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Membre, Métaleux de l'ovalie, 52ans Posté(e)
erick38 Membre 18 034 messages
52ans‚ Métaleux de l'ovalie,
Posté(e)

faut pas tous lire ,sinon tu t'en sors pas :o

raph tu t'es surpassé :o

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Membre+, ✖►, Posté(e)
Kai Membre+ 7 154 messages
✖►,
Posté(e)

Humm ça dépends du sujet, si ça m'interesse ou pas, qui poste dedans ... Si ce sont des chaines de jeux et autres, je ne te cache pas que bien souvent, je n'ouvre même pas le post.

Pour tout le reste, je vois .. Si je n'ai pas beaucoups de temps devant moi, je lis en diagonale, parfois je précise que j'ai la flemme de tout reprendre et je réponds au sujet de départ juste

Si très interessé par le sujet, j'épluche le tout de A à Z ... :o

Moui, je fais un peu le tri mais les gros sujets, ils ne me gênent pas du tout bien au contraire ! Je me fie plus au contenu qu'au nombres de réponses apportées :o

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VIP, Dresseur d'ours, 51ans Posté(e)
eryx VIP 8 660 messages
51ans‚ Dresseur d'ours,
Posté(e)

Ca faisait bien longtemps que j'avais pas lu un topic aussi construit!!! :o

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Invité raph33
Invités, Posté(e)
Invité raph33
Invité raph33 Invités 0 message
Posté(e)
silje je suis décu, ton post n'et pas assez long :o

ça ne te ressemble pas!

l'envie d'etre lue, sans doute...

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Invité ClouD9
Invités, Posté(e)
Invité ClouD9
Invité ClouD9 Invités 0 message
Posté(e)
silje je suis décu, ton post n'et pas assez long :o

ça ne te ressemble pas!

je pensais la meme chose :o

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Invité raph33
Invités, Posté(e)
Invité raph33
Invité raph33 Invités 0 message
Posté(e)

@Silje : je plaisantais...

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Membre, Klingon mal coiffé, 56ans Posté(e)
Worfy Membre 5 609 messages
56ans‚ Klingon mal coiffé,
Posté(e)

Quelqu'un pourrait me faire un résumé de ce sujet, j'ai pas lu toutes les réponses :o

:o

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Invité raph33
Invités, Posté(e)
Invité raph33
Invité raph33 Invités 0 message
Posté(e)
mdr ^^ va te gratter :o

@ raph : le jour ou tu seras sérieu de toute façon ... lol :o

post inutile.aucun argument.et je dirais meme plus:

La notion d'expérimentation et de démarche hypothético-déductive existe aussi bien en mathématiques que dans les autres sciences.

Avant de démontrer quelque chose, il faut bien essayer de deviner ce qui est à démontrer, i.e. faire une hypothèse. Cette hypothèse se fonde sur une observation de cas simples, qui donnent lieu à une généralisation.

Ensuite, l'hypothèse est vérifiée à la main dans d'autres cas accessibles (phase expérimentale). Enfin, si la démonstration est faite par l'absurde, cela s'apparente à une démarche hypothético-déductive : on fait une hypothèse, on en déduit des conséquences, et on vérifie des conséquences ; mais au lieu d'adopter une hypothèse donnant de "bons" résultats, on rejette une hypothèes donnant des résultats contradictoires.

La phase de démonstration directe peut être l'analogue de la phase de réduction des hypothèses dans les autres sciences : dans toutes les sciences on essaie au maximum de déduire une nouvelle hypothèse de ce que l'on sait déjà, sans introduire de nouveaux postulats. En mathématiques, une démonstration est validée si justement elle n'introduit aucun nouveau postulat. Un telle démonstration à partir de choses déjà connues a tout à fait sa place dans toute autre science.

Le cas où la démonstration n'aboutit pas faute d'axiome supplémentaire est tout à fait comparable à celui où on introduit un nouveau postulat dans une modélisation : dans un cas, si le postulat aboutit à des hypothèses intéressantes, on en fait une nouvelle définition (i.e. un nouvel objet de travail, voire un nouvel axiome) ; dans les autres sciences, on adopte le postulat supplémentaire quand il donne de "bons" résultats (ce qui est la contrepartie exacte d'une hypothèse mathématique donnant des résultqts "intéressants").

Une différence importante cependant : en mathématiques, on admet la coexistence de plusieurs théories intéressantes donnant des résultats divergents, car elles traitens d'objets par définition différents. Cela semble être aussi le cas pour les autres sciences, ou des théories contradictoires coexistent, simplement parce qu'elles ne modélisent pas els mêmes phénomènes. Cependant, dans les autres sciences existe toujours la tentation d'une explication unique, d'une théorie englobante, ce qui n'est pas le cas en mathématiques.

Enfin, la démarche mathématique qui consiste à essayer de déduire des choses de ce que l'on connaît déjà, sans phase préalable d'observation (bien qu'on puisse alors se demander d'où vient l'idée de la propriété à démontrer) est tout à fait analogue à la démarche, courante, consistant dans les autres sciences à explorer les possibilités théoriques d'un modèle.

Pour la falsifiabilité : cf. aussi Tiers-exclu et infalsifiabilité. D'un autre point de vue, on peut ocnsidérer que les maths ne sont pas directement falsifiables car elles n'annoncent rien sur le monde. Mais un modèle mathématique d'un phénomène réel est falsifiable en tant que modèle (car les hypothèses du modèle sont falsifiables). Une conséquence logique d'hypothèses falsifiables, même non directement testable, doit être considérée comme falsifiable au même titre que les hypothèses dont elle découle. Cas hypothétique (mais qui serait très important) où les hypothèses du modèle seraient vérifiées mais pas les conclusions : on devrait en conclure que la logique ne s'applique pas à la réalité.

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Membre, Klingon mal coiffé, 56ans Posté(e)
Worfy Membre 5 609 messages
56ans‚ Klingon mal coiffé,
Posté(e)

Tiens, je crois que Raph a trouvé la solution, faire moins de réponses mais en mettre 4 pages :o

:o

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Invité roudoudou
Invités, Posté(e)
Invité roudoudou
Invité roudoudou Invités 0 message
Posté(e)

si tu regardes le sujet "au bureau", crée par whoppinie,

tu constateras qu'il y a 98.9% de conneries :o (surtout les messages de whoppinie d'ailleurs....ndlr)

donc fait comme moi, tu lis le 1er message puis les 2 ou 3 derniers messages et aprés tu réponds comme tu peux!!! :(

si t'es hors sujet c'est pas grave!!! l'important c'est de participer!!! :o

et si tu savais toutes les conneries que je dis ici et tout les hors sujet que je fais!!!!! :D

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Membre, Agent Publicitaire, 35ans Posté(e)
LaClandestina Membre 19 730 messages
35ans‚ Agent Publicitaire,
Posté(e)
Enfin, la démarche mathématique qui consiste à essayer de déduire des choses de ce que l'on connaît déjà, sans phase préalable d'observation (bien qu'on puisse alors se demander d'où vient l'idée de la propriété à démontrer) est tout à fait analogue à la démarche, courante, consistant dans les autres sciences à explorer les possibilités théoriques d'un modèle.

tu peux démontrer? :o

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Invité raph33
Invités, Posté(e)
Invité raph33
Invité raph33 Invités 0 message
Posté(e)
Enfin, la démarche mathématique qui consiste à essayer de déduire des choses de ce que l'on connaît déjà, sans phase préalable d'observation (bien qu'on puisse alors se demander d'où vient l'idée de la propriété à démontrer) est tout à fait analogue à la démarche, courante, consistant dans les autres sciences à explorer les possibilités théoriques d'un modèle.

tu peux démontrer? :o

bien sur.ça s'appelle construire son raisonnement sur une axiomatique.

et toc!

Modifié par raph33
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Membre+, Fée Rosse à Balai, 40ans Posté(e)
anariel Membre+ 17 040 messages
40ans‚ Fée Rosse à Balai,
Posté(e)
mais arrétez, même dans son post il y a trop de post! il va devoir tout lire ^^

hein? tu disais ?

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Invité raph33
Invités, Posté(e)
Invité raph33
Invité raph33 Invités 0 message
Posté(e)

elle disait, en gros, que:

Le principe de rationalité se définit plus facilement par ses fonctions que par son contenu.

Chaque fois que nous envisageons le comportement humain sous l'angle de l'action, et plus

précisément de l'action obéissant à des raisons, nous appliquons le principe de rationalité.

Avant l'étude savante, il imprègne les rapports quotidiens. Il est la prose des sciences sociales

que parlent sans le savoir tous les M.M. Jourdain du monde. En adoptant le principe dans une

circonstance donnée, nous rejetons les hypothèses diverses du hasard absolu, du

conditionnement rigide, de la décision capricieuse et du désordre des idées; telle est sa

fonction, négativement décrite. Les épistémologues lui attribuent trois fonctions positives. Il

exprimerait et fonderait le caractère intelligible, sous un certain angle, des comportements

observés. Il définit en effet un registre d'interprétation parmi d'autres concevables, celui de

l'interprétation rationnelle. L'intelligibilité du comportement est le résultat minimal qu'on

puisse attendre de son application réussie. D'après une thèse plus forte et plus hypothétique, le

principe exprimerait et fonderait le caractère non seulement interprétable, mais prévisible, de

certains comportements. Entre ces exigences, en quelque sorte, mais plus près de la seconde

que de la première, il assurerait une fonction explicative. C'est sur ce terrain que le principe de

rationalité rencontre plus particulièrement la méthodologie des sciences sociales et que je me

tiendrai surtout dans les réflexions qui suivent.

