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Lire un bon livre


Maroudiji

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Membre, 68ans Posté(e)
Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 68ans‚
Posté(e)

L’immortalité, avec Fernand Dumont. Le lieu de l’homme

En face du marché où ma femme fait ses courses une fois par semaine durant la belle saison, il y a un

bistro fréquenté par des maghrébins et des pieds noirs. C’est là que je l’attends et je m’offre un café que

j’apprécie d’autant plus qu’il est hebdomadaire. Parmi la faune que forme la clientèle j’entretiens une

relation joviale et piquante avec quelques nostalgiques d’un autre monde, notamment un vieux juif qui a

participé à la naissance du Club Med et le fils d’un colon français qui dirige avec son associé une boîte

de publicité à Montréal. Ce dernier se rend de temps à autre avec sa conjointe à Alger où vit leur

belle-fille que leur fils a divorcé. Ils ont gardé cependant une très bonne relation avec elle. Je crois

qu’ils l’aident financièrement dans le maintien d’un restaurant qu’elle a ouvert et qui fonctionne bien. Il

m’a offert un essai pour le voyage que je m’apprête à faire ces prochains jours. "Lecture contrainte et

forcée", ai-je pensé… Je le lui ai fait savoir en arborant un sourire amical. Il m’a dit que je ne le

regretterai pas et que je me dois de connaître Fernand Dumont (un intellectuel québécois). Je l’ai remercié

chaudement en lui promettant que je n’y manquerai pas. Maintenant le livre, Le lieu de l’homme, est rangé

dans la valise. Je ne l’ouvrirai que lorsque je serai dans la salle d’attente de l’aéroport. Je prends ces

précautions car un bon livre m’absorbe totalement et réussit à me détourner d’affaires plus pressantes.

J’ai lu tout de même la quatrième de couverture et j’ai osé m’aventurer sur la première page de la

présentation, écrite par un certain Serge Cantin. Le passage que j’extrais m’a immédiatement porté à faire

le parallèle avec le Mahabharata* : « De nos jours, plus que jamais sans doute, les grandes œuvres de la

pensée mènent une double vie : celle, apparente et évanescente, que leur prescrivent comme à tout autre

"produit culturel" les lois d’un marché axé sur l’Impératif catégorique du nouveau et du consommable ; puis

une autre vie, souterraine sinon clandestine, où elle s’entête à durer, à ne pas se laisser réduire aux

circonstances de leur apparition, témoignant ainsi, à travers l’étrange puissance contraignante qui les

habite, de cette modalité spécifique de l’être historique envers laquelle notre époque se montre si peu

accueillante : l’immortalité. »

ob_c35d51_fernand-dumont-le-lieu-de-l-homme.jpg

* J'ai un fil consacré à cette œuvre millénaire L'Inde et le Mahabharata

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Membre, 27ans Posté(e)
BlackSwan Membre 42 messages
Baby Forumeur‚ 27ans‚
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Le titre m'attire par contre "Impératif catégorique" ça sent bon le Kant, c'est pas franchement mon truc, je dois avouer ^^

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Membre, 68ans Posté(e)
Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 68ans‚
Posté(e)

Ce n'est pas le mien non plus. Aujourd'hui j'ai écrit plein de choses, alors peux-tu me dire ce qui te faire penser à ça dans le texte, je ne me souviens pas ?

C'est drôle, j'ai justement pris des notes par rapport à Kant, ce matin. Mais cela n'avait rien à voir avec ce livre. Peut-être es-tu un peu médium ?

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Membre, Posté(e)
lying58 Membre 169 messages
Baby Forumeur‚
Posté(e)

J'aime bien lire les livres drôles et inspirants, parfois ils m'ont donné des conseils éducatifs et expériences dans la vie. puis ceux de drôles qui m'ont fait du bien, ça m'a amusé et à la fois relaxé.

