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Une belle nuit parisienne


yacinelevrailefou

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Paris, 5ème. Métro Place Monge.

C'est bientôt l'heure de la prière de la nuit. Je marche d'un pas tranquille jusqu'à la porte de La Grande Mosquée de Paris, splendide édifice construit peu après la grande guerre en l'honneur des musulmans d'Afrique du Nord morts aux combats. Ce soir encore, on se bouscule pour tenter d'atteindre la miséricorde d'Allah... Incha Allah. Je file vers la salle des ablutions : énorme capharnaüm où sur un parterre de scandales, chaussures s'entrelacent les flaques d'eau, les bruits et vapeurs berbères, ainsi que les odeurs. Ces odeurs sont les vestiges de cette journée d'été, conséquence de la pauvreté, des errances dans la saleté parisienne, qui, une fois lavé, s'évaporeront vers la lune. La sueur alliée à la crasse parfois vagabonde au gré des mouvements des fidèles dans l'enceinte de cette salle d'eau. Là, un homme enveloppé dans une couverture marron-jaune, à la chevelure dense et sauvage, semble déraisonner à mi-voix, le regard fixé sur les mosaïques d'un lavoir; ici, un groupe d'amis plaisantant sur l'atrait qu'ont leurs compatriotes tunisiens pour la France ou sur l'élegance des démarches administratives pour obtenir un récepissé de séjour, se rasent au savon de Marseille... et moi, voyageur, surveillant ma valise noire du coin de l'oeil, je me lave les mains, le visage, jusqu'à passer de l'eau sur mes chaussettes en guise de purification rituelle.

Avant de partir de cet endroit, à la sortie, un vieil homme, un bâton à la main, m'adresse le salut pour me vendre une montre Cartier de contre-bande. Je n'ai pas un sous, mais je fais semblant d'être interressé... Je marchande pour rien, mais cela fait du bien de parler "affaire". Un autre homme, plus petit et coiffé d'une taguia, vient se coller à notre discussion. Il se dit médecin autodidacte. Son blouson est rappiécé et il sent les pieds. Après nous avoir donné quelques conseils odonthologiques, notamment de faire frequemment des bains de bouche avec du gros sel, l'appel à la prière retentit au fond du haut-parleur usé, tenant au dessus de nos têtes par une bobine de fil de fer rouillée... La salle de prière est bondée. Plusieurs lecteurs de coran ferment leur livre tandis que d'autres prient. L'office va commencer. J'arrive à me faufiler jusqu'au premier rang : quel bonheur !

En suite de la prière en commun, les invocations fusent. Toutes demandes sont adressées à Allah, Dieu unique de la création. Je fais les miennes. Je fais le voeux de dormir dans un endroit sûr et confortable. Avec beaucoup d'espoir, j'ai foi en mon seigneur.

Puis, le monde sort de la mosquée. Elle va fermer pour la nuit. Nul ne doit plus s'y trouver. Je suis embêté, ne sachant où aller je tente de repérer les lieux. Non loin de la salle des ablutions, un vieux puit couvert d'une planche de bois décort l'allée. Me souvenant du récit coranique sur le prophète Youssef, je soulève la planche. Surprise,au fond de ce puit, je peux voir une salle de cours vide encore éclairée. Il y a donc un sous sol et on y fait la classe... Mais j'entend le gardien du lieu qui s'approche. Je rentre dans le puits, m'aidant de mes jambes et de mon dos pour me tenir aux parois. Comme suspendue, je repense à la sagesse et à la patience de Youssef. Voilà bien une heure que je tiens en place à l'interieur du puits quand les lumières de la classe que je surplombe s'éteignent. Prétant l'oreille vers l'extérieur, je n'entend plus rien. Je sors de ma cachette. La Grande Mosquée était alors tout à moi ! Et du haut des remparts, la rue paraissait loin.

Cette nuit, j'ai bien dormi. Merci mon Dieu !

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