Parmi les nombreuses formulations qu'il a reçues, on peut partir de celle-ci, qui est aussi

vague que prudente: les hommes agissent suivant des raisons. Par "raisons", j'entends, comme

à l'ordinaire, des considérations qui peuvent servir à justifier l'action effectuée, qui ont une

certaine force normative, qui sont donc opposables et non pas exclusivement personnelles,

comme le sous-entendent les expressions "rendre raison" ou "demander raison" de quelque

chose. Beaucoup d'auteurs définissent la rationalité comme l'adaptation des moyens aux fins,

et ils décalquent là-dessus leur définition du principe de rationalité: les hommes agissent en

adaptant leurs moyens à leurs fins. Pour vague qu'elle paraisse encore, cette formulation est

déjà trop déterminée. Car suivant la distinction ordinaire de la philosophie anglo-saxonne, les

raisons appartiennent à deux ordres distincts, les désirs et les croyances, et dans ce qui vient

d'être dit, il est indirectement question des premiers mais non pas des secondes. Il faut

articuler la définition, même provisoire, du principe de rationalité, sur l'idée fondamentale de

raison et sa très classique dualité. En outre, si l'on exprime le principe de rationalité dans le

langage des fins et des moyens, on s'expose inutilement à l'accusation d'être limitatif: on ne

vise expressément que les aspects instrumentaux de la rationalité, et l'on paraît négliger les

aspects que Weber et d'autres ont voulu rassembler dans l'idée de rationalité en valeurs. En

première analyse du moins, la rationalité instrumentale n'est pas le tout du concept. Je propose

donc d'améliorer le début de ce paragraphe en disant seulement: les hommes agissent d'une

manière qui s'accorde à leurs désirs et à leurs croyances. Cette formulation explicite la

dualité des raisons tout en couvrant, si elles devaient s'avérer spécifiques, les formes non

instrumentales de la rationalité.

Toutes les formulations, en tout cas, font reposer la rationalité sur un certain rapport

d'adéquation. J'ai parlé d'accord entre l'action et ses raisons. La définition instrumentale met

en avant l'adaptation entre la fin et les moyens. D'autres définitions veulent que l'action soit

appropriée aux conditions dans lesquelles se trouve l'agent, ou encore à la situation de l'agent,

comprise objectivement ou subjectivement. Le choix des adjectifs - adéquat, accordé, adapté,

approprié - importe peu. Il n'est pas indifférent, en revanche, de parler d'adéquation aux

raisons, aux moyens, aux conditions ou à la situation. Je me contente d'isoler, à ce point, le

rapport d'adéquation lui-même. En laissant des considérations trop précises d'efficacité, voire

Page 4

2

d'optimalité, s'engouffrer dans le principe de rationalité, on écarterait des styles d'action que le

principe vise à englober, notamment: la recherche de solutions simplement bonnes ou

satisfaisantes pour un problème donné, l'apprentissage séquentiel et plus ou moins tâtonnant

par essais et erreurs, la projection analogique des cas antérieurs à la manière de la

jurisprudence.

i

Pour autant, la plupart des formulations du principe n'affaiblissent pas la

rationalité au point d'en faire coïncider l'extension avec la sphère de l'action en général. Elles

veulent préserver la possibilité logique non pas seulement du comportement brut, dont le

réflexe conditionné représente l'archétype, mais encore de l'action irrationnelle, produit de

l'erreur, de la passion ou de la légèreté, qui est évidemment tout autre chose.

ii

De là provient

cette idée abstraite et volontairement imprécise, l'adéquation, par quoi l'on vise un entre-deux

où se logerait la rationalité.

Le statut du principe n'est pas plus facile à préciser que son contenu. Pourquoi Ehud Barak a-

t-il autorisé Ariel Sharon, un certain jour de septembre 2000, à pénétrer en armes sur le Mont

du Temple? Pourquoi, au moment où j'écris, les gestionnaires de fonds communs de

placements bradent-ils les actions de téléphonie et d'électronique sans faire le détail entre

celles qui croulent sous les dettes et celles qui sont financièrement saines? Pourquoi les

étudiants des pays occidentaux s'obstinent-ils souvent à prolonger des études qui les

intéressent peu et qui ne leur apportent guère sur le plan professionnel? Le principe de

rationalité, que l'on a présenté aussi comme un "principe de charité", incite à chercher du côté

des acteurs eux-mêmes les raisons, éventuellement obscures ou sournoises, de ces

comportements surprenants. Telle est sa composante méthodologique, d'emblée évidente, bien

comprise. Mais on peut envisager le principe autrement que comme une règle d'orientation.

N'est-il pas vrai que, dans les formulations précédentes, le principe se donnait sous la forme

non pas d'un précepte, mais d'une proposition, c'est-à-dire d'un être logique relevant des

catégories du vrai et du faux? Comment apprécier la nature épistémologique de cette

proposition? L'universalité d'application ("les hommes...") combinée à l'emploi de notions

premières (action, raison, et même homme, si l'on veut élargir encore la discussion) ou sous-

définies (l'adéquation); le fait que ces concepts proviennent de la réflexion traditionnelle; le

mot lui-même de "principe"; tous ces traits apparentent le principe de rationalité à la

métaphysique, et c'est ainsi, en effet, que plusieurs philosophes l'envisagent aujourd'hui.

Lorsqu'on le soumet aux critères de démarcation poppériens ou néo-positivistes, le principe

semble devoir tomber du côté non pas des propositions scientifiques, mais des propositions

métaphysiques. La conclusion, cependant ne fait pas l'unanimité; car d'autres philosophes,

munis des mêmes critères de démarcation, le traitent comme une loi de la science,

abstraitement comparable à celles de la physique newtonienne.

De la fonction aux formulations, des formulations au statut, la complexité des questions

épistémologiques s'aggrave en même temps que la profondeur des désaccords. Avec le

principe de rationalité, on touche à un monstrueux écheveau. Il n'y a d'espoir de progresser

que si l'on se limite à quelques fils, quitte à laisser de côté, sans le désembrouiller

complètement, le reste de la pelote. Le fil que j'ai choisi de suivre est celui de l'unité des

sciences sociales. Il se trouve que deux thèses exactement opposées se réclament du principe,

l'une qui fonde sur lui l'identité des méthodes poursuivies en sciences sociales, l'autre qui y

voit la marque spécifique d'une discipline, dans un rapport éventuellement conflictuel aux

autres; la discipline en question est évidemment l'économie. Principe unificateur ou principe

de division: mon propos n'est pas d'arbitrer entre les deux thèses, car je montrerai, c'est

l'objectif initial de cet article, qu'elles sont toutes les deux bancales et, à prendre les choses

rigoureusement, indéfendables.

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3

L'article vise également, c'est son objectif dernier, à présenter dans les grandes lignes une

thèse positive sur ce qui unifie et distingue les sciences sociales. (Il sera seulement question

d'économie, d'histoire et de sociologie; l'anthropologie et la psychologie soulèveraient des

problèmes supplémentaires que je ne peux pas traiter.) Les sciences sociales emploient le

principe de rationalité: c'est le grain de vérité, simpliste, de la première thèse. Elles

entretiennent des rapports différenciés avec le principe, ce qui interdit de l'appréhender en une

seule fois et transversalement: la second thèse montre ici un peu plus de justesse que la

première. J'aboutirai plus précisément aux considérations suivantes. Le principe joue, en

économie comme dans les autres disciplines, le rôle non pas d'une loi, mais d'un précepte pour

la recherche et d'un principe métaphysique. Il surplombe d'assez haut les schèmes rationnels,

beaucoup mieux déterminés dans leur contenu, grâce auxquels on explique effectivement les

comportements sociaux. C'est à propos de ces schèmes, et non pas du principe lui-même, que

l'on peut éventuellement parler de lois de l'explication. Voilà pour la partie commune aux

différentes sciences sociales quand on les prend sous l'angle de la rationalité. Si les disciplines

se distinguent entre elles sous le même angle, c'est à deux titres: par le degré de spécification

variable des schèmes rationnels et par une capacité, elle aussi variable, à les constituer comme

objets théoriques. L'économie marque là sa différence par rapport à l'histoire et à la

sociologie: elle a inventé des formes spéciales de rationalité instrumentale qui jouent, par

rapport aux schèmes utilisables en histoire ou en sociologie, le rôle précis de caricatures. Elle

est par ailleurs dans l'ensemble au fait de sa propre démarche: ce sont très souvent les mêmes

qui dessinent les caricatures et qui évitent aux utilisateurs pressés de les confondre avec des

portraits exacts. L'économie ne se contente pas de mettre en circulation des artefacts

théoriques, variantes contemporaines de l'homo ¿conomicus, mais elle les prend pour objets

d'étude et elle en fait une critique elle-même rationnelle. Ce rapport réflexif à la rationalité n'a

pas d'équivalent dans les autres sciences sociales, qui appliquent des schèmes rationnels sans,

véritablement, les thématiser.

2. La première thèse: le principe fonderait l'unité des sciences sociales.

Les sciences sociales s'unifient grâce au principe de rationalité. Cette première thèse trouve

une expression resserrée, trop simple mais commode à discuter, dans les écrits de Popper et de

son école. On y lit en substance que, grâce au principe de rationalité, et seulement grâce à lui,

les sciences sociales parviendraient à reproduire le modèle épistémologique général de

l'explication scientifique. L'unité méthodologique des sciences sociales découle de cette

affirmation comme un corollaire particulier. Si elle était correcte, elle établirait plus que cela

encore, puisqu'elle relierait méthodologiquement non seulement les sciences sociales entre

elles, mais les sciences sociales avec les sciences exactes.