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  • 2 semaines après...
Membre, 68ans Posté(e)
Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 68ans‚
Posté(e)

Le lieu de l’homme est le seul livre que j’ai pris pour le voyage. À l’évidence, j’ai commis une erreur. Elle était prévisible mais j’ai voulu croire à la parole de celui qui me l’a offert : « un essai qui se lit tout seul ». Sur la quatrième de couverture il est écrit à propos de l’auteur : « Il a fait avec la pensée scientifique ce que Gaston Miron a accompli avec la poésie. » Un cocktail, en perspective, potentiellement nébuleux qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille et m’inciter à prendre par prudence un livre de remplacement. Car, poésie, science et philosophie, en outre par un auteur québécois qui m’est inconnu, le doute aurait dû me conseiller que l’exercice ne ferait pas long feu. Si quelqu’un m’a déjà lu, il sait mes critiques acerbes envers ces trois disciplines. Par-dessus le marché, l’auteur est un chrétien engagé. Mais, écrit Serge Cantin, « Dumont est avant tout un philosophe. Ce qu’a du reste reconnu officiellement l’institution philosophique québécoise en l’invitant à prononcer la conférence d’ouverture du Congrès mondial de philosophie tenu à Montréal, en 1983. »

J’ai beaucoup lu et adoré pour son écriture et sa pensée feu Jean-François Revel. Il a écrit un livre que je recommande : Pourquoi les philosophes ? Il y déboulonne les philosophes, en grande partie pour le résidu religieux, athée ou spirituel, qui ne dit pas son nom, souvent inconscient, mais toujours sous-tendant le raisonnement, comme une ombre déterminante et comploteuse. Je suis tout à fait d’accord avec lui sur ce point. Mais… D’ailleurs, dans son livre écrit avec son fils, Mathieu Ricard, Le moine et le philosophe, Revel lui concède, singulièrement, d’une manière que je ne lui connaissais pas, que le bouddhisme est une philosophie.

« Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres » écrivait Tocqueville. Passé ou pas, c’est le cas la plupart du temps et particulièrement avec l’auteur de ce livre, Fernand Dumont.

Pour tenter de limiter les dégâts, on a pensé à rééditer cette « œuvre dont l’intérêt universel paraît si peu contestable qu’il est difficile de se demander ce qui a bien pu en retarder la réédition. » C’est indigeste, voilà pourquoi en ce qui me concerne. Prose écrite en mode poésie, on nage dans l’abstraction philosophique dont les postulats, quand on les saisit, sont très discutables. « La maxime de jadis, écrit Serge Cantin, se trouve inversée : nous savons plus que nous ne pouvons. Mais d’un savoir qui cherche la forme d’une mémoire. » Ce qui n’est pas juste, et confus. À mon avis, la génération actuelle ne lira cet essai que par snobisme.

Si elle le lit. Nos sociétés sont conditionnées par l'idée de progrès et d'évolution, ce qui fait que toute leur manière de penser est tordue...

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Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 68ans‚
Posté(e)

Voici un passage facile à lire sous la plume, cette fois, de Fernand Dumont. Il débute ainsi : « Depuis que les hommes parlent… » À partir de ces quelques mots, je sais déjà que je ne suis pas dans la philosophie ou dans la science, mais dans l’idéologie ringarde de l’homme des cavernes. PERSONNE ne sait depuis quand l’homme parle, ni comment cela s’est produit. C’est un mystère. (Je souligne. Je précise des fois que la transcription l’effacerait.) Dumont confond théorie et vérité. Cette façon de procéder me tape sur le système car elle empêche tout progrès et nous fait tourner en rond.

« Depuis que les hommes parlent, depuis qu’ils écrivent… » PERSONNE ne sait quand l’homme a commencé à écrire. C’est un mystère ! Si l’on veut procéder rationnellement, il faut alors se tourner vers l’Inde, vers le sanskrit dont le mot veut dire parfait, une langue et une grammaire parfaites. Non, malheureusement ce fait historique n’a aucune importance aux yeux et aux oreilles de nos penseurs occidentaux, obsédés qu’ils sont par d’autres croyances. Pourtant, l’Inde est le seul pays où l’on retrouve des textes qui décrivent exhaustivement le passé et la culture d’une civilisation, et non des moindres. Aucune autre nation au monde ne possède ce genre de documentations mais il ne viendrait pas à l’idée de nos intellectuels de considérer cet aspect de l’histoire et des sciences, un authentique et rare patrimoine de l’humanité. On préfère répéter à l’envie, comme des perroquets, les mêmes préjugés siècles après siècles, pensant que par cette méthode une idée deviendra réalité.

