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L'ombre de moi-même


Jedino

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Je me suis levé, de bon matin, encore confus d'avoir si mal dormi. Dans le quart d'heure qui a suivi, je me suis d'ailleurs demandé longuement et, il est vrai, nerveusement, si je n'y étais pas resté. C'est vrai qu'après mon passage obligé et mécanique devant le miroir, j'avais de quoi me questionner. Au point de m'y reprendre à deux fois, histoire de bien doublement halluciner. Car, vous l'aurez compris, ce n'est pas mon visage que je voyais devant moi, mais bien celle qui m'accompagne à l'extérieur, sous l'éclat du soleil. Pour tout vous dire, je ne me voyais pas précisément puisque j'étais invisible, à ce moment-là.

Je pourrais vous décrire banalement l'angoisse que j'ai pu ressentir après ça, m'inquiétant de mille détails inutiles. Mais cela n'a pas grand intérêt, et les avantages de ma situation se sont révélés très rapidement. Pour m'en convaincre, j'ai toqué chez mon voisin qui, en ouvrant, n'a aperçu personne. J'ai poursuivi en entrant chez lui et, je dois dire, en ai profité quelque peu pour me venger de deux choses ou trois. Des objets volants et cassés et une porte s'ouvrant d'elle-même plus tard, j'ai continué en allant dans la rue.

Toujours rien. La discrétion absolue. L'occasion de sauver des gens ? De faire de bonnes actions ? Allons, je vais garder ces plaisanteries pour moi. J'ai d'abord hésité entre le braquage d'un simple magasin d'avec celui d'une banque. Puis, je me suis dit que les deux pouvaient se faire. Quoi qu'avant, j'avais à vérifier que mon cher camarade à emmerdes se porte au mieux. Il n'a pas trop compris, je crois, ce qui lui arrivait. Nous ne nous battons pas contre le vent tous les jours. Peut-être aurait-il pu finir chez les fous, pour le coup, si j'avais su être raisonnable. Parce qu'en effet, il expliquait avoir entendu un fantôme lui parler comme un homme qu'il connaissait de longue date, ce même fantôme l'ayant très clairement tabassé.

Mon escapade a fait escale ensuite chez mon collègue. Un chic type, vu de loin. Un type qui mérite d'avoir les pneus qui crèvent, en réalité. Bon, je l'admets, je n'ai pas pu résister à l'idée de casser ses vitres aussi. La tentation, vous comprenez ? Parfois, ça nous échappe, donc nous agissons, et nous prenons seulement conscience de la connerie plus tard. Une espèce de rappel à la bonne morale, un truc comme ça, oui. Le remords, si vous voulez. Ou le sentiment du devoir accompli, dans mon cas.

A l'épicerie, tout s'est globalement passé tel que je l'imaginais. Le mec flippe, ne bouge pas d'un centimètre, observe tétanisé la caisse s'ouvrir et les billets se promener, et se sent revivre quand le spectre qui l'a volé s'en va enfin, et sans l'avoir remarqué.

Peut-être, néanmoins, que la banque fût de trop. Que le manque d'expérience, la sensation de puissance, font que nous exagérons rapidement, franchissant des limites que nous ne maitrisons pas si vite. L'entrée s'est déroulée parfaitement. L'incompréhension a été mon meilleur atout. Aucune réaction héroïque ne vient à l'esprit d'un être rationnel faisant face à l'extraordinaire. Il se tait, regarde anxieusement, et espère avec désespoir que tout se passera sans qu'il n'ait à sauver son existence. Bref, je me voyais déjà loin, et riche. Le problème, c'est que la fougue et l'ambition m'ont mené à négliger le fait que je restais une ombre. Autrement dit, que mon absence n'est due qu'à l'absence de celui qui me dévoile. Or, à ma sortie, le voilà qu'il se trouvait bien assez haut pour éclairer la pièce de devant, me rendant visible comme le serait un hologramme. Il fallut pas plus à un gardien courageux, que je tiens à saluer à nouveau pour son action qui mérite d'être prise en compte et notée, pour me sauter dessus et me maintenir à terre alors que j'étais nu.

Vous savez à présent tout, messieurs les policiers. Je ne sais ni comment, ni pourquoi. Je sais uniquement que je suis. Dites-vous que les raisons sont au fond aussi invraisemblables que celles que nous cherchons pour justifier notre vie ou notre façon d'être conçu. Je me suis couché le soir en homme et me suis levé en spectre. Cela seul est certain. Pour le reste, j'aurai sans doute le temps d'y songer, n'est-ce pas ?

13 Commentaires


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Tu fais exprès de jouer sur les sonorités ? Ca fait limite mal tous ces " an " en début de texte. Et y a limite trop d'adverbes... Tu devrais essayer un gueuloir chez toi - si ce n'est déjà fait - c'est du déjà vu mais cet auteur ne laissait rien au hasard ;)

Je me suis couché le soir en homme et me suis levé en spectre. Une de tes plus belles phrases en mon sens. Mes yeux sont restés scotchés dessus. A méditer.

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Merci, B(ier)yrrh!

A vrai dire, non. Ce n'est pas fait exprès. Et oui, c'est du déjà vu, mais comme toutes les idées que j'ai en tête, elles doivent en sortir pour que je sois libre à nouveau.

Ah je ne sais pas s'il faut la méditer, mais elle sonne pas trop mal, oui.

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Je parlais du gueuloir ! Tous les textes sont nouveaux, je ne te fais pas de critique là dessus ! C'est déjà bien beau d'avoir les couilles de partager ta créativité, même de façon anonyme. Tu as du talent, il faut peaufiner ;)

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