L'affirmation présuppose l'épistémologie "déductive-nomologique" de l'explication

scientifique. L'explication bien formée d'un fait particulier consisterait à enchaîner des

prémisses universelles, énonçant des lois de la nature, et des prémisses singulières (les

"conditions initiales"), qui fixent les conditions d'application de ces lois. On obtient alors, par

déduction logique, l'énoncé contenant le fait à expliquer. La conception déductive-

nomologique s'étend au cas, scientifiquement plus important, où le fait à expliquer est de

nature générale. Elle peut alors déboucher sur des syllogismes plus complexes que le

fatidique: "Tout x qui est P est aussi Q. Or cet x est P. Donc cet x est Q". Pour la résumer d'un

mot, la conception impose deux conditions distinctes pour qu'un argument compte comme

une explication scientifique: (a) la correction logique, et (b) la qualité épistémique des

prémisses. Concernant (b), qui est la condition apparemment la plus difficile à remplir, il faut

que la prémisse universelle soit nomologique: elle doit être une loi de la nature, ce qui exclut

Page 6

4

les généralités accidentelles et, bien sûr, les faussetés. Je ne veux pas contester ici cette

épistémologie de l'explication malgré les critiques dont elle a fait l'objet, aujourd'hui comme

hier, en physique comme en sciences sociales.

iii

J'accorderai donc que les schémas déductifs-

nomologiques constituent un canon de l'explication scientifique, pour me concentrer sur la

double affirmation qui vient ensuite: le principe de rationalité constitue une prémisse

universelle convenable au point de vue des canons déductifs-nomologiques, et le choix de

cette prémisse est de quelque façon imposé aux sciences sociales.

Voici par exemple comment Popper signifie le premier point: "il nous suffit pour "animer"

[l'analyse] de retenir l'hypothèse que les personnes ou agents qui interviennent agissent de

façon adéquate ou appropriée, c'est-à-dire conformément à la situation envisagée" (1967,

p.144). (L'adéquation à la "situation" est la formule préférée de Popper pour le principe de

rationalité, et "l'analyse" en question est déductive-nomologique.) Quant au second point, il

ressort de ce propos: "je regarde le principe de l'action adaptée (c'est-à-dire le principe de

rationalité) comme partie intégrante de toute, ou presque toute, théorie testable dans les

sciences sociales" (1967, p.146).

Ces deux affirmations sont très fortes, mais elles autorisent tout de même la possibilité que les

explications déductives-nomologiques des sciences sociales comportent d'autres prémisses

universelles que le principe de rationalité. On pense par exemple, en économie, à la "loi" des

rendements décroissants ou à celle des utilités marginales décroissantes. Leur réduction au

principe de rationalité apparaît douteuse. Il vaut donc mieux admettre d'emblée que certaines

lois technologiques, physiologiques, psychologiques, servent à expliquer au même titre

exactement que le principe de rationalité. Popper et ses disciples ne le contestent pas, mais ils

prétendent qu'il n'y aurait pas de loi de la nature sociale en dehors du principe de rationalité.

iv

Cette affirmation supplémentaire devrait être discutée pour elle-même. Je préfère la laisser en

dehors de l'examen pour donner le maximum de chances à la thèse. Je distinguerai donc, ce

qu'on n'a pas toujours fait dans ce débat, la présence nécessaire du principe de rationalité dans

toute explication bien formée des sciences sociales, et le fait qu'il constitue la seule loi

relevant en propre de ces disciplines; en bref, la nécessité et l'unicité du principe.

La position des poppériens appelle un autre correctif immédiat. Supposons que la régularité

suivante soit bien établie:

"Lorsqu'on on réglemente les prix, on tend à susciter l'apparition d'un marché noir".

Ne peut-elle jouer le rôle de prémisse universelle dans l'explication déductive-nomologique

d'un fait singulier comme l'existence d'un marché noir des deutschemarks dans l'ancienne

R.D.A.? Une telle explication ne fera pas intervenir le principe de rationalité. Mais la

régularité peut sans doute elle-même s'expliquer, et toujours en un sens déductif-

nomologique, grâce au principe de rationalité. Celui-ci est alors indirectement "partie

intégrante" de l'explication où intervient la régularité. Lorsqu'on parle de son inévitabilité, on

veut sous-entendre: directement ou non, en remontant si nécessaire aux prémisses

fondamentales de l'explication.

La position que je viens d'analyser implique une thèse d'unité des sciences sociales. Il ne peut

s'agir que d'une unité de méthode, concernant cette activité scientifique par excellence qu'est

l'explication, et non pas d'une unité d'objets. On considère banalement que l'histoire examine

des événements singuliers, et l'économie et la sociologie, des événements généraux ou

typiques. Celles-ci fonctionneront donc comme des sciences théoriques, pourvoyeuses de

régularités explicatives auprès de celle-là, qui est comme une science appliquée. On s'attendra

que l'historien explique le marché noir des devises dans l'ancienne R.D.A. en s'appuyant sur la

Page 7

5

régularité précédente ou sur d'autres généralités concrètes du même genre, tandis qu'il revient

au sociologue ou à l'économiste d'en raffiner la dérivation à partir du principe de rationalité.

Tous travaillent sous la direction unique du principe. Le fait que les ouvriers se placent à une

distance variable du chef de chantier - l'économiste et le sociologue, à proximité, l'historien, à

distance - permet de préserver quelque chose de la distinction ancienne de Dilthey entre

"sciences idéographiques" et "sciences nomothétiques". Par ailleurs, au niveau de simplicité

où elle se place, la thèse d'unité méthodologique ne permet pas de tracer une distinction

interne entre l'économie et la sociologie.

Il faut maintenant revenir sur les affirmations dont tout dépend: le principe de rationalité

aurait les qualités convenables pour servir de prémisse universelle, et il serait inévitable,

directement ou non. Le premier point, déjà, soulève une difficulté de taille: si l'on prend le

principe de rationalité comme prémisse de la déduction, on s'expose à devoir conclure qu'il est

réfuté, ce qui devrait normalement empêcher d'y voir une loi de la nature. Popper en fait lui

même l'observation lorsqu'il évoque l'automobiliste qui s'obstinerait à man¿uvrer pour garer

son véhicule dans un espace trop petit (1967, p.145). On ne peut pas exclure que Ehud Barak,

les gestionnaires de FCP, et les étudiants attardés que je prenais en exemple, soient les uns et

les autres irrationnels. J'ai dit que, d'une façon ou d'une autre, le principe devait préserver la

possibilité logique de l'irrationalité. Comme cette possibilité logique est souvent bien réelle,

on rencontre aussitôt l'alternative suivante: le principe ne peut expliquer que si on le fait

figurer dans les prémisses de l'inférence déductive, mais le traiter de cette manière, c'est

l'exposer à la réfutation.

A partir de cette objection première, l'épistémologie des sciences sociales a déployé tout un

champ de discussion.

v

On a fait valoir que les lois de la nature pouvaient être fausses, puisque

celles de Newton le sont. On a rappelé que, s'il est faux dans un sens objectif, le principe ne

l'est pas nécessairement dans un sens subjectif. Certains ont prétendu qu'il était vrai au moins

d'une vérité approximative, et peut-être même au titre de régularité statistique. On a pu dire

encore qu'il n'était pas nécessaire de décider s'il est vrai ou faux, en vertu de ce que les

philosophes appellent le "problème de Duhem", c'est-à-dire à cause des ambiguïtés inhérentes

aux réfutations. Pour des raisons que je ne détaillerai pas ici, aucune de ces variantes ne me

paraît emporter la conviction. Elles ont un objectif stratégique commun, qui est de sauver

cette qualité prétendue de loi de la nature qu'aurait le principe, et ensemble, elles paraissent

épuiser les possibilités d'atteindre cet objectif. J'ai exclu dans l'introduction que l'on doive

considérer le principe de rationalité uniquement comme un précepte, même s'il joue ce rôle

également. Il ne reste donc plus que cette possibilité: le principe est une proposition

métaphysique. Il n'est testable ni en fait, ni en droit. La distinction du droit et du fait est

importante dans le contexte présent: si l'on affirme que le principe est testable en droit, mais

pas en fait, on ramène la résolution de l'alternative initiale par le "problème de Duhem"; il

s'agit d'aller plus loin que cela.

En faveur de la position que je viens d'énoncer dogmatiquement, il y a un argument qu'il est

nécessaire de présenter, parce qu'il se rattache directement au thème de l'unité des sciences

sociales. Il ne faut pas connaître beaucoup de micro-économie théorique pour se convaincre

que le principe y est peut-être latent, mais qu'il n'y sert jamais de prémisse explicative. La

raison en est simple: il n'aurait pas la force logique nécessaire. Prenons la loi de la demande

sous sa forme contemporaine, hicksienne:

"La demande d'un bien normal décroît avec son prix".

Cet énoncé figure comme théorème dans la théorie optimisatrice du consommateur. On a

même cru, pendant un temps, qu'il demandait non seulement l'optimisation, mais cette forme

Page 8

6

contemporaine de la "loi" des utilités marginales décroissantes qu'est la convexité des

préférences. On ne connaît pas, à ce jour, de manière de l'obtenir qui reposerait sur la

rationalité plus généralement, optimisatrice ou non. Les tentatives faites le plus récemment

pour étendre la loi de la demande, chez Hildenbrand (1994), visent à dépasser au plan collectif

la restriction hicksienne aux biens normaux, et non pas à remplacer l'optimisation par une

notion plus large de rationalité.

Soit encore la régularité suivante:

"Si un agent a de l'aversion pour le risque, qu'il ne puisse pas agir sur l'événement risqué, et

que la compagnie d'assurance lui propose des polices de valeur actuariellement neutre, il

choisira la police qui le couvre entièrement contre l'événement risqué".

C'est là un autre théorème de la micro-économie contemporaine. Pour le démonter, les

manuels supposent non seulement l'optimisation mais la théorie von Neumann-Morgenstern

du choix risqué. La démonstration suggère d'elle-même qu'il sera impossible de se passer de

l'optimisation et qu'il faudra bien garder quelque chose de la théorie von Neumann-

Morgenstern, quand bien même l'on renoncerait à la forme linéaire des fonctions d'utilité

qu'implique cette théorie.

vi

Soit enfin la notion d'équilibre parfait en sous-jeu, sur laquelle reposent de nombreuses

applications en économie industrielle. Dans le seul cas que j'envisagerai ici, celui où la

situation industrielle prend la forme d'un jeu fini et à information parfaite, cette notion

d'équilibre découle d'un principe de rationalité dynamique simple et bien connu, qui lui sert

aussi bien d'explication: le principe dit de l'induction à rebours ("backward induction"). Il

requiert d'explorer l'arbre de décision fini en remontant des branches vers la racine: à chaque

n¿ud en partant de la fin, on retient, pour chaque joueur, les coups qui lui rapportent le plus.