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Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 68ans‚
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Le reste du passage -lisez attentivement- ne vaut pas mieux, il est puérilité imaginative et hypothétique. Bien qu’il soit légitime, il n’a pas grande valeur quand il sert de praxis. « Depuis que les hommes parlent, depuis qu’ils écrivent, ils ont voulu ramener le mutisme de l’univers et leurs sauvages intentions intimes à des horizons repérés et à des angoisses fondées. Habiter le monde, ce fut peut-être d’abord un long cri jeté dans une nuit sans frontières, comme celui qui vient encore au promeneur égaré dans les bois. Puis ce fut, sans doute aussi, la lente récupération des articulations de ce cri et des rivages qu’il tentait d’atteindre. » Le ton est donné. De la spéculation gratuite pure et simple à saveur existentialiste.

Parenthèses. Cela me fait penser à l’échange que j’ai eu dernièrement ici sur le forum Société. Ce n’était certes pas le bon sauvage de Rousseau qui allait conquérir le monde mais l’homme essentiellement mauvais dont la banalité sauvage justifie la haine destructive pour assoir une civilisation supérieure, conception en écho à la théorie darwinienne et machiavélique : le plus fort s’adaptera au dépend du plus faible. Ainsi va la vie !

En plus de l’idée fantasmée que l’on se fait des premiers hommes, avec toutes les conséquences logique et philosophique abracadabrantes, sans parler de l’époque aux lourds préjugés qui a précédé ou chevauchée le XX siècle, il y a celle, tout aussi mythique, qui veut que la civilisation grecque fut la quintessence de toutes les autres, ce qui est d’un absurde dogmatisme digne d’un raisonnement scholastique, moyenâgeux si vous voulez. Lisez : « On pense à une correspondance de cette crise qui est nôtre avec un autre moment de l’histoire de l’Occident : avec cette crise de la Cité grecque du V siècle à laquelle Socrate essaya de donner un sens. » Encore et encore ! Socrate, Athènes, l’invention de la démocratie, c’est sur cet angle culturel extrêmement obtus que se fixe la pensée lorsque le regard des savants cherche l’horizon de l’histoire des hommes. « Mais on ne peut guère renoncer à une brève évocation, écrit Dumont : non pas pour chercher une quelconque origine à nos problèmes, mais pour projeter sur ceux-ci l’éclairage d’un des seuls mythes qui aient encore survécu en Occident. » Et pourquoi donc ? Pourquoi est-ce le seul ? Il ne le dit pas… « Car la crise, continue-il, où Socrate a fermement ancré son intention était bien, en son fond, une crise du langage. » (p. 46)

Une crise du langage…

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Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 68ans‚
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Deux paradigmes de la médecine

Notes à relier à ce boucher qui enseigne la plus haute forme de religion à un brahmane, une histoire contée par le sage Markandeya dans le Mahabharata. Elles me permettront par la même occasion d’engager l’attention des lecteurs sur la science qu’était, et qui l’est toujours dans une certaine mesure, mais très amoindrie au point qu’elle en n’est plus que l’ombre, la médecine ayurvédique.

Et je parle bien d’une science sans ambigüité, une science telle qu’on envisage aujourd’hui ses règles, mais avec plus d’efficacité, de subtilité et sans les effets secondaires et dévastateurs de la médecine contemporaine dont nous exaltons démesurément ses prouesses, tant nous sommes ignorants et bornés dans notre désir d’imposer nos croyances religieuse, matérialiste et athée à toute l’humanité.

Ce faisant, nous dénigrons le plus vulgairement possible et avec un acharnement viscéral et traditionnel cette autre réalité millénaire ayant survécu avec peine et misère à cause de ces humains qui détestaient l’idée que les anciens, les païens, aient pu être en possession d’un savoir supérieur ou du moins un savoir en inadéquation avec la conception de l’histoire que nous avons forgée.

Pour le dire en quelques mots, puis je passe à un nouveau bon livre à lire, le sujet de ce post-ci, la médecine -d’autrefois- avait été conçue avec des visées démocratiques (oui, vous avez bien lu et son art perdait de son efficacité si cette intégrité était mêlée à des intérêts personnels), tandis que notre concept de la médecine (surtout depuis que les Occidentaux se sont mis à la science, détachée des superstitions de la religion, occidentale, bien évidemment, qui de toute façon n’y trouvait aucun intérêt) avait pour but de dominer la nature et de l’exploiter coûte que coûte par tous les moyens, même les plus vils.

