l'orgie. C'était le sort commun à toutes ces festivités. On ne les appelait de plus en plus souvent que fêtes de la fécondité, tant les résultats en étaient probants en début de saison chaude. Ce n'était pas toujours aussi réussi pour les récoltes.

Le matin, de nombreux couples se réveillèrent et se découvrirent. Un pas de Sawel après, on eût dit que rien ne s'était passé. Les guerriers ¿ les plus sensibles aux femmes, jambes coupées par une douce fatigue ; ceux qui avaient préféré les charmes du sommeil à ceux de l'étreinte, reposés ¿ échangèrent leurs commentaires. Ceux qui avaient lutiné les villageoises racontaient leur nuit. Leurs appréciations volaient à croiser les taupes. Il est heureux que leurs partenaires, qui en faisaient l'objet, n'aient pas été là. Elles n'auraient guère été flattées en entendant les réflexions de leurs fugaces amants (peut-être en disaient-elles autant d'eux). Ceux qui avaient dormi jouaient des muscles, dispos, pleins de vigueur, mais vautrés. Les autres, vidés, installés tant mal que bien, continuaient à parler. Ils en rajoutaient. Kleworegs fut vite las de leurs prouesses.

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Marc Galan Membre 421 messages
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¿ Taisez-vous !

...

¿ Regardez-vous, tout avachis ! Lourds appas, couches épaisses, le mou vous a amollis !

Ils se redressèrent.

¿ Fini de dégoiser ! Passons aux choses sérieuses. Vous ¿ enfin ceux qui n'étaient pas trop à la boisson ou à la baise ¿ avez remarqué la curieuse attitude de ces femmes parées, celle plus curieuse encore de ces guerriers ?

¿ Curieuse ? Inimaginable ! De simples paysannes, des plus laides, pas du tout le genre à partager la couche des chefs et à le faire savoir, toisant et méprisant leur roi. Dans un village digne de ce nom, on les aurait... Rien du tout. éa n'aurait jamais existé !

¿ Et si nous avions rêvé ? L'ivresse nous l'aura suggéré. Saleté de bière !

¿ Je n'ai presque rien bu. Moi aussi, j'ai vu ces mégères gonflées d'arrogance et ces guerriers courbant la tête. Je veux savoir pourquoi.

¿ C'est tout simple, demandons-leur !

¿ Tu n'aurais pas dû autant boire, et passer ensuite la nuit avec les femmes. D'abord, le lendemain, tu en parles à faire rougir ceux qui palpent les bourses des taureaux. En plus, tu perds le sens. Comme si, honteux de ses actes, on en parlait à des étrangers ! Nous avons beau être leurs hôtes, ils s'en garderont bien. Et la loi nous commande de ne pas les interroger à ce sujet... Oui, Medhwedmartor ?

¿ Une de ces hideuses mémères pourrait nous confier ce secret. Il faut le découvrir. Pour qu'ils ressentent une telle honte, il doit être bien laid.

¿ Excellente idée, mais comment vas-tu les reconnaître ?

¿ Déjà, parmi les plus laides et les plus décaties du wiks... Si les guerriers ont payé leurs faveurs de ces bijoux, je conçois leur honte... Ce serait trop facile. Hier, j'en ai repéré une qui me faisait de l'¿il, pendant leurs danses. Elle avait sur la pommette... Attends, celle-ci...

¿ La droite.

¿ C'est ça, la droite, une énorme verrue avec une aigrette. Tu parles si je m'en souviens ! éa m'a coupé l'envie. Je suis allé dormir. Rien que pour ça, je la reconnaîtrais entre mille. Je te la retrouve et je te l'amène ?

¿ Oui, mais sois discret. Nous ne savons encore rien. N'ayons aucune querelle avec nos hôtes !

¿ On pourrait les occuper un peu, leur faire montrer à nos chasseurs de loups où a eu lieu la bataille où ils en ont tué quinze, par exemple ?

¿ Parfait, on le fera si besoin est. Je crois que j'ai eu raison de te sauver quand Bhagos te réclamait.

¿ Tu as eu raison dès le début, quand tu m'as laissé ma chance.

¿ Ne me le fais pas regretter. Trouve-moi ta promise au trot !

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Marc Galan Membre 421 messages
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Sa quête fut brève. La verruqueuse était chez elle. Elle s'apprêtait à partir, un panier de linge sale sur la tête, vers un des rus servant de lavoir avec leur eau fraîche et claire. Il n'eut aucun mal, après quelques protestations symboliques ¿ Elle avait du travail ¿, à la persuader de le suivre. Elle avait un faible pour les hommes enrobés. Ses ¿illades avaient fait de l'effet, à retardement, sur ce garçon bien enveloppé (il n'avait toujours pas maigri de façon sensible, malgré le régime sévère qu'il s'était imposé. Au bout de trois jours, c'était à désespérer).