De cette façon, les valeurs de paiements terminales permettent d'attribuer des valeurs de

paiement au n¿ud immédiatement antérieur, puis, de proche en proche, à tous les n¿uds

jusqu'au premier, qui est la racine de l'arbre. Les valeurs de paiements qu'on obtient pour la

racine correspondent à celles d'un équilibre parfait en sous-jeu. Le principe d'induction à

rebours que je viens de rappeler a longtemps paru échapper à toute critique normative, au

point qu'il pouvait passer pour co-extensif au principe de rationalité dans l'ordre dynamique.

S'il en allait ainsi, on devrait conclure que l'exemple diffère des précédents: le principe de

rationalité fonctionnerait quelquefois comme la prémisse explicative d'un raisonnement

économique. Mais précisément, il n'en va pas ainsi! Considérée de plus près, l'induction à

rebours obéit à une idée trop simple de la rationalité dynamique. Elle a pour effet d'exclure

certaines possibilités naturelles du raisonnement stratégique, comme la constitution d'une

réputation au fil des coups successifs. L'exemple de l'équilibre parfait en sous-jeu confirme

donc finalement la thèse que les raisonnements explicatifs de l'économie ne procèdent pas du

principe de rationalité lui-même.

vii

L'objection que j'avance vise non seulement les poppériens, mais l'ensemble des auteurs qui

ont examiné le principe de rationalité: ils ont négligé ou minoré le fait que certaines des

explications déductives les plus abouties des sciences sociales reposaient sur des prémisses

beaucoup plus fortement spécifiées que le principe lui-même. Le débat s'est fixé sur un

problème épistémique ¿ la fausseté du principe en première approximation ¿ alors que le

problème logique ¿ la force attendue des prémisses ¿ n'était pas moins important à examiner.

Les illustrations que je viens de donner ont une portée générale pour ce qui concerne

l'économie, et elles suffisent pratiquement à établir que l'interprétation métaphysique du

principe est la seule qui puisse convenir à cette discipline. Elles servent aussi de contre-

exemple direct au second point de la thèse poppérienne: le principe figurerait nécessairement

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7

parmi les prémisses universelles de l'explication. Avec le recul, cette partie de la thèse,

l'inévitabilité du principe du rationalité, apparaît soit comme très naïve - elle dépendrait d'une

confusion pure et simple entre la rationalité en général et ses variantes économiques -, soit

comme génialement subtile - elle anticiperait les arguments par lesquels certains s'efforcent

aujourd'hui d'établir la généralité des variantes. Le lecteur tranchera.

viii

Je n'ai rien dit des autres disciplines que l'économie. Rien n'exclut, à ce point, que le principe

de rationalité doive être pris comme une loi de la nature si l'on veut rendre compte des

explications représentatives, en histoire et en sociologie. Quoi qu'il en doive en être, il

apparaît d'ores et déjà que la thèse d'unité méthodologique est mise à mal. Si le principe de

rationalité devait finalement s'interpréter comme métaphysique en économie et comme

nomologique dans les autres sciences sociales, il révélerait une différence de leurs méthodes

là même où on croyait en avoir découvert l'unité! Et s'il intervient partout comme un principe

métaphysique, l'unité des différentes disciplines apparaît bien lâche. Dans le dernier cas, le

principe de rationalité unifierait les sciences sociales à la façon, vague et discutable, dont on a

pu dire que le principe du déterminisme unifiait la physique. Or, suivant la thèse examinée

dans cette section, le principe était censé unifier les sciences sociales à la manière technique et

précise des lois, comme celles de Newton unifient la mécanique et l'astronomie. Quelle que

soit la conclusion définitive, donc, les espérances mises dans le principe sont déjouées.

3. La seconde thèse: le principe marquerait la spécificité de l'économie au sein des

sciences sociales

Les sciences sociales se distinguent grâce au principe de rationalité; celui-ci met l'économie à

part des autres disciplines. La thèse est banale, mais il lui manque une formulation canonique,

comparable de quelque façon à celle de Popper pour la thèse opposée. Cette absence même, le

fait que, dans la littérature, elle se donne au travers d'aperçus, en perspective mais rarement de

près, semblent traduire une hésitation de la part de ceux-là même qui la défendent. En tout

cas, la thèse, contrairement à la précédente, oblige à un effort de reconstruction préalable à la

réfutation.

Elle trouve probablement son origine historique chez Pareto. Ce qu'il appelait "action

logique",

ix

nous l'appellerions aujourd'hui, suivant une terminologie wébérienne qui a mieux

survécu aux années que la sienne, une action instrumentalement rationnelle. Pareto

n'envisageait que la forme objective de la rationalité instrumentale. Il n'a pas su anticiper

l'évolution de la micro-économie du XXème vers une rationalité subjective des informations

partielles et inégalement réparties entre les agents; et cependant, il choisit, pour illustrer

l'"action logique", l'exemple de la spéculation boursière que la théorie contemporaine permet

seule de traiter. Les "actions non logiques" se définissent pour lui négativement à partir des

premières et des "actions illogiques", dont il tient beaucoup à les distinguer. Elles recouvrent

moins les échecs de la rationalité instrumentale que certaines attitudes stéréotypées, affectives

ou traditionnelles, de la part des acteurs: par exemple, celle du consul romain qui sollicite les

aruspices avant de livrer bataille, ou celle de l'électeur français qui s'abandonne au jugement

du gourou médiatique de l'époque, Anatole France.

Aux yeux de Pareto, la distinction des deux types d'action correspondait à une séparation

disciplinaire, l'économie s'occupant des actions logiques

x

et la sociologie des autres, avec

toutes les ambiguïtés que cette affirmation implique. On a débattu la question de savoir si les

classifications parétiennes étaient principalement matérielles ou principalement formelles.

Existe-t-il des actions qui sont par nature logiques et d'autres qui sont par nature non logiques,

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8

ou bien faut-il interpréter la distinction des deux types cum grano salis, en y voyant

l'expression de deux points de vue possibles sur une seule et même action? Pour autant qu'elle

se réclame de Pareto, la micro-économie contemporaine défend implicitement la seconde

lecture, et c'est d'ailleurs la seule qui permette de relier la distinction parétienne à notre

problématique. Le principe de rationalité n'est pas l'expression idéale d'un type concret; soit

comme loi, soit comme principe métaphysique, il s'exprime universellement; il désigne un

point de vue sur la totalité des phénomènes sociaux. Même ainsi clarifié, le parétianisme

autorise une ambiguïté caractéristique dans le statut de la sociologie. Elle peut en effet se

présenter de deux manières distinctes: soit comme une discipline complémentaire de

l'économie, spécialisée dans l'examen des aspects "non logiques" de l'action, soit comme une

discipline englobante, qui vise à dépasser l'unilatéralisme du point de vue économique. La

dualité des rôles transparaît ultérieurement chez Parsons, Boudon, et tous les sociologues qui

ont repris la question parétienne des frontières et celle de la rationalité.

xi

Dans La logique du

social (1979), Boudon dresse face à l'homo ¿conomicus l'effigie d'un homo sociologicus qui,

à première vue, peut en différer doublement: soit parce que ses comportements obéiraient à

des principes de détermination concurrents du principe de rationalité, soit parce que le

sociologue dont il porte les idées retiendrait suivant le cas un principe ou un autre, en

démontrant une largeur d'esprit qui manque aux économistes.

J'isolerai pour la discussion le premier de ces deux aspects: la sociologie considérée comme

lieu disciplinaire des déterminations non rationnelles des comportements sociaux. Les

explications des sociologues invoquent fréquemment les rôles fonctionnels, les normes de

groupe, les pratiques établies (le célèbre "habitus" désignant, semble-t-il, un peu de tout cela).

Suivant une perspective qui n'est pas moins familière, ces explications seraient du type causal,

et se distingueraient par là de celles qui mettent en avant la rationalité. L'analyse de

l'éducation est supposée fournir un terrain privilégié pour la comparaison des deux types

explicatifs, le causal-sociologique, et le rationnel-économique. Dans les deux cas, on cherche

à expliquer la répartition des étudiants de différentes origines sociales entre les filières

différentes et des durées d'études variables. Dans un cas, on essaie de montrer comment les

étudiants intérioriseraient certaines normes de fonctionnement et reproduiraient certaines

pratiques constituées. L'héritage culturel apparaîtrait alors comme une cause majeure des

régularités à expliquer. Dans l'autre cas, on cherche à représenter les choix universitaires en

relation avec des bénéfices et des coûts attendus, ce qui fait intervenir particulièrement la

variable du taux d'actualisation. La nature des choix rationnellement effectués par les

étudiants ou leurs familles rendrait finalement compte de la répartition des études en fonction

de la provenance sociale.