Résultat : la plupart de nos médecins aujourd’hui sont formés pour le rendement et s’attendent au niveau de vie d’un bourgeois de classe supérieure, tandis que les outils pour pratiquer cette médecine, comme d’ailleurs tous les outils de la science, valent de mal en pis un prix et sont si exorbitant que l’on y songe à plusieurs fois si le pauvre peut en bénéficier. Tout cela fait que les citoyens d’un pays avancé techniquement et démocratiquement comme le Canada doivent attendre des mois, sinon des années avant de recevoir un traitement crucial pour sa santé.

« - Papa… papa…

Et se rappel-là acheva de lui déchirer le cœur. » L’athée au pied du désespoir, happé par la mort de sa fille, cherchant un réconfort dans une illusion qui reconstitue la scène idéale, tout en avouant son impuissance face à un destin absurde et irréversible : « Il ne croyait à rien Doutreval, il savait qu’il n’y avait rien, rien que la pourriture, derrière la mort. Pourtant, il lui aurait été doux de voir ce qui avait été Mariette s’en aller avec sa barrette. Trop tard. » Ainsi s’achève à quelques lignes près le livre de Maxence van der Meersch, Corps et âmes (1943).

Je vous raconte la suite…

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Membre, 68ans Posté(e)
Maroudiji Membre 6 485 messages
Forumeur expérimenté‚ 68ans‚
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Et voici le début, pratiquement, du premier volume de Corps et âmes : « Il reprit son scalpel, il se remit à un cadavre aux trois quarts rongé, étalé devant lui sur la table de marbre. Tous les muscles étaient enlevés. Cela ne faisait plus qu’une grande chose de chair vineuse, avec de gros os jaunâtres reliés par de longs cordons fibreux, blancs, pareils à des ficelles. Tillery, avec minutie, ôtait de petites masses de chair à demi putréfiées qu’il roulait en boule et jetait dans un bac à déchets sous la table, comme un boucher. Les autres aussi avaient repris leur dissection, et, la cigarette aux lèvres, lâchaient des plaisanteries grasses et des mots crus. Réaction instinctive d’une jeunesse plongée brutalement dans la dure vérité de la condition humaine, et chez qui la grossièreté et la gaîté sacrilèges ne révèlent sans doute qu’un besoin désespéré de se durcir le cœur à tout prix. Seteuil tenait en main un morceau de chair indistinct, où adhérait encore de la peau et des poils. Il grattait l’intérieur, le tournait, le retournait. Brusquement, il le regardait de plus près, une minute.

- Dis donc, Tillery, fit-il, tu sais ce que tu charcutes ? Tu sais qui c’est ?

Il montrait le morceau de chair accroché à ses doigts : une face humaine décollée des os, une espèce de masque jaune, ridé, fripé, où l’on discernait encore vaguement une figure de vieille dame.

- Non, dit Tillery.

- C’est ta vieille de l’hôpital, celle qu’a opérée Géraudin. Ton flirt vieux satyre! Tu lui portais des paquets de prises.

Tillery pris le masque de chair, étala cette peau sur sa main, la considéra :

- C’est vrai, dit-il, merde! »

Et de là, nous allons sauter en Inde où l’art de la médecine et celui de la chirurgie étaient connus des milliers d’années avant que nous, Occidentaux, ne nous penchions dessus. Mais dès que nous avons réalisé l’existence de ce potentiel scientifique que constituait la médecine, nous avons agi comme si nous l’avions découvert, avec cette idée obsédante et complexée d’être, parmi l’humanité, the best of the Univers. Que diantre, pas moins que ça ! Nous avons toujours à la bouche les mots d’égalité, de liberté et de démocratie mais avec le projet sournois que nos nations sont destinées à imposer coûte que coûte leur supériorité matérielle et spirituelle. Ce faisant, avec l’aide de nos savants les plus distingués, nous avons reconstitué l’histoire du monde, notre histoire, à partir de l’invention du feu, comme on dit béatement, jusqu’à la médecine nucléaire, toujours en oblitérant péremptoirement les connaissances scientifiques que possédaient les civilisations antiques, par peur, conformisme et uniformatisation, d’abord par le fer et le sang, avec une détermination diabolique, puis par la culture et la propagande. Mais malgré cette haine pour le paganisme et les traditions anciennes, ces vérités que nous pensions mortes et enterrées, comme de mauvaises herbes, gênantes et inutiles, ressurgissent avec autant de volonté que nous avons mis à les tuer et nous mettent dans un embarras difficilement conciliable avec notre morgue.

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