Aussi discret que possible ¿ Dieux merci, personne ne leur prêtait la moindre attention ¿ il l'amena parmi les siens. Surprise de se retrouver en compagnie de farouches gaillards plus disposés à la sévérité qu'à la bagatelle, elle se tourna, furieuse et inquiète, vers lui. Il avait disparu. Au lieu de sa voix, c'était celle de Kleworegs qui s'élevait, brûlante, inquisitrice, effrayante.

¿ Femme, il y a un mystère dans ce village. Hier, toi et tes compagnes défiliez, parées comme des princesses ou les courtisanes des pays du soleil haut, là où les femmes échangent le plaisir contre des joyaux. Vous regardiez les guerriers avec superbe et insolence, comme nous ne regardons pas nos serviteurs, des Muets qui ne valent guère mieux que la bête. Nous ne comprenons pas. Explique-nous !

Elle le regarda. Elle avait la bouche ouverte des carpes tirées de l'eau, et se tenait la poitrine. Elle prit un ton effrayé et buté :

¿ J'sais rien, rien du tout, j'suis qu'une pauv'paysanne !

¿ C'est bien vrai, ça ?

¿ Oui, j'suis qu'une femme, alors, j'peux pas jurer, mais c'est tout c'qui y a d'plus vrai.

¿ Donc le prix de ton sang doit être bas, peut-être même nul. Ce beau jeune homme que tu n'as cessé d'importuner comme une chèvre lubrique aura jugé bon, outré par ton impudence et ton impudeur, de te passer son glaive par le corps. Il acceptera de payer un goret, ou plutôt un biquet, pour son geste de colère bien compréhensible... Il ne voudrait pas commettre une injustice.

Ses réticences tombèrent d'un coup.

¿ Mais quelqu'un sait. Regardez là-bas.

Elle le saisit par le bras, l'entraîna vers la porte, vérifia qu'il n'y avait personne :

¿ Il est dans cette hutte, et s'y vous en juge digne, y vous dira tout.

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Marc Galan Membre 421 messages
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¿ Va le chercher, et ramène-le moi !

¿ C'pas possible.

¿ Un chevreau, peut-être un agneau...

¿ C'pas d'la mauvaise volonté. J'veux bien aller l'chercher, mais j'peux pas vous l'ram'ner.

¿ Voyez-vous ça !

¿ Mais y peut pas s'déplacer. Y va comme une limace ! L'est si estropié qu'y lui faudrait la journée pour venir. Tu comprends ?

¿ Je ne peux pas aller chez lui comme ça, ce serait violer l'hospitalité.

¿ J'vais aller l'voir, uy dire qui t'es, tes exploits. J'uy dirai qu'tu veux l'voir. Si y t'trouve assez bien, y t'parlera. éa s'rait bien qu'il accepte, même si qu'ça va nous valoir d'gros ennuis. C'est un gars bien, l'seul homme ici.

¿ Eh bien, va ! Et sois éloquente¿ Euh¿ Fais-toi comprendre !

Elle avait pénétré dans la hutte. La discussion avait l'air de s'y éterniser. Kleworegs, avec sa notion particulière et très subjective du temps, s'impatientait. Le court moment depuis lequel elle était à l'intérieur de la demeure du « seul homme ici » s'étirait à l'infini. Enfin, au bout de ces instants d'éternité, elle sortit. Elle revint en courant, prenant grand soin de passer inaperçue, dans la maison d'hôtes. é peine arrivée, hors d'haleine, elle lui signifia l'accord de l'infirme. Il avait su sa renommée. Il lui apprendrait le secret du clan.

¿ Tu sais, il est l'seul à pouvoir t'parler sans crainte d'la honte qui rôde ici. Lui seul, ici, n'en est pas couvert. Il est not'seul deuxième caste digne d'sa naissance et d'son rang. Tous les autres, pfff... J'suis peut-être qu'une vieille à qui on confie à déniaiser les garçons trop laids ou trop sots pour plaire à une jeunesse, j'suis bien sûre que j'vaux mieux qu'eux !

Medhwedmartor refréna un haut-le-c¿ur :

¿ Eh oh, la vieille, payer un agneau, c'est encore dans mes moyens !

Kleworegs s'interposa :

¿ Mon gardien d'armes plaisante. Reste que tu n'as pas à parler de neres comme ça. S'il y a une honte sur eux, c'est à nous, guerriers, non à toi, qu'il incombe de voir quoi faire, et d'agir.

¿ Qu'ton gardien d'armes s'contente de plaisanter, si tu veux connaître la fin d'mon message !

¿ Vas-tu parler ! On m'appelle Kleworegs le pieux, pas le patient !

¿ Oui, oui... Bon, alors, y veut bien vous parler, c'est parfait d'ce côté, mais y veut pas vous recevoir. Y veut raconter l'histoire du wiks qu'entouré d'vrais guerriers, et y a tant de héros parmi vous que sa hutte sera trop petite. Y veut que vous l'emmeniez à la maison des hôtes ou à vot' camp. Y s'y sentira en bonne compagnie. C'est tout c'ki veut.

¿ Qu'en penses-tu, Kleworeg ?

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