Peu de sociologues ou d'économistes de l'éducation retrouveraient leur propre travail dans l'un

des deux types d'explication ainsi schématisés ou, pour mieux dire, caricaturés.

xii

Les raisons

pour lesquelles la description précédente ne convient pas, même à titre didactique ou

provisoire, ne sont aucunement propres au domaine, mais générales et a priori. Dans la plupart

des explications données par les sciences sociales, que ce soit l'économie ou la sociologie, les

points de vue de la rationalité et de la causalité ne s'opposent pas l'un à l'autre. Je laisse de

côté les comportements purs, celui de l'ivrogne qui provoque un accident de la route ou du

somnambule qui s'écrase dans la cour de son immeuble, et j'ignore la frange de

comportements où des facteurs causaux de ce genre jouent, quoique de façon atténuée: de tels

exemples échappent aux sciences sociales. Pour manifester le rôle causal d'un facteur sur des

comportements sociaux, elles ne procèdent pas suivant l'imputation directe de l'effet à sa

cause. L'efficacité d'une cause potentielle, comme l'héritage culturel, sur un phénomène

impliquant des comportements sociaux, comme la répartition des parcours éducatifs, ne peut

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9

en effet ressortir de l'explication que si ces comportements sont représentés comme des

actions, et dans le modèle choisi, les comportements peuvent être, et seront souvent,

représentés comme des actions rationnelles. En sens inverse, quoique cette considération

excède la perspective déductive-nomologique de la section précédente, on peut penser que les

modèles de l'action, rationnels ou non, n'offriraient pas d'intérêt explicatif s'ils ne préparaient

pas à une sélection des facteurs causaux. Une "théorie" du choix intertemporel éducatif qui ne

débouche pas sur l'explication causale d'un comportement social au moins sonne creux: ce

n'est pas une théorie véritablement, c'est un outil en attente d'emploi.

Puisqu'on ne peut opposer l'"explication causale" à l'"explication par la rationalité", on perd la

base conceptuelle, précédemment envisagée, pour séparer la sociologie de l'économie. Si l'on

tient à revenir au langage parétien, on dira que la distinction du "logique" et du "non-logique"

ne peut constituer la clef d'une séparation disciplinaire. Il n'y a rien de nouveau dans ces

résultats.

xiii

Je les rappelle pour que ma discussion de la thèse examinée soit la plus complète

possible. J'achève de préciser l'analyse précédente: le fait que la rationalité et la causalité ne

s'opposent pas l'une à l'autre dans l'explication n'implique absolument pas qu'elles

s'appelleraient l'une l'autre. En l'affirmant, on remplacerait par son contraire naïf l'idée qui

vient d'être écartée. Le modèle d'action, d'ailleurs éventuellement rudimentaire, qui sous-tend

l'imputation causale ordinaire en sciences sociales, est souvent mais n'est pas toujours un

modèle d'action rationnelle. L'idée d'action requiert seulement celle d'intentionnalité, qui est

beaucoup plus faible. Dans un langage parfois différent, Weber reprend souvent cette

affirmation dans les Essais sur la théorie de la science, et il l'illustre concrètement dans ses

monographies historiques. Plus encore que son concept de la rationalité en valeurs, dont il est

de nouveau question aujourd'hui, je retiendrai de son enseignement les "transitions flottantes"

qui entourent la rationalité en général.

xiv

La discussion contemporaine des frontières disciplinaires s'est déportée du principe de

rationalité vers des considérations différentes, quoique limitrophes Elle s'est fixée sur la

manière de traiter les préférences individuelles en économie et en sociologie. L'économiste

s'occuperait de préférences données, tandis que le sociologue envisagerait des préférences

variables, évolutives, et peut-être imparfaitement constituées. Cette manière de différencier

les sciences sociales est à la fois moins brutale et plus factuelle que la précédente. Elle a sans

doute plus de chance d'aboutir, mais, précisément parce qu'elle est factuelle et concrète, on

peut se douter qu'elle ne saisira qu'une vérité transitoire dans la relation mouvante des deux

disciplines.

xv

J'ai néanmoins des réserves à exprimer contre la thèse au plan même où elle se

situe, c'est-à-dire contre sa portée descriptive actuelle. Elles s'exprimeront mieux si je

distingue les quatre notions distinctes auxquelles peut correspondre l'expression courante de

"préférences données":

(1) les préférences ont une existence indépendante;

(2) elles sont totalement constituées;

(3) elles sont exogènes;

(4) elles sont fixes.

L'indépendance des préférences et des croyances, que vise l'affirmation (1), est en effet un

point cardinal de la théorie économique contemporaine. Les constructions axiomatiques les

plus élaborées dont elle se réclame, comme celle de Savage (1972), excluent très clairement

que l'évaluation préférentielle des conséquences varie avec la probabilité attribuée aux états.

A la différence du renard de la fable, l'homme savagien n'ajuste pas ses préférences sur ce

qu'il découvre comme possible. L'indépendance inverse découle d'ailleurs également des

Page 12

10

axiomes: la théorie économique n'admet pas le wishful thinking. Pangloss, qui adaptait sa

vision du monde à sa préférence pour l'harmonie universelle, est une impossibilité pure et

simple au regard de l'axiomatique contemporaine. Que les préférences soient déjà constituées,

et non pas en voie d'élaboration, ainsi que l'affirme (2), c'est une autre postulation presque

universelle de la théorie néo-classique, mais les micro-économistes ont découvert qu'elle

n'était pas absolument inévitable. Ils ont en effet montré que certains résultats des théories de

la demande, de l'équilibre général, et du choix risqué, pouvaient s'étendre au cas des

préordres incomplets; or ceux-ci formalisent jusqu'à un certain point l'idée de préférences

imparfaitement constituées. D'après (3), les économistes prennent les préférences comme des

données exogènes, c'est-à-dire non expliquées, de leurs analyses: l'affirmation est vraie à un

bon niveau d'approximation dans la théorie contemporaine, encore que moins universellement

que (2). Le point saillant est que l'affirmation (4) apparaisse comme nettement incorrecte une

fois qu'on a pris la peine de la distinguer des précédentes.

Le fait qu'une variable soit exogène dans un modèle n'interdit pas qu'on puisse étudier l'effet

de ses variations. Si les préférences sont "paramétrisées", on peut apprendre quelque chose

grâce à l'expérience mentale consistant à faire varier les paramètres qui les décrivent.

L'économie de l'assurance ne procède pas autrement quand elle examine les modifications de

la couverture demandée en fonction du signe et de la valeur du coefficient d'aversion pour le

risque. Ce paramètre entre dans la définition des préférences. La méthode familière de la

statique comparative, que l'économie de l'assurance applique ici, n'est aucunement limitée aux

variations des paramètres qui décrivent les contraintes de l'agent. On dira peut-être que la

statique comparative consiste à prendre les variations des paramètres comme de simples

données mathématiques. Encore qu'il puisse vouloir le faire quelquefois,

xvi

l'économiste de

l'assurance n'associe généralement pas une origine particulière aux différentes valeurs prises

par le coefficient d'aversion pour le risque. Les variations de ce paramètre lui servent alors à

expliquer quelque chose (le degré de couverture) sans être elles-mêmes nécessairement

explicables. L'observation est pertinente, mais elle ramène seulement l'affirmation précédente,

(3). Il est essentiel de distinguer "exogène" et "fixe".

"Fixe" peut vouloir dire aussi "temporellement fixes", et l'on rencontre alors une variante de

l'affirmation (4) qui n'est pas plus convaincante que la précédente. Becker (1976, 1981) a

toujours prétendu que la théorie économique devait postuler des préférences non seulement

optimisatrices mais relativement invariables dans le temps. Le second postulat s'imposerait,

comme le premier, en raison de ses bénéfices méthodologiques.

xvii

Largement diffusé par

Chicago, le thème beckérien des préférences stables figure désormais en bonne place dans la

réflexion comparative sur l'homo ¿conomicus et l'homo sociologicus. L'argument qui

l'accompagne n'est pas moins familier: si l'on ne postule pas la stabilité des préférences, on ne

peut pas tester l'effet d'une variation des paramètres qui concernent les conditions du choix. Si

l'on veut tester la loi de la demande, il faut supposer une certaine stabilité temporelle des

préférences puisque les observations relatives à la demande d'un même individu sont

nécessairement diachroniques. On peut objecter que l'argument n'est pas imparable sur le

terrain même où il se place: l'économiste qui douterait de la stabilité temporelle des

préférences aurait encore la ressource de tester la loi de la demande sur des données

collectives en coupe instantanée. C'est ainsi que procède exclusivement Hildenbrand (1994)

dans sa théorie de la demande, qui est implicitement antibeckérienne. En d'autres termes,

l'argument initial vaut seulement pour une classe de tests, sauf à lui adjoindre un argument

supplémentaire établissant la supériorité des tests individuels.

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11

Mais l'essentiel n'est pas là. La défense de la stabilité temporelle est finalement du genre

pragmatique. Elle répond l'objectif général de rendre la théorie micro-économique prédictive

et donc testable. Méritoire et même excellente, une telle aspiration scientifique n'a pas grand

chose à voir avec la structure théorique de la micro-économie. Celle-ci ne prend pas parti sur

la stabilité des préférences: elle formule ses résultats, comme la loi de la demande,

contrefactuellement et sous la restriction "ceteris paribus". La théorie ne se pose pas la

question de savoir si l'affirmation contrefactuelle se réalise quelquefois, si les facteurs

supposés fixés le sont réellement. Becker a donc tort de mettre sur le même plan

l'optimisation, qui est au c¿ur même de la démarche micro-économique, et une hypothèse de

stabilité qui ressortit à la méthodologie générale. Si la sociologie développait une sociométrie

tant soit peu comparable à l'économétrie des comportements individuels, elle serait amenée à

postuler la stabilité des déterminants particuliers de l'action que ses explications

envisageraient.

Parce qu'elle appellerait les mêmes critiques, je ne développe pas longuement cette autre

particularité, selon Becker, de l'"approche économique du comportement humain": elle

postulerait en outre des préférences relativement uniformes d'individu à individu, même à

travers les classes et les cultures différentes. Comme la précédente, une telle affirmation

repose sur une argumentation méthodologique plausible à première vue mais en réalité

discutable. Les deux affirmations répondent à des objectifs complémentaires: on veut faciliter

dans un cas le test sur les données individuelles diachroniques, et dans l'autre, le test sur les

données collectives synchroniques. En imposant la double contrainte de stabilité temporelle et

d'uniformité, on demande en substance que les deux classes de tests soient toujours

simultanément disponibles. C'est réclamer beaucoup à la fois. Si le but est de rendre la micro-

économie testable, des tests d'une seule des deux classes conviennent parfaitement. Le point

essentiel reste toutefois celui-ci: le postulat d'uniformité relève de la méthodologie générale et

ne peut donc signaler une différence fondamentale entre l'économie et la sociologie.

Mais la comparaison n'était-elle pas faussée au départ par l'idée tacite que l'économie et la

sociologie emploient toutes deux, dans le même sens général, l'idée de préférences? Cette

idée, ou tout au moins le mot qui la désigne, revient si communément dans les sciences

sociales contemporaines qu'on en oublierait presque la forte spécificité. Parler de préférences

est une chose; parler de fins ou d'objectifs, une autre; parler de désirs, autre chose encore. Ce

n'est pas une mince tâche que d'établir la carte philosophique de ces notions; mais il n'est

peut-être pas nécessaire de disposer d'une carte en bonne et due forme pour sentir qu'elles

diffèrent tout autant qu'elles se ressemblent. Or le sociologue, et plus encore l'historien, que

l'on peut faire rentrer dans la discussion à ce point, ne s'en tiennent pas exclusivement à la

notion de préférence lorsqu'ils analysent l'action humaine. Pour traiter de l'action rationnelle,

ils continuent à employer - et d'ailleurs plus volontiers - les concepts traditionnels de fins et de

moyens. Ils recourent souvent à la terminologie imprécise des raisons. Pour traiter de l'action

intentionnelle et des cas limites de la rationalité, ils invoquent des concepts plus flous que je

n'ai pas pu envisager ici. Il y a là une différence flagrante avec la manière de faire de

l'économiste, qui s'en tient exclusivement au couple conceptuel des préférences et des

contraintes, quitte à l'assouplir et à le raffiner de bien des manières.

Cette discussion des frontières au sein des sciences sociales se termine assez semblablement à

la discussion précédente de leur unité supposée. Les thèses envisagées n'aboutissent ni dans

un cas, ni dans l'autre. L'examen aura permis de repérer une faiblesse caractéristique de toutes

les formulations: elles ne font pas la part suffisamment belle aux spécificités du principe de

rationalité dans sa version économique, par opposition au principe lui-même ou à d'autres

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12

spécifications éventuelles. J'essaierai par la suite d'exploiter cette indication pour développer

une thèse positive.

4. Une thèse sur l'unité relative des sciences sociales

Comment opère le principe de rationalité dans les autres sciences sociales que l'économie?

J'avais laissé la question en suspens à la fin de la deuxième section. Pour tenter d'y répondre,

j'essaierai de faire parler un exemple qui provient cette fois-ci de l'histoire. Je l'emprunte au

genre, classique s'il en est, du récit de bataille. Weber y trouvait mis en scène presque

brutalement le concept ordinaire rationalité instrumentale par fins et moyens, et il aimait

particulièrement à citer le désastre de Moltke à Sadowa. Parce que j'ai d'autres accointances

nationales, mais aussi parce que je voudrais exploiter les observations d'un autre spécialiste du

raisonnement instrumental, Clausewitz, j'ai choisi de revenir sur la non moins désastreuse

bataille de Waterloo. Le fait qu'il s'agisse dans les deux cas d'un échec de l'acteur principal

fait tout l'intérêt des récits: la tension qui les anime vient de ce que l'historien s'efforce autant

qu'il est possible de préserver la rationalité des stratégies au-delà du fouillis des

comportements.

Au printemps 1815, la coalition de toutes les puissances européennes était en voie de se

reformer contre la France. Napoléon devait donc anéantir au plus vite les deux armées qui

marchaient déjà sur le pays, l'anglaise et la prussienne, et comme il disposait de forces

inférieures au total des deux adversaires, il n'avait d'autre issue que de reproduire le coup de

maître de la campagne d'Italie: battre successivement une armée puis l'autre. Tous les

historiens, dont Clausewitz dans La campagne de 1815 en France, s'accordent sur ce qu'était

son plan général de campagne, et ils le jugent même bon. La passivité de Wellington, qui

prend la défensive, permit à Napoléon, le 16 juin, d'accrocher séparément Blücher à Ligny. La

victoire française, bien réelle, marque un début d'exécution du plan. Mais elle n'a pas été

décisive: Blücher réusssit à sauver en bon ordre le gros de son armée. Ce qui est plus grave

encore pour la suite, les Prussiens ne refluèrent pas le long de leur ligne de communication

naturelle, qui était Namur et la Meuse, mais plus au nord, vers Louvain, c'est-à-dire dans une

direction qui leur permettait de donner la main aux Anglo-Hollandais. La plus grande

difficulté que Waterloo pose à l'interprétation tient à cette bataille antérieure et un peu oubliée

aujourd'hui, Ligny. Jusqu'à quel point Napoléon a-t-il surestimé la défaite des Prussiens et

s'est-il mépris sur la direction de leur retraite? Clausewitz s'efforce d'établir qu'il s'est

entièrement trompé, au point qu'il aurait été surpris et démonté par le retour des Prussiens

durant la fatidique journée de Waterloo; du coup, le grand théoricien militaire en néglige

presque d'examiner le détail de celle-ci. Les autres historiens sont moins catégoriques.

Quoi qu'il en fût de ses pensées après Ligny, l'Empereur choisit de diviser ses troupes en

confiant à Grouchy la poursuite des Prussiens, avec des instructions qui, rétrospectivement,

paraissent assez confuses. On ne comprend pas nettement si Grouchy avait ordre de presser

les Prussiens dans toutes les directions qu'ils auraient prises, ou seulement dans certaines

directions, ou encore de les surveiller tout en gardant le contact avec le reste de l'armée

française. On sait bien - pas seulement par Victor Hugo! - combien le détachement de

Grouchy devait faire défaut lors de l'affrontement décisif. Celui-ci devait se dérouler en un

jour et un lieu qui ne pouvaient faire de doute: le 18 juin, après le repos minimal pour les

soldats, et sur le site défensif de Waterloo, sélectionné préalablement par Wellington. Pour

qui a visité le site, la ligne du Mont-Saint-Jean, derrière laquelle il choisit de déployer et de

dissimuler son armée, semble à peine marquée dans le relief. La lenteur de déplacement de

l'infanterie et de l'artillerie de l'époque suffit à en expliquer l'importance: même sur une pente

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faible et assez courte, les troupes anglo-hollandaises avaient tout le temps de mitrailler

l'assaillant. La position de Wellington avait d'autres points forts manifestes: les solides

bâtiments, fermes ou couvents, qui défendaient ses deux ailes. Le 18 juin 1815, la pluie

retarda le déclenchement des hostilités jusqu'à la fin de matinée, et elle rendit peu efficace la

préparation d'artillerie par laquelle Napoléon avait coutume d'entamer son adversaire.

Clausewitz et d'autres après lui

xviii

concluent que, en raison de la menace que représentait

Blücher, Napoléon, voyant le mauvais départ pris par la bataille de Waterloo, devait

l'interrompre et passer à la défensive. Il ne le fit pas. Il voulut forcer la décision par une série

de coups de butoir contre la position adverse. Les historiens militaires paraissent identifier un

plan de bataille à peu près constant, qui visait à l'effondrement rapide du centre anglo-

hollandais. Ils ont unanimement jugé défectueuse la réalisation tactique. Je laisse de côté ces

détails de technique militaire, si ce n'est pour mentionner que l'engagement de la Garde, aux

dernières heures de l'après-midi, était manifestement voué à l'échec. Clausewitz y voit le geste

d'un furieux désespéré: avec ce qui lui restait de troupes et le corps de Grouchy s'il le

récupérait, Napoléon pouvait organiser sa retraite sur Paris.

Le principe de rationalité, qui est ici plus que jamais un principe de charité, permet-il de

rendre compte des actions de Napoléon? Rares sont les historiens qui nous décrivent un

Napoléon à la traîne des événements, sauf peut-être quand ils abordent la phase terminale de

la bataille. J'ai dit que le plan de campagne ne fait pas problème, et que l'on pouvait

reconstituer celui de Waterloo, même s'il était peu remarquable. Aux trois moments-clefs déjà

évoqués, le 17 juin après Ligny, au milieu de la journée du 18 juin, et en fin d'après-midi de

cette même journée, Napoléon pouvait s'écarter de la ligne tracée par ses décisions

antérieures. Ce sont les moments les plus intéressants à confronter au principe de rationalité.

Napoléon a-t-il alors fait preuve de rigidité mentale et d'irréflexion, de sorte qu'en ces

moments précis, son comportement échapperait à la rationalité? Ou bien a-t-il commis des

erreurs d'appréciation factuelles qui préservent sa rationalité subjective? Ou enfin, a-t-il jugé

objectivement de la situation tout en acceptant de prendre des risques considérables? En

substance, Clausewitz explique la décision de sacrifier la Garde comme une irrationalité pure

et simple, et celle de scinder l'armée après Ligny comme la conséquence d'une erreur

factuelle. Il est plus hésitant dans le diagnostic qu'il fait de la décision intermédiaire, tout en

prenant la mesure de la possibilité théorique restante: "il y a des situations où la plus grande

prudence n'est à chercher que dans la plus grande hardiesse, et la situation de Bonaparte était

une de celles-là" (p.157 de l'éd.fr. de La campagne de 1815 en France).

Rétrospectivement, les réponses paraissent d'autant plus délicates à donner que la nature des

objectifs de l'Empereur était complexe. Il voulait, certes, gagner la campagne, mais surtout la

gagner absolument, parce qu'un succès indécis n'aurait pas sauvé le pays de l'invasion. Les

deux buts distincts que Clausewitz donne généralement à la guerre - c'est-à-dire

l'anéantissement de l'ennemi et le parti politique à tirer des combats, qu'ils soient victorieux

ou non - se trouvaient en l'occurrence liés rigidement l'un à l'autre. On peut rapprocher cette

observation et un jugement de ce même Clausewitz concernant une autre bataille: à Borodino,

Napoléon eut raison de ne pas engager ses réserves contre les Russes et de renoncer à la

victoire totale, qui était à portée. Borodino correspond à une situation mentale opposée:

l'objectif politique - en l'occurrence, contraindre le tsar à faire une paix désavantageuse - était

alors dissociable de l'objectif militaire. A Waterloo, il n'y avait point de salut en dehors d'une

victoire tranchée: on peut comprendre qu'avec de telles dispositions d'esprit, Napoléon ait

accepté de courir des risques exceptionnels. L'explication des deux premières décisions, les

plus importantes, peut donc s'accommoder d'une connaissance objective de la situation. Quant

à la troisième, elle peut s'accorder avec l'hypothèse du cynisme tout autant qu'avec celle de la

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14

fureur: si la perte de la campagne devient inéluctable, ne vaut-il pas mieux en aggraver l'effet

pour fixer tragiquement la légende de l'Aigle? A nouveau, la complexité des objectifs force à

revenir sur l'explication première.

J'ai évoqué ces différentes possibilités explicatives non pour décider entre elles, ce qui n'est

pas de mon ressort, mais pour relever leur structure commune: elles se placent toutes à un

niveau de spécificité nettement plus considérable que le principe de rationalité lui-même. Si

l'on tient à les faire entrer dans le moule déductif-nomologique, ni le principe lui-même:

"les hommes agissent suivant des raisons",

ni même celui de la rationalité instrumentale:

"les hommes agissent en adaptant leurs moyens à leurs fins"

ne conviennent comme prémisses de l'explication. Ils n'ont pas la force logique convenable.

Ils ne permettent pas de faire la différence entre les possibilités qu'on s'efforce de départager.

Ils ne se prêtent pas à des tests intéressants. Pour toutes ces raisons, il faut faire intervenir des

prémisses universelles mieux déterminées, comme celle-ci:

(*) "si, parmi les conséquences incertaines des différentes actions possibles, l'agent n'en

reconnaît qu'une seule qui soit avantageuse, et que cet agent ne craigne pas de prendre des

risques considérables, alors il sélectionnera l'action qui lui donne les plus grandes chances

d'obtenir la conséquence avantageuse, quand bien même cette action accroîtrait

simultanément les chances de la conséquence la plus désavantageuse".

Aux yeux de certains philosophes, il n'est pas plus judicieux d'introduire des lois de ce genre

que de traiter le principe de rationalité comme une prémisse universelle de l'explication. Dans

un cas comme dans l'autre, on distordrait l'esprit du raisonnement historique, lequel, disent-ils,

serait exactement comme il se donne: non seulement il ne formule pas expressément de

propositions universelles, mais il n'en sous-entendrait pas et il n'en aurait pas besoin. A partir

de l'exemple de Napoléon à Waterloo, il serait facile d'aller en direction des critiques dirigées

contre la conception déductive-nomologique de l'explication historique.

xix

Je ne m'engage pas

dans cette voie parce que j'ai convenu d'accepter hypothétiquement la conception déductive-

nomologique pour juger plus facilement du principe de rationalité. Je ne veux pas non plus

approfondir la question difficile de la diffusion des explications rationnelles dans tous les

secteurs de l'histoire, au-delà de ceux qui s'y prêtent ostensiblement, comme l'histoire

militaire ou l'histoire économique. La thèse prudente que je défendrai à partir de mon

excursus napoléonien est donc celle-ci: à supposer qu'il ait besoin de lois implicites et que ces

lois aient à voir avec la rationalité des comportements, l'historien ne s'arrêtera pas au principe

de rationalité lui-même. Quand il intervient dans le raisonnement historique, le principe y

figure comme une proposition métaphysique ou une règle méthodologique latente: il

imprègne et oriente la démarche explicative mais sans figurer dans l'explication proprement

dite. Les philosophes qui ont prétendu le contraire, comme Popper tout au long et Hempel

dans ses écrits tardifs, se sont laissés prendre à des exemples triviaux ou insuffisamment

analysés.

Si elle devait se limiter au principe de rationalité lui-même, l'unité des différentes disciplines

serait bien lâche: que l'on se reporte à l'alternative qui terminait la deuxième section; je viens

d'en rejoindre la seconde branche. Heureusement, l'excursus napoléonien suggère d'autres

conclusions encore que celle-là. Les choix de l'agent "Napoléon" tombent sous des schèmes

assez généraux pour couvrir aussi bien les choix effectués selon la rationalité économique.

Ainsi, le schème du choix risqué en connaissance de cause, fixé dans la proposition (*), a sa

contrepartie technique dans la théorie von Neumann-Morgenstern et dans celle de Savage. Il

serait très facile de projeter sur les choix impériaux l'appareillage économique des préférences

Page 17

15

et des contraintes, en explicitant ensuite des intervalles de valeur convenables pour les

probabilités et l'attitude par rapport au risque. L'irrespectueuse transcription ferait ressortir le

fait important que l'économiste et l'historien militaire ne procèdent ni très différemment, ni

pourtant de la même manière. L'économiste adopte des spécifications que l'historien n'a pas à

reproduire parce qu'elles sont trop contraignantes par rapport à la tradition narrative de son

domaine, aux informations dont il dispose et, finalement, aux possibilités qu'il a de tester ses

hypothèses. On peut supposer et, jusqu'à un certain point, mettre à l'épreuve des documents et

des témoignages le fait que Napoléon n'ait pas craint de prendre des risques considérables à

Waterloo.

xx

Mais il ne serait pas judicieux de préciser exagérément cette expression - "ne pas

craindre de prendre des risques considérables" - pour laquelle un sous-entendu général suffit.

L'historien situe ses explications au niveau des schèmes rationnels eux-mêmes, ce que ne fait

jamais l'économiste. Cela étant, chacun peut comprendre l'autre, et ils se réclament tous deux

des mêmes schèmes.

Il serait très utile d'examiner la manière dont la sociologie exploite les schèmes rationnels

comme (*). On découvrirait probablement un configuration assez peu différente de celle qui

vient d'être décrite pour l'histoire: le sociologue exploite, pour ses explications, les schèmes

rationnels eux-mêmes. Les formulations économiques correspondantes lui apparaîtront

comme des illustrations compréhensibles et même éclairantes, mais le plus souvent trop

spéciales pour être exploitées telles quelles. Il y a peut-être un malentendu à dissiper à cet

égard: les sociologies du choix rationnel, celles qu'on associe par exemple aux noms de

Boudon ou de Coleman, sont plus éloignées de l'économie que ne le prétendent leurs

détracteurs. Les raisonnements explicatifs qu'elles mettent en ¿uvre atteignent rarement le

degré de spécificité que l'économiste regarde comme convenable.

Les constructions des économistes se présentent finalement comme des caricatures des

notions, schèmes et principes exprimables en langage courant dont s'accommodent les autres

sciences sociales quand elles traitent de la rationalité. L'optimisation caricature l'idée d'action

adéquate à ses conditions; la probabilité subjective de Savage, l'idée d'incertitude; l'attitude

pour le risque de von Neumann et Morgenstern, cette notion même si on la prend seulement

au sens vague et quotidien. Comme on le sait, les caricatures ont, sur d'autres représentations,

l'avantage de révéler instantanément l'objet dont on veut parler, et elles en font comprendre

certains traits avec une force persuasive exceptionnelle. Il serait naïf de reconstituer les choix

de Napoléon à Waterloo en lui attribuant une fonction d'utilité von Neumann-Morgenstern, et

cependant, on conçoit que l'historien appréhende les schèmes du choix risqué d'autant plus

clairement et distinctement qu'il aura déjà fréquenté la théorie des choix économiques. Les

récits de bataille ne font pas toujours le départ entre l'irrationalité, l'erreur factuelle, la prise de

risque et les autres possibilités explicatives. Séparer ces hypothèses comme il convient, aller

chercher des faits qui leur correspondent, décider entre elles ¿ les exagérations des

économistes préparent l'esprit à cette attitude scientifiquement féconde. En leur qualité de

caricaturistes, ils rendent des services peu douteux à l'ensemble des sciences sociales.

xxi

Ce serait tout de même faire, précisément, une caricature de leur activité que s'en tenir là.

L'analogie rencontre une première limite dans le fait qu'ils ne se contentent pas d'associer des

caricatures à des objets plus ou moins disparates, comme Daumier le faisait avec les types

humains ou les métiers. Les représentations économiques de la rationalité s'ordonnent entre

elles de manière logique; elles sont nettement plus unifiées que ce qu'elles représentent. C'est

à bon droit qu'on emploie l'expression de théorie économique (en réalité, micro-économique),

alors que personne ne parle de "théorie historique" et que l'expression de "théorie

sociologique" ne peut revêtir, semble-t-il, qu'un sens lui-même analogique. En second lieu, les

Page 18

16

caricatures sont toujours quelque peu désobligeantes, même si elles n'interdisent pas au

dessinateur de trahir aussi de la sympathie ou même de la tendresse. Elles expriment sans

réserve ses jugements de valeur, et de ce point de vue supplémentaire, elles ne présentent pas

l'analogie désirée avec les inventions de l'économiste. Dans la caricature, je retiens donc

exclusivement la manière d'isoler certains traits, valorisés ou non, par exagération et

grossissement de ce qui existe; en bref, un procédé spécifique d'abstraction concrète. Si l'on

rejette encore l'analogie des caricatures après qu'elle vient d'être circonscrite, on acceptera

peut-être plus facilement celle des cartes routières, qui ignorent les détails du terrain et

grossissent d'un facteur dix ou cent les voies de communication. On peut aussi évoquer ces

planisphères où la taille des pays est déformée à raison d'un critère choisi, comme la

population ou le produit intérieur.

Lorsque la théorie économique s'occupe de rationalité, elle ne se contente pas d'inventer et

d'agencer des concepts techniques, mais elle fait la critique de ses propres inventions.

Historiquement, ce sont des économistes qui, avec Allais, ont introduit les variantes non

linéaires de la théorie de von Neumann et Morgenstern: les psychologues n'ont fait ici que

suivre et accentuer un mouvement déjà lancé. Ce sont les théoriciens des jeux - c'est-à-dire,

pour simplifier, des économistes encore - qui ont contesté les premiers et le mieux la validité

de l'induction à rebours. C'est en économiste, et non pas en psychologue, que Simon a formulé

sa conception initiale de la rationalité limitée. Si, le tout dans le tout, les caricatures

fournissent peut-être une moins mauvaise analogie de la méthode économique que les cartes

routières, c'est que la discipline ne se contente pas de produire des représentations exagérées.

Elle est aussi la seule qui puisse expliquer, en s'élevant jusqu'aux concepts naturels, pourquoi

ce sont des exagérations. En l'occurence, sa méthode, qui serait facile à illustrer par l'article

célèbre d'Allais (1953), consiste à remonter vers les schèmes du raisonnement pratique

ordinaire, voire au principe de rationalité lui-même, puis à redescendre vers de nouvelles

représentations exagérées. Par ce va-et-vient caractéristique, la discipline renouvelle le stock

de ses caricatures. On retient souvent la naïveté pédante des micro-économistes en oubliant

leur sens critique, pourtant exacerbé chez les grands théoriciens. Ce n'est pas seulement la

discipline de Becker, mais celle de Simon ou d'Allais; et celle, aussi, de Samuelson, dont les

boutades ont donné à réfléchir tout autant que les théorèmes.

5. Pour résumer

Dans des travaux antérieurs,

xxii

j'avais tenté de montrer que la modélisation économique était

irréductiblement spécifique: elle ne serait pas une manière détournée de parler de la rationalité

en général, et elle serait même tellement spéciale que, parfois, elle cautionnerait l'irrationalité.

Sans reprendre ici la thèse ni même la supposer acquise, j'ai tenté d'approfondir autrement

l'affirmation moins forte et presque indiscutable qui lui servait de point de départ: le "modèle

rationnel" et le "modèle économique de la rationalité" ne coïncident pas. Il s'avère que,

convenablement exploitée, cette observation permet de reprendre à nouveaux frais la

discussion sur le principe de rationalité. Précisément parce qu'on a mal apprécié l'observation

initiale, on a fait du principe soit une bannière commune, soit une pomme de discorde pour les

sciences sociales. Lorsqu'on a vu l'unité là où elle n'était pas (Popper), et la division là où elle

n'était pas non plus (Pareto, puis Becker), c'était chaque fois parce que l'on confondait le

principe de rationalité avec certaines prémisses de théorie économique plus fortement

spécifiées que le principe lui-même. L'interprétation nomologique du principe ne peut pas

convenir à l'économie. A partir, il est vrai, d'un unique exemple historique, celui du récit de

bataille, j'ai tenté de montrer que l'interprétation nomologique ne convenait pas non plus aux

autres sciences sociales. Quelle que soit la discipline considérée, seule l'interprétation

Page 19

17

métaphysique convient au principe de rationalité. Dans une classification sommaire des

propositions en sciences sociales, il est encore plus proche de celles-ci: "Les systèmes

économiques se définissent par leurs contradictions", "La nature des institutions reflète les

intérêts de la classe dirigeante", que de celle-là: "La demande d'un bien normal décroît avec

son prix". Une fois que l'on s'en convainc, on déporte l'analyse du principe lui-même vers les

niveaux de spécification de la rationalité qui sont réellement explicatifs, et il apparaît alors

que l'économie se distingue par sa manière singulière de mettre en scène, en les outrant, les

schèmes rationnels dont se contentent l'histoire et la sociologie.

REFERENCES

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18

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Weber, M. (1922), Gesammelte Aufsätze zur Wissenschaftslehre, Tübingen, Mohr et Siebeck. Tr. fr. partielle,

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NOTES

i

Pour illustrer ces trois points: Simon (1983), Day et Groves (1975), Gilboa et Schmeidler (2001). Le modèle

optimisateur a fait l'objet d'une synthèse récente chez Mongin (2000).

ii

Je ne connais qu'une exception à cette tendance, la doctrine de l'apriorisme économique chez von Mises (1949).

Après d'autres, j'en ai tenté la réfutation (Mongin, 2001b).

iii

Voir notamment W. Salmon (1998). Mongin (2001a) reprend certaines des critiques en liaison avec

l'explication économique. Boudon (1984) a contesté d'une autre manière la conception déductive-nomologique.

Les objections les plus vives, en sciences sociales, émanent des spécialistes de méthodologie historique.

iv

C'est l'un des points sur lesquels ils se séparent de Hempel (1965). Celui défendait une conception déductive-

nomologique de l'explication pour les sciences sociales, mais sans la relier aussi étroitement qu'ils le font au

principe de rationalité.

v

La littérature sur le principe de rationalité est immense et il est impossible de lui rendre justice ici. Je me

contenterai d'une unique référence en langue française: Lagueux (1993).

vi

Machina (1999) étend le résultat au-delà du cas linéaire. Mais sa définition de l'aversion pour le risque - par la

concavité des fonctions d'utilité qu'il considère - reproduit conceptuellement la définition de la théorie von

Neumann-Morgenstern.

vii

Voici un exemple qui illustre les idées de ce paragraphe. L'entreprise 1 a le monopole des ventes dans les

villes A et B. Une entreprise 2 doit décider si elle contestera ou non le marché de B; l'entreprise 1 doit alors

décider soit de déclencher une guerre des prix contre 2 dans B, soit de partager avec 2 le marché de B. Si l'on

complique la situation en ajoutant d'autres villes C, D, ..., et d'autres concurrents potentiels 3, 4,..., on retrouve

l'exemple bien connu de la "chaîne de magasins". Compte tenu des valeurs de paiements choisies, l'équilibre

parfait en sous-jeu correspond à la situation de partage du marché. On pourrait privilégier une notion d'équilibre

qui fasse la part plus belle à l'effet de réputation (l'entreprise 1 déclenchant la guerre des prix contre 2 pour

décourager l'ensemble des entrants, y compris 3, 4,...). C'est de ce point de vue notamment que l'induction à

rebours comporte un "paradoxe", ainsi que le signalait Selten (1978).

viii

On défend la nécessité de l'optimisation grâce à l'argument de la "pompe à finances", money pump, dont

Rabinowicz (1995) analyse la version la plus élaborée. On défend le critère de von Neumann et Morgenstern à

partir de la cohérence temporelle et de notions apparentées, introduites par Hammond (1988). L'induction à

rebours fait l'objet de discussions publiées régulièrement dans la revue Games and Economic Behavior.

ix

Manuel d'économie politique (II, §3), Traité de sociologie générale (II, §150).

x

Pour être tout à fait exact, des actions logiques d'un certain genre qui se prête bien à l'étude: "les actions

logiques, répétées, en grand nombre, qu'exécutent les hommes pour se procurer des choses qui satisfont leurs

goûts" (1909, III, §1).

xi

Comme les spécialistes contemporains de sociologie économique. La position de Granovetter (1985) me

semble toutefois viciée par une représentation inadéquate de ce qu'accomplit la théorie économique.

xii

On peut lire à ce sujet l'ouvrage d'un sociologue de l'éducation, Gambetta (1987), qui met en scène, pour la

récuser ensuite, l'alternative précédente de l'explication causale et de l'explication rationnelle. Le titre est

révélateur: Were they pushed or did they jump?

xiii

En particulier, le travail méthodologique de Boudon (1978, 1979, 1993) sur la rationalité les a confortés

depuis un moment déjà. L'homo sociologicus est pour lui une généralisation de l'homo ¿conomicus, et non pas

son complément irrationnel. Ce point de vue se retrouve dans les commentaires de van Parijs (1990).

xiv

Voir par exemple Essais, p.339. Comme Weber, j'ai implicitement exclu la possibilité d'une explication finale,

mais non intentionnelle, du comportement social, ainsi qu'il en va dans une certaine sociologie fonctionnaliste

des rôles. C'est l'intentionnalité non rationnelle, et non la finalité non intentionnelle, qui constitue une "transition

flottante".

xv

Chiappori et Orfali (1997) l'admettent volontiers, alors même que leur comparaison entre l'économie et la

sociologie met en avant la question des préférences. On comparera le développement qui suit à leurs

observations, ainsi que, de nouveau, à celles de van Parijs (1990).

xvi

On suppose coutumièrement que le coefficient d'aversion pour le risque décroît avec la fortune.

xvii

On peut laisser de côté cette idée spéculative à laquelle Becker semble tenir également: la sélection naturelle

déciderait des propriétés caractéristiques des préférences.

Page 21

19

xviii

Comme Fuller (1939), qui fait état d'informations différentes de celles de Clausewitz, de nature à renforcer la

conclusion.

xix

Cf. les articles réunis par Gardiner (1974), notamment celui de Dray.

xx

Le Mémorial de Saint-Hélène livre peu d'information utilisable sur Waterloo: Napoléon y prend la pose et fait

même la leçon à Wellington et Blücher! Mais les documents d'état-major que commentent Fuller aussi bien que

Clausewitz sont très instructifs.

xxi

Portraiturer l'économiste en caricaricaturiste ¿ cette idée était déjà venue à Gibbard et Varian (1978). Je

l'exploite plus précisément qu'ils ne le faisaient, puisque je la fais porter sur le rapport de l'économie à la

rationalité et aux autres disciplines.

xxii

Cf. Mongin (1984 et 2000).

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